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Le Jardin des dieux/Le Chapelet de jasmin/Orientale

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Le Jardin des dieuxEugène Fasquelle (p. 43-45).



ORIENTALE



Le mameluk et l’eunuque
De garde se sont battus…
Il y eut des cris pointus,
Le sang ruissela des nuques.

Les lourds turbans déroulés
Coulèrent le long des marbres,
Le singe enfui sous les arbres
Lança son rire étranglé.


Malgré la rage et les ordres
Du gros trésorier caduc,
L’eunuque et le mameluk
Continuaient à se mordre.

On vit voler au plafond
La plume d’or d’une aigrette
Comme un oiseau qui regrette
Son île aux jardins profonds.

Et le singe aux yeux de faune
Dans les figues ricanait
En se coiffant du bonnet
De cachemir vert et jaune.

Mais le dey parut soudain
Attiré par la dispute…
Silence où, seule, une flûte
Monta des chambres de bain.


Bruit de corps qui s’agenouille,
Terreur, immobilité
Et béante fixité
De tous ces yeux de grenouille.

Et le jour même on put voir
Là-haut, sous Cassiopée,
Deux lourdes têtes coupées
Pendre, fraîches, dans le soir,

Tandis que les janissaires
Regardaient en se pouffant
Le singe au chagrin d’enfant
Verser des larmes sincères.