Le Caucase (Dumas)/42

La bibliothèque libre.
Charlieu (p. 159-163).

CHAPITRE XLII.

Les captives.

On descendait du château par un chemin étroit qui conduisait au torrent. Sur la route se trouvaient les équipages du prince.

On y avait mis le feu, et ils brûlaient.

On arriva au bord du torrent. Tout le monde le traversa à cheval, excepté la princesse Tchawtchawadzé, toujours à pied, portant toujours sa petite fille dans ses bras.

Au milieu de l’eau, la violence du courant la renversa ; elle roula un instant parmi les pierres, mais sans lâcher la petite fille. Deux hommes descendirent de cheval, l’aidèrent à se remettre sur ses jambes.

Alors on la força de monter en croupe derrière un Lesguien.

C’était ce qu’elle craignait. Obligée, pour se tenir à cheval, d’envelopper le cavalier d’un de ses bras, il ne lui en restait plus qu’un pour soutenir la petite Lydie, et quelle que soit la force maternelle, elle sentait que ce bras s’engourdissait. Peu à peu ce bras fatigué s’abaissa, l’enfant se trouva en contact avec la selle, meurtrie à chaque secousse du cheval.

— Au nom du ciel ! au nom de Dieu ! au nom de Mahomet ! s’il le faut, criait la pauvre mère, donnez-moi quelque chose pour attacher mon enfant ! Mon enfant va tomber !

Pendant ce temps, le frère aîné de la petite Lydie, Alexandre, âgé de treize ou quatorze mois, avait été arraché des bras de sa nourrice et jeté au milieu de la cour, mais il avait été recueilli par une femme de chambre de la princesse, fille vigoureuse, nommée Lucie ; ne sachant que lui donner à manger, la brave fille lui donna de l’eau d’abord et ensuite de la neige.

Si peu nourrissantes que fussent ces deux substances, elles suffirent à l’empêcher de mourir de faim.

Quant au prince Georges Orbéliani, on le laissa à sa nourrice. Il était fort et vigoureux, il plut aux Lesguiens par cette force et cette vigueur. Sa nourrice obtint une corde et l’attacha fortement autour d’elle.

Salome et Marie avaient été séparés de leur gouvernante française, madame Drançay. Les deux caractères des deux enfants se manifestaient : violente et hautaine, Salome menaçait, frappait même de sa petite main l’homme qui l’avait enlevée ; douce et timide, Marie pleurait : elle avait faim.

Un jeune Lesguien de quatorze ans eut pitié d’elle.

— Tiens, lui dit-il en lui donnant une pomme, prends : vous autres Géorgiens vous êtes habitués à manger tous les jours.

Elle prit la pomme et la mangea.

Un petit paysan de son père, nommé Ello, avait été fait prisonnier en même temps que tout le monde. Le hasard rapprocha les deux enfants. Ello était en croupe derrière un Lesguien ; il appela Marie ; les deux enfants se reconnurent et se mirent à causer et à rire.

La petite Tamara, âgée de trois ans, habituée à la princesse Orbéliani, qui s’était constituée sa seconde mère, criait et pleurait d’être séparée d’elle, appelant continuellement sa bonne Varvara. Ses cris fatiguèrent les Lesguiens : ils la fourrèrent la tête la première dans un sac, et attachèrent ce sac à la selle de l’un d’eux. Une fois dans le sac, l’enfant s’y accommoda et s’y endormit.

La troupe était considérable : elle se composait de trois mille Lesguiens à peu près. Les chevaux ne suivaient aucun chemin tracé, on passait à travers vignes et à travers champs, brisant la vendange, foulant aux pieds la moisson.

Enfin on arriva au bord du fleuve, dont la crue avait rassuré le prince. Les eaux étaient toujours très-hautes, et un instant les captives eurent l’espoir que les Lesguiens n’oseraient le passer ; mais, sans hésitation aucune, les premiers arrivés y lancèrent leurs chevaux avec une audace et une adresse admirables. Ceux qui avaient des enfants derrière eux les prirent, et d’une main conduisant leurs chevaux, de l’autre les soutinrent au-dessus de l’eau. Quant aux femmes, on se contenta de leur dire :

— Tenez-vous solidement.

Les chevaux avaient de l’eau jusqu’au cou, et dès le tiers du fleuve avaient été obligés de se mettre à la nage pour gagner l’autre rive. Au milieu du courant, la petite Marie cria à sa gouvernante ;

— Ma bonne Drançay, tu perds ton jupon.

C’était vrai : la pauvre femme arriva à l’autre bord en chemise et en corset, glacée de froid, les eaux de l’Alazan étant grossies par la fonte des neiges. Un Lesguien eut pitié d’elle et lui donna sa bourka.

L’Alazan passé, on fit une halte d’un instant, mais le repos fut de peu de durée. Des coups de fusil se firent entendre. Une poignée de Géorgiens, avec ce courage immodéré qui les caractérise, venaient, dans l’espoir de délivrer la princesse, attaquer les Lesguiens, dix fois supérieurs en nombre ; mais au lieu de repousser l’attaque, les Lesguiens craignant que cette poignée d’hommes ne fût une avant-garde, mirent leurs chevaux au galop à travers plaine, blés, fossés, rocs, criant : Chamyll-Imam ! Chamyll-Imam ! poussant leurs chevaux à grands coups de fouet, et dévorant l’espace avec une telle rapidité, que la respiration en manqua aux prisonniers.

Ce fut l’heure terrible pour la princesse Annette. Ce fut le détail qui va suivre qu’elle ne put me raconter ; ce fut sa sœur qui parla à son tour. Et de même que dans l’Enfer, de Dante, Paolo pleure lorsque Francesco raconte, la princesse Tchawtchawadzé pleura tandis que la princesse Orbéliani racontait.

Au moment où eut lieu l’alerte, au moment où commença cette fuite rapide, la princesse Annette ne soutenait plus qu’à peine sa fille de son bras épuisé. Elle réunit toutes ses forces ; elle crispa ses nerfs dans un dernier effort ; elle poussa des cris inarticulés, ne sachant plus que dire ni que faire ; elle essaya de rapprocher l’enfant de sa bouche pour la soutenir avec ses dents ; elle était brisée. Une secousse plus violente que les autres lui arracha l’enfant de la main. Elle essaya de se jeter à bas de son cheval : l’homme la retint. Le cheval, frappé du fouet, fit un bond, la mère était à dix pas de son enfant ; elle se tordit désespérée, tout fut inutile ; d’ailleurs, il était déjà trop tard : les chevaux suivaient les chevaux ; l’enfant fut foulée aux pieds, et criant et respirant encore ; un Tchetchen lui ouvrit la poitrine avec son kangiar ; l’enfant se tut : elle était morte.

Ce fut longtemps après seulement que la princesse connut l’atroce vérité.

Le corps de l’enfant fut retrouvé, reconnu et rapporté à son père.

Mais la petite Lydie n’avait pas été la seule victime. Au moment où les Lesguiens décidèrent de fuir au lieu de combattre, ils résolurent de se débarrasser de tout ce qui entravait leur fuite. Sur une centaine de prisonniers qu’ils emmenaient, soixante, qu’ils jugèrent moins importants que les autres, furent poignardés. On retrouva leurs cadavres marquant le chemin suivi.

Trois de ces cadavres seulement appartenaient à la maison Tchawtchawadzé : la fille de la princesse, la femme de l’intendant du prince et la femme du pope.

Et tout en fuyant, les Lesguiens mettaient le feu aux villages géorgiens qu’ils rencontraient sur leur route, et ils remplaçaient par d’autres prisonniers les prisonniers égorgés pour rendre leur course plus rapide.

À la nuit, on entra dans un de ces bois qui couvrent la base des montagnes, et dont, plus d’une fois, j’ai essayé de donner une idée à mes lecteurs. Ces bois, composés d’un arbuste épineux dont le nom russe signifie le buisson qui tient, sont impénétrables ; il fallut, à coups de schaska et de kangiar, s’ouvrir un chemin. Ce n’était encore rien pour les montagnards, vêtus de ce drap lesguien, le seul qui résiste à ces poignardantes épines ; mais les femmes étaient en sang, et à tous moments leurs cheveux s’accrochaient aux rameaux obstinés.

N’importe, il fallait avancer. On craignait les Géorgiens ; on avança donc. Ce fut une terrible nuit.

Vers dix heures on commença de monter. À minuit on aperçut des feux dans les montagnes et l’on se dirigea vers ces feux. On n’entendait que ce cri poussé par des voix mourantes : De l’eau, de l’eau, de l’eau !

Près de ces feux on fit une halte de deux heures. On distribua un peu d’eau aux prisonniers, et l’on se remit en marche.

La route devenait presque impossible ; il fallait des chevaux et des hommes, des montagnards, pour passer par de pareils chemins. Celles qui marchaient à pied avaient les jambes et les pieds en sang. De temps en temps une femme se couchait à terre en disant : J’aime mieux mourir ; mais à coups de fouet on la remettait sur ses pieds, et il lui fallait continuer sa route.

Enfin on arriva à un terrain plat, et les cavaliers reprirent leur allure ordinaire, interrompue par la montée trop rapide, le galop. De temps en temps, sur la route, on trouvait un pâtre, espion, qui ne disait que ces mots en lesguien.

— Vous pouvez passer, la route est libre. Et l’on passait.

Vers onze heures on fit une seconde halte. Les cavaliers jetèrent quatre bourkas à terre et y firent asseoir les princesses. Un Naïb nommé Hadji-Kerrat ôta sa tcherkesse déchirée et la fit raccommoder à la princesse Varvara.

En ce moment la gouvernante française arriva.

— Avez-vous vu Georges ? lui demanda la princesse Orbéliani.

— Oui, princesse, jusqu’à l’entrée du bois, répondit celle-ci. Il était avec sa nourrice.

La princesse Annette souleva la tête avec effort ; on eût dit une morte se remuant dans sa bière.

— Lydie ? murmura-t-elle.

— Je ne l’ai pas vue, balbutia la Française.

La princesse Tchawtchawadzé laissa retomber sa tête.

— Mais que faites-vous donc là ? demanda la gouvernante à la princesse Varvara.

— Vous le voyez, ma bonne Drançay, je raccommode la tcherkesse de mon maître, répondit-elle avec un triste sourire.

La Française la lui prit des mains malgré elle, et se mit au travail à sa place.

En ce moment on amena la bonne des enfants de la princesse Annette. C’était une Géorgienne nommée Nianuka. La pauvre fille avait reçu trois coups de sabre sur la tête. Ses cheveux, qu’elle avait fort épais, avaient seuls empêché qu’elle eût le crâne fendu ; mais elle était couverte de sang, il ruisselait de ses épaules sur son dos.

Un coup de kangiar lui avait en outre mutilé la main ; un de ses doigts pendait, retenu seulement par le filet nerveux. La princesse Orbéliani déchira son col et ses manches, et pansa la main de la pauvre Nianuka.

Quant à la tête, mieux valait la laisser comme elle était ; les caillots qui s’y étaient formés avaient arrêté le sang : la nature avait elle-même posé l’appareil.

On se remit en chemin. Cette fois les deux princesses seules furent placées sur des chevaux, encore les sépara-t-on l’une de l’autre.

Les autres prisonnières marchaient à pied.

La gouvernante française et Nianuka faisaient route à côté l’une de l’autre. La blessée, affaiblie par la perte de son sang, marchait avec lenteur et difficulté ; mais chaque fois qu’elle s’arrêtait, épuisée, un Lesguien lui rendait des forces à grands coups de fouet.

À la fin, n’en pouvant plus, sentant l’impossibilité d’aller plus loin, comprenant qu’elle allait expirer sous les coups, elle se mit à crier à la princesse Orbéliani d’une voix désespérée : Douschka ! douschka ! — mon âme ! mon âme ! La princesse entendit les cris, reconnut la voix, et, malgré le Lesguien qui la conduisait, arrêta son cheval. Son rang lui valait toujours quelques égards que l’on ne croyait pas devoir aux autres. Elle mit pied à terre, fit monter Nianuka à sa place et essaya de marcher.

Et en effet, elle marcha deux ou trois heures ainsi ; mais la boue l’empêchant d’avancer aussi vite que l’eussent désiré ses conducteurs, on la força de remonter à cheval ; seulement on permit à Nianuka de demeurer en croupe. Au bout de quelques pas, la princesse s’évanouit. Dans l’état de faiblesse où elle était, le bras de Nianuka, qui se cramponnait à elle, avait suffi pour provoquer cet accident.

Alors on fit descendre de cheval un Tatar et l’on donna son cheval à la princesse.

Sur la route on rencontrait et l’on dépassait des groupes de prisonniers. Dans un de ces groupes, la princesse reconnut une jeune fille du village de Tsinondale. Sa mère avait été abandonnée mourante sur la route ; elle était avec sa grand’mère et son frère. Celui-ci portait dans ses bras le plus jeune enfant de la famille. C’était une petite fille de quatre mois, appelée Éva.

Depuis la veille à midi, l’enfant n’avait pas pris une goutte de lait.

On arriva au bord d’un torrent qui barrait le chemin.

Ce fut alors à qui ne se chargerait pas de la blessée ; déjà se tenant à peine à cheval dans les chemins ordinaires, il était évident qu’elle n’arriverait pas à l’autre bord.

La princesse Orbéliani arrêta son cheval.

— Faites-la monter derrière moi, dit-elle.

Les Lesguiens paraissaient ne pas comprendre.

— Je le veux, dit la princesse, retrouvant, pour accomplir une bonne action, la force de commander.

La pauvre blessée fut mise en croupe derrière la princesse, qui poussa son cheval à l’eau ; mais au milieu du torrent, l’animal s’arrêta et fit mine de vouloir se débarrasser du poids qui le surchargeait.

Évidemment, si les deux femmes tombaient à l’eau elles étaient perdues. Le torrent roulait sur une pente rapide, et au bout de dix pas elles étaient précipitées.

Un Tatar s’élança, prit le cheval de la princesse par le mors et le força de marcher ; mais arrivé à l’autre bord, afin que pareil embarras ne se présentât plus, on força Nianuka de descendre.

C’était vers la forteresse de Pokhalsky que l’on cheminait. On devait y trouver Chamyll : il était venu là de Veden pour surveiller en quelque sorte l’expédition du haut de son rocher. Tout ce que l’on avait gravi, monté, escaladé jusque-là n’était que les premières marches qui conduisaient à l’aire de l’aigle.

On monta pendant cinq heures. La princesse Orbéliani seule était à cheval, sa faiblesse l’avait forcée d’y rester. À chaque pas sa monture menaçait de rouler avec elle dans un précipice ; mais elle semblait insensible au danger comme à la fatigue. C’est le fait d’une grande douleur d’être insouciant à ses propres maux : la princesse n’avait de pitié que pour ceux des autres. Elle dépassait le précepte de l’Évangile : elle aimait plus son prochain qu’elle-même.

Enfin on aperçut la forteresse, mais à une hauteur telle qu’il était impossible de comprendre comment on y arrivait ; de tous côtés, pour voir les prisonniers, accouraient des bergers lesguiens, bondissant de rocher en rocher au-dessus de précipices à donner le vertige à leurs chèvres. On avait quitté la Géorgie ; on avait traversé les terrains neutres ; on entrait chez les montagnards.

La solitude se peuplait.

On était arrivé à un point de la montagne où la verdure se déroulait comme un splendide tapis ; on eût dit cette verdure éternelle comme est éternelle la neige qui s’étend au-dessus d’elle. Seulement le chemin devenait de plus en plus difficile : à chaque instant on était obligé de s’arrêter, car à chaque instant les prisonnières tombaient et ne se relevaient plus, même sous les coups. De tous côtés accouraient des Lesguiens qui entouraient les prisonnières et les regardaient avec curiosité. L’un d’eux étendit la main vers la gouvernante française, et sans rien dire, la prit et la tira à lui. Madame Drançay jeta un cri ; elle craignit d’être devenue une chose que chacun se croirait le droit de prendre ; mais celui qui l’avait conquise dans la cour du château intervint et repoussa le Lesguien.

— Sait-elle coudre et faire des chemises ? demanda celui qui avait porté la main sur elle.

— Oui, répondit une femme russe, qui savait par cette réponse lui faire un mauvais parti, mais qui lui en voulait par la seule raison qu’elle était Française.

— Alors j’en donne trois roubles, dit le Lesguien.

La princesse Orbéliani intervint.

— C’est la femme d’un général français, dit-elle, elle payera rançon.

— Alors, dit son premier maître, pour Chamyll-Imam.

À ce nom chacun s’arrêta.

On approchait de la forteresse ; sur la plate-forme qui s’étend au pied de l’escalier qui y monte, était une troupe de dix mille hommes à peu près, rangée sur deux lignes. Ils étaient presque nus.

Les prisonnières durent passer entre ces deux lignes. Ces hommes regardaient les captives avec des yeux qui n’avaient rien de rassurant : ils voyaient pour la première fois des femmes à visage découvert, et quelles femmes ! des Géorgiennes ! Ils poussaient des cris rauques, qui ressemblaient à des cris de loups en amour ; les femmes se voilaient de leurs mains, autant pour ne pas voir que pour ne pas être vues.

Au milieu de ces hommes, les naïbs de Chamyll étaient reconnaissables à leurs plaques. Ils maintenaient ces montagnards, qui, sans eux, se fussent jetés sur les femmes ; à chaque instant ils étaient obligés de repousser quelqu’un d’entre eux dans les rangs, en les frappant du poing et du fouet, ou en les menaçant du poignard.

Enfin Hadji, l’intendant de Chamyll, arriva : il venait de la part de l’imam chercher les princesses, les enfants et leur suite.

La princesse Orbéliani, marchant la première, monta l’échelle par laquelle on arrive à la forteresse ; mais une fois entrées, fit descendre aux prisonnières plusieurs étages, et elles se trouvèrent dans une espèce de souterrain à peine éclairé. Cependant, au milieu de ces demi-ténèbres elles commencèrent à se reconnaître. Quatre des enfants étaient là : Georges Orbéliani, Salome, la petite Tamara et le petit Alexandre.

Une demi-heure après arriva, demi-morte, la princesse Tchawtchawadzé. Son premier mot fut :

— Lydie ! qui de vous a vu Lydie ?

Personne ne lui répondit, et elle tomba sur le sol plutôt qu’elle ne s’assit.

Elle était à demi morte de fatigue et presque morte de douleur.

En ce moment, un enfant de l’âge de la petite Lydie se mit à pleurer.

— Ma fille ! s’écria la princesse, ma fille !

— Non, dit une voix, ce n’est point votre fille, princesse. C’est ma petite sœur, qui, elle aussi, n’a que quatre mois, et qui depuis hier matin n’a rien pris : elle va mourir.

— Non, dit la princesse, donnez-la-moi.

Et elle prit la petite Éva et lui donna son sein en sanglotant.

En ce moment Hadji-Khérieh entra.

— Chamyll demande la princesse Tchawtchawadzé, dit-il.

— Que lui veut-il ? demanda la princesse.

— Il veut lui parler.

— Qu’il vienne, alors ; quant à moi, je n’irai pas.

— Il est imam, dit Hadji-Khérich.

— Et moi princesse, répondit la prisonnière.

Hadji-Khérieh se retira.

Lorsqu’il rapporta le refus de la princesse à l’imam, celui-ci réfléchit un instant ;

Puis,

— C’est bien, dit-il, conduisez-les à Veden : là je les verrai.