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Le Mahâbhârata (traduction Fauche)/Tome 2/La conquête des quatre points du monde

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Traduction par Hippolyte Fauche.
(tome 2p. 419-441).



LA CONQUÊTE DES QUATRE POINTS DU MONDE



Vaîçampâyana dit :

Le Prithide, qui avait obtenu le plus excellent des arcs, deux grands carquois indestructibles, un char, un drapeau et un palais, tint ce langage à Youddhishthira : 983.

« Ces dons, peu faciles à acquérir, objets de mon envie, je les ai acquis, sire : un arc, un cimeterre, une grande vigueur, un parti, une terre, un renom, une armée. 984.

» Voici ce qui est maintenant à faire, je pense, ô le plus grand des souverains : je forcerai tous les rois à t’apporter leurs tributs pour augmenter ton trésor. 985.

» Je marcherai pour la victoire dans le jour, à l’heure, sous la constellation la plus sainte, contre ce quartier de la terre, auquel préside le Dieu des richesses. » 986.

À ces paroles d’Arjouna, Youddhishthira, le fils d’Yama, répondit en ces termes d’une voix aux sons doux et profonds : 987.

« Va trouver les brahmes, qui bénissent avec des paroles fortunées, et pars à la douleur des ennemis, à la joie des amis ! 988.

» La victoire sans doute attend là tes armes : tu parviendras au but, où aspire ton courage ! » À ces mots, le Prithide se mit en campagne, environné d’une grande armée. 989.

Sur le char céleste d’un merveilleux travail, donné par Agni, Bhîmaséna lui-même s’avança en guerre ; et les deux princes jumeaux s’en allèrent chacun d’un autre côté.

Tous honorés d’Youddhishthira, ils partirent avec des armées. Arjouna, le fils d’Indra, conquit la plage chère au souverain maître des richesses. 990-991.

Bhîmaséna vainquit la contrée de l’orient, Sahadéva celle du midi, et Nakoula, versé dans les astras, soumit la plage occidentale. 992.

Quant à l’auguste Youddhishthira, le roi de la justice, il resta dans le sein d’Indraprastha, environné par la foule de ses amis et savourant la plus douce félicité. 993. Djanamédjaya dit :

« Raconte-moi, brahme, avec étendue, la conquête des quartiers du monde, car je ne puis me rassasier d’entendre la grande histoire de mes ayeux. » 994.

Vaîçampâyana reprit :

Je te raconterai d’abord les conquêtes d’Arjouna, car les fils de Prithâ ont subjugué toute la terre dans le même temps. 995.

Dhanandjaya aux bras puissants commença par soumettre à sa domination les rois dans le pays du Koulinda ; expédition, qui ne lui coûta pas une peine extrême. 996. Quand il eut subjugué les peuples de l’Anartta, du Kâlakoûta et du Koulinda, il rassembla ses forces et composa de ses armées un cercle savant. 997.

Accompagné d’elles, sire, l’Ambidextre invincible assujétit le continent Çâka et le roi Prativindhya. 998.

Les souverains, qui habitaient dans ce continent et dans les six autres, soutinrent une guerre tumultueuse contre les armées d’Arjouna. 999.

Il défit, éminent Bharatide, ces guerriers aux grands arcs, et s’élança, accompagné de toutes ses troupes, vers le soleil d’orient. 1000.

Là, monarque des hommes, était un puissant roi, Bhagadatta. Le magnanime Pândouide eut avec lui une terrible guerre. 1001.

Ce dominateur de l’orient était environné de Kirâtas, de Chinois et d’autres nombreux guerriers, habitant les rivages humides de l’Océan. 1002.

Après qu’il eut combattu huit jours entiers Dhanandjaya, ce roi dit avec un sourire dans le combat au héros, inaccessible à la fatigue : 1003.

« Pândouide aux longs bras, Indra, ton père, a mis une grande vigueur en toi, guerrier brillant dans les combats ! 1004.

» Je suis l’ami d’Indra, son égal dans les batailles ; et cependant, mon fils, je ne puis dans ce combat tenir en face de toi ! 1005.

» Quel désir accomplirai-je de toi ? Parle, vigoureux fils de Pândou ! Je ferai, mon enfant, ce que tu me diras. » 1006.

Arjouna lui répondit :

« Le roi Youddhishthira, chef des Kourouides et fils d’Yama, qui a la science du devoir et qui est fidèle à la vérité, va célébrer un sacrifice, où seront départis les plus riches honoraires. Paye le tribut à ce prince afin qu’il obtienne, grâce au sacrifice, l’empire universel, son désir. 1007.

» Ta majesté est l’amie de mon père, elle est satisfaite de moi : ce n’est donc pas un ordre, que je lui donne : paye ce tribut comme un don émané de ta bienveillance. » 1008.

« Fils de Kountî, reprit Bhagadatta, ce que je suis pour toi-même, je le suis également pour Youddhishthira. Je lui payerai ce tribut : quelle autre chose veux-tu que je fasse encore ? » 1009.

Dhanandjaya répondit à ces mots de Bhagadatta : « Cette adhésion ne laisse plus rien à faire ! » 1010.

Après cette victoire, le fils de Kountî, Phâlgouna aux longs bras, s’en alla de ce pays vers la plage septentrionale, que tient sous sa garde le Dieu Kouvéra. 1011.

Là, ce prince, né de Kountî, dompta ce qui était dans la montagne, hors de la montagne et sous la montagne. 1012.

Vainqueur des montagnes et des rois différents, qui les habitaient, il rangea tous ces potentats sous sa domination et enleva d’eux entièrement les richesses. 1013.

Accompagné de tous ces rois, dont il avait gagné l’amitié, il marcha contre Vrihanta, sire, qui avait mis sa demeure dans Ouloûka. 1014.

Il ébranlait cette terre avec les cris de ses éléphants, avec le bruit des roues de ses chars, avec le son éclatant de ses tambours. 1015.

Bientôt Vrihanta sort à la hâte de cette ville avec une armée en quatre corps et livre bataille à Phâlgouna. 1016.

Dhanandjaya et Vrihanta se heurtèrent d’un choc terrible ; mais celui-ci ne put soutenir la furie du Pândouide. 1017.

Ce monarque inaffrontable, reconnaissant que la résistance était impossible avec le fils de Kountî, se rendit vers lui, apportant toutes ses richesses. 1018.

Aijouna lui rendit son trône ; puis, accompagné du monarque Ouloûkain, il marcha contre Sénâvindou, qu’il eut bientôt, sire, jeté hors de son royaume. 1019.

Il infligea le même sort à Modâpoura, Vâmadéva, Soudaman et Sousankoula ; il emmena prisonniers ces rois des Ouloûkas septentrionaux. 1020.

C’est ainsi qu’au temps, sire, où les ordres d’Youddhishthira, le tenaient dans cette région avec ses généraux, Kiriti subjugua cinq royaumes et battit leurs armées. 1021.

Ensuite, le conquérant s’avança vers la capitale de Sénâvindou, et fit son entrée dans Dévaprastha, à la tête d’une armée en quatre corps. 1022.

De là, environné de toutes ses divisions, le prince à la grande splendeur se porta contre Viçvagaçva, le puissant monarque issu de Pourou. 1023.

Il défit en bataille les héros montagnards aux grands chars, et enleva de vive force avec son armée la ville, que défendait ce rejeton de Pourou. 1024.

Viçvagaçva soumis, il vainquit les ennemis, habitants des montagnes, et les sept armées des Outsavamankétains ; puis, ce fils de Pândou, le plus héroïque des kshatryas, battit les héros kshatryas du Kâçmire et conquit le Lohita même avec ses dix régions. 1025.

Alors, sire, les Trigartas, les Dârvas, les Kokanadas, une multitude de kshatryas assaillirent à la fois ce fils de Kountî. 1026.

Ces choses faites, il réduisit la délicieuse Abhisârî ; après quoi, le rejeton de Kourou défit en bataille Rotchamâna, dont la ville d’Ouragâ était la résidence. 1027.

Ensuite, déployant sa force, le Pâkaçâsanide emporta avec le souffle des combats la charmante Ville-des-lions, munie de toutes les sortes d’armes. 1028.

Après sa conquête, le rejeton de Kourou et de Pândou, Kiriti, accompagné de toute son armée, s’empara de Sahma et battit les Soumâlas. 1029.

Puis, ce héros de la plus haute vaillance tailla en pièces les inaffrontables Vâhlîkas, dont il fit un grand carnage. 1030.

À la tête d’une puissante armée, Phâlgouna Ifattit encore les Daradas, et les guerriers du Kàmboje avec eux. Passant dans la région du Nord-Est, l’auguste subjugua les ennemis, qui l’habitaient, et tous ceux, qui vivaient dans la forêt. 1031-1032.

Le Pâkaçàsanide soumit les Lohas et les Kàmbojas ultérieurs, qui furent accompagnés sous le joug par les Rishikas du nord. 1033.

La bataille avec ceux-ci fut épouvantable au plus haut point : une seconde avec deux rois des Rishikas fut pareille au combat du Târakâmaya. 1034.

Il vainquit ces guerriers sur le champ de bataille et emmena comme prix de sa victoire huit chevaux, qui ressemblaient en couleur au ventre des perroquets. 1035.

D’autres furent emmenés par lui comme tribut, chevaux nompareils, légers, à la course rapide et semblables à des paons. 1036.

Après qu’il eut dompté l’Himâlaya avec ses bois dans les batailles, le plus grand des hommes porta ses pas vers le mont Çwéta, où il pénétra. 1037.

Quand il eut franchi cette montagne, lieu, que les Kimpouroushas habitent et que défend le fils de Drouma, le héros vigoureux, 1038.

Le plus vaillant des Pândouides en triompha dans une grande bataille, exterminatrice des ennemis, et le rangea sous le tribut. 1039.

Cette victoire obtenue, l’intrépide Arjouna de marcher avec son armée vers un pays, nommé Hâtaka, sous la garde même des Gouhyakas. 1040.

Eux une fois vaincus, le noble Kourouide s’approcha du lac Mânasa au nord et vit toutes les saintes rivières des rishis, 1041.

Arrivé près du lac Mânasa, non éloigné de la nation Hàtakaine, l’auguste Pândouide soumit, par la guerre, cette contrée défendue par les Gandharvas. 1042.

Il reçut alors de la cité des Gandharvas, tel qu’un précieux tribut, des chevaux supérieurs, nommés Mandoukas et tachetés comme la perdrix. 1043.

De là, le fils d’Indra et de Pândou se porta sur le Harivarsha, au nord, et désira conquérir cette région. 1044.

Parvenu au pied de la capitale, les gardes des portes à la haute taille, à la grande force, au grand courage, lui jetèrent ces mots avec orgueil : 1045.

« Fils de Prithâ, tu ne pourras jamais prendre cette ville ! Qu’il te suffise d’y être venu, illustre Atchyouta !

« Celui, qui entrera dans cette ville, ne sera, certes ! pas un homme ! Nous t’admirons, mais que tes victoires jusqu’ici te suffisent ! 1046-1047.

» En effet, il n’y a rien ici, Arjouna, que l’on puisse conquérir : tu es chez les Outtarakourous, avec lesquels il est inutile de combattre. 1048.

» Fusses-tu même entré ici, il te serait impossible d’y rien voir, fils de Kountî ; car il n’est rien ici de perceptible aux yeux d’un corps humain. 1049.

» Veux-tu faire ici quelque autre chose quelconque, dis-le, fils de Bharata ! Nous l’accomplirons sur ta parole. » 1050.

Arjouna, sire, leur fit en souriant cette réponse : « Je veux procurer l’empire universel au sage Dharmarâdja.

» Je ne verrai pas votre place, si la vue en est défendue aux hommes ; mais donnez en tribut une denrée quelconque à Youddhishthira. » 1051-1052.

Ceux-ci alors de lui payer le tribut avec des vêtements célestes, de célestes parures, des tissus de lin et de riches pelleteries. 1053.

C’est ainsi que le héros conquit la plage septentrionale et livra une foule de combats aux kshatryas et aux ennemis ; 1054.

Qu’il dompta les rois, les soumit au tribut, enleva à tous leurs richesses et leurs diverses pierreries ; 1055.

Les chevaux tachetés comme des perdrix, d’autres pareils aux fils des perroquets ou semblables aux paons, tous d’une vitesse égale au vent. 1056.

Le héros, environné d’une bien nombreuse armée en quatre corps, revint alors, sire, à Çakraprastha, la capitale de son frère. 1057.

Le fils de Prithâ remit tous ces trésors à Dharmarâdja, et, quand il eut reçu congé du roi, il se rendit à son palais. 1058.

Dans le même temps qu’Arjouna, le vigoureux Bhîmaséna, continua le narrateur, ayant obtenu l’agrément d’Youddhishthira, se mit en campagne contre la plage orientale. 1059.

Entouré d’un cercle épais d’armées, revêtues de cuirasses, pleines de chars, d’éléphants, de chevaux, dévastant les royaumes étrangers, l’auguste prince, enfant de Bharata, accroissant la douleur des ennemis, s’achemina vers la capitale des Pântchâlains. 1060-1061.

Le noble Pândouide mit en œuvre différents movens de flatteries auprès des Pântchâlains et vainquit, sans beaucoup de peine, les Vidéhains sur les rives de la Gandakî. Ensuite le roi Dâçârhain, Soudharman, soutint contre Bhîmaséna un grand, un épouvantable duel, où les bras étaient les seules armes. Admirant cette prouesse du magnanime, Bhîmaséna fit du vigoureux Soudharman le général en chef de ses armées. Après quoi, le guerrier aux effroyables exploits continua sa route vers la plage orientale, 1062-1063-1064-1066.

Ébranlant, pour ainsi dire, toute la terre sous la marche de sa grande armée. Ce héros, qui excellait en force par-dessus tous les forts, vainquit en bataille le resplendissant Açvamédhéçvara avec son armée. Après cette victoire, qui ne lui coûta pas une peine excessive, le héros à la grande vigueur, fils de Kountl et rejeton de Kourou, dompta les pays de l’orient. Ensuite, il marcha au midi contre la capitale du Poulinda. 1066-1067-1068.

Il soumit au tribut le puissant roi Soumitra dans la première fleur de l’âge. Ces choses faites, Djanamédjaya, l’éminent Bharatide se rendit, suivant les ordres d’Youddhishthira, vers Çiçoupâla à la grande vigueur. 1069.

Apprenant ce que désirait faire ce fils de Pândou, le formidable roi de Tchédi sortit de cette ville et vint à sa rencontre. 1070.

Les deux lions de Kourou et de Tchédi s’étant abouchés, ils échangèrent leurs questions, puissant roi, sur la félicité de leurs nobles familles. 1071.

Quand le roi de Tchédi lui eut offert son royaume, sire, il dit en souriant à Bhima : u Que fais-tu, mortel sans péché ? » 1072.

Alors Bhîma de lui raconter le dessein d’Youddhishthira. Le monarque reçut son hôte et fit comme il désirait. 1073.

Aussitôt qu’il eut habité là treize nuits, bien traité par Çiçoupâla, le vigoureux Bhîma de continuer sa route. Ce dompteur des ennemis vainquit ensuite Çrénimat dans le pays de Koumâra et Vrihadbala, le roi du Koçala. 1074-1075.

Le plus vigoureux des Pândouides battit encore dans Ayodhyâsans beaucoup de peine Dirghayajna à la grande force, versé dans la science des devoirs. 1076.

Puis, l’auguste soumit le Gopâlakaksha, les Koçalas du nord et Pârthiva, le souverain des Mallas. 1077.

De là, il marcha vers le flanc humide de l’Himâlaya, et le conquérant sut réduire en peu de temps cette région entière sous sa domination. 1078.

C’est ainsi que l’éminent Bharatide subjugua différentes contrées. Il vainquit le mont Çouktimat, voisin du Bhallâta. 1079.

Le Pândouide aux effrayants exploits, Bhîmaséna aux longs bras, à l’immense vigueur, qui surpassait en force tous les forts, le rangea sous sa puissance avec le roi de Kâçi aux bras invincibles, qui ne savait pas tourner le dos au milieu des combats. Après, ce fut le tour de Kratha, le roi des rois, qui habitait non loin du Soupârçwa. 1080-1081.

En vain celui-ci combattit vigoureusement, le Pândouide à la grande splendeur gagna la bataille. Ensuite, il vainquit les Matsyas et les puissants Maladas. 1082.

Le guerrier aux longs bras couvrit de ses armées le mont Madadhâra, terre féconde en troupeaux, que sa richesse exposait au danger des incursions. 1083.

Les Somadéyas vaincus, le vigoureux fils de Kountî s’avança, le visage tourné au nord, et contraignit à la soumission la terre de Vatsabhoûmi. 1084.

Il défit le souverain des Bhargas, le monarque des Nishâdas, et autres potentats nombreux, puissants et riches. 1085.

À la suite de ces victoires, Bhîmaséna soumit sans une peine extrême et comme en courant les Mallas du sud et le mont Bhogavat. 1086.

Il vainquit les Carinakas et les Varmakas, auprès desquels il s’était fait devancer par un langage d’amitié, et le roi Vidéhain Djanaka, le souverain du monde. 1087.

Le tigre des hommes n’eut pas une grande peine à le dompter ; et, préludant au succès par la ruse, il battit les Çakas et les Varvaras. 1088.

Tandis que le fils de Pândou et de Kountî guerroyait dans le Vidéha, en face du mont Indra, il défit sept rois des Kirâtas. 1089.

Ensuite, il subjugua les Souhmas, les Prasouhmas, les Swapârshwas, et porta ses incursions dans le pays des Magadhains. 1090.

Victorieux des rois Danda et Dandadhâra, accompagné de tous les monarques vaincus, il s’élança sur Girivradja.

Gagné par ses caresses, le fils de Djarâsandha se soumit au tribut, et, entraînant tous les tributaires à sa suite, le fort Bhîma courut sur Karna. 1091-1092.

Ébranlant, pour ainsi dire, toute la terre sous la marche de son armée en quatre corps, le valeureux Pândouide en vint aux mains avec ce Karna, le meurtrier des ennemis. 1093.

Après qu’il eut, noble Bharatide, abattu Karna dans une bataille et l’eut soumis au tribut, le robuste guerrier subjugua les rois, qui habitaient la montagne. 1094.

Ces choses faites, le Pândouide tua lui-même à la force de ses bras un roi plus vigoureux dans un terrible combat sur la montagne Modà. 1095.

Puis, il dompta Vasoudéva, héros à la grande viguem, qui régnait sur le Poundra, et le roi Maâudjas, qui habitait les rives de la Kaâuçikî : l’un et l’autre pleins de force, d’héroïsme et d’un ardent courage. Ces victoires obtenues, il fondit sur le roi de Vanga. 1096-1097.

Il renversa, chef des Bharatides, et Samoudraséna, et le prince Tchandraséna, et le roi Tâmralipla, qui régnait à Karvata, et le monarque des Souhmas, et les peuples, nés sur les rivages de la mer, et tous les Mlétchhas eux-mêmes. 1098-1099.

Le vigoureux fils du vent subjugua ainsi différentes contrées et, les ayant dépouillées de leurs richesses, il descendit vers l’Océan. 1100.

Il força tous les rois des barbares, qui habitent les humides terres, voisines de la mer, à lui apporter le tribut et leurs joyaux divers : 1101.

Sandal, aloës, pierreries, vêtements, perles, tapis, or, argent, corail, immenses trésors ! 1102.

Le fils de Pândou et de Kountî fut inondé par cette grosse pluie de richesses, qu’ils répandaient autour de lui en nombre de centaines de kotis. 1103.

Alors, Bhîma aux effrayants exploits revint à Indraprastha et déposa toutes ces richesses dans les mains d’Youddhishthira. 1104.

Salué par auguste Dharmarâdja, Sahadéva lui-même, sire, conduisit une grande armée vers la plage méridionale. 1105.

D’abord, le robuste prince né de Kourou défit entièrement, avec son héroïque armée, le roi des Matsyas et le soumit au tribut malgré sa résistance. 1106.

Il vainquit Dantavakra à la grande force, le suzerain des rois, le courba sous le tribut et le rétablit sur le trône. 1107.

Il fit tomber sous sa puissance le roi Soumitra dans la plus jeune fleur de l’âge et battit d’autres Matsyas, adonnés au brigandage. 1108.

Prudent capitaine, il subjugua promptement la terre des Nishâdas, le sourcilleux mont Goçringa et le roi Çrénimat. 1109.

À peine eut-il réduit ce nouveau royaume qu’il fondit sur le souverain de Kounti ; et celui-ci obéit à son commandement par un sentiment d’amitié. 1110.

Ensuite, il vit sur les rives de la Tcharmanvatî le monarque, fils de Jambhaka : dans une guerre antérieure, le Vasoudévide avait épargné sa vie. 1111.

Il ne craignit pas, noble Bharatide, de livrer une bataille au grand Sahadéva ; celui-ci remporta la victoire et continua sa route, le visage tourné au midi. 1112.

Le prince vigoureux battit les Sékas et les Aparasékas, reçut d’eux le tribut, des pierreries de toutes sortes, et, accompagné de ces peuples, continua sa marche vers la Narmadâ. L’auguste héros, fils d’un Açwin, triompha dans une bataille de Vinda et d’Anouvinda, princes d’Avanti, environnés d’une grande armée, reçut d’eux beaucoup de pierres fines et se dirigea vers la cité de Bhodjakata. 1113-1114-1115.

Là, divin monarque, après deux jours de combats, le fils de Mâdrî obtint la victoire sur l’inalfrontable Bhishmaka. 1116.

Il défit en bataille le roi du Koçala, le souverain du Venvâtata, les Kântârakas et les rois du Koçala oriental. Le vigoureux fils de Pândou gagna des batailles sur les Nâtakéyains et les Hérombakas ; il soumit de force, et Mâroudha, et Moundjagrâma, et les rois des Nâtchînas, et ceux des Arvoukains, et tous les peuples, qui vivent dans les forêts. 1117-1118-1119.

Le guerrier puissant réduit sous sa domination le roi Vcâtâdhipa ; et, quand il est sorti victorieux des combats livrés aux Poulindas, il marche du midi vers l’orient. 1120. Le vigoureux puîné de Nakoula combattit un jour entier avec le monarque du Pândya, et, vainqueur de nouveau, il fléchit sa route au midi. 1121.

Il s’avança vers Kishkindhâ, caverne au sein d’une montagne, illustre dans le monde, et combattit là sept jours avec deux rois des singes, Maînda et Dwivida, sans qu’ils en ressentissent la moindre fatigue. 1122. ê

Alors, ces deux magnanimes quadrumanes, satisfaits et joyeux, adressent à Sahadéva ce langage, qu’inspire l’amitié : « Va, tigre des Pândouides ! Emporte avec toi nos pierreries entièrement, et puisses-tu n’éprouver aucun obstacle dans ta mission pour le sage Dhai-marâdja ! »

Ensuite, chargé de leurs diamants, le prince de s’en aller à la ville de Màhishmatl, où le roi Nila soutint une bataille contre lui. 1123-1124.

Là, Sahadéva, l’auguste Pândouide, meurtrier des héros ennemis, eut à supporter le poids d’une lutte, capable de jeter l’épouvante dans les cœurs timides, 1125.

Mettant les existences dans l’incertitude et causant l’extermination des armées. Car le vénérable Feu s’était uni par une alliance à Nîla. 1126.

Aussitôt chars, coursiers, éléphants, cuirasses, hommes, tout parut en flammes dans l’armée de Sahadéva. 1127.

Alors, son âme entièrement agitée par l’émotion, le rejeton de Kourou n’eut pas la force, Djanamédjaya, d’opposer à ce malheur un seul mot. 1128.

« Pourquoi le vénérable Feu, brahme, interrompit Djanamédjaya, s’allia-t-il dans ce combat avec l’ennemi de Sahadéva, qui ne faisait la guerre que dans le but d’un sacrifice ? » 1129.

Vaîçampâyana répondit :

Un jour que l’auguste Feu, dit la tradition, habitait à Mâhishmati, on le surprit en flagrant délit de luxure.

Le roi Nîla avait une fille douée d’une extrême beauté ; elle servait toujours le feu sacré dans le but d’accroître la prospérité de son père. 1130-1131.

Mais la jeune fille avait beau l’exciter avec des éventails, il ne flamboyait pas tant qu’elle ne l’avait pas ému avec le souffle sorti de ses lèvres charmantes. 1132.

Le céleste Feu s’était donc épris d’amour pour cette jeune fille admirable à voir ; personne n’ignorait sa tendresse dans la maison du roi Nîla. 1133.

Ensuite, s’amusant à son gré sous les formes d’un jeune brahme, il s’oublia dans son amour pour la vierge à la jolie taille, aux yeux de lotus bleu. 1134.

Le vertueux monarque lui rappela son devoir, suivant les règles du Çàstra, et le divin Feu alors s’enflamma de colère. 1135.

Frappé de stupeur à cet aspect, le roi se prosterna, le front jusqu’à terre. Après quelque temps écoulé, il donna, baissant la tête, sa fille en mariage au Feu sous l’extérieur d’un brahme. Celui-ci accepta la fille aux charmants sourcils du roi Nîla. 1136-1137.

Le vénérable Feu, celui des êtres, qui sait le mieux donner la perfection aux sacrifices, rendit sa bienveillance au roi et lui accorda même une grâce. 1138.

Le monarque reçut, lui et son armée, l’assuranre contre tous les dangers ; et désormais quelque fussent les rois, qui, dans l’ignorance, ont voulu par une victoire emporter cette ville, le feu les a tous brûlés ! Alors, fils de Rourou, dans cette ville de Mâhishniatî, on ne put redemander aux épouses une jouissance, qu’elles avaient donnée, si elles ne le voulaient plus. Agni leur accorda cette grâce dans l’impuissance, où les femmes sont d’empêcher. 1139-1140-1141.

Là, errent donc à leur guise les femmes impudiques. Ainsi désormais, chef des Bharatides, les rois se sont toujours abstenus d’attaquer cette ville par la crainte du feu.

la vue de son année environnée par le feu et saisie de

terreur, le vertueux Sahadéva, aussi peu ému qu’une montagne, purifia sa bouche, puissant roi, et tint au Feu ce langage : 1142-1143-1144.

« C’est pour toi, Dieu à la route noire, que fut entreprise cette campagne. Hommage te soit rendu ! Tu es la bouche des Dieux, tu es, purificateur, le sacrifice même !

» On te nomme Pâvaka, parce que tu purifies ; Havyavâhana, parce que tu portes l’oblation aux Dieux ; Djâtavéda, parce que les Védas sont nés de toil 1145-1146.

» Tu es Tchitrabhânou, à l’admirable lumière ; tu es Souréça, le seigneur des Souras ; tu es Anala, le souffle de vie ; tu es, Vibhâvasou, celui, qui touche la porte du Swarga ; tu es Houlâça, qui mange les oblations ; tu es Djwalana, la flamme ; tu es Çikî ! 1147.

» Tu es le fils de Viçvânara ; tu es Pingéça et Plavanga ; tu es la mère de Kârtikéya à la splendeur immense ; tu es Bhagavat, tu es le fruit de Çiva, tu es Hiranyakrit, la cause de l’or ! 1148.

» Que le feu me donne la splendeur ! Que le vent répande en moi le souffle de la vie ! Que la terre place en moi la force ! Que l’eau fortunée me soumette l’espace !

» Germe des eaux, suprême énergie, Agni, tu es le père des Védas, le souverain des Souras, la bouche des Dieux, purifie-moi par la vérité ! 1149-1150.

» Dans tous les sacrifices bien offerts par les rishis, les brahmes, les Dieux et les Démons eux-mêmes, purifie-moi par la vérité ! 1151.

» Tu es Dhoumakétou au drapeau de fumée, tu es Çikl à la crête de flammes, tu es le destructeur des péchés, lu es la cause du vent, tu es uni toujours à tous les êtres animés, purifie-moi par la vérité ! 1152.

» Ainsi t’exalté-je avec dévotion et d’une âme pure ; donne-moi, adorable Agni, la satisfaction, la science, la nourriture et la bienveillance ! » 1153.

Quiconque, sacrifiant, reprit Vaîçampâyana, récite cet hymne éternel d’Agni, toujours dompté, toujours au sein de l’abondance, est lavé de tous ses péchés ! 1154.

« Messager de l’offrande, continua le fils de Mâdrî, il ne te sied pas de mettre obstacle au sacrifice ! » À ces mots, Sahadéva étendit sur la terre un lit de kouças.

Le tigre des hommes s’y assit suivant le rite, enfant de Bharata, en face du feu et sous les yeux de son armée, hors d’elle-même par la crainte. 1155-1156.

Mais le feu n’abandonna point celle-ci, comme la mer ne quitte pas son rivage. Alors, s’approchant de lui, Agni tint ce langage, que précédait une caresse, au rejeton de Kourou, à Sahadéva, le roi des hommes : « Lève-toi ! lève-toi, descendant de Kourou ! c’est une épreuve, que j’ai voulu faire. 1157-1158.

» Je connais entièrement le projet, dont vous êtes occupés, toi et le fils d’Yama. Mais je dois protéger cette ville aussi long-temps qu’elle portera un fils dans la famille du roi Nîla. Je ferai cependant, ô le plus vertueux des Bharatides, ce que désire ton cœur. » 1159-1160.

Alors s’étant levé d’une âme joyeuse, les mains réunies au front et la tête inclinée, le fils de Mâdrî adressa, chef des Bharatides, son hommage au feu. 1161.

Quand le feu eut cessé de brûler, le roi Nîla, par l’ordre d’Agni, se rendit auprès du fils de Pândou, et celui-ci le combla ainsi des mêmes honneurs. 1162.

Nlla de traiter avec révérence le prince Sahadéva, le roi des batailles. Celui-ci reçut son hommage, lui imposa le tribut, et le victorieux fils de Mâdrî continua sa marche vers les régions du midi. 1163.

Il rangea sous sa puissance le roi Traipoura à la vigueur sans mesure ; il subjugua le monarque issu de Pourou, Akriti, disciple de Kaâuçika ; conquête rapide, elle n’en coûta pas moins de grands efforts ! Le prince aux longs bras mit sous sa domination en ce même temps le monarque du Sourâshtra. 1164-1165.

Tandis qu’il était campé dans les champs de ce royaume, il envoya des courriers au roi Roukmi, qui tenait sa résidence à Bhodjakata ; le vertueux guerrier en dépêcha à son prudent ministre et à Bhîshma, l’ami d’Indra même en personne.

Le monarque et son fils obéirent à cet ordre, que précédait un langage caressant ; et, puissant roi, quand il eut vu le Vasoudévide, le souverain des combats se remit en campagne, emportant les pierres fines de Roukmi. 1166-1167-1168.

Ensuite le héros à la grande splendeur, aux vastes forces, soumit à sa puissance Çourpâraka, Tâlakata et les Dandakas ; 1169.

Les rois nés dans une matrice de Barbares, qui habitent les îles de la mer, les Nishâdas, les anthropophages, les Karnaprâvaranas mêmes, 1170.

Les peuples demi-hommes et demi-Rakshasas, qu’on appelle Kâlamoukhas, le mont Kola entièrement et la ville de Sourabhî. 1171.

Le héros à la grande sagesse réduisit en sa puissance l’île appelée Tâmrâ, le mont Râmaka, le roi Timingala, 1172.

Les Kérakains, hommes à un seul pied, qui habitent les forêts, la ville Sandjayanti et Karahâtaka l’hérétique.

Il fit reconnaître sa puissance par des envoyés et payer le tribut aux Pândyas, aux Dravidas et, de compagnie avec eux, aux Oundrakéralains. 1173-1174.

Il soumit les Andhras aux forêts de palmiers, les Kalingas, les Oushtrakarnikas, la charmante cité d’Atavî et la capitale des Yavanas. 1175.

À tous, il fit reconnaître sa puissance et payer le tribut par des envoyés. Quand il fut arrivé à Katchha, le sage fils de Mâdrî, le dompteur à l’âme juste des ennemis, expédia ses courriers, Indra des rois, à Vibhîshana, le magnanime fils de Poulastya, pour lui transmettre, avant ses ordres, les paroles de son amitié. 1176-1177.

Celui-ci reçut le commandement, qui avait pour son prélude un langage affectueux ; et le sage prince alors de penser que là se terminait son expédition. 1178.

Vibhîshana lui envoya toutes sortes de pierreries, des bois d’aloës et de sandal, des parures célestes, 1179.

Des vêtements d’une grande valeur, des joyaux : immenses trésors ! L’auguste et prudent Sahadéva revint donc sur ses pas. 1180.

Après qu’il eut ainsi, dans une rapide campagne, soumis les peuples, ceux-ci par des caresses, ceux-là par des victoires, et qu’il eut rendu les rois ses tributaires, le dompteur des ennemis retourna glorieux au palais de son frère. 1181.

L’éminent Bharatide versa toutes ces richesses aux mains d’Youddhishthira, et goûta dans son palais, auguste Djanamédjaya, le doux repos, que méritait une entreprise menée à si bonne fin. 1182.

Vaîçampâyana dit encore :

Maintenant je vais raconter les exploits et les victoires de Nakoula ; je dirai comment ce héros illustre a surpassé même les espérances vaincues des bénédictions, que le Vasoudévide avait répandues sur lui à son départ. 1183.

Sorti du Khândavaprastha, l’intelligent héros se dirigea vers les régions du couchant et s’avança à la tête d’une nombreuse armée. 1184.

Il ébranlait toute la terre avec le bruit des roues de ses chars, avec les violents cris de guerre et les menaçantes clameurs des soldats. 1185.

Il courut sur Rohitaka, ville chère à Kârttikéya, délicieuse, très-opulente, riche en troupeaux et en grains, pleine de vaches et de taureaux. 1186.

Là, il soutint une grande bataille contre des héros, semblables à des paons enivrés. Le héros à l’éclatante splendeur soumit à sa puissance la terre du Marou entièrement, pays bien riche en grains, Çaîrîshaka, Alahéttha, et Akroça, le saint roi, avec lequel fut engagée une terrible bataille. 1187-1188.

Quand il eut vaincu les Daçârnas, le fils de Pândou tourna ses armes contre cinq royaumes, les Çivis, les Trigarttas, les Ambashthas, les Màlavas et les Karpatas.

Après qu’il eut circulé chez les Madyakéyas, les brahmes Vâtadhânas, rejetons d’un brahme déchu, et de nouveau chez les tribus, qui habitent les bois du mont Poushkara, 1189-1190.

Le prince dompta les armées des Outsavakétains et les Grâmanîyas aux grandes forces, situés sur les rives du Sindhou, 1191.

Et les troupes des Çoûdrabhîras, et ceux, qui occupent les bords de la Sarasvatî, et ceux, qui vivent de poissons, et ceux, qui habitent les montagnes, 1192.

Et tout le Pantchanada, et le mont des Immortels, et l’Outtaradjyotisha, et la ville Divyakata. 1193.

Le héros à la grande splendeur mit promptement sous sa puissance Dwârapâla, les Râmathas, les Hârahoûnas et les rois, qui gouvernent dans l’occident. 1194.

Son ordre seul, enfant de Bharata, suffit pour les ranger sous la domination du fils de Pândou. Tandis qu’il parcourait ces contrées, il envoya un courrier au Vasoudévide ; 1195.

Et celui-ci de s’incliner sous son ordre avec les princes d’Yadou. Ensuite, il continua sa marche vers Çâkala, la ville des Madras. 1196.

Le vigoureux seigneur des batailles, que des paroles courtoises avaient précédé, soumit à sa puissance Çalya, son oncle maternel ; puis, honoré par ce roi, lui, qui était digne de ces honneurs, il s’avança, roi des hommes, emportant une multitude de pierreries, contre les peuples barbares, effroyables au plus haut point, qui habitent dans le sein de la mer. 1197-1198.

H soumit les Pahlavas, les Varvaras, les Kirâtas, les Yavanas, les Çakas ; et, quand il eut courbé tous les princes sous le joug, l’éminent Kourouide en possession de leurs pierres fines, Nakoula, qui n’ignorait pas les différents chemins, s’en retourna, suivi par des milliers de chameaux, qui portaient les trésors de ce magnanime. 1199-1200.

À peine dix milliers, grand roi, suffisaient-ils à porter ces immenses richesses. C’est ainsi qu’il se présenta au vaillant Youddhishthira, qui était resté dans Indraprastha.

Le charmant fils de Mâdrî lui remit ses richesses. C’est ainsi que l’auguste Bharatide Nakoula soumit cette plage de l’occident, à laquelle préside Varouna et que le Vasoudévide lui-même avait précédemment conquise. 1201-1202-1203.