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Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 2/3-LLDA-Ch11

La bibliothèque libre.
Traduction par Ballin, L..
Paris E. Leroux (2p. 266-269).



CHAPITRE XI


CONVERSATION ENTRE LES RISHIS ET L’OISEAU


Argument : Discours d’Arjouna. Conseils donnés par Çakra, sous la forme d’un oiseau d’or, à de jeunes brahmanes, qui s’étaient inconsidérément retirés dans les bois.


305. Arjouna dit : On rapporte précisément une ancienne légende à ce sujet. C’est une conversation (qui eut lieu jadis) entre Çakra (Indra) et (certains) ascètes.

306, 307. Quelques brahmanes à l’esprit faible, riches, de bonne famille, (mais) dont la barbe n’était pas encore poussée, ayant abandonné leurs demeures, s’exilèrent dans les bois, dans l’idée que c’était leur devoir d’y mener la vie de brahmacârins.

Çakra eut pitié de ces (jeunes gens) qui avaient quitté leurs pères et leurs frères.

308. Il prit la forme d’un oiseau d’or et leur dit : « Il est très difficile aux hommes d’accomplir (les austérités) auxquelles se livrent ceux qui vivent des restes des sacrifices.

309. (Mais) c’est une œuvre pieuse, et ceux qui la pratiquent sont dignes de louange. Ayant eu le devoir pour objet principal, ils atteignent leur but et obtiennent la félicité suprême (après leur mort). »

310. Les rishis dirent : Ah ! cet oiseau glorifie ceux qui se nourrissent des restes des sacrifices. Nous vivons des restes des sacrifices. Assurément il nous approuve.

311. L’oiseau dit : Ce n’est pas vous que j’approuve. Vous êtes souillés de boue et de poussière. Vous vous nourrissez d’aliments malpropres. Ce ne sont pas là les restes des sacrifices.

312. Les rishis dirent : Nous considérons la (vie que nous menons ici) comme ce qu’il y a de meilleur. Ô oiseau, dis-nous ce qui serait préférable. Nous avons fermement confiance (en toi).

313. L’oiseau dit : Si vous ne suspectez pas mes paroles en vous trompant vous-même, je vais vous tenir un langage utile et conforme à la vérité.

314. Les rishis dirent : Ô vertueux ami, nous écoutons tes paroles. Tu connais les voies (salutaires). Donne-nous tes instructions ; nous voulons les suivre.

315. L’oiseau dit : La vache est le meilleur des quadrupèdes, l’or le meilleur des métaux, la récitation des mantras (textes sacrés) le meilleur des chants, le brahmane le meilleur des (êtres) qui marchent sur deux pieds.

316. Ce mantra (précepte) est établi pour le brahmane qui est né, qui (produit) des œuvres, qui vit selon les circonstances et (qui aboutit) au cimetière, à la mort (et à ses suites).

317. Les rites védiques sont pour lui la voie céleste, le meilleur des sacrifices. Comment, à mes yeux, accomplit-on toutes les œuvres conformément aux prescriptions des mantras ?

318. La perfection est attribuée, ici-bas, à celui qui proclame fermement l’âme universelle. Les saisons, les mois, les demi-mois, le soleil, la lune, les étoiles.

319. Toutes les créatures, accomplissent ce qu’on appelle : « L’œuvre », c’est une chose méritoire, le champ du salut ; c’est le grand mode de vie.

320. Mais les hommes qui blâment l’œuvre, suivent une mauvaise voie. On admet que ces fous, qui laissent l’utile de côté, se rendent coupables de péché.

321. En abandonnant (les traces) des familles éternelles des dieux, des pitris el des brahmanes, ils sont insensés et suivent un chemin qui n’est pas celui qu’indique la çrouti (révélation).

322. (Voici ce qui a été) prescrit par le rishi : « Je vous donne ce (précepte : l’œuvre). Voilà l’ascétisme qui vous convient. » L’ensemble de ces prescriptions est l’ascétisme des (véritables) ascètes.

323. Donner les parts qui leur sont dues, aux familles éternelles des dieux, des pitris, des brahmanes, et au gourou, est certainement une chose difficile à accomplir, (et autre que le renoncement).

324. Les dieux, après avoir accompli une œuvre difficile, ont obtenu une prospérité suprême. C’est pourquoi je vous dis de mener la vie difficile, (austère, laborieuse), de maîtres de maison.

325. Sans doute, l’ascétisme est une chose excellente. C’est la souche de toutes les créatures. (Mais) tout (ce qui constitue cet ascétisme) repose sur le précepte de la famille.

326. Les prêtres, non sujets à l’erreur, qui traversent les couples de choses opposées, ont reconnu que (l’état de maître de maison) était de l’ascétisme. Aussi les vœux qui se pratiquent au milieu du monde, reçurent-ils ce nom.

327. Ceux qui se nourrissent des restes des sacrifices suivent une voie pénible. Distribuer soir et matin la nourriture à sa famille,

328. Donner selon la règle (ce qui leur revient), aux hôtes, aux dieux, aux pitris et à la famille, et manger ensuite ce qui reste, voilà ce qu’on appelle se nourrir des restes des sacrifices.

329. C’est pourquoi, (ceux qui), s’en tenant à leurs devoirs particuliers, mènent une conduite pieuse et disent la vérité, devenus les gourous du monde, sont calmes.

330. Ces hommes exempts d’envie, après avoir accompli des choses difficiles, atteignent le Tridiva (troisième ciel) et habitent, pendant l’éternité, le monde du Svarga (le paradis d’Indra) de Çakra.

331. Arjouna dit : Ces ascètes, après avoir entendu ces paroles conformes au dharma (devoir) et à l’artha (intérêt), ayant compris que (le bien) n’était pas (où ils l’avaient pensé), retournèrent (dans leurs familles) et s’appliquèrent aux devoirs de maîtres de maison.

332. C’est pourquoi, ô maître suprême des hommes, toi aussi qui connais tes devoirs, prends pour appui la fermeté éternelle, et gouverne cette terre, (sur laquelle tes) ennemis ont été détruits.