Le Corset de toilette/Conseils aux mères de famille

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LE CORSET
ANATOMO-PLASTIQUE
au point de vue orthopédique

Conseils aux mères de famille



A u cours de ce travail, nous avons parlé des innombrables tares vertébro-pelvi-thoraciques que nous découvrons journellement dans la clientèle mondaine à laquelle nous appliquons nos corsets de toilette, nos corselets et nos ceintures abdomino-hypogastriques. Assez rares chez l’enfant, nous avons dit que ces tares précédaient un peu l’époque du développement et de la puberté chez l’adolescente, ou coïncidaient avec le moment où la constitution générale de la jeune fille nubile subit les transformations bien connues. Jointes à l’action de cette grande activité physiologique, on a invoqué d’autres raisons, incriminé d’autres causes. Sans doute, celles qui peuvent agir sur le squelette féminin pour le déformer sont assez nombreuses : l’hérédité, les maladies de l’enfance, un mauvais fonctionnement de l’estomac et l’insuffisante nutrition qui s’ensuit, la position scolaire trop prolongée, de défectueuses conditions hygiéniques, se peuvent traduire par une influence désastreuse à ce point de vue. Cependant, nous sommes bien obligés de constater, de dire que ces déformations, ces tares se manifestent fréquemment au milieu même des meilleures conditions d’existence, de confort et d’hygiène. C’est pourquoi, dans toutes les classes de la société, l’attention maternelle devra porter avec sollicitude, avec intelligence, non-seulement sur l’état de l’organisme en général, mais encore et surtout sur le thorax des enfants : sur la poitrine, le bassin, les épaules, les flancs, la colonne vertébrale. Les causes externes, mécaniques, occasionnelles de ces déformations, surtout dans les grandes villes, paraissent fort nombreuses. Il nous suffira d’énoncer ici les plus communes pour éveiller et tenir en haleine l’attention des femmes, des mères prévoyantes.

Signalons tout d’abord le manque d’air pur dans une atmosphère mal renouvelée : chambre à coucher d’un cube insuffisant, obscure, mal aérée ; études prolongées en mauvaise position sur un matériel scolaire défectueux ; insuffisance du repos intellectuel après un travail intensif ; exercices physiques trop rares ou mal entendus ; nourriture plus excitante que nutritive ; asymétrie des membres inférieurs ; attitudes professionnelles ; affaissement des os du tarse (pied plat), etc ; enfin et surtout, l’ignorance, l’inattention, la négligence, la temporisation maternelles devant des symptômes qui, aperçus à temps, permettraient de réagir avec efficacité. Les déformations, réputées insignifiantes au début, qui peuvent engendrer à leur suite de véritables difformités, si l’on n’y met bon ordre, sont tellement communes que nous nous demandons si elles n’atteignent pas la majorité des jeunes filles pendant la période relatée plus haut[1]. Si l’on ne réagit au début dans ce cas, on ne le pourra plus ensuite qu’au prix des plus grosses difficultés et d’un traitement méthodique, sévère.

Pour le plus grand nombre, ces déformations costo-thoraciques primitives ont débuté par des désordres, des phénomènes statiques parfois obscurs, parfois faciles à vérifier. Or, ici, pour la mère de famille, la question suivante se pose d’elle-même : Comment se rendre compte du danger menaçant ?

Cela n’est pas très complexe. La mère devrait fréquemment examiner le thorax de son enfant, de la base au sommet. Le torse, nu du bassin aux épaules, sera géométriquement comparé. Si la partie antérieure du buste, les épaules, les clavicules, les seins, les hypocondres et les épines iliaques antéro-supérieures restent placés sur une série de lignes parfaitement horizontales, — si les deux angles thoraco-brachial sont également ouverts et que les saillies costales antérieures offrent un relief semblable, c’est qu’il n’y a rien de ce côté (voir la figure 1).

On passera ensuite à l’examen du dos. Si la ligne rachidienne est parfaitement perpendiculaire, — si elle n’offre aucune sinuosité, — si l’angle inférieur des omoplates reste situé sur une même ligne horizontale et offre un double relief vraiment symétrique,

c’est que rien probablement n’est encore
Fig. 1 — Lignes passant : 1° par le sommet des clavicules.
xxx2° Le centre des mamelons.
xxx3° Le bord supérieur des crêtes iliaques.
xxx4° Le sommet des épines iliaques.

faussé dans la statique vertébrale et dans les pièces du thorax (voir la figure 2). Cette symétrie, cette régularité générale sera des plus rassurantes. Cependant, on placera le sujet debout et de profil devant soi. Dans cette position, on vérifiera avec soin si la courbure dorsale supérieure n’est pas trop prononcée, « si le dos n’est pas trop voûté », suivant l’expression vulgaire. À cette hauteur, la courbe dorso-vertébrale doit présenter une ligne à peine convexe, corrigée par une légère réaction cervicale, qui plante le cou droit sur les épaules. Si tout paraît normal à ce point de vue, s’il n’y a pas de tendance à la cyphose, on passera, toujours dans la même position, à l’examen de la courbe lombaire.

Fig. 2. — Lignes passant : 1° Par l’angle inférieur des omoplates.
xxx2° Ligne indiquant le niveau de l’angle thoraco-brachial.
xxx3° Ligne sous-fessière.
xxx4° Angle thoraco-brachial. L’espace entre le bras et la taille doit être le même de chaque côté.

Cette dernière peut être légèrement cambrée, c’est-à-dire rentrante. Cependant, elle ne devra pas s’incurver au point d’être choquante. Dans ce dernier cas, elle constituerait une déformation nommée lordose. Pour plus de facilité, on pourra comparer ces différents points anatomiques avec les points semblables des types de la statuaire académique ou avec des sujets du même âge, reconnus bien faits (voir la figure 3). Cette nouvelle épreuve terminée, on passera à une vérification définitive, concluante. Pour celle-ci, on placera l’enfant

debout devant soi, de face. On le fera plonger,
Fig. 3
xxx1° La première flèche indique la courbe dorsale normale ;
xxx2° La deuxième, celle de la courbe lombaire normale ;
xxx3° La troisième, indique la saillie proportionnelle du ventre.

c’est-à-dire qu’on fera fléchir le tronc à angle droit, la tête et les bras pendants, dans le relâchement musculaire. L’examinateur, alors assis, la tête de l’enfant dans les mains, affleurera de l’œil toute l’étendue de la saillie costo-dorsale bi-latérale et vérifiera, en élevant d’abord lentement le dos fléchi de l’enfant et en l’abaissant ensuite de même façon, si l’un des deux côtés n’est pas plus saillant que l’autre (voir la figure 4).

Cette dernière constatation a une importance capitale. En effet, bien que les épreuves antérieures, examen de la poitrine et du dos, n’aient rien révélé dans la station verticale, bien que ces deux régions aient paru conserver dans cette position la symétrie normale, il se peut qu’une voussure costale, légère ou parfois importante se révèle soit à droite soit à gauche du thorax postérieur en flexion. Quand cette voussure existe, elle décèle un mouvement de rotation des corps vertébraux sur leur axe vertical. Or, ce phénomène est un symptôme de la marche vers la scoliose, c’est-à-dire vers une déformation grave.

Donc, si les régions désignées précédemment ne sont point d’accord avec les repères géométriques indiqués, la symétrie à peu près parfaite, il faudra immédiatement aviser et soumettre l’enfant à un examen plus méthodique, plus approfondi. On s’adressera immédiatement à son médecin.

Les planches qu’on trouvera au cours de ce travail préciseront ce que notre description peut laisser d’obscurité dans l’esprit de nos lectrices. Mais nous surprendrions bien ces dernières si nous leur apprenions que 75 pour % des dames à qui nous appliquons notre corset-toilette présentent des tares vertébrales et thoraciques plus ou moins importantes et parfois irréparables. C’est contre ce dernier danger, signalé dès longtemps par tant de praticiens prévoyants et par les spécialistes de l’orthopédie, qu’il faut prémunir toutes les jeunes filles. Or, en prévision de ces déformations, légères au début mais qui peuvent toujours s’aggraver, que reste-t-il à faire ? Nous l’avons dit : la mère de famille prévoyante veillera en permanence sur le thorax de sa fille.

A. Horizontale passant par le sommet des omoplates. — A’. Horizontale passant par le centre transversal au dessous des omoplates, au point culminant. — B, Perpendiculaire rachidienne.

Dans tous les cas, elle ne devra laisser appliquer à cette dernière qu’un corset bien fait, spécialement ajusté, approprié pour un développement normal et en opposition avec les défectuosités vertébro-thoraciques qu’on aura relevées et dont les suites restent toujours à craindre. Dans ce dernier cas même, on pourra soumettre le corset de la jeune fille à l’examen du médecin. C’est précisément alors que le corset anatomo-plastique peut exercer une action orthopédique, contrôlée, très efficace, tout en conservant les formes élégantes qui lui permettent de servir pour toutes les toilettes. Depuis longtemps, nous employons ce corset à la correction de toutes ces tares naissantes qui se manifestent chez les adolescentes, en le complétant quelquefois par les organes orthopédiques indispensables.

Pour la femme adulte, il fallait concevoir le corset-toilette ainsi que nous l’avons décrit précédemment et le rendre aussi léger, aussi souple, aussi diminutif que possible. Mais, pour ce qui concerne l’adolescence féminine, il fallait se préoccuper de facteurs importants, supplémentaires : la plasticité, la malléabilité, l’équilibre instable des pièces du squelette thoracique, phénomènes qui se traduisent si fréquemment par des déformations spontanées. On devait tenir compte encore de l’accroissement du thorax, mais pour le soutenir en liberté, l’étayer physiologiquement pour un développement symétrique. Ces considérations diverses exigeaient donc une confection orthopédique raisonnée, basée sur des données rigoureusement vérifiées au cours d’une pratique toute spéciale. D’ailleurs, qu’on ne s’effraie point devant un mot. Notre corset anatomo-orthopédique de maintien destiné aux adolescentes, est ordonné quotidiennement par des médecins et des chirurgiens qui pratiquent exclusivement l’orthopédie[2]. Il a tout le cachet de notre corset-toilette, dont il ne se distingue que par quelques dispositions spéciales. Il est prescrit comme une sorte d’adjuvant du traitement général — massage, décubitus, gymnastique, etc., — pour les jeunes filles touchées par le rachitisme vertébro-thoracique, atteintes d’une légère déformation. À plus forte raison devrait-il être employé comme un préservatif de ces déformations. Dans ce cas, il constituera un puissant et bienfaisant auxiliaire du développement physique de l’adolescente. Par son application bien comprise, on évitera certainement les tares légères ou importantes, que nous retrouvons si souvent plus tard chez les femmes adultes. Peut-être aussi évitera-t-on des déformations plus graves. Il pourra encore être employé pour prévenir les récidives assez fréquentes chez les jeunes femmes qui, autrefois traitées, redressées, guéries, subissent cependant une nouvelle poussée déformatrice dès les premières couches et au cours de l’allaitement. Conformément à l’opinion et aux résultats de la pratique des maîtres de la chirurgie orthopédique moderne, on peut affirmer qu’il est le tuteur nécessaire, efficace, du développement régulier de la tige vertébrale et de la cage thoracique. Ce corset de toilette orthopédique se distingue encore par les avantages que lui assure une confection basée sur des règles précises que nous appliquons méthodiquement dans notre pratique quotidienne. Malgré sa grande légèreté, il a le très grand avantage de maintenir tout le buste en redressement, en bonne saillie antérieure. De cette façon, il lutte à la fois contre la cyphose juvénile et contre l’incurvation compensatrice lombaire qui en résulte fatalement. Sa coupe, sa forme très élégante, permettent l’habillement le plus ajusté, tout en laissant pleine liberté au mécanisme costal, aux hypocondres et à l’estomac.

Il est appliqué de telle sorte que le bassin est embrassé latéralement jusqu’au niveau de la ligne bi-trochantérienne, offrant ainsi un solide point d’appui à un baleinage particulier, orthopédique, d’un dispositif approprié, qui permet l’application de nos tuteurs ilio-thoraciques de correction, quand l’adjonction de ces derniers devient nécessaire.

Fig. A
Corset anatomo-plastique de maintien, muni de ses tuteurs. Face antérieure. Corset type de F. Lacroix.

Par un système de goussets pelviens rétractiles de notre invention, les crêtes et les épines iliaques antéro-supérieures sont mises en un relief utilisé comme un point d’appui pour nos tuteurs simples ou pour nos tuteurs sous-axillaires. De cette façon, les protubérances osseuses du bassin latéro-supérieur, moulées, serties, présentent un point d’appui périphérique d’une solidité suffisante, et pour l’ensemble du corset qui doit maintenir le tronc dans la perpendiculaire, et pour les organes de soutien qui complètent ce résultat en cas d’action orthopédique (voir les figures A et B).

De cette dernière disposition résulte, comme pour notre corset-toilette, une meilleure respiration abdomino-thoracique, parce que notre corset, extensible au niveau des côtes, des articulations costo-sterno-chondrales, extensible encore au niveau pelvi-hypogastrique, se prête à l’ampliation pneumo-costale et s’adjoint même à l’action des muscles inspirateurs et expirateurs.

Fig. B
Corset anatomo-plastique de maintien, muni de ses épaulières mobiles. Face postérieure. Corset type de F. Lacroix.

Construit, ajusté précisément pour chaque jeune fille, essayé, comparé, autant qu’il est nécessaire, il est muni de toutes les dispositions correctives indiquées. Ce corset enfin peut être complété, le cas échéant, d’une ou deux bandes scapulo-claviculaires (épaulières spéciales de F. Lacroix) à serrage progressif et à attaches latérales mobiles. Il est également applicable avec l’appareil crucial que certains chirurgiens nous font construire en cas de cyphose prononcée. Or, ces organes supplémentaires, souvent indispensables, sont destinés à ouvrir la ligne claviculaire, à élargir la poitrine, à faire saillir le thorax et à rectifier en l’ouvrant la courbe rachidienne dorsale supérieure. Appliqués à temps, ces procédés réussissent invariablement. Ils sont indispensables encore lorsque la menace d’une légère déviation latéro-vertébrale vient s’ajouter à un début de déformation antéro-postérieure.

En terminant, nous répétons que ce corset type, plus ou moins heureusement copié de toutes parts, est employé par un très grand nombre de praticiens spécialistes, qui le recommandent comme le tuteur indispensable d’un développement normal et comme le plus sérieux préservatif des déformations vertébro-thoraciques pendant la période de croissance, de développement.

C’est d’ailleurs de ce type que dérive notre corset anatomo-plastique, si léger et si élégant.

C’est dire qu’il assure à la fois le libre fonctionnement de tous les organes de la respiration, de la nutrition, et l’accroissement régulier, symétrique de tout le système vertébro-thoracique dont il maintient et complète physiologiquement l’équilibre normal.


  1. Nous avons eu l’occasion répétée de constater quelques-unes de ces tares sur le thorax même de jeunes femmes qui servent de modèle aux Beaux-Arts.
  2. En France, ce corset est très estimé. Peut-être même aurait-on tendance à trop attendre de son action, en l’appliquant à des cas graves. En Allemagne, Hoffa et Hessing, qui le fabriquent eux-mêmes, assez médiocrement d’ailleurs, lui assignent un rôle qu’il ne peut tenir en l’appliquant à des déformations trop considérables.