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Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/31/03

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Imprimerie de Chatelaudren (2p. 849-852).


III

QUELQUES SIGNES


12. Le correcteur a pu établir une comparaison entre les différents alphabets en usage au cours des âges pour la gravure des inscriptions, l’écriture des quelques parchemins qui sont venus de l’ancienne Rome ou de ses colonies, et les artifices utilisés pour abréger la longueur des textes.

Il est nécessaire de signaler maintenant les signes dont l’emploi se rencontre sur un assez grand nombre de monuments épigraphiques.

13. Pour indiquer la suppression d’une lettre redoublée, l’artiste se servait d’un signe appelé sicilicus. Ce signe, parfois figuré à tort comme un accent circonflexe , ressemblait plutôt au tilde ~, ou encore au signe de la voyelle longue  ; il se plaçait sur la lettre, consonne ou voyelle, dont le redoublement aurait été nécessaire, si le mot avait été écrit de manière correcte :

, au lieu de annos ;
, au lieu de ossa.

L’emploi du sicilicus fut exceptionnel aux deux premiers siècles de l’Empire romain.

14. L’apex était une sorte d’accent aigu (’) : placé sur une voyelle, ce signe indiquait que cette voyelle était longue et que sur elle la voix devait appuyer.

Ce signe fut employé de l’époque de Sylla (138-79 av. J.-C.) à la fin du iie siècle de l’ère chrétienne.

15. Lorsque l’apex figure sur une consonne ou sur une voyelle brève, ce n’est plus un signe orthographique, mais un signe d’abréviation importante :

D́, Dies ;
D́ · Ḿ, Diis Manibus ;
PAĹ, Palatina ;


ou aussi fantaisie ou erreur de l’artisan :

16. Les écrivains et les graveurs des inscriptions firent un emploi fréquent du point (·) : ce signe orthographique se plaçait soit après les abréviations, soit entre chaque mot pour aider à la lecture du texte, et au milieu du blanc séparant les termes entre eux.
xxxx Le point ne s’aligne nullement avec le pied de la lettre, mais plutôt avec le milieu : c’est un point renversé ou, pour mieux dire, un point composé le cran à l’envers, en dessus :

Q  ·  LEIINIUM
LUPUM · QUI · ET
VOCATUR ·

a) Le point avait ainsi un rôle bien défini. Mais, soit par inintelligence de l’artiste, soit par oubli de la fonction qui lui était assignée, le point fut également utilisé à la fin ou au début des lignes, entre les diverses syllabes d’un mot, ou même encore entre les lettres constitutives de ces syllabes :

/ / / / / / / / / / US
PA • PI • RI • A • A • V • F
I • DI • A • NUS • P • V •
AN • XVIII • H • S • E

Le point n’est plus alors qu’un signe d’ornementation dont le graveur use à son goût ou à sa fantaisie ;

b) Ce signe ne fut d’ailleurs pas utilisé constamment sous la forme ronde qui lui est habituelle : dans les inscriptions les plus anciennes il est carré (), tel un point de caractère antique ou dorique ; il fut triangulaire, avec une disposition plus ou moins régulière (), à l’époque des Césars, sous le règne desquels la facture de la gravure est le plus remarquable ; il eut également une forme allongée () ;

c) Ces diverses modifications sont en quelque sorte classiques et furent longtemps les seules en usage. Mais, dans un but d’ornementation, les graveurs en modifièrent parfois complètement la forme : le point allongé devint une petite flèche () ; à l’époque d’Auguste, du point triangulaire () on tire un signe particulier imitant la forme de la feuille de lierre ( ou ) : hederae distinguentes, disent les auteurs ;

d) On rencontre encore des palmes, de petits rameaux, et aussi un signe qu’à défaut de désignation réelle possible on a nommé petit oiseau, du nom du terme qui le précède (ocellio) ;

e) Le début ou la fin des inscriptions furent souvent ornés de palmettes ou de petites branches de feuillages, qui ne constituaient qu’un simple ornement.

17. « Pour distinguer des autres caractères utilisés dans le texte les lettres employées comme abréviations », les graveurs, à dater du iie siècle de l’ère chrétienne, surmontèrent fréquemment d’un trait horizontal les lettres abréviatives :

, Augustus ;
, donum dat ;
, proconsul.

Cet usage du trait horizontal fut, sans doute, une imitation de l’apex ou du sicilicus, qui furent aussi, mais de manière exceptionnelle et abusive, employés dans le cas dont nous nous occupons :

A E D̃, Aedilis ;
D́ · Ḿ, Diis Manibus.