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Laure d’Estell (1864)/36

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Michel Lévy frères, libraires éditeurs (p. 152-153).
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XXXVI


Mon cœur s’ouvre à l’espérance… un Dieu tutélaire veille encore sur moi ; c’est lui qui m’a envoyé le seul homme en qui j’aie confiance, c’est lui à qui je devrai peut-être la vie de mon enfant. Hier, dans le moment où la tête appuyée sur le berceau de ma fille, je l’inondais de mes larmes, le bruit d’une voiture vint frapper mon oreille ; je courus à la fenêtre, et j’aperçus le docteur Nélis au milieu de la cour ; je volai à sa rencontre, et sans pouvoir lui dire un mot, je le conduisis auprès du lit de mon enfant. Là, j’observai chacun de ses mouvements, je cherchais à lire dans ses yeux ma sentence, ou l’espoir qui devait me rappeler à la vie, quand je le vis réfléchir et garder un profond silence ; un instant après, il découvrit la tête d’Emma, y posa un topique, et dit :

J’espère que ce remède n’aura point été administré trop tard ; mais il était temps que j’arrivasse, car le dépôt est formé depuis plus de quinze jours.

Puis se tournant vers moi :

— Prenez courage, me dit-il, si le topique attire l’humeur avant que l’abcès ne soit à son terme, votre enfant est sauvé.

Juge de l’état dans lequel je suis ! je sens que mon agitation soutient mon existence, et je ne demande au ciel que la force de supporter ma joie ou la grâce de succomber à mon désespoir.