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Le Bohême (Guillemot)/17

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A. Le Chevalier (p. 99-102).

LES COUREUSES DE VILLES D’EAU.



Il ne s’agit plus de cocottes, cette fois. Grandes dames, fort grandes dames. La mère et la fille. La mère est veuve. Peu de fortune, si on compare au passé, alors que le général vivait ; — c’est assez souvent la veuve d’un général.

La fille est adorablement belle. Éducation supérieure ; grandes, grandes manières ; il faut songer à son établissement, et dame ! on a quelques prétentions. On voudrait épouser une grande fortune. Dans le pays, on ne trouvera pas ça. Il y a des contrées maudites où le million ne fleurit pas en tant que dot.

Alors on s’expatrie. La mère promène la fille en tous lieux. Partout, dans les casinos, on les rencontre. Un mois ici, un mois là, un mois ailleurs. Les toilettes les plus extravagantes, les allures les plus provocantes !…

Les dernières ressources passent à cette poudre d’or qu’on jette aux yeux. Il s’agit de paraître

Et l’on paraît si bien, que les chroniques de high life sont toutes remplies des moindres détails concernant la jeune beauté à sensation… « Elle a les pieds comme ci et les yeux comme ça !… »

Les amoureux, par milliers, se pressent autour. Les déclarations, les offres de service pleuvent, tourbillonnent. Toutes les têtes à l’envers !…

On cite des désespérés qui ont mis fin à leurs jours…

La petite, parfaitement stylée, traverse, froide, hautaine, intacte, cette atmosphère brûlante. Elle sait faire taire ses préférences, quand ses préférences s’égarent sur des sujets peu sérieux ou peu consistants. Avant qu’un encouragement parte de son regard ou sorte de sa bouche, elle s’est bien assurée que ses intérêts ne courent aucun risque d’être compromis. D’ailleurs, « la vieille maugrabine de maman » est là qui veille avec son expérience…

À la fin, il y a toujours un imbécile, jeune ou vieux, qui se laisse prendre, et de bohême qu’elle était, la jeune femme devient comtesse ou duchesse, — princesse quelquefois…