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Lausanne à travers les âges/Climat/02

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Collectif
Librairie Rouge (p. 169-171).


II


Les médecins lausannois.

Au seizième siècle, Lausanne a eu l’avantage de posséder un chirurgien très expert en la personne de Pierre Franco, originaire de Provence, qui s’établit à Lausanne en 1541. Au dix-septième siècle, Guillaume Fabrice, de Hilden près Dusseldorf (né en 1560, † en 1634), vint s’établir à Lausanne ; c’était un opérateur très habile, qui contribua à la prospérité de notre ville en y attirant un grand nombre de personnes atteintes de maladies d’yeux. Il a publié en français un traité sur les Tumeurs contre nature, où il décrit quatre-vingt-onze opérations qu’il a faites, tant en Allemagne qu’en Suisse ; il a soin de donner dans chaque cas les noms, prénoms et lieux d’origine des personnes opérées, et l’on voit, par ce registre, que l’on venait de très loin pour se faire soigner par lui. Le même volume contient une série d’observations sur les plaies, ulcères, fistules, gangrènes, brûlures, fractures, luxations, sur les opérations de chirurgie en général, et se termine par un traité sur la gangrène, dédié à M. Jean-Antoine Sarasin, conseiller et médecin du Roy de France et de Navarre, daté du 5 avril 1597. Quelques années après sa mort, ses œuvres furent réimprimées en latin, à Lyon en 1641, et à Francfort en 1646. G. Fabrice avait été sollicité de venir à Lausanne par un autre praticien de marque, le chirurgien Jean Griffon, originaire de San Minato en Toscane, né vers 1544, qui s’était lui aussi fait une réputation dans l’art de guérir. Griffon s’établit à Genève en 1584 et se retira au Pays de Vaud en 1592. Guillaume Fabrice avait épousé une Genevoise Marie Colinet, qui était une habile accoucheuse. Ce fut elle qui la première eut l’idée d’extraire de l’œil des paillettes de fer au moyen d’un aimant.

Parmi les médecins qui ont marqué à Lausanne au dix-septième siècle, M. le Dr J. Morax[1] mentionne encore Abel Roux, qui s’établit à Neuchâtel en 1600 et se fixa en 1602 à Lausanne, dont il était originaire ; Jean-Pierre Dapples, né en 1616, qui cumulait la profession de médecin avec une chaire de grec et de morale à l’Académie, fils de médecin, il eut six descendants ou neveux qui exercèrent la médecine ; J. Constant de Rebecque (né en 1635 — † en 1731), médecin et pharmacien, auteur entre autres d’un « Essai de la pharmacopée de Suisse[2] ». Ph. R. Vicat (né en 1720 † en 1783), membre correspondant de l’Académie royale de Gœttingue, pratiqua la médecine à Payerne et à Lausanne et se fit connaître au dehors par ses écrits. Nous avons vu, plus haut, dans notre aperçu historique, la grande vogue qu’avait, au dix-huitième siècle, le Dr Tissot (né en 1728, † en 1797) ; il réussit à se faire une clientèle tout à fait exceptionnelle, et retint à Lausanne de nombreux étrangers de marque. Les services qu’il rendit au pays lui valurent le titre de professeur de médecine de l’Académie de Lausanne, titre honorifique, car il n’y avait pas alors, dans notre ville, de faculté de médecine.

La même marque de haute estime fut donnée, en 1841, au Dr Mathias Mayor (né en 1775, † en 1847), qui pratiqua avec éclat l’art de la chirurgie à Lausanne dès l’année 1803. Il rendit de grands services comme chef du service de chirurgie à l’Hôpital cantonal, comme membre du Conseil de santé, et comme professeur d’obstétrique à l’Ecole des sages-femmes. Il s’efforça de simplifier les procédés de la chirurgie. On lui doit plusieurs découvertes importantes, qui, vulgarisées par ses écrits, lui ont valu une grande réputation en Europe et en Amérique.

Après la mort de Mathias Mayor, l’attraction que Lausanne exerçait au point de vue médical subsista, en se modifiant. Un oculiste de talent, le Dr Frédéric Recordon (né en 1811, † en 1889), s’y établit en 1840 ; bientôt de tous côtés affluèrent les patients qui venaient chercher auprès de lui le soulagement de leurs maux. A mentionner encore, le Dr Louis Rouge, chirurgien de mérite (né en 1833, † en 1895).

École de la Barre (1902)

Depuis lors, les médecins de mérite sont devenus de plus en plus nombreux à Lausanne ; des spécialités très différentes sont représentées dans notre Faculté : à côté d’oculistes et de chirurgiens, dont les noms sont connus bien au delà de nos frontières, il y a des gynécologues et des spécialistes pour les maladies d’estomac, pour les maladies internes, pour les maux d’oreilles, etc., que l’on vient consulter de l’étranger, surtout de France[3]. Nous ne donnons pas leurs noms, parce que nous ne saurions où arrêter l’énumération. Plusieurs d’entre eux ont des cliniques fort achalandées.

En 1772, le Dr J. Dapples, en 1784, le Dr François Verdeil (père de l’historien), se plaignent de la malpropreté des rues et de l’absence de latrines dans bien des maisons. Dès lors, de grands progrès ont été accomplis, et Lausanne peut être considérée comme l’une des villes les plus propres et les plus salubres de la Suisse. La mortalité qui, pour la période de 1809 à 1897, a été de 17, 3 °/oo a Bâle, de 17, 5 °/oo a Zurich, de 19, 5 °/oo a Genève, de 20, 8 °/oo a Berne et de 25, 6, à Fribourg, est de 18, 1 °/oo à Lausanne. Cette mortalité relativement faible est due soit au corps médical distingué que possède Lausanne, soit au zèle de la Commission municipale de salubrité, qui procède à de fréquentes inspections et exige des propriétaires une série de mesures hygiéniques propres à assurer la santé publique. Les excellentes eaux de sources acquises par la ville, et pour lesquelles elle s’est imposé de lourds sacrifices, ont aussi contribué à ces résultats. Il est peu de villes qui disposent, relativement à leur population, d’une aussi grande abondance d’eau de bonne qualité (voir, plus haut, page 117, la notice sur le Service des eaux).

  1. Cadastre sanitaire. Statistique médicale du canton de Vaud, contenant la climatologie, l’ethnologie, la démographie, les causes de décès, les épidémies, les institutions sanitaires, les établissements hospitaliers, la liste et la biographie des Médecins du Pays et du Canton de Vaud par le Dr Morax, chef du service sanitaire du canton de Vaud, membre de la Commission médicale suisse, Lausanne, 1899, Librairie F. Rouge & Cie. C’est un ouvrage qui abonde en renseignements d’un haut intérêt
  2. Cet ouvrage, écrit en latin et dont la traduction française parut à Lausanne et à Berne en 1709, est curieux à feuilleter, même pour les profanes ; on y trouve l’indication d’une série de recettes bizarres ; on y constate entre autres l’emploi de sécrétions humaines et de matières empruntées au corps humain vivant ou mort, dans la composition des remèdes, auxquels avaient recours les médecins de la génération qui a précédé Tissot.
  3. Un Français nous a raconté qu’assistant récemment à Paris, au théâtre, à un spectacle où l’on voyait un médecin paraître sur la scène, donner des diagnostics et prescrire des régimes, des chuchotements se sont produits, et de divers côtés l’on a entendu distinctement prononcer le nom d’un des docteurs les plus renommés de Lausanne.