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Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 2/1-LDEAPLS-Ch11

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Traduction par Ballin, L..
Paris E. Leroux (2p. 72-75).



CHAPITRE XI


DÉPART DE BHÎMA, QUI S’EN VA POUR TUER LE FILS DE DRONA


Argument : Les amis de Youdhishthira le rappellent à la vie. Arrivée de Nakoula avec les reines. Désespoir de Draupadî. Elle s’évanouit et Vrikodara la ranime. Elle demande à Youdhishthira la mort du Dronide. Youdhishthira lui répond, et elle lui répond à son tour. Elle implore le secours de Bhîma, qui se met en route pour aller tuer le fils de Drona.


574. Vaiçampâyana dit : Ce (prince), à la vue de ses fils, de ses petits-fils et de ses amis gisant sans vie sur le sol, eut l’àme remplie d’une grande douleur, ô Janamejaya.

575. Un profond chagrin s’empara du magnanime, à la pensée (du sort subi par) ses fils, ses petits-fils, ses amis et ses soldats.

576. Ses amis, extrêmement émus (eux-mêmes), réconfortèrent ce (roi) qui se lamentait, les yeux remplis de larmes et qui avait perdu connaissance. 577. Dans ce moment, l’adroit Nakoula arriva, sur son char brillant comme le soleil, avec la très affligée Krishna ;

578. Réfugiée à Oupaplavya, la grande et terrible nouvelle de la mort de ses enfants, l’avait accablée de douleur.

579. Agitée comme un (arbre) kadâlî (musa sapientum), que le vent secoue, Krishnâ, en s’approchant du roi, tomba à terre, vaincue par le chagrin.

580. Le visage de cette femme aux yeux de lotus, s’altéra instantanément par l'effet de la douleur, comme le soleil quand il cède devant l’obscurité.

581. Alors Vrikodara à l’héroïsme véritable, en la voyant tombée ainsi, se leva plein de colère et l’entoura de ses deux bras.

582. Krishnâ irritée, et que Bhîmasena avait fait revenir à elle, dit, en pleurant, au fils de Pândou accompagné de ses frères :

583. « Par bonheur, ô roi, ayant conquis toute cette terre, tu en jouiras, (mais), à la vérité, après avoir donné (en échange) tes propres fils à Yama, selon le devoir des kshatriyas.

584. Par bonheur, ô fils de Prithâ, tu es sauf. Ayant conquis cette terre entière, tu ne te souviendras plus du fils de Soubhadrâ (Abhimanyou), à la démarche pareille à celle d’un éléphant furieux.

585. Par bonheur, après avoir entendu dire que tes fils ont péri selon le devoir des kshatriyas, de retour à Oupaplavya, tu oublieras (leur perte).

586. Comme le feu consume une demeure, le chagrin me dévore, moi qui ai entendu raconter le meurtre de mes (malheureux enfants) endormis, (tués) par le fils de Drona aux œuvres scélérates, ô fils de Prithâ.

587. Si vous n’engagez pas un combat dans lequel vous lui enlèverez la vie, avec cet artisan de crimes, le fils de Drona assisté de ses compagnons,

588. Si le fils de Drona ne subit pas, ici même, la punition de ses méfaits, je me laisserai mourir (de faim), sachez-le, ô fils de Pândou. »

589. Après avoir ainsi parlé, la glorieuse Krishnâ, fille de Yajnasena, s’assit en face de Youdhishthira Dharmarâja, fils de Pândou.

590. Le vertueux râjarshi, fils de Pândou, qui était assis, en voyant sa chère reine dans cet état, dit à sa belle Draupadî.

591. « Ô belle qui connais la vertu, tes fils et tes frères ont reçu la mort conformément à leur devoir (de kshatriyas). Tu ne dois pas les pleurer.

592. Ô femme vertueuse, le fils de Drona s’est enfui dans un bois éloigné et d’un accès difficile. Comment, ô femme brillante, (si nous l’attaquons), sauras-tu qu’il a succombé dans le combat ? »

593. Draupadî répondit : « J’ai entendu raconter que le fils de Drona portait sur la tête un joyau qu’il avait apporté en naissant. Je veux voir ce joyau, dont vous vous emparerez, après avoir tué ce méchant en lui livrant bataille.

594. Je placerai ce joyau sur ta tête, ô roi, et je pourrai, (désormais, supporter) la vie. Voilà ma pensée. » Après avoir parlé en ces termes au roi fils de Pândou, la belle Krishnâ

595. S’approcha de Bhîmasena et lui adressa (ces) excellentes paroles : « Bhîma, en te rappelant les devoirs des kshatriyas, tu dois me protéger.

596. Triomphe de cet (homme) aux œuvres coupables, comme Maghavant triompha de Çambara, car il n’y a pas, ici-bas, d’homme dont l’héroïsme soit égal au tien.

597. On sait dans tous les mondes que, dans la ville de Vâranâvata, tu fus une île (de refuge) pour les fils de Prithâ (tombés) dans une suprême adversité.

598. Tu fus aussi notre soutien, dans la visite (que nous rendit) Hidimba, et quand je fus cruellement tourmentée par Kicaka, dans la ville de Virâta.

599. Tu (m’y) sauvas d’un (grand) danger, comme Maghavant (Indra, fit) pour Paulomî (son épouse). Ô fils de Prithâ, de même que tu as accompli jadis ces grands exploits,

600. De même, après avoir tué le fils de Drona, qui a détruit ses ennemis, sois heureux. » En entendant les plaintes réitérées qu’elle exprimait sur son infortune,

601. Le fils de Kountî, le très fort Bhîmasena, ne put les supporter. Étant monté sur son grand char orné d’or,

602-605. Ayant fait de Nakoula son cocher, décidé à tuer le fils de Drona, il prit son grand arc brillant, accompagné d’une multitude de traits, le banda, y mit une flèche et excita la vitesse de ses coursiers. Ainsi poussés, ô tigre des hommes, ces chevaux, légers comme le vent, à la course rapide, se hâtèrent de partir à toute vitesse. En quittant son camp, cet héroïque et inébranlable guerrier se hâta de suivre, avec la même vitesse, la trace du char du fils de Drona.