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Le Citoyen contre les pouvoirs (1926)/10

La bibliothèque libre.
Éditions du Sagittaire (p. 193-207).



CHERCHONS LE RENDEMENT,

NON LA PUISSANCE












CHERCHONS LE RENDEMENT,
NON LA PUISSANCE.

J’ai formé il y a bien dix ans, QUE LA MACHINE RESTITUE
DU TRAVAIL HUMAIN.

J’ai formé il y a bien dix ans, une idée fausse qui peut conduire à quelque idée juste ; cela est arrivé plus d’une fois, et je crois même que personne n’échappe à cette condition, de se tromper d’abord ; je fais exception pour le polytechnicien, parce qu’il a appris des autres un certain nombre d’idées toutes faites et incontestables, dont il ne tire jamais rien. Mais voici l’histoire de mes lentes et pénibles méditations sur nos machines ; j’ai le sentiment qu’elle ne sera pas inutile à quelque esprit vif, mais trop peu obstiné, qui peut-être ne songerait point de lui-même à chercher par là.

Je revins d’abord aux machines les plus anciennes, parmi lesquelles l’arc retint le mieux mon attention, par cette beauté de l’arme et du geste que les artistes ont consacrée. Je me rendis familière d’abord cette idée bien connue, et peut-être trop vite connue maintenant, que l’arc ne travaille point du tout pour le chasseur, mais restitue seulement le travail que les muscles lui fournissent, changeant en une rapide impulsion l’effort d’une traction lente. Par cette ingénieuse machine, la double pression qu’Ulysse exerce sur le milieu de l’arc et sur le milieu de la corde se trouve rassemblée toute sur l’encoche de la flèche, et explose là précisément, dans la direction même de la flèche. Que le meilleur arc soit celui qui restitue le mieux ce travail transformé, et qu’aucun arc ne puisse ajouter une parcelle à l’effort musculaire de l’archer, tout le monde le sait, quoique l’imagination nous tire toujours à croire qu’il y a une vertu propre dans l’arc d’Ulysse ; mais c’est la force d’Ulysse qui lance la flèche.

Partant de là, je voulais considérer aussitôt le fusil comme une autre espèce d’arc, de façon qu’au moment où le fantassin Ulysse appuyait sur la gâchette, le fusil restituât aussi la force humaine seulement rassemblée, concentrée et dirigée contre l’arrière du projectile et selon la direction du canon. Mais la force humaine n’est plus ici la force d’Ulysse, car il n’a fait que loger la cartouche, fermer la culasse et épauler ; ce travail musculaire est sans rapport avec la formidable pression que les gaz délivrés exercent sur la balle. Il n’en est pas moins vrai que la douille, la poudre, la balle et le fusil représentent ensemble une somme de travaux musculaires qui n’est pas petite ; et je retrouve ici le geste de milliers d’Ulysse tendant cet arc à l’avance. Supposons le seul Ulysse ayant la charge de préparer un coup de fusil. Je le vois cherchant les minerais de fer et de cuivre ; fondeur, puis forgeron ; mais il a dû faire d’abord le fourneau, l’enclume, le marteau et les limes, et puis inventer la poudre, c’est-à-dire encore séparer, triturer, cuire et recuire. Journées de travail innombrables. Son arc lance maintenant la petite flèche de métal beaucoup plus loin ; mais c’est qu’il a tiré bien des journées pour tendre son arc. Je m’exerçais donc à retrouver dans le choc de la balle jusqu’au coup de marteau du forgeron. Et j’appliquais toujours la formule de mécanique, évidente pour l’arc, mais déjà assez cachée pour le fusil, c’est que la machine ne restitue jamais que le travail musculaire, sans y rien ajouter. C’est ici que les objections se montrent, parce que l’imagination nous tire plus fortement que jamais à croire qu’il y a une vertu propre dans la poudre, qui ajoute quelque chose au travail humain.

Ici est le point difficile. Il est connu qu’une poudre ne rend en chaleur, c’est-à-dire en force explosive, que la chaleur qu’on y a concentrée en quelque sorte en la fabriquant. Mais l’homme ne fait pas le charbon ; il le trouve dans les forêts ; de même l’homme trouve le pétrole. C’est en cela que le fusil, et aussi l’avion, dont le moteur n’est qu’un fusil composé, différent de l’arc d’Ulysse. Et, même dans le bateau d’Ulysse, la force du vent était toute trouvée. Je n’allais pas soutenir, certes, que le secours du vent, qui remplace dix rameurs, ne dépassait point par ses effets la somme de travaux du charpentier qui avait construit la barque, de la fileuse, du tisserand et du cordier. Toutefois je ne crus pas que j’aurais perdu mon temps si seulement j’arrivais à voir, à côté du tranquille pilote au gouvernail, une foule d’hommes invisibles qui poussaient la barque.

Ulysse lance une flèche vers LA MACHINE CONCENTRE
LA PUISSANCE.

Ulysse lance une flèche vers le ciel ; cette flèche lui tombe sur la tête. Chacun comprend que c’est la force d’Ulysse qui blesse Ulysse, et encore diminuée. La flèche n’a point gagné des forces dans ce ciel indifférent ; au contraire, elle en a perdu par le frottement de l’air, en descendant comme en montant. C’est une partie de l’effort du bras, ramassée sur cette pointe de métal, qui perce le crâne de l’imprudent.

Lorsque des maçons ont élevé à dix mètres en l’air une pierre de mille kilogrammes, si la chaîne se rompt, c’est une puissance propre à la pierre qui semble écraser les choses et les hommes. Mais point du tout. Cette puissance invincible c’est la somme des travaux que le manœuvre a exercés sur la manivelle ; la grosse pierre, lorsqu’elle tombe, ne fait que restituer ces travaux en un court moment, et encore avec perte, principalement par le frottement des engrenages et des axes, qui se sont échauffés un peu. Comme si Ulysse avait mille fois tendu son arc, et recevait tous ces travaux ensemble ramassés sur la pointe d’une seule flèche.

Les ouvriers de la Badische Anilin ont soulevé une montagne à quelques centaines de mètres en l’air ; la corde s’est rompue, et ils ont reçu leurs propres travaux sur la tête. Toute pression est obtenue par un long travail des pompes. Pompes à vapeur sans doute ; mais remontez à l’origine, vous trouverez le travail humain, le travail d’Ulysse qui tend son arc. Le charbon était dans la terre, et tout à fait inerte ; vous le tirez de là, vous le transportez ; déjà vous tendez l’arc. Le charbon, en brûlant, disperse l’énergie qu’il enferme ; mais le travail humain a construit un foyer et une cheminée. La vapeur d’eau se mélange à l’air et se condense en nuages, formant des pluies et des fleuves, énergie capricieuse ; mais le travail humain construit des chaudières résistantes ; l’arc se tend peu à peu, par le travail humain. Les pompes sont en marche ; l’immense gazomètre est dressé par d’autres travaux ; des milliers de mains humaines, par leurs mouvements combinés, compriment le gaz et le maintiennent. Les journées de travail s’accumulent, non sans perte. Un homme peut tuer un homme d’un coup de marteau. Mais qui fera le compte des coups de marteau rassemblés dans ce gazomètre immobile ? Ce fer, ce charbon, ce gaz étaient inertes par eux-mêmes ; c’est le muscle humain qui leur a donné cette puissance volcanique. Le fer, instrument de nos travaux, est lui-même produit par nos travaux. Le fer, à l’état d’oxyde, n’est qu’une terre sans consistance ; c’est le bras du forgeron qui soutient la tour Eiffel. Je ne vois, dans ces œuvres industrielles, que le charbon qui tienne enfermée quelque énergie étrangère au travail de l’homme ; mais encore il ne la cède pas sans un prodigieux travail humain ; ou bien elle est inutilisable. Il faut la conduire et la canaliser ; et la puissance des travaux que l’on utilisera dépend de la solidité des canaux. La machine à vapeur semble marcher par la propriété des corps qui la composent ; en réalité c’est le forgeron qui tourne la manivelle. Et comme, dans cette accumulation de travaux, il y a d’immenses frottements et une quantité prodigieuse d’efforts musculaires perdus, je me demande si la puissance mécanique obtenue dépasse jamais, au total, la somme du travail musculaire dépensé. Mais quel comptable tiendra ce Grand Livre ?


Un cheval est une machine qui rend BONNES ET MAUVAISES
MACHINES.

Un cheval est une machine qui rend évidemment plus de travail qu’on ne lui en fournit. Comptez les soins de capture, ou les soins d’élevage, et la fabrication de la bride, du mors, de la selle, comptez même la culture des prairies, il est clair que le cavalier tient en main, modère et dirige une force explosive qui dépasse de loin ses travaux passés et présents ; un cheval pousse au soleil, en quelque sorte, comme l’herbe dont il se nourrit. Le cavalier, d’un mouvement de doigt, fait tourner le puissant animal. Ce n’est plus ici comme dans l’arc d’Ulysse, où l’archer retrouve tout au plus l’effort de ses bras. La puissance du cheval existe, et il est bien aisé de la soumettre en faisant agir la douleur, par le mors et l’éperon ; mais ces faibles travaux peuvent devenir eux-mêmes inutiles ; il suffira d’un mot.

Le bateau n’obéit point à la parole, quoique les hommes aient longtemps cru que la parole était bonne à tout. Le bateau n’obéit point non plus à la douleur, et il ne sert point de le fouetter, quoique les hommes aient longtemps cru qu’il y avait, en ces machines ailées, une espèce d’âme, favorable ou non, et que l’on pouvait fléchir ou disposer par des offrandes. Le bateau obéit au vent et au flot selon sa forme ; mais l’homme a construit cette machine de façon que la forme en fût aisément modifiable, modifiable dans l’air par la manœuvre des voiles, modifiable dans l’eau par le jeu du gouvernail ; et c’est en combinant ces deux changements de forme que le pilote tire parti de tout vent. Comptez les travaux passés, le mât, les cordages, la coque, l’étoupe et le goudron ; comptez les coups de hache, de marteau et de rabot ; ajoutez-y le travail présent, travail du gouvernail, qui est de science plutôt que de muscles, travail des cordages et des voiles, souvent pénible, même en comptant ce que l’on oublie d’ordinaire, on trouvera que l’homme gagne encore sur le travail qu’il ferait avec des rames, de même qu’il gagne en se servant de rames sur le travail qu’il ferait avec ses mains.

Il y a donc des machines qui rendent plus de travail qu’on ne leur en fournit, et c’est là-dessus que nous fondons nos espérances. Folles espérances. La machine à vapeur, qui fut l’outil universel pendant le xixe siècle, exige déjà une somme de travaux importants, depuis la mine de charbon et la mine de fer, jusqu’à l’atelier d’ajustage, en passant par le haut fourneau, la forge et la salle de dessin. Puissance énorme, mais qui coûte déjà assez cher. Un moteur à explosion est plus léger et plus maniable ; je crois qu’il coûte déjà beaucoup plus de travaux, quoique peut-être la différence entre les travaux invisibles et le travail visible soit encore à notre avantage. Je dis peut-être. Pour l’avion, j’ai le sentiment que nous perdons à chaque vol, c’est-à-dire que la puissance utile est finalement au-dessous de tous les travaux musculaires qu’elle suppose depuis la mine et l’usine ; ce ne serait même plus l’arc d’Ulysse, qui rend ce qu’on lui donne.

Sans aller jusqu’à cette conclusion, que beaucoup jugeront forcée, on doit décider qu’à mesure que nous perfectionnons nos machines, la troupe des hommes invisibles qui les font mouvoir augmente par rapport à l’effet utile. Et comme l’homme n’est payé de son travail que par les effets, il faut dire que le travail humain est de moins en moins rémunéré. Voilà la vie chère saisie en sa cause principale, et peut-être en son unique cause.


Tolstoï, à soixante ans passés, prit un LES MACHINES
CHANGENT L’HOMME.

Tolstoï, à soixante ans passés, prit un goût très vif pour la bicyclette ; mais son ami Popoff n’était pas bien sûr que ce goût fût conforme à la morale ; il entendait que ce plaisir était un plaisir de riche. On peut considérer la chose autrement. Qu’il y ait des riches et des pauvres, ce n’est pas le plus grand mal, à mon avis. Aux temps heureux de la paix, et en dépit des charges que la peur imposait à tous, la misère n’était pas loin d’être vaincue. Mais, par une faiblesse d’esprit commune aux riches et aux pauvres, tous se trouvèrent réduits à un dur esclavage, et les plus jeunes massacrés. Or ces générations de nigauds héroïques grandirent sous la double loi de la bicyclette et du kodak. Ces dieux mécaniques n’ont point arrêté le progrès des lumières ; et même l’attention portée aux mécaniques a mis du positif dans les esprits les plus frivoles ; car il y a à peine de chute si l’on ne forme pas une claire idée des roulements et des engrenages ; il y a déception et humiliation si l’on n’est pas formé aux manipulations chimiques. Toutefois, en opposition à nos touristes qui marchent sur roue et braquent leur objectif, je me représente une humanité qui userait de ses jambes et qui s’exercerait au dessin. Sans doute les connaissances communes se développeraient d’autre façon et donneraient d’autres fruits.

On a dit beaucoup sur les machines, et il reste à dire. Celui qui construit, ajuste, essaie les machines prend l’esprit mécanicien, mais non pas l’esprit mécanique. Le geste d’un ajusteur n’est nullement mécanique ; non plus celui d’un électricien qui surveille un jeu de transformateurs et de tableaux de distribution. Celui qui conduit une moissonneuse ou un omnibus automobile est emporté par la machine, mais il reste observateur, et encore libre dans ses mouvements. La bicyclette change le corps humain encore plus que ne fait le costume, par l’entraînement mécanique des jambes, et par le problème de l’équilibre, qui intéresse tout le corps. Il est assez clair qu’on change l’esprit d’un homme si on lui met une couronne sur la tête ; combien plus si l’on détourne ses pieds de leur fonction de palper le sol, et si ses mains ont la charge de le maintenir debout. On dit bien que l’homme s’adapte, et je n’en doute point ; mais la forme du corps humain ne change pas ; il y a des attitudes qui seront toujours nouvelles pour lui, comme de marcher sur les mains. Ces retournements ont sculpté le visage de l’acrobate, que l’on reconnaît entre mille, par une ressemblance étonnante avec le visage du mutilé ; ce genre d’homme est en difficulté non avec les choses, mais avec lui-même. À un moindre degré chez le bicycliste ; même l’aisance a quelque chose de trop sérieux en ce visage, comme le sourire du danseur de corde. Nous retrouvons par là quelque chose de la gravité inimitable du sauvage qui a une grande plume à travers le nez. Ces majestés emplumées ne pensent guère. Bref la bicyclette est un genre de hausse-col.

Que dire du photographe ? Ibsen, en son Canard Sauvage, a éclairé de sa lumière nordique ce genre d’artiste qui pense par retouche, corrigeant l’apparence par le plus bas degré de l’apparence, et mensonge par mensonge, comme le Canard lui-même, en son baquet, devrait se réjouir de la planche inclinée qui fait une plage au bord de cet étang. Je voyais hier naviguer vers le Sud-Ouest une escouade de grues ou de hérons qui flottait dans le vent comme une banderole. Cela criait triomphalement. Je n’envie pas les pensées de ces navigateurs à petite cervelle ; mais les hommes ont toujours envie de cette liberté et puissance du corps dans l’élément fluide ; symbole du jugement, car il n’y a point deux coups d’ailes semblables, et les moindres plis de l’air s’expriment en cette forme invincible.


Je vois que quelques-uns CHERCHER LE RENDEMENT,
NON LA PUISSANCE.

Je vois que quelques-uns philosophent au sujet des machines, à peu près comme l’esclave considère le maître. « Que fera-t-il de moi ? » Je reprendrais bien là-dessus les paradoxes de Butler dans son Erewhon. Il s’amuse à dire que les machines sont une nouvelle forme de l’activité vivante ; ce seraient comme des parasites de l’homme, mais qui finiraient par l’épuiser et le soumettre. On aperçoit aisément l’idée sous le badinage ; et il est un effet des machines qu’on ne peut pas ne pas voir, c’est qu’elles multiplient nos passions, et changent les querelles en des événements physiques plus redoutables que le cyclone et le volcan, comme le revolver, le canon et les mines flottantes le font assez voir. Mais il s’est fait aussi, par la machine, un grand changement dans les mœurs ; car une grosse machine à vapeur devait l’emporter sur plusieurs machines plus petites, et ainsi les travailleurs devaient être rassemblés en masse autour de l’usine, se soumettre au moteur, et apprendre les gestes mécaniques, parmi les poussières et les fumées ; d’où un genre de soif, un genre d’abrutissement, et un genre d’ennui dont nous apercevons les effets. Corrélativement la concentration des capitaux, la puissance anonyme du maître, la puissance aussi de l’esclave centuplée par l’outil énorme devaient instituer une sorte de guerre permanente répondant à un nouveau degré d’injustice. Et la puissance mécanique étend l’inégalité ainsi que la dissipation du travail ; Néron n’avait pas de trains spéciaux, ni d’automobiles, ni d’avions à son service. Ainsi le noir nourrisseur et dompteur de machines se trouve esclave par la machine, contre les lois, les maximes communes, et le bon sens. D’où l’on tire que le développement de la civilisation mécanique exige une autre révolution. Ces choses sont comprises maintenant de beaucoup.

Mais, à ce sujet, je veux dire encore ceci, qui est autre, et bien plus caché, c’est que la machine est, par elle-même, voleuse, j’entends qu’elle ne rend pas en effets ce qu’elle coûte en travail humain ; en sorte que, quand la puissance serait également partagée entre tous les hommes par l’institution de la propriété collective, ils seraient encore dupes de la machine. Quand tous les travailleurs iraient à leur travail en avion, cette folle dépense d’énergie supposerait un dur travail de fabrication et d’extraction, qui ne serait point compensé par le faible plaisir d’aller vite.

Cette idée n’est pas facile à saisir. Elle suppose, d’abord, que l’on fasse le compte des travaux invisibles. Soit une machine à labourer ; cela émerveille parce qu’on ne voit plus l’homme maniant son hoyau, ou pesant sur le double manche de l’ancienne charrue. Mais il faut compter le pic du mineur, et le marteau du forgeron, par qui la machine est nourrie et faite ; le travail du hoyau se fait toujours, mais hors de vos yeux. Il faudrait en arriver à résoudre ce problème : « Combien de travail musculaire, évalué en kilogrammes et mètres, pour un boisseau de blé ? » Je considère ici un cas favorable, d’abord parce que la vitesse n’est pas recherchée pour elle-même, et aussi parce que la machine à labourer laisse un effet utile ; le champ est labouré. Mais si le marchand de blé roule ou vole à folle vitesse pour aller au marché, premièrement cette vitesse est ruineuse, le moindre accroissement de vitesse exigeant une dépense d’énergie qui croît bien plus vite que la vitesse même ; secondement la vitesse ne laisse pas d’effet utile ; l’homme se trouve au marché ; il n’y est point utile, ni intelligent, ni prévoyant en raison de la vitesse avec laquelle il y est venu. Si c’est le blé qui voyage vite, la conclusion est encore plus évidente. Il y a déjà longtemps que l’on est revenu aux grands voiliers pour le transport du blé. « Rien ne sert de courir.» Bref, toute injustice mise à part, il y a une limite de la puissance, marquée par la misère universelle qui en serait la condition. Attendrons-nous l’expérience, ou ferons-nous des lois contre les machines, comme les habitants d’Erewhon ?