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Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/33/02

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Imprimerie de Chatelaudren (2p. 933-942).


II

MACHINE À LIGNES-BLOCS SANS MAGASIN


Comme la Linotype et l’Intertype, dont une description sommaire vient d’être donnée dans les pages qui précèdent, la Typograph est d’origine américaine.
xxxx En poursuivant leurs recherches, Rogers et Bright, auxquels est due l’invention de cette dernière machine, paraissent avoir eu pour but de donner au monde de l’imprimerie un appareil d’une simplicité extrême et, conséquemment, d’une modicité d’achat qui n’est pas niable.
xxxx Bien que fort courte, la description qui suit sera cependant suffisante, faut-il penser, pour permettre de comprendre le mécanisme de la composition à l’aide de la Typograph.

1. La machine (fig. 1 et 2) se compose, à sa base, d’un bâti fixe renfermant l’appareil pour la fonte et la justification et, à sa partie haute, d’un appareil à composer appelé « corbeille à matrices », constitué de deux systèmes de 84 fils appelés fils conducteurs et fils déclancheurs.

2. Les matrices de la machine consistent en une longue tige (fig. 3) comprenant deux parties soudées pour former un ensemble rigide. La partie supérieure est en acier trempé et possède à son extrémité un crochet mobile. La partie inférieure, en laiton, porte, gravées en creux et renversées de la tête au pied, deux matrices superposées. Les matrices sont de caractère romain et italique ou romain et gras.
xxxx Les matrices sont munies de crans qui ont pour but d’assurer l’alignement irréprochable et l’égalité de hauteur, des lettres au moment de la fonte.
xxxx Pour obtenir, au lieu du type romain, la lettre italique ou gras, l’opérateur actionne d’un quart de tour un levier fixé a la barre d’embrayage. Ce mouvement soulève les matrices dans le composteur (fig. 4) en les faisant glisser avec leur cran inférieur du dos sur une réglette fixe qui habituellement se présente dans le cran supérieur. Les deux crans
Fig. 1. — La Typograph vue par l’avant.
qui se voient sous la gravure de la matrice s’offrent à la griffe qui pousse les matrices pour obtenir leur parfait alignement.

Chacun des 84 fils déclancheurs est relié à sa partie inférieure avec le


Fig. 2. — La Typograph vue par l’arrière.


Fig. 3. — Une matrice et sa tige.


clavier et à sa partie supérieure avec un dispositif nommé arrêt servant à dégager les matrices.
xxxx Les matrices sont retenues par les arrêts à la partie supérieure des fils conducteurs ; elles sont visibles et accessibles pour l’opérateur.

3. La composition s’effectue comme dans les autres machines à lignes-blocs, par l’intermédiaire d’un clavier dont la
Fig. 4. — Une ligne de matrices : romain et italique.
figure 5 donne le schéma et qui comporte 84 lettres ou signes. Chaque lettre ou touche du clavier est reliée à l’un des fils déclancheurs. Au moment où l’ouvrier appuie sur une lettre, grâce au fil déclancheur la matrice correspondante se détache et glisse rapidement vers le composteur, entraînée, par son propre poids, le long du fil conducteur.

4. La séparation d’un mot, d’une lettre ou d’un signe, d’avec le mot, la lettre ou le signe voisins, s’opère à l’aide d’anneaux-espaces (fig. 6).
xxxx Ces anneaux-espaces sont des disques coniques retenus sur deux axes quadrangulaires superposés ; lorsque l’opérateur appuie sur la touche
Fig. 5. — Le clavier.
des espaces, les anneaux glissent d’un mouvement semblable à celui des matrices, par leur propre poids, derrière le mot dont les matrices viennent d’être assemblées dans le composteur.

5. Quand les matrices ont rempli la justification voulue, un signe placé à l’extrémité du composteur indique au compositeur que la ligne est complète.
xxxx Par deux coups légers sur la touche de la barre d’embrayage, l’opérateur met en mouvement le mécanisme de la machine : les anneaux-espaces coniques opèrent une conversion totale sur leurs axes quadrangulaires ;
Fig. 6. — Anneau-espace.
le blanc existant entre les mots composés est élargi par l’extension des anneaux-espaces, et la ligne est justifiée d’une façon complète.
xxxx Ces opérations successives sont visibles sur les gravures reproduites ci-après :
xxxx La figure 7 montre la machine au repos et le composteur vide. La pièce de serrage des matrices appelée drapeau, 1, est ouverte pour laisser passer librement les matrices. Le pignon d’espacement 2 est prêt à recevoir les anneaux-espaces.
xxxx À la figure 8, on remarque les matrices appuyées sur la plaque terminale 3 qui indique le commencement de la ligne ; ce sont les anneaux-espaces qui se trouvent entre chaque mot, montrant leur point le plus faible.
xxxx À la figure 9 se voit un drapeau 1 fermé qui indique exactement la longueur de la ligne à composer.
Fig. 7. — Le composteur vide.
Le blanc, entre les matrices et le drapeau, reste encore à remplir par les anneaux-espaces (on a intentionnellement exagéré ce blanc afin de faire comprendre le fonctionnement des anneaux-espaces).
xxxx À la figure 10, la justification est terminée, et le mouvement des anneaux-espaces a été exécuté dans sa plus grande largeur : les matrices sont serrées, et l’espacement des mots est d’une régularité parfaite. À ce moment, la griffe 7, dans le but de parfaire l’alignement, se pose sur les pieds des matrices et, aussitôt après, le moule 8 vient s’adapter sur les matrices pour les presser contre leur appui 4 et pour empêcher les lettres de piquer de la tête ou de se perdre.

6. Pour assurer aux lignes-blocs une hauteur en papier exacte, la machine Typograph a été dotée d’un dispositif
Fig. 8. — Les matrices du composteur appuyées à la plaque 3.
spécial appelé plateau mitoyen : cette pièce porte une cavité en forme d’entonnoir.
xxxx Dès que la justification de la ligne composée est terminée, et alors que le creuset va s’approcher du moule pour la fonte de la ligne, le plateau mitoyen se place entre le creuset et le moule. À ce moment, la bouche du creuset est étroitement serrée contre les bords de la cavité du plateau, et un piston
Fig. 9. — Le drapeau 1 indique la longueur de la justification.
exerce, à l’intérieur du creuset, une forte pression sur le métal en fusion qu’il projette dans le moule et contre la rangée de matrices. Le moule étant refroidi par une circulation d’eau, la matière se solidifie instantanément.
xxxx Le plateau mitoyen effectue un mouvement ascendant, et la ligne-bloc est débarrassée du jet comme s’il s’agissait d’une lettre mobile. La ligne-bloc est alors poussée hors du moule et vient se ranger sur la galée à côté des lignes déjà fondues. La hauteur et la force de corps des lignes sont régulières dès la fonte même et ne subissent aucune retouche.

7.-Durant ces dernières opérations — mouvement du plateau mitoyen et coupe du jet, — la corbeille de matrices se
Fig. 10. — La ligne de matrices est justifiée.
renverse automatiquement en arrière, et les matrices, glissant à nouveau sur les fils conducteurs, et en sens inverse de leur premier mouvement, rejoignent les arrêts des fils déclancheurs. Pendant ce mouvement, qui est des plus simples, aucune des matrices accrochées à la partie supérieure des fils ne
Fig. 11. — Vue du peigne.
peut quitter l’appareil à composer, les arrêts les maintenant en place étant d’une sécurité absolue.


Fig. 12. — Le dispositif d’arrêt a été déclenché.


Fig. 13. — Enlèvement du peigne chargé de matrices.

8. La Typograph Universal fond des lignes-blocs jusqu’à une longueur de justification de 30 cicéros.

9. Pour changer le type de caractères, on utilise un dispositif spécial appelé peigne. Cet appareil est fixé au cadre de la corbeille de telle façon que les dents du peigne correspondent aux fils conducteurs de la machine qui se courbent en formant crochets à leur extrémité (fig. 11).
xxxx Le peigne est pourvu d’un petit levier à ressort dont la cheville pénètre dans le dispositif
Fig. 14. — Le porte-moule ouvert.
d’arrêt. En faisant exécuter au levier un quart de tour, le dispositif d’arrêt est déclanché et les matrices peuvent être glissées sans difficulté sur le peigne (fig. 11).
xxxx Chaque peigne possède deux poignées à main à l’aide desquelles on le décroche, chargé de matrices, de l’appareil à composer (fig. 12), pour le mettre au repos, sur un porte-peigne à tréteaux, ou, si l’on préfère, l’accrocher à un mur à proximité de la machine.
xxxx De façon aussi simple on accroche au cadre de la corbeille deux autres peignes portant les matrices à employer, et ces matrices sont glissées, à l’emplacement des précédentes.
xxxx Les peignes débarrassés de leurs matrices sont enlevés et l’opérateur peut composer le caractère choisi.

10. Le changement de justification n’exige également que très peu de temps. Pour l’effectuer, la machine est embrayée, puis arrêtée par le débrayage à main dans une position telle que le porte-moule s’incline
Fig. 15. — Le porte-moule fermé.
obliquement du côté du creuset. En écartant les deux boutons cannelés qui se trouvent de-chaque côté du porte-moule, le moule sort (fig. 13 et 14) ; on l’enlève ensuite aisément pour le remplacer par un autre.