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Le Livre des sonnets/Aux larmes, le Vayer, laisse les ieux ouverts

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A Monſieur de la Mothe le Vayer,
ſur la mort de Monſieur ſon fils.




Aux larmes, le Vayer, laiſſe les ieux ouuerts,
Tou deuil eſt raiſonnable encor qu’il ſoit extrême,
Et lors que pour touſiours on perd ce que tu perds
La ſageſſe, croy moy, peut pleurer elle-meſme.

On ſe propoſe à tort cent preceptes divers
Pour vouloir d’vn œil ſec voir mourir ce qu’on ayme
L’effort en eſt barbare aux yeux de l’Univers,
Et c’eſt brutalité plus que vertu ſuprême.

On ſçait bien que les pleurs ne rameneront pas
Ce cher fils que t’enleue un imprèveu trépas,
Mais la perte par là n’en eſt pas moins cruelle :

Ses vertus d’un chacun le faiſoient reverer,
Il avoit le cœur grand, l’eſprit beau, l’ame belle,
Et ce ſont des ſujets à touſiours le pleurer.


Molière.