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Le Ciel au mois d’août 1873

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septembre 1873

août 1873

septembre 1873

LE CIEL AU MOIS D’AOÛT 1873

La planète Mercure sera, le 12 août, en conjonction inférieure avec le Soleil, en d’autres termes, se trouvera dans le point de son orbite le plus rapproché de la terre pendant la révolution qu’elle effectue en ce moment autour de l’astre radieux. C’est dire qu’elle sera absolument invisible, étant déjà si difficile à observer, quand elle n’est pas plongée dans la lumière solaire. Mercure est bien, le jour de sa conjonction, de quelques degrés au-dessous du disque du soleil, mais trop rapproché pour qu’une observation soit possible (la latitude héliocentrique australe est de 7 degrés). Mais son mouvement synodique est rapide, et le 30 août il atteindra son maximum d’élongation occidentale ; se levant alors une heure trois quarts avant le soleil, on pourra si le ciel à l’orient est bien dégagé de vapeurs, le chercher dans le Lion, devançant Régulus de 5 à 6 degrés.

Par la même occasion, les amateurs astronomes qui aiment à se lever avant le soleil – ce n’est pas, pour la saison, un bien grand sacrifice – pourront observer Vénus qui se lève quelques minutes après une heure du matin et qui, pendant ce mois, franchit une ligne allant d’un point situé au nord du quadrilatère d’Orion, presque parallèlement à l’équateur, jusqu’à un point du Petit Chien voisin du Cancer. La belle et blanche planète passe, dans ce parcours, au-dessus de deux brillantes étoiles, Bételgeuse à l’angle d’Orion, et Procyon, que sépare l’une de l’autre la large branche de la voie lactée.

Mars, en quadrature le 11 août, continue son mouvement dans la Balance et, à la fin du mois, aura pénétré dans l’éventail que forme Antarès avec les quatre étoiles du Scorpion, β, δ, π, φ. L’heure de son coucher avance de 10 h. 41 m. du soir à 9 h. 25 m. environ, de sorte que la planète ne sera pas, pour l’observation, dans une situation très favorable.

Jupiter, toujours dans le Lion, sera à peine visible le soir, car il se couche de plus en plus tôt, à peine une heure après le soleil, le 1er août, et quelques minutes seulement après lui à la fin du mois.

Saturne seul reste à peu près visible toute la nuit, dans la constellation du Sagittaire, mais dans une situation toujours peu favorable, à cause du peu d’élévation de la planète au-dessus de l’horizon, du moins dans nos contrées de la zone tempérée boréale.

Mais laissons là les planètes. Le véritable intérêt pendant le mois d’août, est ailleurs pour les amateurs d’astronomie physique. On sait que les nuits qui précèdent et suivent le 10 août sont, périodiquement, le théâtre d’une apparition d’étoiles filantes inaccoutumée. La terre, à cette époque, se trouve traverser l’essaim de météores auquel on a donné le nom de Perséides, parce que c’est dans la constellation de Persée qu’est situé le point radiant de cet essaim. Ce n’est pas que le nombre des météores soit maintenant bien considérable ; depuis une vingtaine d’années, il est en décroissance. Mais le phénomène n’a pas pour cela diminué d’intérêt, car il s’agit toujours, tout en constatant la loi de cette décroissance, de déterminer le point ou les points de convergence des trajectoires lumineuses, de manière à se rendre compte de ses variations de position. Les observateurs de ces apparitions sont très-nombreux aujourd’hui soit à l’étranger, soit en France, ce qui est d’un grand avantage pour l’astronomie, puisque les chances d’une observation favorable se multiplient avec le nombre des postes établis dans ce but. En 1869, par exemple, le midi de l’Espagne avait un temps couvert qui n’a pas permis à M. Arcimis, de Cadix, de n’observer que 25 météores ; mais déjà, à Marseille, M. Borelly en enregistrait 146 dans la seule nuit du 10 au 11 août entre 8 h. 1/2 du soir et 2 h. du matin ; quelques beaux bolides furent en outre remarqués. À Palerme, M. Tacchini était encore plus heureux : il notait 472 météores et calculait pour le point radiant une ascension droite de 43° avec une déclinaison boréale de 57°, correspondant à un point de la constellation de Persée. À Urbino (Italie), M. Serpieri observait 470 météores, mais les étoiles filantes y semblaient distribuées en plusieurs groupes ayant chacun leur point radiant distinct. Il y avait toutefois accord avec les observations de Palerme, en ce sens que la position moyenne des points radiants coïncidait toujours avec celle que M. Tacchini avait calculée. À Velletri enfin, sur 566 étoiles filantes observées, 461 parurent appartenir à l’essaim des Perséides, les autres étaient des étoiles sporadiques.

Depuis plusieurs années, grâce à l’initiative de l’Association scientifique de France et de plusieurs astronomes étrangers, une organisation spéciale a été instituée pour l’observation régulière des essaims météoriques, et particulièrement pour ceux du 10 août et du milieu de novembre. Des cartes célestes sont distribuées aux divers groupes d’observateurs ; ces cartes ne sont autre chose que les projections de la partie du ciel visible à ces époques sur l’horizon, et c’est là qu’on trace pendant la durée même des observations les trajectoires des météores, en notant autant que possible le point de départ et le point d’évanouissement de chacun d’eux, en y joignant l’heure de l’apparition. Les chronomètres des diverses stations sont réglés télégraphiquement, de sorte que toutes les observations se trouvent comparables. On peut ainsi réunir et discuter une série de documents, qui, d’année en année, se trouvent destinés à fournir tous les éléments de l’interprétation du phénomène : la position des points radiants, la vitesse de translation des météores, la hauteur au-dessus de l’horizon terrestre de ceux qui ont été observés simultanément en des stations suffisamment éloignées, leur couleur, etc. Nos lecteurs savent sans doute qu’un astronome italien, M. Schiaparelli, a proposé une théorie très-ingénieuse de la périodicité des essaims météoriques, qu’il assimile à des courants de matière nébuleuse analogue à celle qui constitue les comètes. Il y a plus : la discussion des éléments de plusieurs essaims a démontré à peu près l’identité de plusieurs d’entre eux avec certaines comètes observées. Ainsi l’essaim des Perséides ne serait qu’un fragment de la comète de 1862, tandis que les météores de novembre, les Léonidas, ainsi nommés de leur point radiant qui est un point de la constellation du Lion, paraissent devoir être identifiés avec une comète que M. Tempel a découverte en 1866, et dont la période de révolution est d’environ 33 années. L’assimilation est d’autant mieux fondée que les comètes en question et les essaims ont, à fort peu de choses près, les mêmes éléments astronomiques : excentricité de l’orbite, inclinaison, sens du mouvement, position du nœud et du périhélie, grand axe, tout se ressemble dans les orbites respectives.

Il y a donc là une question d’un haut intérêt pour l’astronomie physique. Aussi convions-nous tous ceux qui s’intéressent à cette belle science à contribuer, par leurs observations personnelles, à l’avancement de cette branche spéciale dont la culture ne nécessite point la possession d’instruments coûteux ou d’une installation difficile. Une carte du ciel pour la latitude du lieu et la nuit de l’observation, la connaissance des principales constellations et des étoiles des trois premières grandeurs, de manière à reconnaître aisément, dans le ciel et sur la carte, les points d’où partent et où aboutissent les étoiles filantes observées ; une montre bien réglée, marquant si c’est possible les secondes, un carnet pour noter les circonstances particulières des apparitions : avec ce simple attirail et ces dispositions préliminaires, un observateur pourra toujours faire une besogne utile. Mais cette besogne sera meilleure et plus complète, si en chaque station les observateurs se réunissent par groupes se partageant les diverses régions du ciel, de manière à n’avoir à examiner qu’un quart, un cinquième, un sixième de l’horizon. Ceux qui voudraient avoir des instructions plus précises les trouveront dans les Bulletins de l’Association scientifique. Le numéro du 28 août 1870 contient une note très-étendue de M. Goulier (de Metz), où ce savant donne les explications de l’usage des projections gnomoniques pour la solution de divers problèmes, la recherche du point radiant, l’altitude des météores, etc. Nous y renvoyons nos lecteurs.

Amédée Guillemin.