Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 1/Chap26

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Traduction par Ballin, L..
Paris E. Leroux (1p. 166-172).


CHAPITRE XXVI


FUITE DE DOURYODHANA


Argument : Fuite de l’armée Kourouide. Tentatives pour la rallier. Combats de Dhrishtadyoumna, Çikhandin et Çatânika contre Douryodhana. Trois mille éléphants entourent les fils de Pândou. Prouesses d’Arjouna et de Bhimasena. Terreur des Kourouides. Prouesses des trois autres Pândouides et de Dhirishtadyoumna. On cherche Douryodhana qui a fui. Açvatthâman, Kripa et Kritavarman vont le chercher près de Çakouni. Sañjaya se mêle au combat et est fait prisonnier.


1338. Sañjaya dit : À l'aide de Gândîva, Dhanañjaya rendait vain le désir des héros qui, en lançant (leurs traits), faisaient des efforts (pour lui résister) et ne s’enfuyaient pas.

1339. On le voyait, pareil à un nuage pluvieux qui laisse tomber des gouttes d’eau, répandre (une pluie de) flèches douées d’une grande force, impossibles à supporter, et dont le choc était comparable à celui de la foudre d’Indra.

1340. le plus grand des Bharatides, cette armée se voyant tuée par (Arjouna) qui porte un diadème, s’enfuit du combat sous les yeux de ton fils.

1341. Les uns abandonnèrent leurs pères, les autres leurs frères, d’autres leurs amis. Quelques-uns avaient leurs attelages ou leurs cochers tués.

1342. maître des hommes, quelques-uns avaient leurs essieux, leurs attelages, leurs roues, leurs timons brisés. D’autres avaient épuisé leurs traits, d’autres (encore) étaient écrasés par les flèches (d’Arjouna).

1343. Quelques-uns, non blessés, s’enfuyaient ensemble, tourmentés par la peur ; quelques autres, la plupart de leurs parents étant tués, (s’enfuyaient) en emmenant leurs fils.

1344, 1345. D’autres appelaient leurs pères, d’autres encore leurs compagnons. Ô tigre des hommes, quelques-uns s’enfuirent, après avoir abandonné de côté et d’autre leurs frères, leurs consanguins, ô maitre des hommes. Il y avait là quantité de grands guerriers grièvement blessés et frappés d’égarement.

1346. On voyait, haletants, ceux qui étaient atteints par les flèches du Prithide. D’autres les calmaient en un instant, après les avoir fait monter sur leurs (propres) chars ;

1347, 1348. Reposés et restaurés, ils retournaient au combat. Quelques-uns, négligeant les blessés, avides de se battre, dans leur ardeur pour la lutte, revenaient à la bataille, exécutant (ainsi) les ordres de ton fils. D’autres (faisaient de même), après avoir étanché leur soif, et fait reposer leurs chevaux.

1349. Les uns après avoir mis leurs armures, ô Bharatide, les autres après avoir encouragé leurs frères et les avoir établis dans leurs tentes.

1350. D’autres, (par leurs exhortations), rendaient de nouveau le combat agréable, qui à leurs fils, qui à leurs pères. Quelques-uns, ô maître des hommes, ayant fait préparer leurs chars selon leur rang,

1351. S’étant jetés dans l’armée Pândouide, se déciderent de nouveau à combattre. Ces héros, ornés de multitudes de clochettes brillantes,

1352. Étaient semblables à des asouras et à des daityas unis dans (l’espoir de remporter) la victoire sur les trois mondes. Quelques-uns, arrivés subitement avec des chars garnis d’or,

1353. Dans l’armée Pândouide, combattirent Dhrishtadyoumna. Le grand guerrier Pâñcâla, Dhrishtadyoumna, Çikhandin,

1354. Et Çatânika, fils de Nakoula, combattirent l’armée des chars. Alors le Pâñcâla irrité, entouré d’une grande armée,

1355-1358. Disposé à tuer, courut avec fureur contre les tiens. Mais alors le roi, ton fils, envoya une grêle de flèches à ce (héros) ; qui fondait sur (ton armée). Ô roi, le grand guerrier Dhrishtadyoumna, gravement blessé par l’archer ton fils, au moyen de nârâcas, de demi nârâcas, de flèches en dents de veau, et de traits polis par le forgeron, (lancés) adroitement et en grand nombre, ayant tué les quatre chevaux, l’atteignit (lui-même) dans les deux bras et dans la poitrine. (Furieux) comme un éléphant tourmenté par l’aiguillon, ce grand archer,

1359. Envoya à la mort, avec ses traits, les quatre chevaux (de ton fils) et, avec une autre (flèche), fit sauter la tête du cocher de sur son corps.

1360. Alors le dompteur des ennemis, le roi Douryodhana, dont le char était mis hors de service, monta sur le dos d’un cheval et s’en alla, (mais) pas très loin.

1361. Ton très fort fils, voyant l’énergie de son armée détruite, se dirigea vers l’endroit où se trouvait le fils de Soubala, ô grand roi.

1362. Puis, quand les chars (de tes guerriers) eurent été brisés, trois milliers d’éléphants entourèrent les cinq fils de Pândou montés sur leurs chars.

1363. Ô Bharatide, ces cinq (frères), environnés dans la bataille par l’armée des éléphants, brillaient comme les cinq planètes entourées de nuages.

1364. Alors, ô grand roi, Arjouna aux grands bras et aux blancs chevaux, habile à atteindre le but (qu’il proposait à ses flèches), sortit avec son char, seul, avec Krishna pour cocher,

1365. Entouré de toutes parts d’éléphants pareils à des montagnes, il écrasait l’armée de ces animaux, de nârâcas aiguës de diverses sortes.

1366. Nous apercevions là, les grands éléphants tués d’une seule flèche, tombés (ou) tombant, détruits par l’ambidextre.

1367, 1368. Cependant, le fort Bhîmasena, aussi (terrible) qu’un éléphant en rut, ayant vu ces éléphants, prit sa grande massue, sauta rapidement de son char, et, pareil à Antaka son bâton à la main, attaqua (ces animaux). À la vue du grand guerrier, fils de Pândou, la massue levée,

1369. Tes soldats tremblèrent (de peur), répandirent leurs excréments et lâchèrent leurs urines. Toute l’armée fut consternée, quand Vrikodara eut mis la massue à la main.

1370. Nous vîmes les éléphants semblables à des montagnes, courir (çà et là), couverts de poussière, les bosses frontales ouvertes par la massue de Bhîmasena.

1371. Ces éléphants s’enfuyaient, mais, frappés parla massue de Bhîmasena, ils tombaient en poussant des cris de douleurs, comme des montagnes dont les flancs sont coupés.

1372. Tes soldats tremblèrent en voyant ces très nombreux (animaux) courir çà et là et tomber, les bosses frontales crevées.

1373. Youdhisthira aussi, avec les deux Pândouides, fils de Mâdrî, pleins de colère, les conduisirent au séjour d’Yama, avec des flèches aiguës, garnies de plumes de vautour.

1374-1376. Quand le grand guerrier, fils du roi des Pâncàlas, Dhrishtadyoumna, eut vaincu le roi, ton fils, qui était parti, monté sur un cheval, voyant tous les fils de Pândou entourés par les éléphants, il se hâta d’aller attaquer ces animaux, avec le désir de les tuer. Mais, ne voyant pas dans l’armée des chars, Douryodhana dompteur des ennemis, ô grand roi,

1377. Açvatthâman, Kripa et le Satvatide Kritavarman, demandaient aux Kshatriyas : Où est le roi Douryodhana 19 ?

1378. Ces grands guerriers, ne voyant pas le roi au milieu du massacre qui se faisait en cet endroit, pensaient que ton fils avait été tué.

1379. Ils demandaient ton fils, avec des visages sans couleur. Quelques-uns dirent : « Le cocher étant tué, il est allé là où se trouve le Soubalide. »

1380. Mais d’autres Kshatryas, grièvement blessés, disaient : « Qu’avons-nous (à faire) avec Douryodhana ? Voyez s’il vit (encore).

1381, 1382. Combattez réunis tous (ensemble). Que fera ce roi pour vous ? » Cependant les Kshatriyas, qui avaient les membres blessés, et la plupart de leurs montures tuées, écrasés par les flèches, disaient, d’une voix rauque : « Nous (devons) tuer toute cette armée, qui nous entoure.

1383. Tous ces Pândouides s’approchent, après avoir tué les éléphants ». Mais le très fort Açvatthâman, ayant entendu leurs paroles.

1384. Alla, avec Kripa et Kritavarman, là où était le Soubalide, après avoir tué la terrible armée du roi des Pâñcâlas.

1385-1387. Quand ces très grands archers eurent abandonné l’armée des chars, et se furent dirigés (vers le but qu’ils s’étaient proposé), ô roi, les Pândouides, ayant à leur tête Dhrishtadyoumna, s’avancèrent, tuant les tiens. En voyant ces grands guerriers qui accouraient joyeux (pour les détruire), et les héros (de leur propre parti) qui les quittaient, (les hommes qui composaient) ton armée pâlirent, ne conservant plus l’espoir de vivre.

1388, 1389. Les voyant entourés, avec leurs armes épuisées, je fis le sacrifice de ma (propre vie) vie ; je m’établis dans le lieu où était le Çaradvatide, et, avec une armée à deux corps (de troupes) je combattis, moi cinquième, contre l’armée des Pâñcâlas.

1390. Nous cinq, écrasés par les flèches (d’Arjouna) qui porte un diadème, (nous fûmes) mis en fuite. Il s’engagea là un grand combat entre nous et le très formidable Dhrishtadyoumna.

1391. Vaincus par lui, nous nous éloignâmes du combat, et je vis le grand guerrier Satyakide s’approcher (de nous).

1392, 1393. Le grand héros courait sur moi avec quatre cents chars. Délivré de Dhrishtadyoumna, dont l’attelage était un peu fatigué, je tombai dans l’armée du Madhavide, comme un pécheur (tombe) dans l’enfer. Alors il s’engagea en ce lieu un combat violent et terrible.

1394. Le Satyakide aux grands bras, ayant détruit mon cortège, me fit prisonnier, moi (encore) vivant, (mais) gisant évanoui à terre.

1395. Alors cette armée d’éléphants fut tuée en un instant, par Bhîmasena avec sa massue, et par Arjouna avec ses nârâcas.

1396. Ces très vieux et grands éléphants, semblables à des montagnes (étant tués) de toutes parts, la marche des Pândouides (en) devint, en quelque sorte, un peu irrégulière.

1397. Et le très fort Bhîmasena éloignait les éléphants, pour ouvrir une route (praticable) aux chars des Pândouides.

1398. Açvatthâman, Kripa, et le Satvatide Kritavarman, ne voyant pas, dans l’armée des chars, Douryodhana dompteur des ennemis,

1399. Allèrent à la recherche du grand guerrier ton royal fils, et, abandonnant les Pàncâlas, s’avancèrent vers l’endroit où se trouvait le Soubalide,

1400. Craignant beaucoup de rencontrer le (corps du) roi parmi (ceux des) hommes qui avaient été massacrés.