Le Dhammapada/IV

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Traduction par Fernand Hû.
Ernest Leroux (Bibliothèque orientale elzévirienne, XXIp. 13-15).

CHAPITRE IV




LA FLEUR


44 Qui triomphera de cette terre, du monde de Yama[1], et de celui des dieux ? Qui, par une explication convenable, développera les vers de la Loi, comme on développe adroitement une fleur ?

45 C’est le disciple qui triomphera de cette terre du monde de Yama, et de celui des dieux. C’est lui qui, par une explication convenable, développera les vers de la Loi, comme on développe adroitement une fleur.

46 Celui qui sait que ce corps est semblable à une écume légère, et qu’il a la consistance d’un rayon lumineux, qui a brisé les flèches à pointes de fleurs de Mâra, — celui-là est capable d’arriver à ne plus voir le royaume de la mort.

47 L’homme qui ne fait ici-bas que développer des fleurs, dont l’esprit est uniquement attaché aux objets sensibles, la mort l’entraîne avec elle, comme un torrent impétueux entraînant un village endormi.

48 L’homme qui ne fait ici-bas que développer des fleurs, dont l’esprit est uniquement attaché aux objets sensibles, qui est insatiable de jouissances, la mort le soumet à son empire.

49 Telle l’abeille, respectant les couleurs et le parfum des fleurs, emporte seulement leur suc. Tel doit être le muni[2] au milieu du village.

50 Ce n’est point sur les transgressions des autres, sur les actions ou les omissions des autres, qu’il doit fixer son attention, mais sur ce qu’il a fait ou omis de faire lui-même.

51 Telle une fleur aux couleurs brillantes, mais sans parfum, tel le langage élégant, mais sans profit pour personne, de l’homme qui n’agit point (comme il parle)[3].

52 Telle une fleur aux couleurs brillantes, et parfumée, tel le langage élégant et profitable à tous de celui qui agit (comme il parle).

53 De même qu’un monceau de fleurs ferait de nombreuses guirlandes, de même, une fois né, un mortel doit faire beaucoup de bien.

54 Le parfum des fleurs ne va point contre le vent, ni celui du sandal, ni celui du tagara[4] ou de la mallikâ[5]. Mais il va contre le vent, le parfum de la vertu. L’homme de bien embaume toutes les régions de l’univers.

55 Que ce soit le sandal, le tagara, le lotus ou l’aloès, le parfum de la vertu surpasse le parfum de ces arbres odorants.

56 Peu de chose est ce parfum du sandal et du tagara. Le plus délicieux parfum est celui qu’exhalent les hommes de bien. Il embaume jusqu’aux dieux.

57 Ces hommes de bien, dont la vigilance ne se dément pas, et que la Science Parfaite a affranchis, Mâra ne trouve point leur voie.

58 De même qu’au milieu d’un tas d’immondices jetées sur la grande route peut naître un lotus ravissant, à la pure odeur,

59 De même, au milieu des immondices de l’humanité, au milieu de cette tourbe aveuglée, resplendit, grâce à la Science Parfaite, le disciple de Celui qui est complétement éveillé (Buddha).

  1. Yama, dieu des morts, le Pluton védique.
  2. Le muni, l’ascète.
  3. Dicunt enim, et non faciunt. (Matt. XXIII, 3.)
  4. Tagara, tabernæmontana, Bot.
  5. Mallikâ, jasminum zambac. Bot.