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Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/18/01

La bibliothèque libre.
Imprimerie de Chatelaudren (2p. 528-533).


I

GÉNÉRALITÉS


1. Les manuscrits comportent habituellement une grande quantité d’abréviations que le compositeur et, surtout, le correcteur doivent connaître.

Suivant les circonstances, ces abréviations sont tantôt reproduites intégralement dans la composition, tantôt modifiées en écrivant au long les mots ou les expressions qu’elles représentent.

2. Aucune règle précise ne saurait être établie pour fixer une méthode régulière de formation des abréviations, chaque auteur agissant trop souvent sur ce point au gré de sa volonté ou de son caprice.

On admet cependant, d’une part, qu’il est indispensable de conserver au moins en entier le radical du mot abrégé. D’autre part, à moins d’obligation absolue, on ne doit pas, lorsque le mot comporte plus de deux syllabes, retrancher ou modifier la syllabe finale seule.

À l’aide de ces deux principes on a posé les règles qui peuvent présider à la formation des abréviations : a) L’apocope[1] retranche à la fin d’un mot : 1° une lettre :

je voi, au lieu de je vois ;


2° une syllabe ou une fraction de syllabe :

civ. au lieu de civil ;


3° un ensemble de syllabes, opération qui laisse subsister seulement l’initiale :

M. au lieu de Monsieur.

b) La syncope supprime ou retranche dans le corps d’un mot : 1° une lettre :

gaîté, au lieu de gaieté ;


2° une syllabe ou une fraction de syllabe :

vx. au lieu de vieux.


3° un ensemble de syllabes, en laissant subsister seulement, pour aider plus ou moins à la compréhension de l’abréviation, avec la consonne initiale une ou plusieurs autres consonnes, soit médianes, soit finales, en bas de casse :

bd, au lieu de boulevard,
mss,au ludemanuscrits,
ctg, au liudecotangente,


ou avec la consonne initiale une ou plusieurs lettres finales ou médianes en supérieures :

Mme, au lieu de Madame,
Co, au lu deCompany.

c) La substitution de chiffres, soit arabes, soit romains, est un genre d’abréviations très fréquemment usitées :

1°, au lieu de primo, premièrement,
ve,au lu decinquième.

d) L’emploi de lettres ou de signes conventionnels est un procédé d’abréviation courant :

§, au lieu de paragraphe,
×,au lu demultiplié par,
°,au leu de degré.

3. a) Les abréviations d’une seule lettre, c’est-à-dire les abréviations à la suite desquelles une seule lettre disparaît, ne sont pas permises.
xxxx On ne saurait donc utiliser les abréviations suivantes :

pag., page,xxxxxxxxlign., ligne,xxxxxxxxtom., tome.

Toutefois, les abréviations latines suivantes établies en contradiction avec les lignes qui précèdent sont couramment utilisées :

loc. cit., loco citato (passage cité),
loc. laud., loco laudato (passage mentionné),
i. e., id est (c’est-à-dire).

b) Les abréviations de deux lettres ne sont tolérées que dans le cas où une telle abréviation est indispensable, soit par manque de place, soit pour éviter une confusion, soit pour tout autre motif :

part., partie,xxxxxxxxliv., livre,xxxxxxxxid., idem.

4. Le mot à abréger ne doit pas être mutilé au point de devenir presque incompréhensible : toute abréviation doit comporter au moins les parties essentielles du mot, à moins d’être une abréviation journalière, courante, avec la nature de laquelle le lecteur est familiarisé de longue date et dont le sens exact ne peut lui échapper :

M., Monsieur, t., tome, s. v. p., s’il vous plaît,
p., page, V., voir, P.S., post-scriptum.

Dans certains volumes (annuaires, almanachs, dictionnaires, etc.), une liste est donnée des abréviations établies suivant des conventions particulières, liste qui permet de comprendre la signification des mots extrêmement réduits.

5. Il est nécessaire d’exprimer du mot abrégé « une partie suffisante pour faire reconnaître aisément ce mot » malgré sa simplification :

Ec. des chartes, plutôt que   E. d. ch.,
Rec. des ordonn., plu que R. des ord.

« La ou les consonnes qui appartiennent à la première syllabe non énoncée » doivent être conservées :

bulletin : bull., et non   bul.,
archives : arch., etn arc,
histoire : hist., etn his.,
bibliothèque :   bibl., etn bib.,
fascicule : fasc., etn fas.

6. Par contre, la partie conservée du mot ne doit pas non plus être trop étendue : à vouloir reproduire, sans motifs plausibles, une fraction trop importante ou trop longue du mot, on ne saurait plus justifier la nécessité de l’abréviation.

On préférera donc les abréviations suivantes :

Coll. des doc. inéd.xx àxxxCollect. des docum. inéd.,
Bibl. Nat., àxxxBiblioth. Nation.

7. Chacune des fractions d’un mot composé, bien qu’elle ne comprenne qu’une syllabe, peut être abrégée ; le trait d’union séparant chaque partie doit toujours être exprimé :

chef-lieu, ch.-l. ;xxxxxxxxxxc’est-à-dire, c.-à-d.

8. Lorsqu’une abréviation est nécessaire, il est toujours préférable d’abréger le substantif plutôt que l’adjectif.
xxxx Reprenant un exemple précédent, on utiliserait plutôt l’abréviation :

Doc. inédits que documents inéd.

9. Les abréviations employées au cours d’un ouvrage doivent être rigoureusement régulières dans tout cet ouvrage.

10. Les abréviations semblables de mots différents seront évitées avec le plus grand soin. On ne saurait en effet abréger un mot de telle façon que, même accompagné d’un point abréviatif, il puisse être confondu avec un mot entier ou avec un autre mot également abrégé :

ch., chant et chapitre ;xxxxxxxxxxs., suivant et siècle.

11. Les labeurs qui ont leurs abréviations particulières en donnent presque toujours la nomenclature explicative, au début du texte, après les titres et, le cas échéant, avant la préface : les ouvrages de sciences, les dictionnaires, les grammaires, les catalogues, etc., comportent en effet parfois, pour des expressions fort différentes, des abréviations presque identiques.
xxxx D’autre part, une nomenclature est indispensable lorsque, faute de place ou « pour accélérer la lecture en simplifiant les signes des idées », l’auteur réduit les mots abrégés à une seule syllabe et même à une seule lettre, à l’encontre des règles typographiques.

12. Dans les ouvrages où les notes sont nombreuses, les noms d’auteurs et les titres des volumes cités comme références sont souvent abrégés de façon spéciale, pour gagner de la place. Ces abréviations sont généralement indiquées par l’auteur ; le compositeur et le correcteur se borneront, en les régularisant, s’il en est besoin, à les reproduire textuellement.

13. Les abréviations doivent être, dans le texte, aussi peu nombreuses que possible ; elles seront surtout réservées pour les commentaires, les notes, les indications de sources, les tables, les index, les additions marginales, les ouvrages spéciaux : dictionnaires, grammaires, ouvrages de science, catalogues, journaux, où elles économisent la place et le temps.

14. Bien que les abréviations soient d’une utilité incontestable, il est bon de ne pas les multiplier jusqu’à rendre la lecture difficile ; dans les travaux où elles ne sont pas nécessaires, elles seront évitées autant que possible.

15. Lorsque, dans les notes, dans les indications de sources, l’abréviation d’un terme figure en latin ou en une autre langue étrangère, toutes les abréviations de ce terme sont à exprimer dans la même langue : on ne saurait donc voir dans un travail l’abréviation d’un ou de plusieurs mots exprimant une idée ou indiquant une référence, comme :

op. cit., opère citato,


écrite parfois en latin et d’autres fois sous la forme courante de sa traduction française :

ouvr. cité, ouvrage cité.

16. Les mots abrégés se divisent rarement, même jamais, pourrait-on dire, sauf dans les justifications étroites.

17. Les mots abrégés par syncope — c’est-à-dire dont une fraction intérieure disparaît, alors que la partie finale est exprimée en supérieures ou en bas de casse — ne sont pas suivis d’un point abréviatif :

Mme Mme, madame ;xxxxxxxxxxMlle, Mlle, mademoiselle.

18. Les mots abrégés par apocope, c’est-à-dire dont une partie quelconque a été retranchée à la terminaison, sont toujours — sauf dans la plupart des abréviations algébriques, physiques et chimiques — suivis d’un point, signe d’abréviation :

S. A. R. la princesse Amélie de Bourbon vient de mourir.

19. Le point abréviatif ne peut exclure l’emploi des autres signes de ponctuation — virgule, point et virgule, point d’exclamation, point d’interrogation, deux-points — exigés par la place, dans la phrase, dit mot abrégé :

Que pensez-vous de l’emploi certes parfois abusif que font les auteurs de l’expression etc. ?

20. Le point abréviatif et le point final se confondent, si le mot abrégé, termine la phrase :

Le volume dont vous me parlez contient une longue étude sur les animaux de l’Afrique : le lion, le tigre, l’hyène, le chacal, etc.

21. Le point abréviatif se confond avec les points de réticence ou de suspension et les points elliptiques :

De tous temps les principaux auteurs classiques anciens ont été : Homère, Démosthène, Hésiode, Platon, Cicéron, Virgile, Horace, etc…

22. De manière générale, le point abréviatif exclut pour les noms abrégés l’emploi de la marque du pluriel :

(1) Énéide, ch. XII et XIII.
xxxx (2) Voir Dictionnaire encyclopédique, t. IX et X.

a) Lorsque l’usage, dans les mots abrégés par syncope, autorise ou conseille la marque du pluriel, celui-ci est indiqué par sa lettre distinctive ajoutée aux lettres supérieures ou aux lettres bas de casse :

Mme, Mmes ;xxxxxxxxMlle, Mlles.

b) Dans les mots abrégés par apocope, et pour lesquels l’initiale seule subsiste, la marque du pluriel est figurée par le redoublement de la lettre initiale grande capitale :

M., MM. ;xxxxxxxxR. P., RR. PP.

c) Quelques abréviations font encore exception aux règles précédentes :

manuscrit,xxx ms.   (pluriel : mss),
feuille, f. (pluriel : ff.),
page, p. (pluriel : pp.)[2].
  1. L’aphérèse retranche la lettre ou la syllabe au début des mots. Ce genre d’abréviations est en dehors du sujet qui nous occupe.
  2. Ce redoublement de la lettre p pour l’abréviation du mot page, employé au pluriel, n’est pas accepté par tout les auteurs.