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Le Livre de jade (1867)/Les Voyageurs/En allant à Tchi-li

La bibliothèque libre.


Judith Walter ()
Alphonse Lemerre, éditeur (p. 99-101).


EN ALLANT À TCHI-LI



Selon Tse-Tié.




Je me suis assis au bord de la route, sur un arbre renversé, et j’ai regardé la route qui continuait à s’en aller vers Tchi-Li.

Ce matin le satin bleu de mes souliers brillait comme de l’acier, et l’on pouvait suivre le dessin des broderies noires.

Maintenant mes souliers sont cachés sous la poussière.

Quand je suis parti, le soleil riait dans le ciel, les papillons voltigeaient autour de moi, et je comptais les marguerites blanches répandues dans l’herbe comme des poignées de perles.

Maintenant c’est le soir, et il n’y a plus de marguerites.

Les hirondelles glissent rapidement à mes pieds, les corbeaux s’appellent pour se coucher, et je vois des laboureurs, leur natte roulée autour de la tête, regagner les prochains villages.

Mais moi j’ai encore une longue route à parcourir.

Avant d’arriver à Tchi-Li, je veux composer une pièce de vers, une pièce de vers triste comme mon esprit sans compagnon,

Et dans un rhythme difficile, dans un rhythme très-difficile, afin que la route d’ici à Tchi-Li me paraisse trop courte.