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Le Parfum des prairies (le Jardin parfumé)/7

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CHAPITRE VII

DES INCONVÉNIENTS
DU PLAISIR D’AMOUR


Écoutez, Seigneur Vizir, que Dieu protège !

Les plaisirs d’amour sont dangereux ; ils donnent naissance à une foule de maladies dont il faut se garer.

Celui qui nique à genoux s’expose à un tremblement subit ; celui qui jouit le matin appauvrit son sang, perd ses forces et affaiblit sa vue ; s’il le fait dans un bain, il deviendra aveugle ou à peu près.

Prendre la femme sur soi est une déplorable habitude, la poitrine en souffre et l’eau qui coule du zouque de la femme peut donner un échauffement ou une inflammation au ventre.

L’on devra toujours se méfier des vieilles et s’éloigner d’elles, car leurs caresses sont plus amères que le poison. Une vieille est comme une maison qui s’écroule ne laissant que de la poussière qu’emporte le vent ; avec elle on jouira sans bonheur ; elle prendra le beurre, laissant à son jeune amant le petit lait ; c’est bien peu.

Malgré cela, il en est qui trouvent toutes les femmes excellentes, qu’elles soient pucelles ou qu’elles aient passé l’âge de faire des enfants. Ils niquent à tort et à travers jusqu’à ce que leurs bourses épuisées refusent la monnaie qui engendre les hommes.

Il ne faut jamais forcer sa nature ; il vaut mieux se rationner et suivre, suivant ses forces, un sentier toujours égal.

Le savant Sequelé Maquedaly, qui a traité la question du mariage d’une façon très approfondie, remarque qu’il est dangereux d’abuser du plaisir des sens. Il divise en quatre catégories la manière de faire l’amour. Il y a, dit-il, la manière jaune, la manière noire, la manière molle et la manière de sang. Il parle longuement là-dessus.

Mais laissons-le dire et occupons-nous plutôt du grand Aroun-al-Raschid, qui, pour le bien de son peuple, avait ordonné à tous les médecins de son empire et autres lieux de composer ensemble un livre enseignant les remèdes à suivre pour guérir toutes les maladies possibles. Ce volume est très considérable, mais les gens qui ont des égards pour leurs personnes, et il y en a beaucoup, en ont tiré des extraits relatifs aux indispositions les plus fréquentes, dont ils ont fait un petit manuscrit qu’ils portent toujours avec eux.

Parmi les vers suivants quelques-uns se rapportent à l’œuvre médicale du Commandeur des Croyants :

Si tu rencontres des traîtres qui t’empoisonnent, vois le livre, il te guérira ;
Ceux qui ont bu le poison avant toi ont été sauvés par lui.
Il est certaines choses que les dents sont paresseuses à manger,
Garde-toi d’avaler ce que ta bouche ne veut pas broyer.

Ne bois pas de suite après ton repas,
Cela gâte la digestion en noyant les aliments dans l’estomac.

L’homme colère est irrité même de l’accomplissement de ses désirs,
Il sera toujours balancé entre deux idées.

On voit quelquefois l’avenir dans les rêves,
Mais il est bien difficile de les interpréter sagement.

Bois avec confiance les remèdes du Commandeur ;
Ils descendront sur les parties malades de ton corps,
Et leur douceur calmera tes souffrances.
Tes forces alors reviendront,
Ton pied sera plus solide
Et ta démarche assurée.

Garde-toi de dormir avec une femme
Lorsqu’elle sent une seconde vie dans son ventre.

Écarte les vieilles de ton corps
Comme le poison de tes lèvres.
Il faut niquer sept fois pour dire : Je suis solide ;
Et pour être solide, il faut suivre les conseils du livre.

L’œuvre d’Aroun-al-Raschid est, en effet, pleine de bons avis. C’est une collection complète des moyens de guérir recueillis depuis notre premier père, Adam.