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Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/19/02

La bibliothèque libre.
Imprimerie de Chatelaudren (2p. 602-635).


II

COMPOSITION DE LA POÉSIE


§ 1. — Règles générales


57. Comment et qu’est-ce que renfoncer ou, mieux, rentrer un vers ?
---- Renfoncer, rentrer une ligne ou un vers, c’est les repousser en dedans de la justification (vers la droite), à l’aide de cadrats, de cadratins ou de demi-cadratins.

La rentrée des vers a lieu d’après des règles bien déterminées, invariables.

58. Les vers de même mesure doivent être parfaitement alignés en tête (c’est-à-dire par leur début), quelle que soit la différence de longueur établie entre eux par les mots dont ils se composent.

59. Les premiers mots de chacun des vers de mètre semblable s’alignant entre eux, l’ensemble de la composition doit se trouver aussi approximativement que possible au milieu de la justification.

60. D’après l’usage, on choisit, dans la pièce de poésie à composer, le texte le plus long parmi les vers du mètre le plus élevé par le nombre des syllabes (l’alexandrin, vers de 12 syllabes, étant, on l’a vu, une mesure qui n’est jamais dépassée dans la versification classique française).

61. Ce texte le plus long étant composé, on le justifie au milieu de la ligne, le blanc précédant le premier mot (et constituant la rentrée) devant se composer d’un nombre exact de cadratins[1]. Si ce blanc est moindre que 1 cadratin, il se reporte en entier à l’extrémité du vers.

62. Avec le premier mot de ce vers, qu’on peut appeler vers type ou modèle, on aligne le premier mot de tous les autres vers de même mesure.
---- On rentre, on renfonce, au contraire, de 1, 2, 3, 4, 5, etc., cadratins, sur l’alignement ainsi obtenu, les vers ayant 1, 2, 3, 4, etc., syllabes de moins que le vers type, chaque syllabe équivalant ainsi à 1 cadratin[2].

Les auteurs sont, malheureusement, loin d’être d’accord sur cette question du renfoncement par cadratin.

L. Chollet : « II. Le renfoncement se fait à droite et s’évalue selon le nombre de syllabes ou de pieds. Il doit être de 1 cadratin par pied en moins, en moins, en se basant de même sur le vers de 12 pieds ou alexandrin, qui ne subit pas ordinairement de renfoncement[3]. »

M. Brun : « Les vers se renfoncent selon leur mesure : les alexandrins commencent en ligne ; ceux de 10 syllabes se renfoncent de 2 cadratins ; ceux de 8, de 4 cadratins ; ceux de 7, de 5 cadratins ; ceux de 6, de 6 cadratins. Quand on est gêné par une justification trop étroite, on ne renfonce que par 1/2 cadratin[4]. »

J. Dumont : « … La rentrée des vers plus petits se fait ensuite à raison de 1 cadratin par syllabe. » — Et en note : « Lorsqu’on est gêné par une justification étroite, on peut réduire la rentrée à 1/2 cadratin par syllabe. »

J. Claye : « … Au-dessous du vers de 12 syllabes, le renfoncement augmente suivant la réduction du nombre de syllabes : la proportion est de 1 cadratin par syllabe… » — Puis plus loin : « Cependant cette mesure n’est pas absolue : il est des cas où, selon le caractère et l’étendue de la justification, le renfoncement de 1 cadratin est réduit seulement à 1/2 cadratin. »

D. Greffier : « Le vers de 12 syllabes se compose ordinairement sans renfoncement, et le renfoncement est de 1 cadratin par syllabe en moins pour les autres vers. » — Et quelques lignes plus bas : « Quelquefois on ne renfonce les vers que de 1/2 cadratin par syllabe en moins de 12… »

E. Desormes : « Il y a bien un moyen mécanique qui consiste à faire renfoncer les vers de 1/2 cadratin par chaque syllabe en moins, mais ce moyen n’est pas toujours applicable, car il choque l’œil trop souvent… Ce renfoncement est insuffisant et nous nous prononçons pour le cadratin, qui tranche davantage et ne prête à aucune équivoque. »

Ces six auteurs sont, on le voit, plutôt favorables au l’enfoncement par cadratin, — l’emploi du 1/2 cadratin n’étant qu’exceptionnel, — et le dernier, M. E. Desormes, reconnaît nettement sa supériorité au point de vue de la clarté et de l’esthétique, ce que l’on ne saurait jamais négliger, surtout, en typographie.

Voyons encore quelques opinions[5] :

H. Fournier : « Elle (la méthode) consiste à renfoncer les vers en raison des syllabes qu’ils ont en moins que l’alexandrin : c’est-à-dire le vers de 10, de 1 cadratin 1/2 ; celui de 8, de 3 cadratins ; celui de 7, de 4 ; et les autres en suivant à peu près cette progression… »

V. Breton, professeur à l’école Estienne : « On appelle renfoncer un vers, mettre en avant de ce vers un blanc supérieur à celui des autres lignes. Pour renfoncer un vers de 10 pieds mis avec des vers de 12 pieds, on met en avant 1 cadratin 1/2, 3 cadratins pour celui de 8 pieds, 4 pour celui de 7 pieds, et ainsi de suite en suivant à peu près cette progression. »

MM. Fournier et Breton préconisent, pour cette question du renfoncement des vers, la même règle, qui semble plutôt difficile à comprendre. Pourquoi le vers de 10 syllabes doit-il être renfoncé de 1 cadratin 1/2, et celui de 8 de 3 cadratins, soit 1 cadratin 1/2 de plus que celui de 10 ? Le vers de 7 syllabes sera renfoncé de 4 cadratins ; et, d’après Fournier, « les autres en suivant à peu près cette progression » ; d’après Breton,… « ainsi de suite en suivant à peu près cette progression ». — Mais quelle progression ? celle du cadratin par syllabe en moins, comme du vers de 8 syllabes au vers de 7 ; ou encore celle de 1 cadratin 1/2, pour 2 syllabes en moins, comme des vers de 12 syllabes à ceux de 10, et de 10 syllabes à ceux de 8 ? Dans ce dernier cas, à quel vers attribuer le cadratin et à quel autre le 1/2 cadratin ? Enfin pourquoi, dans la même poésie, un vers sera-t-il renfoncé de 1 cadratin, et son voisin de 1/2 cadratin seulement ? Mystère et confusion, cette progression est plutôt obscure, et il ne paraît point utile de la recommander.

Cette disposition paraît d’ailleurs empruntée au Nouveau Manuel complet de Typographie, de A. Frey, revisé par E. Bouchez[6] : « Règle générale, on les rentre de 1/2 cadratin par syllabe sur le vers alexandrin ; celui de 10 syllabes est donc rentré de 1 cadratin ; celui de 8, de 2 cadratins, etc., etc. Mais la rentrée de 1/2 cadratin étant fort peu sensible, parfois on ne tient aucun compte du 1/2 cadratin qu’exige la rentrée d’un vers dont le nombre des syllabes est impair, ou bien on le rentre de 1 cadratin tout entier : cela se fait particulièrement quand il n’y a pas plusieurs vers successifs de nombre impair. — Cependant il est des imprimeries où l’on rentre de 1 cadratin par syllabe : les vers de 10, de 8, etc., proportion trop forte, puisqu’elle chasse trop sur la droite les petits vers, qui finissent quelquefois par dépasser à gauche le milieu de la justification. Voici un moyen terme qui n’est pas toujours à dédaigner : 1 cadratin 1/2 pour les vers de 10 syllabes ; 3 cadratins pour ceux de 8 ; 3 cadratin 1/2 pour ceux de 7 ; 4 pour ceux de 8 ; et à partir de là observer le 1/2 cadratin par syllabe. »

Th. Lefevre : « Les vers se renfoncent en raison du nombre de syllabes qu’ils contiennent ; le renfoncement ordinaire est de 1/2 cadratin par syllabe de moins. » Et Th. Lefevre donne, à l’appui de la règle qu’il vient d’énoncer, un exemple dont M. E. Leclerc fait très heureusement la critique, sans le savoir.

M. E. Leclerc : « Le renfoncement des vers, subordonné au nombre de syllabes, semble établi à raison de 1/2 cadratin par syllabe, bien que plusieurs auteurs préconisent le renfoncement de 1 cadratin. Cette seconde méthode aurait toutes nos préférences, car le blanc du 1/2 cadratin n’est pas assez accentué, et, en tout cas, ne correspond point à la largeur des syllabes ordinaires qui ont pour le moins deux lettres (celles d’une seule sont rares). — Ainsi avec le renfoncement par cadratin, la différence des vers de pieds inégaux n’en sera que mieux marquée. » — M. Leclerc donne un exemple particulièrement suggestif du renfoncement au 1/2 cadratin, après lequel il ajoute ces lignes que l’on ne peut s’empêcher d’appliquer à l’exemple ci-dessus mentionné de Th. Lefevre : « L’axe de la composition est déplacé sur la gauche ; n’y a-t-il pas là un flagrant défaut d’équilibre ! » Et ce « défaut d’équilibre » est nettement mis en évidence par la répétition de la même pièce de poésie dont les vers sont renfoncés par cadratin, et dont alors « l’axe de la composition n’est plus déplacé sur la gauche ».

Avec M. Leclerc, on peut conclure — (tout en ignorant si réellement le renfoncement des vers « semble établi à raison de 1/2 cadratin par syllabe », ce qu’il est difficile de nous persuader) — que dans cette question il y a surtout une « satisfaction de coup d’œil », une « affaire de goût et d’appréciation » (c’est également la conclusion de M. Desormes) : toutes choses qui reçoivent une solution heureuse du renfoncement par cadratin, que nous avons toujours employé en raison de sa simplicité et de sa rapidité de calculs et qui ne nous a pas causé les désillusions auxquelles fait allusion E. Bouchez.

D’autres écrivains techniques ont sans doute donné sur cette même question leur opinion personnelle. De l’un de ceux-ci seulement, M. E. Verlet, nous citerons les lignes suivantes : « La nouvelle règle (celle que l’auteur propose) pourrait se formuler ainsi : Sur le plus long vers de 12 pieds occupant le milieu ou la totalité de la justification on renfoncera les vers de 1 cadratin par syllabe en moins. Lorsqu’une poésie ne contiendra pas des vers de toutes les mesures, le renfoncement sera diminué de 1/2 cadratin pour chacun des vers de 11 et de 9 pieds, et de 1 cadratin, représentant le blanc du vers de la première mesure absente au dessous de 7 pieds[7]. »

63. Une poésie comprenant des vers de tous les mètres les plus couramment employés[8] et le vers de 12 syllabes occupant toute la largeur de la justification, on aura pour la rentrée de chaque mesure différente :

Vers de 10 syllabes 
  02 cadratins
Ve de 08 sylbes 
  04 cadtins
Ve de 07 sylbes 
  05 cadtins
Ve de 06 sylbes 
  06 cadtins
Ve de 05 sylbes 
  07 cadtins
Ve de 04 sylbes 
  08 cadtins
Ve de 03 sylbes 
  09 cadtins
Ve de 02 sylbes 
  010 cadtins
Ve de 01 sylbes 
  011 cadtins

Voici l’exemple donné par la plupart des manuels[9] :

« Ô mort, viens terminer ma misère cruelle ! »
xxx S’écriait Charle, accablé par le sort.
xxxxxxxLa mort accourt du sombre bord :
xxxxxxxx « C’est bien ici qu’on m’appelle ?
xxxxxxxxxx « Or, çà, de par Pluton,
xxxxxxxxxxxx « Que me demande-t-on ?
xxxxxxxxxxxxxx « — Je veux… », dit Charle.
xxxxxxxxxxxxxxxx « — Tu veux…, parle…
xxxxxxxxxxxxxxxxxx «  Eh bien ?
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxx « — Rien. »

64. Si, au contraire, le vers de 12 syllabes le plus long n’occupe pas la totalité de la justification, et si, composé au milieu de la ligne, il est rentré de 2, 38, 4 cadratins, les vers suivants de mesures différentes seront rentrés de 2, 3, 4 cadratins en plus de leur renfoncement normal.

65. D’après quelques auteurs — on vient de le voir — « l’alexandrin ou vers de 12 syllabes se compose ordinairement sans renfoncement ».
xxxx Cette règle est parfaitement compréhensible et s’impose, du reste, elle-même lorsque la justification du volume en vers a été établie d’après l’étendue moyenne des vers les plus longs.
xxxx Mais il ne saurait plus en être de même si, au contraire, la justification a été imposée sans se préoccuper du texte à composer, par simple raison de convenance ou pour d’autres motifs.
xxxx Les vers de 12 syllabes qui figurent dans les citations intercalées en caractère plus petit dans un texte en prose ne sauraient non plus être soumis à ce principe, car alors, « l’axe de la composition étant déplacé vers la gauche », il y aurait encore là un « flagrant délit d’équilibre ».

66. Une poésie se composant de vers de 8 syllabes et au dessous, le vers type (de 8 syllabes) le plus long comme texte étant renfoncé de 3 cadratins, on aura :

Vers de 8 syllabes 
 3 cadratins
xxxxx7xxxx 
 4 xxxxxx
xxxxx6xxxx 
 5 xxxxxx
xxxxx5xxxx 
 6 xxxxxx
xxxxx4xxxx 
 7 xxxxxx

67. Pour les citations en vers, isolées dans un texte en prose et composées en plus petit caractère, on doit, à chaque citation, rechercher pour l’alignement le vers type à justifier au milieu.
xxxx Toutefois, si deux ou plusieurs citations, en vers de même mesure, figurent dans la même page, il est préférable, au point de vue de la régularité, comme du bon aspect du travail, de conserver le même alignement pour toutes les citations de cette page.

68. Avec M. Desormes, il faut reconnaître, cependant, que l’emploi du vers ayant le texte le plus long, pour la recherche du nombre de cadratins devant composer la rentrée, présente parfois dans son résultat quelque inconvénient :
xxxx « Les vers ne doivent pas être trop rejetés vers la droite ; mais ils ne doivent pas non plus tomber dans l’excès contraire. Pour éviter ces deux cas trop fréquents, on composera le plus long vers et celui qui semblera le plus court (du mètre le plus élevé, bien entendu). Si cet écart est trop considérable et qu’il reste comme blanc 1 cadratin, notre avis est de mettre purement et simplement ce blanc à gauche et de rejeter complètement le plus long vers sur la droite, comme ceci[10] :

Le héron en eût fait aisément son profit :
Tous approchaient du bord ; l’oiseau n’avait qu’à prendre. »

Avec un peu d’attention et de bon goût, le compositeur évitera facilement cet écueil, un examen sommaire pouvant faire reconnaître les vers dont l’étendue est exagérée.

69. Lorsqu’un vers dépasse l’étendue totale de la justification, on peut adopter plusieurs solutions :

a) Dans un ouvrage soigné, l’excédent du vers est parangonné dans le blanc de la marge :

La nue obscurcissait cet endroit déjà sombre.
Au bas des foins montés jusqu’aux chevrons, dans l’ombre[11],
Elle crut distinguer…

Le vers, composé dans toute son étendue sur un nombre exact de cicéros, est placé entre deux interlignes et intercalé à sa place. Des cadrats ou des lingots sont couchés le long de la page, de part et d’autre du vers, afin de donner à toute la page une justification égale. À l’imposition, on déduit des blancs de la garniture l’excédent de justification.

b) Dans un ouvrage courant, on fait, de préférence, entrer cet excédent, précédé d’un crochet, dans la justification du vers placé au dessus, si la place le permet (pour cette raison, on tolère un espacement faible des deux vers), 1 cadratin de blanc au moins devant séparer le dernier mot de ce vers du crochet indiquant le rejet.
xxxx Le mot crocheté prend la division, et les syllabes accompagnant le crochet sont toujours repoussées en fin de justification :

Un futur chevalier doit avoir l’avantagexxxx[sage
Dans les combats ; je fais mon noble apprentis-
Et pour me distinguer en mainte mission…

Si la place fait défaut dans le vers précédent, le rejet se met dans le vers situé au-dessous :

Nous ne pouvons aller où bon nous semble.
Pourquoi ? Tant qu’un humain devant un autre
Il lui faut arroser la terre de sueur…xxxx[tremble,

c) Enfin, si le vers précédent et le vers suivant remplissent eux-mêmes toute la justification, l’excédent du vers long est isolé, au dessous de ce vers, sur une ligne et repoussé à la fin de la justification, en le faisant toujours précéder d’un crochet :

… Devant la chaise à dais se vint mettre en prière.
Lorsque Gauthier tremblant, l’âme et le corps
Lorsque Gauthier tremblant, l’âme et le corps[transis,
Mains jointes, à genoux, le front dans la poussière…

d) Pour loger le rejet, crocheté d’un vers trop long, on utilise fréquemment les lignes de blanc séparatives des strophes ou des couplets, que ces lignes se trouvent au dessus ou au dessous du vers.

e) Quelques auteurs préconisent une dernière solution : prendre un caractère de corps inférieur à celui du texte. Ce procédé est rarement employé. L’aspect désagréable produit par ce changement, dont, il faut bien le dire, le lecteur ne comprend souvent ni les raisons, ni la nécessité, ne saurait faire accepter ni surtout conseiller, dans un ouvrage soigné, à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles, cette manière de voir.

Cette solution ne doit être tolérée que dans les journaux et les publications périodiques peu soignées, à justification restreinte et à deux ou plusieurs colonnes, où le filet ne permet pas au texte de déborder dans les marges et où la nécessité commande d’éviter la perte de place imposée par le crochetage de l’excédent du vers.

70. Le rejet crocheté doit comprendre au moins trois lettres ; les rejets de deux lettres, muettes ou non (à moins qu’il ne s’agisse de deux lettres fortes, suivies d’une ponctuation), s’expliquent difficilement ; le rejet de l’exemple suivant ne serait pas permis :

Soumis avec respect à sa volonté sainte,d’autres c[te.
Je crains Dieu, cher Abner, et n’ai point d’autre crain-

Ce rejet peut, en effet, presque toujours être évité sans inconvénient, puisqu’il suffit, dans la ligne longue, « de retrancher des espaces pour la valeur d’une seule lettre, la division tenant à peu près la place de la seconde ».

71. Si, dans son étendue, le vers est divisé en plusieurs lignes, chacune des parties après la première doit s’aligner avec la fin de la précédente plus une espace :

Si tu l’entends de lui…
Si tu l’entends de lui…Jamais !…
Si tu l’entends de lui… Jamais !…Jamais, ma foi…

Cette disposition permet au lecteur de se rendre exactement compte du vers.

72. Toutefois, lorsque le vers ainsi divisé dépasse la longueur de la justification, on rentre légèrement, de l’a quantité nécessaire, chacune des parties sous la précédente, afin de tenir dans la justification et d’obvier à un crochetage qui souvent rendrait le vers incompréhensible :

Tais-toi donc, Paul ?
Tais-toi donc, PauPourquoi ?
Tais-toi donc, Paul PourquChut ! Chut !
Tais-toi donc, Paul Pourquoi chut chuLà-bas, un chien !

73. Tous les vers commencent par une grande capitale[12] ; — les parties de vers, coupées par des interlocuteurs, sont soumises à cette règle.

MASCARILLE

Mais le mal est, Monsieur, qu’il faudra s’introduire
En cachette.

VALÈRE

En cachette.Fort bien.

MASCARILLE

En cachette. Fort bien.Et j’ai peur de vous nuire.

Dans Un texte en prose, on conserve, après une coupure, une lettre bas de casse à des parties de vers terminant un membre de phrase :

Les vers de nos grands tragiques se gravent dans la mémoire en traits indélébiles. À ces mots de Corneille :

… On ne reconnaît point…


le lecteur ajoutera spontanément :

L’âme du grand Pompéela main qui crayonna
xL’âme du grand Pompée et l’esprit de Cinna.

Cléopâtre, dans Pompée, conte la passion que César éprouve pour elle et comme

Lui portent en tributchaque jour ses courriers
Lui portent en tribut ses vœux et ses lauriers.

74. Lorsque, dans une poésie, pour indiquer la suppression d’un fragment, d’une partie importante ou même d’un vers seul, un auteur emploie une ou plusieurs lignes de points, les points doivent s’espacer de 1 cadratin et ne pas déborder sur la longueur moyenne du texte des vers qui les encadrent :

Mais c’est trop y tenir toute l’âme occupée
Seigneur, je suis Romain et du sang de Pompée.
..................
Je sais ce que j’ai fait, et ce qu’il vous faut faire.

75. Dans une citation reproduisant un fragment final de vers et un vers entier, le fragment de vers se repousse vers la droite de façon à mettre presque sur la même ligne verticale les deux rimes :

C’est surtout l’étonnement qui se peint dans ces paroles de
Cinna :

Non que votre colère oJe demeure stupide,
Non que votre colère ou la mort m’intimide…

La partie de ligne qui précède le fragment de vers est laissée parfois en blanc, comme dans cet exemple, ou remplie par des points, tantôt collés (et alors seulement au nombre de trois ou de cinq), tantôt espacés de 1 cadratin ou de 1/2 cadratin et ne dépassant pas le début du vers suivant. — Le sens de la phrase, la longueur du texte cité, ou, plus fréquemment, l’auteur indiquent la conduite à tenir.

76. Si, au contraire, la citation comprend d’abord un ou plusieurs vers entiers, puis un fragment de vers, la fin de la ligne sera en blanc, ou le fragment de vers simplement accompagné de points suspensifs :

Combien éternellement vrai ce langage de roi :

Ma faveur fait ta gloire, et ton pouvoir en vient ;
Elle seule t’élève, et seule te soutient ;
C’est elle qu’on adore…

77. Enfin, le texte ne comprenant que deux fragments de vers, on donnera autant que possible à ces deux fragments l’étendue d’un vers complet, en suivant pour l’emploi du blanc ou des points les règles précédentes :

Et encore, avec quelle vérité Corneille n’a-t-il point réussi
à peindre les premiers sentiments qui agitent l’âme des cons-
pirateurs démasqués :

… On m’a trahi, vous m’y voyez rêver,
Et j’en cherche l’auteur…


§ 2. — Acrostiches


78. Dans les acrostiches, la lettre initiale de chaque vers doit être séparée de la suivante du même mot par une espace de 1 point à 1 point 1/2, afin de faciliter la lecture et de bien dégager le texte de l’acrostiche :

L ouis est un héros sans peur et sans reproche ;
O n désire le voir. Aussitôt qu’on l’approche,
U n sentiment d’amour enflamme tous les cœurs ;
I l ne trouve chez nous que des adorateurs ;
S on image est partout, excepté dans ma poche

79. Parfois on préfère employer pour les lettres formant l’acrostiche un caractère différent de celui du texte (caractère gras, par exemple). Le blanc peut alors être facultatif, les lettres composant l’acrostiche étant, de cette façon, suffisamment distinctes des autres :

Louis est un héros sans peur et sans reproche ;
On désire le voir…

80. On peut encore coucher la lettre, comme on le fait dans l’exemple ci-dessous, en séparant celle-ci de la suivante par une espace et en la parangonnant de chaque côté, dessus et dessous, pour que son centre se trouve bien en face l’œil des lettres de la ligne de texte :

V  ous vîntes en ce monde un jour d’avril, mignonnes,
I  l m’en souvient encor, voilà presque vingt ans…
V  otre essor fut charmant. On tressa des couronnes
E  t l’on vous proclama Reines du passe-temps…
N  ous avions pressenti, nous, vos premiers fidèles,
T  out l’avenir brillant de vos naissantes ailes !

Si cette disposition facilite la lecture de l’acrostiche, elle a le regrettable défaut d’être peu agréable à l’œil, d’obliger le lecteur à un mouvement peu habituel et ainsi de nécessiter un certain effort (toutes choses qu’il faut soigneusement éviter au lecteur, que l’on doit toujours considérer comme un enfant choyé et gâté),

81, Dans l’acrostiche double (c’est-à-dire l’acrostiche se répétant à la fin du vers), les lettres constituant l’acrostiche de fin s’alignent sur le vers le plus long, la lettre de ce vers se trouvant séparée de la précédente par une espace de 1 point à 1 point 1/2 :

A mour parfait dans mon cœur imprim   A
N om très heureux d’une que j’aime bie N
N on, non, jamais cet amoureux lie        N
A utre que la mort défaire ne pourr         A

82. Si l’acrostiche se compose non plus d’un mot, mais d’une série de mots, pour éviter la confusion et aider à la lecture, on jette un blanc d’une ligne après la série de vers composant chaque mot de l’acrostiche :

V ous vîntes en ce monde un jour d’avril, mignonnes,
I l m’en souvient encor, voilà presque vingt ans…
V otre essor fut charmant. On tressa des couronnes
E t l’on vous proclama Reines du passe-temps…
N ous avions pressenti, nous, vos premiers fidèles,
T out l’avenir brillant de vos naissantes ailes.

L e sort vous épargna les débuts trop amers,
E t quand tout vous riait, chères Enfants gâtées,
S ombres, d’autres, heurtant mille obstacles divers,
 
A grand’peine suivaient les plus âpres montées…
N ul Français, aujourd’hui, n’ignore votre nom
N i votre idéal pur d’amour et de raison !
A llez plus haut, touchez les cimes glorieuses :
L es lauriers pleuvront dru sur vous de tous côtés,
E t nous, qui vous tendrons des mains plus généreuses,
S ans trêve, par votre art, nous vivrons enchantés[13].

83. Lorsque l’on emploie la lettre capitale du caractère couchée sur le côté, on peut conserver seulement la grande capitale pour la première lettre de chaque mot de l’acrostiche, les lettres intérieures de ces mots étant des petites capitales :

V ous vîntes en ce monde un jour d’avril, mignonnes ;
I l m’en souvient encor, voilà presque vingt ans…
V otre essor fut charmant. On tressa des couronnes
E t l’on vous proclama…

Et alors la ligne de blanc séparative de chaque mot pourrait peut-être être supprimée, si l’on ne redoutait aucune confusion et si la place faisait défaut.

84. Les acrostiches syllabiques de fin de ligne se composent plutôt en italique ou en petites capitales et s’alignent sur la syllabe terminale du vers le plus long :

Un ramoneur nommé Si--- mon,
Lequel ramone haut et ----- bas,
A bien ramoné la mai------- son
De Monseigneur de Montbazon.


§ 3. — Chronogrammes


85. Les vers chronogrammes[14] ne prennent aucune capitale, même au mot initial ou aux noms propres, sauf celles nécessaires à l’inscription de la date :


franCorVM tVrbIs sICVLVS fert fVnera Vesper[15].


franCoraV teMps dV roI CharLes Le hVIt
franCorCestVI hosteL sI fVt ConstruVIt[16].


franCCharLes roi VoLt en Ce CLoCher
franCCeste nobLe CLoChe aCCroCher
franCfaIte poVr sonner ChaCVne heVr[17].

86. Les chronogrammes se composent en romain ou en italique bas de casse, encore parfois en petites capitales, à la demande de l’auteur ; mais on ne saurait crocheter les vers trop longs : la deuxième ligne se rentre de 1 ou 2 cadratins sur la première.

87. En prose, le chronogramme se met au milieu de la justification, s’il ne comprend qu’une ligne ; s’il comporte deux lignes de texte, chacune de ces lignes est justifiée au milieu. Le compositeur évitera de diviser un mot en fin de ligne.


§ 4. — Bouts-rimés


88. Les bouts-rimés sont de petites pièces de poésies faites avec des bouts rimes, ou, plutôt, des rimes données pour terminer les vers qu’il faut ensuite remplir, c’est-à-dire pour lesquels il faut trouver et la pensée qu’on peut y exprimer et les mots à joindre aux rimes déjà données.

89. Dans les bouts-rimés, les mots rimes, composés en italique, s’alignent entre eux par la gauche, sur le vers le plus long.
---- Voici l’exemple, donné par Th. Lefevre :

Je rencontrai, dimanche, un mort dans son -cercueil.
Voyageant tristement sur le chemin ----------- d’Arcueil;
Au fond d’un corbillard, comme en un bon -- fauteuil
C’était le nom du mort : il fallut dans un ------ fiacre
Emballer le défunt, les prêtres et le ------------diacre.
Du sort qui nous attend voilà le ------------------simulacre,
Me dis-je ; le Mogol, sur son trône de ----------nacre

90. Un autre genre de bouts-rimés dont on ne connaît que quelques exemples est celui où les mots rimes se trouvent remplacés pur des chiffres dont, parfois, le total indique un âge, une date, etc.
---- D’après E. Morin, ce bout-rimé n’est qu’ « un alignement de chiffres », dont les diverses parties suivent les règles générales de composition relatives aux alignements ordinaires (caractère de corps inférieur à celui du texte, renfoncement sur la justification régulière, points de conduite, découvert, etc.) ; si les chiffres s’additionnent, leur alignement se fait sur l’unité. L’épitaphe du maréchal de Saxe[18], le héros de Fontenoy, mort à cinquante-cinq ans, est typique à cet égard :

Son courage l’a fait admirer d’un chac 
 1
Il eut des ennemis, mais il triompha 
 2
Les rois qu’il défendait sont au nombre de 
 3
Pour Louis, son grand cœur se serait mis en 
 4
En amour c’était peu pour lui d’aller à 
 5
Nous l’aurions s’il n’eût fait que le berger Tir 
 6
Mais, pour avoir souvent passé douze, hic ja 
 7
Il mourut en novembre, et de ce mois le 
 8
Strasbourg contient sa cendre en un tombeau tout 
 9
Pour tant de Te Deum, pas un De Profun 
 10


§ 5. — Chansons, hymnes et cantiques


91. La chanson (hymne ou cantique, au sens religieux) présente certaines particularités de composition qu’un bon typographe ne saurait ignorer.
xxxx La chanson, qui se réclame, on le sait, de la poésie pastorale et de la poésie fugitive, est une pièce de vers, divisée en stances égales, destinée à être chantée. Chacune des stances, plus communément appelées couplets, est en général terminée ou précédée, au cours du chant, d’une autre strophe nommée refrain.
xxxx Lorsque le refrain régulier manque, le dernier, ou même les deux ou trois derniers vers, parfois encore les derniers mots de chaque fin de couplet doivent être répétés, en guise de refrain.

92. Les règles générales de la composition des pièces de poésie, rentrée des vers, coupure, etc., sont applicables à la chanson.

93. Après le titre, on indique fréquemment, en petit caractère de corps 6 ou 7, l’auteur des paroles, le nom du musicien ou lair sur lequel le chant doit être exécuté.
xxxx Plusieurs dispositions peuvent être adoptées :

a) Le nom de l’auteur à gauche, celui du musicien à droite, ou réciproquement (tous deux en petites capitales), débordent légèrement sur le texte, si le vers n’occupe qu’une partie de la justification, et, au contraire, sont rentrés sur celui-ci, lorsqu’il remplit, toute la ligne :

Chanson d’été
(Paroles de G. Haurigot.)   (Musique de C. Augé.)

Soleil, soleil, chauffe le monde,
Verse la vie et la gaîté…

b) Un seul des deux noms (auteur ou musicien) étant donné, on le compose à droite (jamais à gauche), et comme il vient d’être dit :

Avant la classe
(Paroles et musique de C. Augé.)

À l’œuvre, amis, et sans relâche !
Que rien n’arrête notre essor !

Lorsque le nom de l’auteur est seul, il est parfois placé en vedette sous le titre de la chanson :

Honneur et Patrie
par
Claude Augé

Quand la guerre survient, debout ! chacun s’élance
À l’appel des tambours…

c) Si l’indication du rythme sur lequel la chanson doit être exécutée est seule mentionnée (à l’exclusion du nom de l’auteur et de celui du musicien), cette indication se compose à droite :

Le Postillon
{Air connu.)

Sur les grandes routes poudreuses,
Cours, intrépide postillon…


ou au milieu de la justification, après le titre :

Prenez Garde !
(Air : Les Chevaliers du Guet.)

L’une ou l’autre de ces indications se trouvant reportée à la fin de la poésie, on appliquera les principes qui régissent la composition des signatures.

d) Bien que, dans ces divers cas, les parenthèses semblent d’un emploi général, quelques auteurs en exigent cependant la suppression.

94. Le refrain est placé tantôt au début de la chanson, tantôt après le premier couplet.
xxxx Il est indiqué par le mot Refrain mis en vedette, au milieu de la ligne :

............
Accomplissons bien notre tâche ;
Sans le travail, point de trésor.

refrain

Tout joyeux, rentrons à l’école.
Allons, amis, vite au devoir ;…


ou rejeté, lorsque la place le permet et que l’auteur le demande, au début du premier vers, en dehors du renfoncement normal.
xxxx On le compose indifféremment en italique bas de casse ou en petites capitales, et, souvent, lorsqu’il figure au début du vers, on l’abrège : Refr.

............
Accomplissons bien notre tâche ;
Sans le travail, point de trésor.

Refrain. Tout joyeux, rentrons à l’école.
Refrain. Allons, amis, vite au devoir…

95. Parfois, après chaque couplet, la reprise de la stance appelée refrain est indiquée par la répétition du mot Refrain, en italique bas de casse, placé après la ponctuation qui termine le dernier vers et souvent abrégé : Refr. :

 
À demain, mes chers camarades !
Rentrons chez nous : le jour s’enfuit,
Les oiseaux cessent leurs roulades.
Au revoir, bonsoir, bonne nuit ! (Refrain.)

96. L’ordre des couplets est donné :

a) Par des numéros :
xxxx 1° En grandes ou en petites capitales : I, II, III, etc., i, ii, etc…, lorsque la numération est placée en vedette au milieu de la ligne :

I

 
À l’œuvre, amis, et sans relâche !
Que rien n’arrête notre essor !
Sans le travail, point de trésor.
Accomplissons bien notre tâche…

2° En grandes capitales ou en chiffres arabes : I, II, III, etc…, 1, 2, 3, etc…, si la numération est reportée au début du premier vers de chaque stance :

I. À l’œuvre, amis, et sans relâche !
xxQue rien n’arrête notre essor !
xxAccomplissons…

b) Par les mots : 1er couplet, 2e couplet, etc…, en italique bas de casse ou en petites capitales, soit au milieu de la justification, soit au début du premier vers de chaque couplet.

Les mots : 1er, 2e, 3e, etc…, se composent alors en chiffres arabes accompagnés des lettres supérieures distinctives er ou e :

1er couplet

 
À l’œuvre, amis, et sans relâche !
Que rien n’arrête notre essor !
Accomplissons…

 
1er Couplet. À l’œuvre, amis, et sans relâche !
xxxxxxxxxxxQue rien n’arrête notre essor !
xxxxxxxxxxxAccomplissons…

97. Suivant la justification et le format du travail, les mots Refrain et Couplet, placés en vedette au milieu de la ligne, peuvent encore être composés en grandes capitales.

98. On met en dehors de l’alignement propre des vers (alignement qui doit toujours être respecté) la numération (I, II, … ; 1, 2, 3, … ; 1er couplet, …) reportée au commencement de ces vers. On la fait suivre d’un point sans tiret (celui-ci obligeant à un découvert par trop grand et d’un mauvais aspect dans certains cas) ; 1/2 cadratin de blanc au moins suit le point.

99. Lorsque la numération figure au début du vers, chaque couplet est séparé du précédent ou du suivant par un blanc d’une ligne, d’une demi-ligne, ou seulement d’une interligne supplémentaire, suivant la place dont on dispose.
xxxx On agit de même pour le refrain.

100. Le mot bis indique qu’un vers doit être répété au cours du chant. Il se place à la fin du vers, après la ponctuation propre de la phrase, entre parenthèses et sans capitale généralement. On le fait suivre ou non, à volonté, du point qui cependant n’oblige point à la capitale[19] :

  
Par une tiède nuit de printemps,
il y a bien de cela cent ans,
Que sous un brin de persil, sans bruit
xxxxxTout menu naquit
xxxxxJean de la Lune, (bis)

101. Quand on doit répéter non plus un seul vers, mais deux, une accolade enjambant les deux vers est suivie du mot bis, placé comme il est dit précédemment :

Quand d’herbes la plaine est couverte,
Si vous voyez sur les ruisseaux
Voler la demoiselle verte
Qui se perche au bout des roseaux,
Laissez la créature frêle
Se balancer dans l’air en feu ;
Enfants, si vous cassiez son aile,
Vous feriez pleurer le Bon Dieu !

(bis)
 

102. Le mot bis peut encore être placé à l’intérieur d’un vers : il est alors intercalé avant la ponctuation pouvant appartenir au texte, et il indique que, seules, les paroles qui le précèdent depuis le début du vers doivent être répétées au cours du chant ; il se compose en italique, entièrement en bas de casse, entre parenthèses et sans ponctuation à l’intérieur de celles-ci :

Il changera, le sort des armes !
Il tombera, leur aigle noir !
Strasbourg et Metz, séchez vos larmes !
Non pas adieu (bis), mais au revoir !

103. Dans un chant destiné à plusieurs chœurs, le mot couplet est remplacé par le nom du chœur auquel appartiennent les paroles de la stance, et celui-ci est composé en petites capitales au milieu de la justification :

xxxxLa victoire en chantant
xxxxNous ouvre la barrière,
La liberté guide nos pas.
..........

xxxxxxxxxxchœur des députés

La République nous appelle,
Sachons vaincre ou sachons périr :
Un Français doit vivre pour elle…

xxxxxxxxxxune mère de famille

De nos yeux maternels ne craignez pas les larmes ;
xxxxxxxxLoin de nous les lâches douleurs !…


§ 6. — Poésies légères


104. Parmi les autres pièces du genre badin ou léger, après la chanson on peut citer, mais plutôt à titre documentaire, l’anagramme, la charade, l’énigme, le logogriphe, le métagramme et tous ces jeux d’esprit, en vers, que l’on rencontre à la quatrième page des journaux mondains.
xxxx À part l’acrostiche, aucune règle spéciale de composition ne régit ces différentes poésies soumises, dans l’énumération des diverses données de la question posée, aux prescriptions qui viennent d’être exposées.
xxxx Seule, la solution que comporte l’énoncé de certaines de ces pièces légères est intéressante et mérite de retenir l’attention du compositeur, en raison des dispositions typographiques diverses qu’elle exige.
xxxx L’anagramme, la charade, l’énigme, le logogriphe, le métagramme ne présentent, pour leur solution, aucune difficulté de composition. Après avoir défini ces mots, il suffira d’en donner quelques exemples.

105. L’anagramme est une transposition de lettres qui, d’un mot ou d’une phrase, fait un autre mot ou une autre phrase :

grenieancre, nacre, rance
grenier, ingérer, Régnier, négrier
grenier,verseau, vareuse.
grenier, inUn sot pâle
grenier, inUn pot sale
grenier,Elle fit son prix
grenier,Elle prit son fils
greniIl tiendra une vache
greniIl viendra une tache

106. Dans la charade, le mot à deviner est partagé en deux, rarement en trois autres mots que l’on appelle premier, deuxième ou second, dernier, et que l’on fait connaître par leur définition ; la solution, nom à indiquer, s’appelle le tout ou l’entier :

Est plante graminée ;
Espace d’une année ;
Gros oiseau redouté
Ou très belle cité.

 
Premier : mil ; second : an ;
Pretout ou entier : Milan.

107. L’énigme est une définition, en termes obscurs ou d’apparence contradictoire, d’un mot que l’on propose à deviner :

Je suis une petite tige
Je suis unQui voltige.
Parfois au sommet d’un clocher
Je suis unSuis perché.
Je couronne une pyramide
Je suis unDans le vide.
Sous l’obélisque de Louqsor
Je suis unJ’ai mon port.
Je suis une pMot : Aiguille.

108. On appelle métagramme le changement, sans interversion, d’une lettre pour une autre dans un mot :

xxxxxVille du pays des Phéniciens.
xxxxxUn homme parmi les magiciens
Le plus fameux ; ou, si tu veux, un autre
xxxxxQui près de Jésus fut apôtre ;
Ou causeur charmant, tribun estimé ;
Pour sa perfidie, un Grec renommé ;
Ou conjonction, si tu le préfères.
Enfin, plante dans les Ombellifères.
xxxxxxxxxxSidon, Simon, Sinon, Sison.

109. Dans le logogriphe, le mot à deviner est choisi de telle façon que les lettres qui le composent puissent fournir plusieurs autres mots, appelés secondaires ; par la définition que l’on donne de ceux-ci on s’efforce de trouver le mot du logogriphe :

Logogriphe décroissant :


xxInfinitif ; temps de ce verbe : choir
xxEn grêle menue ; un filet à voir
xxEst grêle menue ; infinitif montre
xxCe verbe « coucher ». Alors on rencontre
Un département ; puis c’est la volonté ;
xxxxUne note ; enfin, c’est dans pâté.
xxgrésiller, grésille, résille, grésil, gésir, Gers, gré, ré, é

110. Parmi les jeux d’esprit, on peut énumérer au hasard : les mots en chevron, en carré, en croix, en losange, en triangle ; les mots janus ; les mots en losange croisé, en triangle magique ; les mots en carrés jumeaux à mots janus ; les mots en croix blanche ; les mots carrés diaboliques janus ; et tant d’autres si nombreux que… la plume ferait défaut pour en donner la description.
xxxx La composition des solutions de ces divers jeux d’esprit présente plus ou moins de difficulté. Il est nécessaire de faire connaître les principales.

111. Mot en chevrons :

Tête et cœur d’idiot. Adjectif possessif ;
Ou bien encor des sons la hauteur, en musique.
Symbole ingénieux, très abréviatif,
Dont on se sert beaucoup dans l’art sténographique.
Tout lui manque, aliments, air, lumière et chaleur,
Car elle dépérit ; livide est sa pâleur.
Nous n’en pouvons avoir une vision claire ;
D’un lointain avenir elles sont le mystère.

I
TON
SIGLE
ÉTIOLÉE
DESTINÉE
S

112. Mot en losange croisé :

Jamais dans la farine et toujours dans le pain ;
Pour passer la rivière ; un empereur romain ;
Le protecteur de l’œil ; en entrant à Séville.
Puis verticalement : une lettre ; à l’oiseau ;
xxxxxxxUne grande et superbe ville ;
xxxxxxxPassage étroit ; dans un tonneau.

P
BAC
NERON
C I L
S

113. Mot syllabique en losange :

Titre princier en Assyrie.
Hardiesse, aussi crânerie.
Roi célèbre par ses festins.
Il nous donne d’excellents vins.
Il précède, lecteur sagace,
Le substantif ou le remplace.

SAR  
AU DA CE
SAR DA NA PA LE  
CÉ PA GE
LE

114. Mot janus, à double face, à double signification en le lisant de gauche à droite et de droite à gauche :

En prenant certain fruit par la queue, on peut voir,
En prenCirconstance drolatique,
En prenUne machine hydraulique
Qu’un fort cric, sur un corps de pompe, fait mouvoir.
Qu’un fort cric, surCapron, norpac.

115. Mots en carrés jumeaux à mots janus :

CANERXXXX
ASILEXXXX
NISUSXXXX
ELUESXXXX
RESSASSER
XXXXSEIME
XXXXSILER
XXXXEMERE
XXXXREREG

116. Mots en croix :

CA
AI
SORGHO
THORUS
LE
IF
NI
EN

117. Mots en croix blanche :

Indépendance ; germandrée ;
Trois pieds d’Eugène l’on verra ;
Jujubier ; préfixe ; en gelée ;
Tête de lion ; crier, voilà ;
Pronom ; étendard turc, je nomme ;
De verbe avoir et puis, en somme,
Partie égale nous verrons.
Solution nous attendons.

LIBERTÉ
IVE EUG
BER ÉGA
E XXX L
REE TOI
TUG ONT
ÉGALITÉ

118. Mots en carré :

FANS
AROU
NOVI
SUIR

119. Mots en girouette :

Utile au lit ; toujours à suivre ;
Imite l’or, mais c’est du cuivre ;
Dans les Pyrénées, un canton :
Arrondissement d’Oloron ;
Nœud en bouffant ; futur de… faire ;
Vaste espace à tous nécessaire ;
Cinq pieds donnant un subjonctif ;
Quelque chose d’augmentatif ;
Appareil de charpente, en somme
Étoffe fine ; prénom d’homme ;
Verticalement : pieds de bouc ;
Oiseau commun à Pernambouc ;
Note : grand vent ; pain de montagne ;
Pour un général, en campagne ;
Lourd souci ; de l’Eure, un hameau
Souverain ; clou formant anneau ;
Négation ; verbe ; à la brune ;
Poids ; pronom ; deux pieds de Neptune.

L
E
XXXXORIPEAU
XXARAMITS
CRAVATE
XXAGIRONT
XXXXÉTENDUE
A
I
L
L
E
M
BER
LINON
BASTIEN

120. Les combinaisons différentes auxquelles peut arriver l’imagination oisive des chercheurs sont innombrables ; il suffira de citer : les mots en parallélogramme, en triangle ajouré, en losange ajouré, en croix de Malte, en étoile, en chiffres 8, en cœur, en coupe, en oiseau, en cigogne, etc. Après les quelques exemples donnés ici, il est, du reste, inutile d’insister.

121. Le mécanisme de la composition est aisé à comprendre.

Parmi les mots de la solution, le typographe choisit le plus long ; il le compose en jetant entre chaque lettre une espace régulière de 3 points, 2 points, rarement 1 point, suivant les indications de l’auteur et la place dont il dispose :

NÉRON


puis il le justifie au milieu de la ligne.

122. Les autres mots sont alignés sur ce premier nom, en les composant par ordre de longueur décroissante, l’axe de chacune des lettres devant se correspondre parfaitement. L’exemple choisi donnera :

NÉRON
BAC
CIL
P
S

Chaque mot est ensuite remis dans l’ordre indiqué par l’auteur, pour donner la solution du jeu d’esprit.

123. Si le nom le plus long comporte une lettre d’épaisseur faible ou moyenne (I ou J),

DESTINÉES


alors que les lettres des autres mots s’alignant avec celles-ci sont d’épaisseur forte, le compositeur doit en tenir compte : soit en remplaçant la lettre faible par une lettre forte qu’il retire après justification de la ligne, le blanc donné par cette substitution étant placé de chaque côté de la lettre faible ; soit, s’il connaît suffisamment l’épaisseur de la lettre forte, en répartissant régulièrement, du premier abord, par des espaces jetées de côté et d’autre de la lettre faible, la différence d’épaisseur des deux lettres :

DESTINÉES
ÉTIOLÉE

124. Pour les mots en croix ou les mots dont la disposition est analogue aux carrés jumeaux à mots janus, les noms horizontaux seront toujours composés les premiers.

125. Dans les mots syllabiques, les lettres formant la syllabe sont collées sans espace :

SAR DA NA PA LE

126. Dans les carrés, triangles, losanges, etc., jumeaux à mots janus, le mot janus qui seul doit attirer l’attention du lecteur sera composé en caractères gras capitales, ainsi qu’on l’a vu, ou en grandes capitales romain, les autres noms des carrés ou triangles étant composés en petites capitales :

caneRxxxx
asilExxxx
ninuSxxxx
elueSxxxx
RESSASSER
xxxxSeime
xxxxSiler
xxxxEmere
xxxxRereg

Le compositeur instruit des moindres subtilités du métier ne saurait éprouver aucune hésitation devant les difficultés plus apparentes que réelles de ce genre de travaux. Il devra, toutefois, faire preuve non seulement d’intelligence, mais encore de sagacité, pour comprendre le désir et la pensée de l’auteur et déchiffrer, sans perte de temps, conséquemment d’argent, un manuscrit dont certaines parties lui permettent d’apprécier vivement — on n’en saurait douter ! — les beautés énigmatiques de la charade ou du logogriphe qu’il est chargé de présenter — de traduire, plutôt — sous une forme claire et compréhensible à de courageux et dévoués œdipes.


§ 7. — Règles diverses


127. La parfaite régularité de l’espacement étant la condition essentielle exigée d’une bonne composition de la poésie, le typographe — que n’embarrasse aucun des inconvénients de la division des mots en fin de ligne — séparera chaque mot avec une espace forte du corps du caractère employé.

128. Dans les vers de mesure régulière, l’alinéa peut s’indiquer par la rentrée de 1 cadratin, par une ligne de blanc, ou encore par un blanc quelconque.

Dans les poésies de mètres différents, c’est toujours la ligne de blanc qui sert à indiquer l’alinéa.

129. En raison de la mesure, les nombres, quels qu’ils soient, sont toujours exprimés au long, en toutes lettres.

Voici l’exemple de Th. Lefevre :

En l’an seize cent vingt, j’épousai dans Bayonne
Charlotte-Marguerite-Honorine Delorme ;
L’an mil six cent vingt-six, je la mis au couvent
Pour deux ou trois péchés répétés trop souvent.

Voici deux autres exemples tirés des Plaideurs de Racine :

Le tout joint au procès enfin, et toute chose
Demeurant en état, on appointe la cause
Le cinquième ou sixième avril cinquante-six,
J’écris sur nouveaux frais…

J’obtiens lettres royaux, et je m’inscris en faux.
Quatorze appointements, trente exploits, six instances,
Six-vingts productions, vingt arrêts de défenses,
Arrêt enfin. Je perds ma cause avec dépens,
Estimés environ cinq à six mille francs.

De Victor Hugo :

Mil huit cent onze ! O temps où des peuples sans nombre Attendaient prosternés !…

130. Les mots Madame, Mademoiselle, Monsieur, Monseigneur, et autres formules honorifiques, faisant partie d’un vers, ne sauraient être abrégés ; ils doivent être composés en entier :

Tout à coup l’essieu rompt ; la bière fut recueil
Qui joignit les vilains à feu monsieur d’Auteuil.

131. Il en est de même pour les adjectifs numéraux ordinaux accompagnant les noms propres de rois, de papes, d’empereurs, etc. :

Henri quatre, Louis quatorze, Louis premier, etc.

132. Dans les notes entièrement composées de vers dont le texte ne remplit pas toute la justification, le chiffre renvoi de note se renfonce de 1 ou 2 cadratins, comme tous les autres chiffres. — Le vers le plus long et de mètre le plus élevé se justifie au milieu de la ligne, sans tenir compte du chiffre renvoi non plus que du blanc qui le précède (c’est-à-dire que le tout est considéré comme blanc à répartir) ; dans la répartition du blanc, l’excédent au delà du chiffre et de son cadratin de renfoncement est placé entre le vers et le renvoi :

(1)Rompez vos fers,
Tribus captives ;…

(2)Dans ces prés fleuris
Qu’arrose la Seine…

133. Dans les éditions classiques de poésies, pour faciliter la recherche des textes indiqués, fréquemment les vers ont un numéro d’ordre, alternant de 5 en 5 vers ou seulement de 10 en 10 et placé indifféremment au début ou à la fin de la ligne, c’est-à-dire avant ou après le vers.

a) Le texte occupant la presque totalité de la justification : 1° Avant le vers. — Le numéro d’ordre se compose en pleine ligne, en ayant soin de réserver le blanc nécessaire à la place éventuelle des chiffres indiquant, les dizaines, les centaines et les mille. — Entre le dernier chiffre et le premier mot du vers doit être ménagé un blanc d’au moins 1 cadratin, ou, à l’extrême rigueur, de 1/2 cadratin[20] :

CHIMÈNE

805. Par où sera jamais ma douleur apaisée,
Si je ne puis haïr la main qui l’a causée ?
Et que dois-je espérer qu’un tourment éternel,
Si je poursuis le crime, aimant le criminel ?

ELVIRE

Il vous prive d’un père, et vous l’aimez encore !

CHIMÈNE

810.C’est peu dire aimer, Elvire, je l’adore…

Dans les vers coupés, la numération se place au début du premier fragment :

L’INFANTE

1605.Ah ! qu’il s’en faut encore !

LÉONORE

Ah ! qu’il s’en faut encore !Que pouvez-vous prétendre ?

L’INFANTE

Mais, plutôt, quel espoir pourrais-tu me défendre ?
...................

Après le vers. — La numération est toujours repoussée en fin de justification, l’alignement des chiffres se faisant à droite, sur les unités. — Aucun blanc bien déterminé n’est exigé entre le dernier mot du vers et le numéro d’ordre ; le blanc doit, toutefois, être suffisant pour que, du fait de la numération, le lecteur n’éprouve aucune hésitation ni aucune difficulté :

CHIMÈNE

805.Par où sera jamais ma douleur apaisée,
Si je ne puis haïr la main qui l’a causée ?

Dans les vers coupés en plusieurs parties, par les interlocuteurs ou les jeux de scène, le numéro d’ordre se place au dernier fragment, celui qui contient la rime :

VALÈRE

Sauvez-vous de sa main et redoutez les dieux.

TULLE

Défendez-vous, Horace !

HORACE

1355.Défendez-vous, Horace !À quoi bon me défendre ?
Vous savez l’action, vous la venez d’entendre…

b) Le texte n’occupe qu’une fraction de la justification. — Le texte se compose au milieu de la ligne suivant l’usage, ou avec le renfoncement qui peut avoir été indiqué par le texte précédent. — Le numéro d’ordre, qu’il soit composé avant ou après le vers, est rentré ou suivi, selon la place qu’il occupe, de 1 ou 2 cadratins. La différence, ou le reste du blanc, se place entre les chiffres et le texte[21] :

RODRIGUE

FauÔ Dieu, l’étrange peine !
Faut-il laisser un affront impuni ?
310. Faut-il punir le père de Chimène ?
FauPère, maîtresse, honneur, amour…
xxxx..............

Faut-ilNe soyons plus en peine,
Puisqu’aujourd’hui mon père est l’offensé,
Si l’offenseur est père de Chimène.350.

134. Après une intercalation de citation dans un texte, si la phrase se continue, le premier mot se compose en pleine ligne, sans être précédé d’un blanc, et ne prend la capitale que s’il la comporte naturellement :

Pendant que le trésorier

Dont le corps ramassé dans sa courte grosseur
Fait gémir les coussins sous sa molle épaisseur

et que les chanoines jouissent du bonheur de l’indolence, la Discorde vient porter partout le trouble et la confusion.

135. Dans le cas d’une incidente placée entre deux tirets remplissant les fonctions de parenthèses, on ne peut reporter au début du vers suivant, le tiret, qui, fermant l’incidente, se trouverait placé en fin de vers :

Je le connais : je peux l’aimer.
Alors je dis — sans blasphémer : —
« Maître inconnu de la nature,… »

136. Dans les traductions correctes mot à mot d’une poésie en langue étrangère ou en patois, le moins ou tiret est employé pour indiquer chaque fin de vers du texte original :

Qual fior cadea sul lembo,
Qual sulle trecce bionde,
Qual si posava in terra e qual su l’onde :
Qual con un vago error
Girando, parea dir : Qui regna amor.

Une fleur tombait sur ses genoux, — Une autre sur ses tresses blondes, — Une autre, se posait sur la terre, Une autre sur l’onde, — Une autre, par une erreur gracieuse, — Tournoyant, semblait dire : Ici règne l’amour.

Quelques auteurs exigent, après le tiret, la capitale, pour mieux marquer le début du vers ; d’autres, au contraire, veulent une lettre bas de casse ; aucune règle fixe n’existe pour ce sujet.

137. Si l’on veut reproduire, en les composant en alinéa ou en sommaire, les vers d’une inscription, d’une épitaphe, etc., on indique chaque fin de vers par un tiret debout( ) :

On y voit représentée la lutte d’Apollon et de Marsyas ; au centre de la composition, on lit : Pallados en studio didicisti Marsua cantum, Dumque tibi titulum quæris mala pœna remansit. De l’autre côté, se trouve la marque de l’artiste…

138. Dans une conversation en vers, le tiret qui remplace le nom de l’interlocuteur ne doit jamais figurer en fin de vers ; il est toujours reporté au début du vers suivant :

— C’est bien ici qu’on m’appelle ?
Or, çà, de par Pluton,
Que demande-t-on ?
— Je veux…, dit Charle.
— Tu veux…, parle…
Eh bien ?
— Rien.

139. Une citation en vers placée dans, un texte en prose est toujours détachée du texte prose par une ligne de blanc au-dessus et une ligne de blanc au-dessous d’elle ; le blanc qui la précède est tenu légèrement plus faible (3 ou 4 points) que le blanc qui la suit.

140. Lorsqu’une citation est accompagnée de sa traduction, celle-ci se compose généralement en même caractère que la citation ; elle est séparée du texte traduit par un blanc de moitié plus faible que celui isolant la citation du texte, ou, au moins, par une interligne double.
xxxx Cette règle s’applique également aux vers se trouvant, comme citation, dans une note au milieu d’un texte en prose.

141. À l’encontre de cette règle, certains auteurs exigent que la traduction soit composée en même caractère que le texte, auquel elle est jointe, sans séparation par un blanc. On emploie alors les guillemets initial et final pour la distinguer du texte. — Souvent encore la traduction d’une citation intercalée dans le texte est rejetée en note, au bas de la page, avec ou sans guillemet.

142. Pour les notes entièrement composées en vers, sans aucun texte de prose, on emploie le caractère indiqué pour les notes en prose du volume ; ces vers sont, d’ailleurs, soumis à toutes les règles qui régissent la composition et la mise en pages des ouvrages de poésie.

143. L’épigraphe composée entièrement de vers se renfonce, en fin de ligne, de 1 cadratin sur le texte, comme celle en prose.
xxxx On applique d’ailleurs à cas épigraphes toutes les règles de composition et de renfoncement des ouvrages de poésie.

144. L’épigraphe en vers formant citation prend au premier vers le guillemet initial et à la fin du dernier vers le guillemet final, si elle n’est accompagnée d’aucun texte en prose.

145. Une citation en vers intercalée dans une épigraphe en prose ne prend pas de guillemet, mais se compose en caractère de corps inférieur à celui indiqué pour la partie de l’épigraphe en prose.

146. Les vers latins cités isolément (sans traduction) dans un texte en prose, se composent généralement en romain (sans guillemet) en caractère de corps inférieur à celui du texte.

147. Par contre, ils se composent en italique, sans guillemets, lorsqu’ils sont accompagnés de leur traduction.

148. Les vers de langues étrangères modernes constituant une citation et accompagnés de leur traduction, se composent généralement en romain et en caractère de corps inférieur à celui du texte ; dans ce cas, ils prennent le guillemet initial et le guillemet final ; — si la traduction est omise, le guillemet se supprime.


§ 8. — Mise en pages


149. La mise en pages des ouvrages de poésie présente, en certaines circonstances, des difficultés moindres que celle des ouvrages de prose : les inconvénients qui résultent de la rencontre fréquente des lignes creuses en fin d’alinéa, au haut des pages, sont supprimés ; de même encore sont éliminés les ennuis qu’occasionnent la rencontre des alinéas parfois si nombreux dans certains textes de prose et les divisions courtes ou muettes de 4 syllabes en fin de page.
xxxx Il suffira d’énumérer ici quelques règles qui, en raison de leur généralité, n’ont pu trouver une place naturelle dans les autres parties de ce volume.

150. La page doit être établie d’après une hauteur de lignes de nombre pair ou multiple de quatre (auquel on ajoute les lignes de blanc éventuelles, lorsqu’elles sont régulièrement employées à la mise en pages), afin d’éviter les séparations de rimes.

151. Il n’est pas permis de laisser au bas d’une page une rime en reportant au haut de la page suivante le vers de rime semblable, lorsque l’on a des rimes plates ou suivies.

152. Avec des rimes croisées, il est possible de se plier aux exigences de la règle du paragraphe 151 si l’on établit très strictement la hauteur de page sur un nombre de lignes multiple de quatre : faute de cette précaution souvent négligée, l’une des deux rimes se trouve forcément reportée à la page suivante : inconvénient fort désagréable.

153. Il en sera de même, si, pour des poésies à rimes redoublées, la page a été établie sur un nombre de lignes multiple de quatre : les rimes de même genre ne seront pas séparées.

154. Avec les rimes mêlées, souvent il n’est pas possible d’éviter le reproche de la séparation des rimes, en raison de leur alternance irrégulière.

155. Le blanc de séparation des strophes et des stances doit être, en raison des exigences de la non-séparation des rimes, calculé sur un nombre exact de lignes pour la hauteur de la page, le blanc (de 1, 2 ou même 3 lignes) devant être augmenté ou diminué, suivant les besoins, sans cependant tomber dans une irrégularité par trop grande.

156. Letercet ne se sépare jamais ; on doit pouvoir obvier à une mauvaise chute éventuelle de page par la modification raisonnable des blancs répartis dans la page.

157. On évitera de couper les quatrains en deux parties.

158. Les sizains peuvent être coupés par fractions égales de 3 lignes ou inégales de 2 lignes et 4 lignes (à cause de la rime) ; mais aucune coupure ne saurait comprendre, dans une fraction, moins de 2 lignes.

159. Les coupures des autres strophes ou stances s’établissent, dans des proportions et des conditions analogues à celles de la coupure des sizains.

160. L’acrostiche simple ou double, composé d’un seul mot, ne peut se couper lors de la mise en pages. De toute nécessité l’acrostiche entier doit figurer sur la même page ; sans quoi il serait incompréhensible.
xxxx L’acrostiche composé de plusieurs mots peut, lors de la mise en pages, se couper après chaque mot.

  1. À moins de raisons plausibles, il est préférable d’éviter les fractions de cadratin ; le travail du compositeur s’en trouve grandement simplifié et facilité.
  2. Nous avons cependant rencontré — mais ce n’était, il faut le dire, qu’une fantaisie d’éditeur et, surtout, d’auteur (Poussières et Falbalas ; Perrin, éd.) — plusieurs volumes dans lesquels les vers, bien que de mètres différents, n’avaient subi aucun renfoncement ; aussi l’effet produit était plutôt… bizarre :

    Bien souvent l’on confond septembre avec avril
    Et l’air doux du vieillard avec l’air puéril.
    Et, moi, j’adore
    Les fins cheveux si blonds encore
    À côté d’autres déjà gris.
    — Enfer et Paradis !
    Et j’aime de tout cœur l’amie épanouie
    — Enfant déjà vieillie ou vieille rajeunie !

  3. Petit Manuel de Composition, p. 95. — M. L. Chollet confond le mot pied avec le mot syllabe ; tout au moins, à l’encontre de ce qui a été dit au paragraphe 11 de ce chapitre, il donne à l’un et à l’autre de ces termes une égale valeur et une même signification.
  4. Manuel pratique et abrégé de la Typographie française, 1825, p. 50.
  5. Nous n’avons, dans le travail de Tasais (Guide du Correcteur), rien trouvé qui ait pu nous faire connaître sur ce point particulier le sentiment de cet auteur.
  6. Édition de 1857, p. 353.
  7. Circulaire des Protes, mars 1909, p. 34. — À l’exemple de M. L. Chollet, M. E. Verlet confond les termes pied et syllabe.
  8. Les vers de 11 syllabes et de 9 syllabes sont, on l’a vu, d’un usage peu fréquent.
  9. Il faut remarquer qu’ici l’exemple est défectueux et ne répond pas à l’énoncé de la règle ; le vers de 12 syllabes n’occupe pas la totalité de la justification et est déplacé vers la gauche. — Nous avons dû, toutefois, conserver cette citation, n’ayant pas eu la bonne fortune d’en rencontrer une autre réunissant toutes les conditions.
  10. Cet exemple est celui donné par M. Desormes. — La justification n’a pas permis de rendre ici de façon convenable et complète l’aspect produit par les deux vers. Nous espérons, toutefois, que le lecteur comprendra parfaitement et la règle et la disposition qui en résulterait en d’autres circonstances.
  11. L’observation de la note 1 est à appliquer également à cet exemple.
  12. Cette règle, l’une des prescriptions les plus anciennes — car les éditions de nos grands poètes classiques du xviiie siècle ont été établies en suivant ces errements — et, conséquemment, les plus respectables de notre Code typographique, est aussi l’une de celles qui ont le plus excité les critiques de certains auteurs typographiques en mal… de prose et la verve des littérateurs. — Parmi ces derniers, l’un des plus notoires, et peut-être le plus acerbe, fut George Sand (dans Impressions et souvenirs), — que certes l’on ne s’attendait point à trouver en telle compagnie. Mais George Sand eut fort à faire, car elle trouva dans une des célébrités typographiques du siècle dernier un contradicteur digne d’elle. Dans le journal l’Imprimerie, de septembre 1873 (n° 106, p. 310), Fournier défendit la cause de la capitale avec une telle vigueur, une telle netteté et une si grande forcé de raisonnement, qu’il n’est point inutile pour notre génération de méditer encore sur les raisons invoquées alors : « Cet usage a sa raison d’être, et cette raison est esthétique : elle a pour objet de compenser, autant que cela est possible, par la régularité et l’aplomb qu’elle donne au côté gauche de la page, l’inégalité du côté droit et son manque d’alignement. — Dans une page de poésie où le contour est déchiqueté par des vers inégaux de mesures ou de longueurs, si l’œil n’aperçoit plus cette majuscule initiale qui le guide, qui l’encadre en quelque sorte, et qu’il a l’habitude de rencontrer, cet aspect disgracieux le choquera, et il lui semblera voir de la prose, moins cet équilibre parfait qui donne à une belle page de prose un caractère monumental. — Il serait regrettable que par un retour vers le passé, qu’on prendrait à tort pour une innovation, l’on abandonnât une méthode artistique qu’ont maintenue les grands typographes de tous les pays, à laquelle le lecteur est habitué et qui n’appelle point une réforme. »
  13. Sonnet de M. P… C… à M. Adolphe Brisson, directeur des Annales politiques et littéraires.
  14. Vers contenant des lettres majuscules dont la réunion donne, composée en chiffres romains, la date d’un événement.
  15. Date des Vêpres siciliennes : 1282. — Exemple donné par Th. Lefevre.
  16. Date de la construction : 1485.
  17. Date : 1371.
  18. D’après E, Morin, dans le Matériel typo-lithe.
  19. Il faut avouer d’ailleurs que cette règle ainsi que toutes celles qui précèdent sont fort incertaines et soumises à des exceptions presque aussi nombreuses que… le nombre des imprimeries existant en France : chaque compositeur, puis chaque correcteur et ensuite… chaque maison ayant ses habitudes particulières. — Aucun manuel ne semble avoir jamais traité ni même mentionné ces questions ; tout au moins nos recherches ne nous ont rien fait découvrir.
  20. En raison de la justification, l’exemple ne peut donner une idée exacte de l’application de la règle.
  21. Comme au paragraphe a, en raison de la justification l’exemple ne donne pas l’application exacte de la règle.