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Le Drame d'Alexandre Dumas (Parigot)/02/06

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CHAPITRE VI

DRAMES TRAGIQUES.


I

CHRISTINE OU STOCKHOLM, FONTAINEBLEAU
ET ROME.

(Manuscrit original de l’acte V.)

« Qu’est-ce que cela ? — Mais une carpe ; c’est une façon que nous donnons au poisson pour le déguiser[1]. » On ne saurait mieux définir les drames tragiques de Dumas. Il convient d’ajouter seulement que ce n’est pas la tragédie qu’il déguise en ses drames, mais le drame en ses tragédies. C’est pourquoi il est au rebours de Voltaire, qu’il ne goûte point[2]. L’usage qui est fait de l’œuvre de Shakespeare en ce théâtre est beaucoup trop mesuré pour lui plaire ; et le discours, qui y tient tant de place, est en dehors de ses facultés et de ses moyens. Son maître tragique s’appelle Corneille, quand celui-ci, en quête de nouveauté, penche vers le mélodrame. Mais c’est un maître pour l’honneur. Dumas est plus moderne, en son fond de nature. Le drame tragique, tel qu’il l’a conçu, est un genre hybride et faux. Trilogie ou tragédie, Christine ou Charles VII ou Caligula, le contresens inhérent à cette conception n’en saurait être éliminé. « On peut imprimer sur l’affiche, disait Alfred de Musset, que c’est une tragédie ; mais pour le faire croire, c’est autre chose…[3] »

Au théâtre comme dans tous les arts, le choix de la forme entraîne tout le reste. Dumas, faisant une pièce en vers, se mettait nécessairement sous la tutelle de la tragédie. Quand il écrira Charles VII, après Antony, il semblera qu’il travaille sous les bustes de Corneille et de Racine encore à demi cornélien, tant il les imite de près ou s’efforce à les imiter. Cette Christine même, trilogie dramatique en cinq actes, avec prologue et épilogue, fut d’abord toute classique en sa composition première, « classique à la manière de Legouvé, de Chénier et de Luce de Lancival[4] ». Dumas au moins en fait foi. Les événements se déroulaient à

Fontaibleau, selon les unités de temps, de lieu et d’action recommandées par Boileau. Le rôle de Paula n’y avait pas encore paru. Et sans doute il importerait peu de savoir ce qu’était cette œuvre primitive, qui ne fut jamais représentée, si les confidences de l’auteur ne faisaient voir à plein la contradiction fondamentale de ces drames tragiques, classiques par la force de la tradition et malaisément révolutionnaires. Ces romantiques, en vérité, étaient plus bruyants que clairvoyants. Dumas surtout, avec son instruction de hasard, est fasciné par la pièce en vers, parce qu’évidemment cela est plus distingué, comme dit l’autre. Il se flatte de voisiner avec les maîtres. Emporté dans le courant de l’esprit et de l’imagination populaires, il ne se rend pas compte qu’affrontant la tragédie il contrarie sa veine et son talent.

Il fait des vers, et dans sa joie laborieuse il ne s’avise point qu’empruntant la forme et le cadre de la tragédie il abâtardit le drame. L’une éloigne les personnages dans le temps et dans l’espace ; et, dans ce recul propice aux généralisations, elle en fait des types universels et presque toujours plus grands que nature. L’autre est d’inspiration plus démocratique, il rapproche les hommes et les temps passés et les met à notre niveau[5]. Par suite, l’une peint des caractères et des passions, et ne se sert des événements que pour la clarté de ses peintures ; et l’on pourrait dire, sans trop exagérer, que chaque pièce de Corneille est une théorie de la volonté, et de Racine un traité de l’amour. L’autre, né après les événements les plus considéra blés qui aient étonné le monde depuis nombre de siècles, œuvre de l’imagination d’un peuple qui brûle encore d’agir, et que hantent les grands desseins, est tout mouvement, tout péripéties, tout action et effort de l’individu déchaîné plus encore que libre ; la passion même y est singulière, tyrannique, et toujours un peu frénétique, ou du moins affecte de l’être ; elle s’impose, s’affranchit, s’évertue, trop impatiente, et de qualité intellectuelle trop médiocre pour se complaire aux délices ou aux profondeurs de l’analyse. Et Dumas, comme tous les romantiques d’ailleurs, mais lui surtout, qui est plus dramatiste, ne voit point le contresens de mêler ceci à cela. Il en sent du moins la difficulté dans l’exécution. Qu’importent unités, règles, conventions, vaines étiquettes à l’usage des révolutions de préfaces ? C’est à l’œuvre qu’on voit l’erreur de l’ouvrier. On peut briser moules et barrières ; on ne supprime pas l’essence même des choses ; on ne confond pas impunément tragédie et drame.

Christine est une œuvre écolière, ainsi que Cromwell, avec des scènes qui promettent autre chose que Cromwell et Christine. Elle abonde en imitations, mais non pas sensiblement plus qu’Henri III. Le style poétique est inégal, et l’auteur en a reconnu l’insuffisance, peut-être avec excès[6]. Il trahit plus d’embarras que de faiblesse, pauvre par la syntaxe, mais non par la faculté d’expression. Ce n’est pas l’écrivain qui fait tort à Christine. Déjà il possède l’allure, le pittoresque, la sensibilité, et un certain don d’objectiver les sensations. Il n’est d’ailleurs plus à son coup d’essai, ayant publié nombre de vers en des recueils aujourd’hui oubliés[7], et traduit Fiesque de Lavagna. La phrase poétique est parfois incorrecte ; elle sera toujours un peu raide et fruste entre ses mains. Il a plus d’intention que de réussite, avec de beaux morceaux de couleur et de drame. Mais il manque de cette culture humaniste, sans laquelle il n’y a point de tragédie.

Il conte qu’après la première représentation de Christine, Hugo et de Vigny s’enfermèrent dans un cabinet pour modifier ou supprimer une centaine de vers « empoignés[8] ». La copie du souffleur, sur laquelle ils ont dû opérer, n’est ni aux archives de l’Odéon, ni à la Comédie-Française, ni nulle part que je sache ; mais j’ai pu lire le manuscrit original de l’acte V, que Dumas fils avait retrouvé[9].

J’y note des choses supprimées dans la brochure. Un vers a sauté, que les éditeurs devront rétablir, sous peine de laisser subsister une seule rime masculine, quand il en faudrait deux.

La nuit, seul en ce lieu, sans défense surpris,
Oh ! qui me secourrait ? Qui viendrait à mes cris[10]?


Cette lacune n’est du fait ni de l’auteur ni de ses deux poètes correcteurs. Mais voici une voix du tombeau

qui a été singulièrement étranglée. Elle disait :

Et j’entends une voix qui me dit : « Tu mourras ! »…
C’est la voix du tombeau constante et douloureuse
Qu’au cœur du condamné cette voix est affreuse,
Et, quand au moindre bruit, moi, je me sens frémir,

Il est des condamnés que l’on a vus dormir !
Dormir ! Je vais déjà[11]


Et elle dit seulement :

Et j’entends une voix qui me dit : « Tu mourras ! »
Mourir ? Je vais déjà[12]


L’adieu de Monaldeschi aux champs paternels, vague réminiscence de celui de la Pucelle d’Orléans, a été fort restreint. Il s’espaçait d’abord en vers de complainte :

Italie ! Italie ! En tes heureux climats

Toujours le ciel est pur et le sol sans frimas,
 
Tout est là ; chaque objet me rend sa douce image,

C’est un astre, une fleur, un buisson, un feuillage…


Plus loin huit autres sont coupés, assez maladroitement : car la coupure obscurcit le texte. Monaldeschi, suppliant Christine, s’écriait longuement :

 
 
Eh bien, j ai mérité la mort la plus affreuse…

Mais votre âme pour moi toujours si généreuse
Doit comprendre que l’homme en de certains moments
Ne saurait résister à ses égarements.
Il cède à son destin qui malgré lui l’entraîne.
Il est coupable alors sans mériter de peine.
Il peut fléchir encor le cœur qu’il a blessé.

Oh ! je l’avais bien dit, je suis un insensé !
Je suis un malheureux[13]
Puis aux quatre vers qui s’adressent au père Lebel, Christine ajoutait :

Avez-vous tout dit ?

Et Monaldeschi de répondre :

Non, madame, pas encore[14].


Cet hémistiche malencontreux, qui trahissait le vide de cette scène déclamatoire, a été modifié tant bien que mal :

Je n’ai pas tout dit ! Non, madame ! Oh ! pas encore !


Il y avait d’autres indices du bavardage de ce drame tragique. Lorsque Sentinelli vient se saisir de Monaldeschi pour le mener à la mort, celui-ci réclame un répit pour écrire à sa mère. Le mot : mère contient à peu près autant d’émotions et de larmes à l’époque romantique que le vocable : nature au temps de La Chaussée. Je cite le texte du manuscrit :

C’est juste et d’un bon fils.
— Quelle douleur amère,
Alors qu’elle saura que, loin d’elle puni.
Son fils sans la revoir est mort !
As-tu fini ?[15]


À la fin de la scène vi, un couplet a été amélioré, qui bravait le ridicule ; voici comment s’exprimait cette reine éperdue :

Si je reviens m’asseoir reine au milieu des rois,
J’ai bien peur de chercher parfois d’un œil avide
La place où vous étiez, et la retrouvant vide
De soupirer ; alors je vous rappellerai[16].

Banalité d’expression : « l’œil avide » ; embarras de

syntaxe : « et la retrouvant vide de soupirer » : le pire Dumas était là, concentré. Il y était pareillement, quatre vers plus loin, avec son manque de tact et ses truculentes délicatesses, en ce fragment de dialogue introuvable dans la brochure :

Et vous, que ferez-vous d’ici là ?
— J’attendrai.
— Mais fidèle à la foi que vous m’avez jurée.
Sans qu’aucune autre femme…
— Oh ! vous m’êtes sacrée !
— Qu’ainsi soit donc, marquis, et quand vous reviendrez,

Peut-être de l’exil vous vous applaudirez[17].
Mais je garde quelqu’un


Il n’est pas impossible que de Vigny et Hugo aient rayé ce morceau, épargnant aux lèvres de Christine ces niaiseries échauffées. Ils auraient pu biffer d’un large trait de plume d’autres beautés de cet ordre. Il en reste dans ce cinquième acte, et dans les précédents[18]. Néanmoins toutes ces maladresses ou défaillances ne font pas que les vers aient tué la pièce.

La vérité est qu’en poésie Dumas a deux styles, l’un déclamatoire et vide, et souvent incorrect, qui est la plus plate imitation de la tragédie, et un autre vigoureux par la couleur, le relief, la sensibilité, et singulièrement expressif, lorsqu’il attrape la scène dramatique, quand il agit, au lieu de développer, dans le feu du drame. Tragique, analyste et appliqué, il écrit :

 
Oui, si j’avais vu dans l’Andalousie
Tes yeux noirs à travers verte jalousie[19],


ou encore :

Je grandis vite, car avec son bras puissant

La gloire paternelle était là me berçant ;
Je grandis vite, dis-je[20]


Il coud ses développements et ses images : il raccorde, comme il peut, ses phrases ; il est solennel, emphatique à la bourgeoise :

À tous salut ! Qui donc peut ici, s’il vous plaît,
Me dire d’entre vous, messieurs, l’heure qu’il est[21] ?


Sa mémoire est pleine de centons de Corneille et de Racine, qu’il accommode. Mais lisez les scènes dramatiques et notamment la deuxième du cinquième acte, ou Paula apporte à Monaldeschi le poison libérateur : vous y trouverez encore quelques gaucheries, mais de belles tirades brûlantes, ramassées, pathétiques, et de quelle allure[22] !

Christine est médiocre, parce qu’elle est artificielle. Dumas avait d’abord écrit une tragédie, à laquelle il soude un drame. Ce sera toujours ainsi, même quand il ne s’y reprendra pas à deux fois. Le prologue et l’épilogue sont rapportés, l’un pour mettre en scène Descartes, qui meurt avant le premier acte ; l’autre pour symboliser sur le théâtre le remords en cheveux blancs. D’une part, couleur locale sans consistance, et de l’autre, philosophie de Pixérécourt, qui avait fort exploité la canitie du repentir. Au cours des cinq actes, Dumas est un révolutionnaire plutôt lent. Dans les deux premiers ce ne sont que souvenirs classiques ajustés d’une main novice aux réminiscences de Shakespeare, de Scott, de Goethe et de Schiller ; Cinna, Saint-Genest, Racine, Massillon, tout se mêle. Je cueille ces trois vers :

Allons supplier Dieu que ce jour soit prospère :
Dans son temple venez prier à deux genoux,
Car Dieu seul esl puissant. Vous, messieurs, suivez-nous[23].


Mademoiselle Mars, qui savait de mémoire les originaux, regimbait contre cette servile insurrection. Sous la broderie des vers d’emprunt, on assemble des lieux communs. Prenez une tirade au hasard : le métier de roi, de courtisan, l’âme de la foule entraînent toutes les considérations y afférentes[24]. Et l’on tient ces juxtapositions décousues d’une rhétorique fanée pour la moderne peinture des individus. On ajuste au monologue d’Auguste celui d’Hamlet, de Fiesque et de don Carlos[25]. Et l’on croit avoir fait revivre en Christine la femme et la reine. On prend pour poésie tragique le flux des tirades, le remous des mots, les paquets de développement déclamatoire. La scène du couronnement affecte la solennité de la délibération politique d’Auguste[26] ; elle est pleine de vide. Paula se guide sur Hermione et se souvient vaguement des imprécations de Camille[27]. Elle est seulement plus prolixe, au petit bonheur. Nous voyons clairement, dans ces premiers actes, la façon dont Dumas entend la tragédie modernisée : c’est à savoir de grandes scènes à couplets, où il verse consciencieusement tout ce qui lui vient à l’esprit ; rapt, vingt vers ; — abandon, vingt vers ; — Richelieu, quelque peu davantage ; — Corneille, une quarantaine pour plaire à Hugo. Quand le filon du lieu commun s’épuise, on broche quelques hémistiches sur le décor, on en roule d’autres autour du mirliton de l’actualité ; couleur locale, toujours, mais infiniment plus artistique aux yeux de Dumas que celle du drame populaire : elle est versifiée. Et, comme l’exercice est facile, cela lui donne envie.

De là l’acte III de Christine, à tableaux démontables : Christine et sa cour à Fontainebleau ; la carte du Tendre ; Corneille en visite.

Corneille ! — Inclinez-vous devant le vieux Romain[28].


On voit la suite. Monologue de Christine après la lecture du monologue d’Auguste. Reine et femme, emphatique et loquace, cette majesté déchue « rugit »[29] compendieusement. Il faut croire que tous les chemins mènent à Rome, où la tragédie doit aboutir.

Enfin le drame lui succède, dans les deux derniers actes. Après une dernière discussion entre Monaldeschi-Gormas et Diègue-Sentinelli [30], le cadre éclate, l’œuvre se redresse, la crise se noue, et Dumas, en dépit de Melpomène, suit son instinct. Enfin ces personnages discoureurs agissent et tendent vers un but. Ils ne deviennent pas des caractères ; cependant l’action les transfigure. C’est le drame, avec quelques scènes encore imitées de Gœthe et de Schiller, mais d’autres originales et vigoureuses où l’auteur d’Henri III se retrouve. Et se retrouve ce mouvement ramassé, haletant, qui étreint le spectateur à la gorge. À la fin du quatrième acte, adieu la tragédie : c’est la lutte à mort. Le cinquième est court et enlevé d’une main hardie. La lâcheté même de Monaldeschi, on ne saurait nier qu’elle produise un effet saisissant. Si l’on objecte que l’auteur abuse de nos nerfs, je réponds que les délicats sont malheureux, mais qu’il est, lui, dans sa veine et dans le beau de son génie populaire. Les sentiments du peuple naissent de sensations vives. Quant au mot de la fin :

Eh bien, j’en ai pitié, mon père, qu’on l’achève[31] !


celui qui l’a trouvé, pour son coup d’essai, est un maître homme de drame : il ne sera jamais en peine de conclure. Songez-y : ce vers qui clôt deux actes d’émotion poignante est encore un vers d’action. Que dis-je ? Il est l’action suprême ; il ébauche le geste décisif et meurtrier, beaucoup plus qu’il n’exprime un sentiment. Est-ce un vers de tragédie ? Est-ce même un vers ?

II

« CHARLES VII CHEZ SES GRANDS VASSAUX. »

Tragédie en cinq actes.
(Manuscrit original.)

« Tragédie » signifie donc que l’ouvrage est rimé, et qu’on y a pris peine. On s’est surveillé. En élevant son genre, Dumas soigne son style. Son talent d’improvisation se plie au labeur de l’écriture. Tel est le sens premier du mot « tragédie », accolé aux cinq actes de Charles VII.

Le manuscrit original en est la preuve[32]. Le total des vers y est soigneusement noté en marge, à la fin des actes : 460-470-326-336-244. On remarquera qu’après le second, les autres sont plus courts, le dernier de près de la moitié. Ce n’est pas que l’auteur s’essouffle, mais au contraire qu’il s’anime. Le drame envahit la tragédie, comme dans Christine ; mais l’exécution est plus sûre et d’un dramatiste qui, entre l’une et l’autre pièce, a écrit Antony. Il n’a pas remanié son œuvre ; elle est venue telle. Hormis un seul passage, les corrections constatées dans la brochure portent sur des détails et révèlent des scrupules de forme, le travail du style poétique, et, — oui, vraiment, — une recherche du style noble.

Il a écrit dans le manuscrit :

Oh ! malédiction — sa figure est livide.

Figure manque de distinction. On lit dans le texte définitif :

Oh ! malédiction ! son front devient livide[33].

Quoiqu’il ait laissé subsister quelques barbarismes ou solécismes :

 
J’avais donc cru, dis-je, qu’auparavant
D’ensevelir mes jours dans un tombeau vivant[34]


ou encore :

Si son courage
Faillissait[35]


Nombre de taches ont disparu. Il avait dit d’abord :

 
Est prête d’invoquer Satan

il a corrigé ainsi :

 
Est tout près d’invoquer Satan[36]


Il a des délicatesses d’oreille :

Quand de Mahomet même il eut reçu ce droit[37]


est devenu :

De Mahomet lui-même eît-il reçu ce droit

Il avait fait Yaqoub de trois syllabes :

Yacoub, fils d’Asshan, appartient à Messire…


la brochure a rétabli :

Yacoub le Sarrazin appartient à Messire[38].

Un vers faux lui était échappé :

Mon père, l’œil en feu, la poitrine haletante…


qu’il a changé comme il suit :

Mon père, l’œil en feu, la gorge haletante[39].


Pendant toute sa vie, il s’est servi d’une orthographe indépendante, qu’il discipline ici, quand elle fait tort à la prosodie. Il modifie sans peine le premier jet incorrect.

Vois quelle trace elle a laissé dans sa mémoire[40]


devient :

Vois quelle trace elle a laissée en sa mémoire.

J’ajoute que ses corrections, pour méritoires qu’elles soient, ne sont pas toutes aussi heureuses. On lit dans le manuscrit :

Comte, dans ton manoir je suis venu sans suite
Pour fuir un ennemi mortel, dont la poursuite
Est, surtout à la cour, acharnée à ton roi…

Le texte imprimé porte :

Comte, dans ton manoir je suis venu sans suite
Pour fuir un ennemi mortel, dont la poursuite
Est, surtout à la cour, achar sur ton roi[41]

Le même texte donne ailleurs, dans le récit des souvenirs du désert :

Je vois se dérouler sur l’ardente savane,
Comme un serpent marbré, la longue caravane…
D’avance du repas les endroits sont choisis.

Dumas avait été plus poète (et peut-être le typographe a-t-il ici mal lu) :

D’avance du repos les endroits sont choisis[42].

Mais ce sont des vétilles. En dehors des corrections qui dénotent un soin de perfection rare chez Dumas, je ne relève d’après le manuscrit original qu’une seule modification importante. C’est à la première entrevue d’Yaqoub et de Bérengère. Au moment où l’Arabe exalté se liait par serment à la volonté de la comtesse, celle-ci confessait son amour pour le comte.

YAQOUB.
 
 
Et nulle fuite au fer ne soustrairait sa tête,

Montât-il Al-Borack, le cheval du Prophète.
M’entendez-vous ?

BÉRENGÈRE.

Oui, mais pour moi tu ne peux rien,
Pauvre Yaqoub, car cet homme est ton maître et le mien.

YAQOUB.

Charles de Savoisy ?

BÉRENGÈRE.

Dieu qui lit dans mon âme
Sait s’il existe un cœur dans le sein d’une femme
Brillant d’un feu plus pur, d’un amour plus constant
Que celui qui pour lui me brille en cet instant.

(Yaqoub s’éloigne.)
Dieu sait encor s’il fut jamais de sa famille

Homme absent adoré par sa mère ou sa fille,
Dont la mère ou la fille, à l’heure du retour.
Attendissent la vue avec autant d’amour ;
Et cependant…

YAQOUB, se rapprochant

Eh bien ?

BÉRENGÈRE.

Eh bien, si tout à l’heure,
Le comte franchissant le seuil de sa demeure
Disait à haute voix : « Bérengère, es-tu là ? »
Je n’oserais, je crois, répondre : « Me voilà ».

YAQOUB, avec tristesse.

Si ce que vous avez dit est vrai, [ô] pauvre femme,
Rassemblez donc alors les forces de votre âme
Pour résister au comte ou lui crier merci,
Car ce moment approche et le comte est ici.

BÉRENGÈRE.

Ici ? non… non… Quelqu’un serait venu me dire[43]

Ni les vers n’étaient sans accent ni le jeu de scène d’Yaqoub sans effet. Mais ce couplet faisait double emploi avec la confession de Bérengère au chapelain, dont le mouvement et les mots de valeur sont les mêmes comme aussi quelques rimes[44]. Mais surtout il était contraire à la vraisemblance : le moyen qu’Yaqoub résigne sa volonté entre les mains de Bérengère, si elle lui dit d’abord son amour pour son mari ? De ces variantes je n’ai cité que l’important, ce qui tendait à montrer combien Charles VII est une pièce soignée et travaillée. « C’est que Charles VII est surtout une étude, écrivait l’auteur, une étude laborieusement faite, et non pas une œuvre primesautière[45]. »

Est-ce une tragédie ? Est-ce un drame ? Je ne soulève pas une question de scolastique ; car il est bien évident que, le drame et la tragédie étant deux conceptions de théâtre philosophiquement contraires, l’auteur qui coule un drame dans le moule tragique, malgré tout le talent qu’il peut avoir, fait une œuvre neutre, d’impression confuse et de demi-succès. Ce n’est pas tout que d’élever son genre ; il faut l’élever dans la sphère et le sens qui lui sont propres. « … J’ai donc pris les formes classiques, qui, pour cette fois, m’allaient, et j’ai verrouillé mes trois unités dans les dix pieds carrés de la chambre basse du comte Charles de Savoisy[46]. » Ici apparaît la naïveté littéraire du bon Dumas, qui s’imagine qu’une fois maître des trois unités, il est maître de la tragédie, et que, les eût-il véritablement observées, ces règles sont l’essence du genre, et non pas des passavants de composition, des conventions provisoires, mais nullement essentielles. Les meilleurs drames de ce siècle les ont respectées, ou à peu près. Dira-t-on que Monsieur Alphonse soit une tragédie ? Et encore Monsieur Alphonse, par le petit nombre d’événements qui s’y déroulent et les péripéties psychologiques d’où découle l’émotion, est-il plus voisin de la tragédie que Charles VII.

La façon même dont Dumas prend le sujet, — tiré de la Dame de Carouge de Gérard de Nerval, s’il en faut croire Théophile Gautier, — l’éloigné du classicisme, bien qu’il emploie les « formes classiques ». — « … C’était l’histoire d’un captif, est-il dit dans l’Histoire du romantisme, un émir arabe ou sarrazin, ramené de Palestine par un baron croisé, et devenant amoureux de la châtelaine. Le contraste de l’Islam et du Christianisme , de la tente nomade et du donjon féodal, de la froideur du nord et des passions ardentes du désert, de la férocité sauvage et de la chevalerie, exprimé en vers qui ne devaient manquer ni d’énergie ni de beauté ou tout au moins de facture,…… nous semblait devoir prêter à quelques situations dramatiques. Ce parut être l’opinion d’Alexandre Dumas, qui, cinq ou six ans plus tard, fit sur cette donnée, que Gérard lui avait sans doute communiquée, Charles VII chez ses grands vassaux. Seulement, chez nous, Yaqoub s’appelait Hafiz[47]. » À Dieu ne plaise que je reproche à Dumas d’avoir donné la vie à une œuvre mort-née ! Mais je note que Gautier, qui avait collaboré avec Gérard de Nerval, définit avec beaucoup de précision le sujet même de Charles VII  ; et de cette définition il appert que le contraste entre la tente nomade et le donjon féodal n’est guère une idée de tragédie, étant de fantaisie pure et pour le plaisir des yeux. Gautier conclut que la pièce ainsi conçue pouvait « prêter à quelques situations dramatiques ». C’est une vue plus juste que celles de la préface de Charles VII, où l’auteur étale la prétention de « faire une œuvre de style plutôt qu’un drame d’action », et de « mettre en scène plutôt des types que des hommes[48] ». Ce symbolisme des personnages, qui représentent l’un l’esclavage de l’Orient, l’autre la servitude de l’Occident , etc. , etc. nous le connaissons pour l’avoir étudié dans la préface d’Angelo. Dans le dessein sans doute de mettre en scène des types plutôt que des individus, notre Dumas commence par serrer de près Corneille, Racine, Gœthe , Schiller, Walter Scott, Alfred de Musset, par s’inspirer du Cid, d’Andromaque, de Gœtz de Berlichingen, de Fiesque, de Quentin Durward, de la Pucelle d’Orléans, de Guillaume Tell. Quoi encore ? J’allais oublier Alain Chartier, qui avait inspiré Gérard de Nerval. C’est beaucoup pour une seule tragédie. Il y manque au moins l’unité d’origine.

On y chercherait vainement la souveraine raison qui est l’âme et la règle supérieure de l’art tragique, et dont l’imagination émancipée se plaît à déranger les nobles conceptions. Car enfin, il faut bien, une fois, établir une comparaison, puisque Dumas lui-même nous y oblige, et ne fût-ce que pour définir le drame tragique : Charles VII chez ses grands vassaux. Comparons donc, non pour classer, mais pour éclaircir.

L’auteur n’a pas voulu faire un drame d’action. Et qu’a-t-il voulu ? Quand on réfléchit attentivement sur sa pièce et sur l’explication qu’il en donne : « … Le comte c’était la féodalité, le roi, la monarchie. Une idée morale planait sur le tout[49] … » — on s’avise que son idée morale n’est pas tout à fait celle qu’il dit, mais beaucoup plus véritablement une conception générale de la féodalité monarchique qui plane, en effet, sur cette œuvre, et lui imprime quelque grandeur et une certaine unité d’ensemble. Je reconnais volontiers, contrairement à l’avis de la plupart des critiques, que cette conception domine la pièce ; que, par suite, l’action n’est pas double : le roi représente le principe et le comte en applique les conséquences. La France en est le protagoniste idéal, et il semble que nous ayons bien affaire à un drame national et populaire. Quand Dumas obéit à son instinct, il ne s’égare pas. Mais je songe du même coup à une tragédie, dont Rome est l’unique objet, l’âme et la vie, le patriotisme y étant la cause supérieure de toute émotion.

Rome, l’unique objet de mon ressentiment,
Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant[50]

Qui ne voit l’analogie entre les deux sujets ? Mais qui ne voit la différence fondamentale ?

Dumas n’écrit pas un drame d’action. Qu’écrit-il donc ? Dans Horace, l’amour de la patrie illumine le théâtre ; les personnages et toutes les grandes scènes en reçoivent leur lumière. Le reste est relégué dans la coulisse, c’est-à-dire le drame militaire, qui se déroule dans la campagne de Rome. Que de beaux coups d’épée avant l’armistice ! Que d’événements à représenter et à conduire ! Quels tableaux que celui du tirage au sort et celui du serment ! Et le duel, ce duel à trois contre trois, autrement pathétique que celui du Cid, puisqu’il s’agit ici, non plus d’intérêts particuliers, mais de Rome même : quel tableau, quelle situation dramatique et d’un effet assuré ! — Mais Corneille écrit une tragédie ; de tous ces événements, situations, péripéties, il ne nous représente que les effets sur les âmes ; il ne met en scène que la crise domestique et psychologique. Il tue Camille, mais à la cantonade, et termine une peinture du cœur humain, œuvre d’analyse, par un cinquième acte de dissertations analytiques sur la valeur morale des sentiments que pendant quatre actes nous avons vus paraître. Voilà la tragédie, voilà l’unité rationnelle, la raison maîtresse de l’imagination dont elle triomphe jusque dans le sobre décor du théâtre ; et voilà des types généraux, sinon symboliques, qui représentent, non pas la tente du désert ni le donjon féodal, mais des caractères et des sentiments universels ; dont le contraste n’évoque pas une image ni des couleurs à notre fantaisie, mais le fonds même de la vie et de la nature humaine dans le feu de l’action intérieure. Parce que Dumas a verrouillé sa pièce dans les trois unités, il pense avoir écrit une tragédie. « Cur non ?[51]… »

Cur non ? Parce que, dramatiste populaire, il met en oeuvre tout ce que l’auteur tragique a écarté. Il suit Corneille à contrepied. Il parle premièrement aux yeux. Il recherche les tableaux : la chasse, le désert, la confession, le jugement, et le reste. Charles VII fait son entrée, avec un faucon sur le poing, et en compagnie d’Agnès Sorel[52]. Traduisez : voici un roi sans énergie, qui s’abîme dans les plaisirs, pendant que la France est en proie à l’Anglais. On nous développera plus tard l’idée dogmatiquement, comme dans les manuels, et en vers, pour forcer notre entendement, qui est court. Ce n’est plus la raison analytique qui domine la pièce, mais l’imagination qui la soutient. On relie entre eux tous les événements qui peuvent d’une idée générale, telle que l’amour de la France féodale, traduire d’abord l’intelligence matérielle, pour ainsi dire, et imposer la perception sensible. Dumas, qui est né pour le théâtre, est doué de la logique nécessaire à contenir ces événements dans les limites d’une certaine unité de conduite. Mais, quoi qu’il dise et quoi qu’il fasse, cette unité et cette logique sont en action dans une pièce d’action ; elles ne sont nullement intérieures, et tiennent surtout au mouvement qui se fait sur la scène ; elles président au jeu visible du panorama, des événements, des péripéties plutôt qu’au jeu secret des caractères et des passions, qui éclatent ici en gestes et en actes, et dont nous n’apercevons que la vie apparente, la douleur physique, et les symptômes évidents. Et c’est bien là le drame, le bon grand drame populaire, qui a raison de cette tragédie à la fin du troisième acte.

Jusque-là les personnages sont, comme la pièce, régis par la fantaisie. C’est elle qui se plaît au contraste des pigments de la peau, qu’elle prend pour des différences de caractères ; qui se réjouit de mettre la tache blanche du burnous arabe dans l’ensemble sévère de ce manoir féodal ; qui se grise des souvenirs de chasse et des rêves du désert ; elle, toujours elle, qui pousse ce (ils bronzé d’Asshan aux pieds de la femme pâle : Bérengère et Yaqoub, Yaqoub et Bérengère… Bérengère… Bérengère ! L’oreille même en est enivrée, comme de je ne sais quelle mélodie lointaine, étrangère… Cur non ?

À présent, cet Yaqoub, qui joue le rôle d’un Oreste, dont le teint est emprunté de l’Hassan de Fiesque et la philosophie matérialiste du Maugrabin de Scott, je me demande quel homme il est, et si son désert n’est pas aux Batignolles. Je sais qu’il manie lestement le poignard, qu’il ne craint point la mort, et qu’il aime — à en mourir. Mais la plupart des hommes sont ainsi faits que la vie n’est rien au prix de leur amour ; une fois libres de l’un, ils reprennent l’autre, retournent à leur désert, et ne meurent point. Il est un lion, souple en ses mouvements, prompt à l’attaque, et tranquille et pourléchant ses lèvres, l’ennemi une fois abattu. C’est le portrait d’un personnage propre à tenter l’œil d’un peintre ; un caractère tragique, aucunement. Il rugit ; ils rugissent tous : telle est leur manière d’exprimer leur passion.

Je n’abuserai pas contre Dumas, encore qu’il nous y convie, du parallèle entre le dénoûment de Charles VII et celui d’Andromaque.

Mais à quel point le rôle de Bérengère est au rebours d’un caractère tragique, il faut pourtant le faire paraître. Il y a juste un moment où la comtesse se trouve dans une belle situation, digne de Corneille : c’est la scène vi de l’acte IV. En une scène analogue, Pauline fut inoubliable. On sait quel art des transitions morales Corneille a déployé pour amener cette femme sensible et raisonnable à l’admirable révolte de son cœur déchiré, de son corps méprisé. C’est un tissu serré des plus intimes sentiments féminins, une science des teintes dégradées et des nuances les plus secrètes, pour mettre enfin le couplet le plus audacieux et vrai sur les lèvres de la plus honnête épouse :

C’est donc là le dégoût qu’apporte l’hyménée ?
Je te suis odieuse après m’être donnée[53] !

La lutte de Pauline est toute en dedans. L’héroïne pourrait dire ce couplet sans un mouvement, sans un geste : l’expression du sentiment ne saurait que gagner à la sobriété de la mimique. Or écoutez Bérengère :

Peut-il, quelle que soit sa puissance suprême,
Faire que votre voix ne m’ait pas dit : « Je t’aime ! »
Et que de cette voix l’accent encor vainqeur
Ne soit en ce moment tout vivant dans mon cœur ?
Pour me faire oublier ce son, cette parole,
Je sais bien, s’il le veut, qu’il peut me rendre folle,
M’ôter le souvenir ; mais il ne peut, je crois,
Empêcher que ces mots n’aient été dits cent fois.
Rappelez-vous ces mots, Charles, je vous supplie…
Voyez : à vos genoux, je pleure et m’humilie…

Oh ! ne détournez pas de moi votre regard.
 
Pour chercher la pitié dans votre cœur de pierre.

J’ai d’abord à mon aide appelé la prière ;
Bientôt vous avez vu l’excès de mes douleurs
Eclater en sanglots et se répandre en pleurs ;
Puis enfin, je me suis, la tête échevelée.

Jetée à vos genoux, et je m’y suis roulée.
Que voulez-vous encor[54] ?

Rien de plus. La forme classique du vers, les réminiscences de Corneille et de Racine ne font qu’accuser davantage la contrariété foncière qui sépare Charles VII, drame tragique, d’une tragédie.

Est-ce donc un drame médiocre ? Je ne dis pas cela ; mais une tragédie au-dessous du médiocre, assurément. À tout coup la formule classique y est faussée. C’est le développement hasardeux (comme dans Christine) de toutes les aubaines de l’imagination : descriptions, dissertations, parabases, morceaux de couleur ou de déclamation. Le comte fait la leçon à son roi, et lui reproche « la sueur du peuple »[55]. Il dit, il dit aussi, il dit encore ; il n’en finit pas de dire[56]. Ruy Blas n’a qu’à bien se tenir, s’il veut dire mieux et plus longuement.

Mais si, au lieu de comparer Dumas à Corneille, je m’avise de songer à la Pucelle d’Orléans de Schiller, alors son œuvre me paraît vivante, scénique, historique ; alors toutes les scènes, même les leçons d’histoire, même l’érudition de fraîche date, sont l’action même ou subordonnées à l’action. La crise est plus forte que le système. Dumas rattrape son talent. Il redevient lui-même ; il s’empare du public, et le porte à la force des bras. Il peint à larges traits le départ de la chasse ; la scène de bravoure est enlevée allègrement :

Montjoie et Saint-Denis ! Charles à la rescousse[57] !


À la fin de l’acte IV, il tend tous les ressorts de la machine.

Où vous retrouverai-je ? — Ici, ce soir. — Ce soir[58] !


Il exécute, haut la main, la presque unique scène de l’acte V, imitée de Racine à la façon de Dumas. N’alléguons plus le maître tragique ; réservons pour une heure de jouissance recueillie cette passion d’Hermione, harmonieuse, inexorable. La psychologie d’Yaqoub est à brusque détente ; Bérengère s’égare. La crise éclate violente, brutale, désordonnée……

Elle est admirable ; elle est l’essence même du drame : couleur, action, passion, mouvement, vie. On ne saurait trop se répéter sur ce point. Pour la facture, pour le développement de la situation, aucun dramatiste de ce siècle, non pas même Dumas fils, n’a eu la main plus sûre ni plus précise. C’est au théâtre qu’il faut goûter cela. Il n’y a pas de raisonnement, de théorie, d’esthétique ni de goût qui tienne contre ce torrent d’émotion, qui jaillit, grossit, gronde et s’abat sur le cœur des hommes assemblés. Et si, après avoir entendu la scène, vous la lisez de près, vous y verrez de quel art ce génie improvisateur est capable, quand, oublieux des traditions et des formules, il n’écoute que son instinct de dramatiste populaire.

Tout ce que l’imagination conçoit des rêves d’Orient, tout ce qu’une voix de femme peut mettre d’inflexions et de caresses enveloppantes en l’expression de ces rêves, comme aussi tout ce que les lignes souples et félines d’une créature désirée, passionnée et presque chaste, peuvent promettre de voluptés brûlantes et inassouvies, tout ce délice, tout ce délire déborde dans la première partie. C’est un charme subtil et chaud qui se coule en nos veines, en nos cerveaux ; Yaqoub se tord, en proie à ces affres d’enchantement.

Et cette goutte d’eau qu’il versa sur ma bouche[59] !

Mais Yaqoub se reprend ; la scène se retourne. Déjà rêves d’Orient, caresses de la voix, gestes souples et félins sont impuissants. Du réalisme le moins timide cette femme candide, mais jalouse, se fait une arme. Pour vaincre les scrupules de l’esclave, elle lui broie le cœur ; elle lui dévoile le passé, les intimités conjugales ; elle est d’une pathétique impudeur. Parmi ces peintures embrasées, se détachent les mots dramatiques, terribles et logiques, à double portée, à deux tranchants, les vers passionnés et d’une perfidie féminine, qui enfoncent, à même la chair, comme des clous sanglants.

Mais tu ne comprends pas, toi, tu n’es pas jaloux[60]


Ou encore :

Lui vivant, il nie reste un espoir de retour ;
Lui mort, je t’aimerai de tout cet autre amour[61].

Tant il y a que cette scène de drame, conçue d’après le modèle de la tragédie, se termine par le cri de victoire de la femme menaçante : « Enfin ! » Au moment que Dumas croit atteindre à la pure forme classique, il se dégage malgré lui, de toute la vigueur de son tempérament athlétique, et se jette, tête baissée, dans les angoisses de la passion. Il élit Racine pour son maître ; il aboutit au triomphe de la fantaisie et du réalisme sensuel. Mais, avec tout cela, il écrit une des plus fortes scènes que je connaisse, et des plus rigoureusement construites.

Charles VII n’a pas réussi du premier coup ; partant, Dumas l’aimait peu. C’est sa meilleure pièce en vers ; il n’a pas eu trop de ses dons pour exécuter cette œuvre supérieure et médiocre. L’originalité en est discutable ; l’impression en reste indécise. « Qu’on entasse critiques sur critiques, écrivait en 1863 M. Francisque Sarcey, je défie ceux mêmes qui sentiront le mieux les défauts du drame de n’être pas émus[62]. » Au vrai, ces défauts sont ceux d’une mauvaise tragédie.


III

AUTRES DRAMES TRAGIQUES.

Caligula.

Dumas était aux prises avec un genre faux ; aussi le crut-il infiniment noble. Il y revint jusqu’à deux fois. Le 26 décembre 1837, il donnait au Théâtre-Français Caligula qui fut sifflé[63], et le 10 avril 1839 à la Renaissance l’Alchimiste, qui n’eut aucun succès. Christine, Charles VII, Caligula, l’Alchimiste, représentations houleuses, douteuses ou malheureuses : tel est le bilan de ces œuvres à leur apparition. Elles renferment en elles-mêmes le germe fatal. Encore une fois, ce n’est pas que le style en soit aussi insuffisant qu’on a dit. On rencontre dans l’Alchimiste de fort beaux vers, solidement frappés. Même j’estime que là surtout Dumas eut la veine heureuse et qu’il n’en fit nulle part ailleurs de plus imagés et sonores. Aussi bien, la période s’est assouplie ; la structure en est moins heurtée ; le mouvement plus aisé et continu que violent et brusque. Si le marivaudage y est parfois subtil et tortillé[64], l’esprit[65], la passion[66] y abondent, et la poésie n’en est pas absente. L’Alchimiste est donc plein de beaux vers ; et il renferme des scènes absurdes, presque autant que les Burgraves.

Quand Dumas s’efforce à ces œuvres hybrides, il semble que son originalité en pâtit. Faute de ce don, il n’a pas pour se soutenir l’humanisme de Casimir Delavigne ou de Ponsard. De l’Alchimiste la critique n’a point à s’occuper, sinon pour noter au passage que Ben Johnson avait écrit une tragédie sous le même titre, que Dumas a sans doute travaillé d’après une traduction du Fazio de l’auteur anglais Milman, et qu’il a conservé ce nom au principal personnage. Ce qui ne l’empêche pas de refaire au galop la scène du poète de Timon d’Athènes[67], ni de se souvenir au besoin du bal de Fiesque[68], ni même au Ve acte de mettre à profit Marion de Lorme[69]. Au reste, cette pièce, d’une fantaisie invraisemblable, n’est pas d’ensemble. Imaginez Monte-Cristo versifié, avec des prétentions à la grande tragédie. Le vers, disait Stendhal, n’est souvent qu’un cache-sottise. Il est manifeste que Dumas ne s’en doutait point en écrivant l’Alchimiste.

Il y a aussi de beaux vers, et spirituels, et pittoresques, et passionnés dans Caligula. Il y en a ; je le répète pour les incrédules, moutons de Panurge, qui suivent aveuglément l’opinion commune. Destinée au cirque Franconi, cette pièce devint un drame tragique : le principal rôle était distribué à un cheval bien dressé[70] ; de la haute école Dumas s’élève jusqu’au sublime de Polyeucte sans sourciller. Avec quelques couplets de facture on en faisait une opérette ; avec quelques décors et quelques machines de plus, une féerie : l’auteur est homme de ressources. Par malheur, il n’avait qu’un moyen très imprévu de manquer son coup : d’une pièce de cirque il fit une tragédie.

Tout ce qu’il a pu glaner dans Suétone de détails pittoresques ou amusants, tout ce qui, ayant frappé son imagination, doit plaire aux yeux, y est ajusté avec bonhomie et traité avec esprit. Cela ne dépasse point les limites du drame populaire. Il veut atteler des chevaux au char de Caligula ; il s’étonne que la Comédie-Française se refuse à cette exhibition et allègue que les maîtres tragiques n’amenaient point de chevaux sur la scène[71]. En effet, il s’est trompé de théâtre. Il nous confie qu’il est allé étudier l’antiquité sur place, l’antiquité archéologique, historique, officielle, et l’autre. (L’autre, n’est-il pas admirable ?) Il y paraît à la mise en scène. Nous voyons la boutique d’un barbier et la chambre à coucher de Caligula ; nous voyons presque celle de Messaline. Tout ce qui concerne le spectacle, tout ce qui offre un intérêt de curiosité ou d’intimité alléchante, y est représenté avec adresse. Le drame tragique se rapproche de son origine, qui est le musée de Walter Scott, et déjà touche à sa fin, qui est la pièce à restitutions archéologiques de M. Victorien Sardou. Pour ce qui est d’une tragédie, même modernisée, et de l’art tragique en sa simplicité grande, même rajeuni, n’en parlons point.

Ne parlons pas davantage des idées de la Préface ; il est entendu qu’elles ne sont pas dans la pièce. Ces romantiques se grisent d’avant-propos, comme leurs pères s’enivraient de proclamations. L’affiche même fait illusion : Caligula n’est qu’une pièce à décors, en vers, corsée d’un mélodrame très implexe. Le paganisme y est figuré par Messaline et Caligula ; le christianisme par Stella et Aquila. Chéréa, le conspirateur, n’est autre que Fiesque. Polyeucte voisine avec Britannicus. Je note au IVe acte une scène de la « porte difficile » déjà vue dans Henri III[72]. Il est vrai que, dans la même scène, Stella, qui pense avoir converti Aquila, éprouve que cette conversion inspire au néophyte de singuliers désirs. Et il est certain aussi qu’on regrette la plume subtile qui écrivit l’Abbesse de Jouarre. La mythologie se marie au christianisme et aux légendes provençales ; les invraisemblances se confondent dans ce pêle-mêle. Ce ne sont que tableaux immenses, couplets sans fin, tapisseries de haute lisse, derrière lesquelles s’évanouissent des personnages fantastiques, qui ne font que paraître et disparaître.

Caligula s’endort[73]. Il est bien gardé. Messaline veille au pied du lit. Elle s’échappe. Claudius soulève la portière, puis Aquila, puis Junia, puis Cherea, Annius Sabinus, Rome entière, jusqu’au préfet Protogène, qui arrive le dernier, comme dans les opérettes. Décidément, l’empereur n’était point gardé du tout. Qui s’y pouvait attendre ? Et c’est la beauté du dénoûment. Si vous aimez les anecdotes, on en a mis partout. Quel sermonneur nous promettait une tragédie de la Providence, la lutte entre le christianisme et le paganisme, quelque chose comme une tragédie sacrée, historique et moderne ? Hormis le songe de Caligula[74], la légende de Marie-Madeleine[75], et certains échos affaiblis de Corneille, je ne trouve, pour satisfaire ma curiosité historique ou ma ferveur chrétienne, que quelques mots singulièrement adultérés par la forme du vers.

Que vous ne craignez rien, impassibles athlètes,
Si ce n’est que le ciel ne tombe sur vos têtes[76]


ou encore :

 
Il te sera par un Dieu désarmé
Beaucoup remis, ô femme, ayant beaucoup aimé[77].


On voit du reste que la veine de Dumas n’est pas en progrès. À mesure qu’il met plus haut ses visées, le drame tragique le trahit davantage. Il a trop de talent dramatique avec un génie trop expansif, pour illustrer ce genre, où des poètes de goût et qui ont le sens du théâtre peuvent réussir. Il n’est pas l’homme des demi-pièces ni des demi-teintes. À chaque changement de décor, j’attends l’entrée du héros protagoniste, du cheval consul, du cheval historique et tragique. On nous raconte, après coup, qu’Incitatus avait la cuisse cassée et qu’il a fallu l’abattre. — « Ah ! diable ! » soupire Dumas[78] ; — « Hélas ! » comme il est dit au dénoûment de Bérénice, tragédie en vers.

  1. La Dame de Monsoreau (Th., XXIII), III, tabl. v, sc. vii, p. 213.
  2. Mes mémoires t. V, ch. cxxxiii, p. 291. Cf. Souvenirs dramatiques t. I. Mon odyssée à la Comédie-Française, § vi, p. 210. Cf. Ibid., t. II. L’Œdipe de Voltaire et l’Œdipe de Sophocle, p. 1. « Je n’aime pas Voltaire, je l’avoue… » C’est d’ailleurs un mot d’ordre. Cf. les propos que Dumas prête à Victor Hugo, ibid. Les auteurs au Conseil d’Etat, pp. 193-194 : « Je range les tragédies de Voltaire parmi les œuvres les plus informes que l'esprit humain ait jamais produites ». Plus jeune, il est moins intransigeant. Il fait dire à Napoléon (Napoléon Bonaparte, III, tabl. V, sc. ii, p. 54) : « Voyez-vous, tout le théâtre de Voltaire est un système, dont 93 est la dernière pièce ». Cf. Madame de Staël, De l’Allemagne, t. II, ch. xv, pp. 7, 10, 15, où l’éloge, malgré le retour actuel de sympathie pour le théâtre de Voltaire, nous paraît tout de même excessif.
  3. A. de Musset, Mélange de litt. et de crit., p. 321. (Bibl. Charpentier, 1894.)
  4. Souvenirs dramatiques, t. I. Mon odyssée à la Comédie-Française, § ii, p. 189.
  5. Voir prologue de Christine, p. 203.

    Vous ne-me trompez pas ? C’est elle que voilà ?
    — Qu’en dis-tu ? — Je la crus plus grande que cela.

  6. Mes mémoires, t. VI, ch. cxxxvi, p. 24.
  7. Voir Charles Glinel, op. cit., passim. Celui de ces recueils auquel il donna le plus de vers était la Psyché.
  8. Mes mémoires, t. VI, ch. cxxxvi, p. 24. Pour toutes les tribulations de l’auteur à propos de Christine, dont la première version échoua par mégarde dans un ruisseau, et fut recopiée de mémoire par Dumas, pour l’opinion de Picard, l’intervention de Taylor, etc., etc., cf. ibid., t. IV, ch. cix, pp. 281 sqq. T. V, ch. cxiv, pp. 24 sqq. Ch. cxvii, pp. 76, 77. Ch. cxxxiii, p. 292. Pour la censure, voir ibid., t. VI, ch. cxxxvi, p. 2 sqq., et pour la première représentation, ch. cxxxvi, pp. 23 sqq. Cf. Souvenirs dramat., t. I, pp. 188 sqq.
  9. C’est celui de la seconde version de Christine. Cf. Mes mémoires, t. V, ch. cxxxiii, p. 286, et t. VI, ch. cxxxvi, p. 25. Il se termine par ces mots : « Fin du 4e (pour cinquième) acte, 26 avril 1830. À mon ami Comte. Alex. Dumas. » C’est un cahier de papier à écolier, comme celui d’Antony.
  10. Manuscrit original. Cf. Christine, V, sc. i, p. 276, vers 18. Cf. vers demeuré incomplet par suite d’une coupure fâcheuse dans Caligula (Th., VI), prologue, sc. vii, p. 24. « De l’or… »
  11. Manuscrit original. Cf. Christine, V, sc. i, p. 276, vers 3.
  12. Manuscrit original. Cf. Christine, ibid., p. 277, vers 4 sqq. Ces quatre vers encadraient les cinq qui restent : « Champs paternels… » jusqu’à « Dieu !… Que faisiez-vous là ? »
  13. Manuscrit original. Cf. Christine, V, sc. vi, p. 285, vers 16. La coupure fait tort au sens. « Oh ! je suis insensé… Je suis un malheureux, etc. »
  14. Manuscrit original. Cf. Christine, V, sc. vi, p. 285, vers 25.
  15. Manuscrit original. Cf. Christine, V, sc. iv, p. 281, vers 19. Dans la brochure : « Est-ce fini ? »
  16. Manuscrit original. Cf. Christine, V, sc. vi, p. 287, vers 18 sqq.

    Si je reviens m’asseoir reine au milieu des rois.
    Parmi ces courtisans empressés sur ma trace.
    Mon œil avidement cherchera votre place,
    Et la première alors je vous rappellerai.

  17. Manuscrit original. Cf. Christine, V. sc. vi, p. 287, vers 22.
  18. L’entrée d’un médecin, Borri, à la fin de la scène vi, a été supprimée. Il disait :
    Madame, si mon art m’est aujourd’hui fidèle.
    J’en réponds…. Ah ! du bruit.

    Ce bout de rôle, qui n’était pas d’un effet saisissant, était amené par ce vers de Christine :

    Qu’on appelle Borri ; qu’il vienne à l’instant même.

    Borri reparaît dans l’Épilogue, sc. I, pp. 292 sqq.

  19. Christine, II, sc. iv, p. 229.
  20. Christine, II, sc. vi, p. 233.
  21. Christine, III, sc. iii, p. 244. On se rappelle le vers d’Émile Augier :

    Permettez à vos pieds, madame, qu’on se jette.

  22. Christine, V, sc. ii, pp. 277 sqq.
  23. Christine, I, sc. ii, p. 215. Cf. « Allons sur son tombeau consulter… » « Dieu seul est grand, mes frères. »
  24. Christine, I, sc. iii, p. 217. « Je t’aimais, oui, Paula », etc.
  25. Christine, II, ii, pp. 225 sqq.
  26. Christine, II, vi, pp. 231 sqq.
  27. Christine, II, sc. vii, p. 237. Cette scène est surtout la paraphrase des vers de Racine :

    Tu ne revois en moi qu’une amante offensée…, etc.

  28. Christine, III, sc. iv, p. 249.
  29. Lettres inédites à Mélanie W. (Voir plus bas, pp. 287 sqq.) « Quelques mots entre deux vers de Christine, cher amour. Elle vient d’avoir une scène terrible avec Monaldeschi, et elle se repose pour se remettre… Allons, j’entends Christine qui grogne ; et ses grogneries, tu le sais, ont un faux air du rugissement d’un lion. »
  30. Christine, IV, sc. i, pp. 255 sqq.
  31. Christine, V, sc. vii, p. 292.
  32. Ce manuscrit original appartenait à A. Dumas fils. Il se compose de 80 pages, papier à écolier grand format, relié et cartonné, d’une belle écriture, comme celui de Fiesque. On lit à la dernière page : « Fini le 12 août 1831 à Trouville. A. Dumas. » Cf. Mes mémoires, t. VIII. ch. ccviii, pp. 210 sqq.
  33. Manuscrit original, p. 79, vers 15. Charles VII (Th., II), V, sc. v. p. 314, vers 1.
  34. Charles VII, IV, sc. vi, p. 294, vers 7 et 8. Voir Ferdinand Brunot, Grammaire hist. de la langue française, p. 583.
  35. Charles VII, V, sc. iv, p. 312, vers 8.
  36. Manuscrit original, p. 20, vers 16. Charles VII, II, sc. i, p. 250, dernier vers.
  37. Manuscrit original, p. 12. vers 31. Charles VII, I, sc. iv, p. 243, dernier vers.
  38. Manuscrit original, p. 5, vers 9. Charles VII, I, sc. ii, p. 235, vers 13.
  39. Manuscrit original, p. 3, vers 1. Charles VII, I, sc. i, p. 233, vers 4.
  40. Manuscrit original, p. 46, vers 14. Cf. Charles VII, III, sc. iii, p. 277, vers 21.
  41. Manuscrit original, p. 45, vers 14. — Charles VII, II, sc. vi, p. 266, vers 7 sqq.
  42. Manuscrit original, p. 10, vers 23. — Charles VII, I, sc. iv, p. 241, vers 29.
  43. Manuscrit original, p. 13, vers 4 — Charles VII, I, sc. iv, p. 244, vers 8. Dumas a fait le raccord à l’aide de deux vers et demi de dialogue coupé :

    Yaqoub, que dites-vous ? — J’oubliais… ah ! pardon !…
    Qu’un autre défenseur était là. — Lequel donc ?
    — Le comte — Ici ? — Le comte. — Et nul ne vient me dire…

  44. Cf. Charles VII, II, sc. ii, p. 254, vers 15. « Et depuis que ma main… », etc.
  45. Mes mémoires, t. VIII, ch. ccvii, p. 204.
  46. Préface de Charles VII, p. 228.
  47. Théophile Gautier, Histoire du romantisme, pp. 78-79.
  48. Préface de Charles VII, p. 229.
  49. Préface de Charles VII, p. 229.
  50. Horace, IV, sc. v.
  51. Épigraphe de la préface de Charles VII.
  52. Charles VII, II, sc. v, p. 258.
  53. Polyeucte, IV, sc. iii.
  54. Charles VII, IV, sc. vi, p. 297.
  55. Charles VII, III, sc. iv, p. 280.
  56. Charles VII, pp. 280 et 281.
  57. Charles VII, IV, sc. iv, p. 292.
  58. Charles VII, IV, sc. vi, p. 301.
  59. Charles VII, V, sc. ii, p. 307.
  60. Charles VII, V, sc. ii, p, 310.
  61. Ibid.
  62. Feuilleton dramatique de l’Opinion nationale, n° du 4 mai 1863.
  63. Souvenirs dramatiques, t. I. Mon Odyssée à la Comédie-Française, § XIII, pp. 263 et 264. La Comédie-Française avait fait pour la pièce de gros sacrifices (voir Ch. Glinel, op. cit., ch. v, pp. 347-348, lettre de M. Édouard Bergounioux), 5000 francs de prime à l’auteur, 3900 fr. de costumes et mise en scène, et l’engagement de mademoiselle Ida Ferrier, plus tard madame Dumas, pour une année. C’était payer cher la couleur du prologue. La pièce n’ayant pas réussi, Dumas fit frapper une médaille pour perpétuer le souvenir de la « première ».
  64. L’Alchlmiste (Th., VI), I, sc. iv, p. 219.

    Ces rubis, pour garder leurs reflets précieux.
    Madame, à votre front sont trop près de vos yeux.


    Cf. III, sc. iv, p. 252 et toute la scène.
  65. L’Alchlmiste, III, sc. i, p. 240. Joli couplet, très joli, sur le : vous et le : tu. Cf. III, sc. ii, p. 244. Cf. II, sc. iii, p. 231 : spirituel récit de Lelio, fort bien conduit. « La scène est en Espagne », etc. Ce rôle de Lelio est pimpant.
  66. L’Alchimiste, V, sc. ix, pp. 285 sqq. C’est d’ailleurs le dénoûment de Catherine Howard. Exécution publique, torches, bannières de la Vierge : souvenirs, comme j’ai dit, du dénoûment de Marie Stuart. Et c’est pourquoi la scène ressemble un peu à la dernière de Marino Faliero. Rencontre de souvenirs.
  67. L’Alchlmiste, III, sc. iii, pp. 246-247. Cf. Timon d’Athènes. I, sc. i.
  68. Au IIIe acte, bal musqué. Cf. le I de la Conjuration de Fiesque.
  69. L’Alchimiste, V, sc. iv, p. 278. Le podestat met à la grâce de Fasio la même condition que Laffemas à celle de Didier. Marion de Lorme, III, sc. x, p. 268.
  70. Souvenirs dramatiques, t. I. Mon Odyssée à la Comédie-Française, § xii, p. 252.
  71. Souvenirs dramatiques, t. I. Mon Odysée à la Comédie Française, § xii, p. 260.
  72. Caligula (Th., VI), IV, sc. ii, p. 96.
  73. Caligula, V, sc, vi sqq, pp. 11 sqq.
  74. Caligula, II, sc, ii, p. 60.
  75. Caligula, I, sc, i, pp. 40-41.
  76. Caligula, I, sc, iv, p. 49.
  77. Caligula, I, sc, ii, p. 43.
  78. Souvenirs dramatiques, t. I. Mon Odyssée à la Comédie Française, § xii, p. 253.