Le Peuple vosgien/n°1 du 15 décembre 1849/Intérieur

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Intérieur.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

La droite renonce à employer la tactique que plusieurs journaux avaient signalé. La loi du rétablissement de l’impôt sur les boissons sera discuté, on n’ose pas braver l’opinion du pays, touchant cette question.

M. Pradier a ouvert la marche, mais les vérités qu’il a adressées à la majorité n’étant pas du goût de celle-ci, elle n’a rien trouvé de mieux à faire que de tapager. Il a fallu les avertissements reïtérés de M. Dupin pour la réduire au silence. — À M. Pradier, a succédé M. Kératry, ex-pair de Louis-Philippe, vieux harnais moisi sous toutes les monarchies passées. Le cher homme aime beaucoup les impôts et celui des boissons en particulier ; aussi s’est-il écrié : « Si ce dernier n’existait pas, il faudrait l’inventer. » — Le citoyen Charancey, marchand de cidre normand, a, à son tour appuyé comme le préopinant Kératry, le rétablissement de l’impôt.

La discution n’est véritablement devenue sérieuse qu’à l’apparition de M. Bastiat à la tribune, et en quelques mots il a fait sortir la discussion du bas-fond, où MM. Kératry et Charancey l’avaient plongée.

Il a fait ressortir les iniquités de l’impôt dans les effets et dans les principes. Dans son principe, il est entâché d’iniquités, puisqu’il grève le pauvre plus que le riche. Dans ses effets, il est vexatoire par son mode de perception, plus vexatoire que jamais impôt ne l’a été.

M. Bastiat ne s’est pas borné seulement à flétrir l’impôt des boissons, il a attaqué tout notre système d’impôt indirect ; toutes ces questions qui se ratachaient à des considérations générales de politique, ont fait bondir la droite sur ses bancs.

L’effet de ce discours été si grand, qu’on a envoyé à la tribune M. de Montalembert, le grand économiste, pour y répondre, mais celui-ci a prudemment demandé de remettre la discussion à demain.


Voici le calcul auquel on s’est livré sur le vote de l’impôt des boissons :

« La minorité, loin de s’abstenir comme on l’a dit, vote avec ensemble. Les hommes qui partagent les opinions du général Cavaignac se joindront à elle, ce qui portera le chiffre total des membres de la gauche à 208.

« Puis viendront les conservateurs et les légitimistes qui ont promis à leurs mandans de demander l’abolition de l’impôt et le maintien du décret de la constituante. On porte leur nombre à 120. Quoique ce chiffre paraisse exagéré, il approche de la vérité, s’il ne l’atteint pas.

« Si nos calculs sont exacts, il y aura donc 328 bulletins qui protesteront contre les conclusions du rapport. Si, comme cela est probable, le nombre des votans est de 700, le cabinet n’aura qu’une majorité relative de 22 voix ! »


M. Lamennais a déposé une pétition des habitants de la commune de Longeville (Meuse), laquelle demande le maintient du décret de l’assemblée constituante qui abolit l’impôt sur les boissons. — Sur 359 habitants, il y a 358 signatures.

— Le citoyen Baune a déposé les pétitions de Montmartre, de Bercy, de Beurnouville, et de plusieurs communes du département de l’Eure, contre l’impôt des boissons.

— Le citoyen Charles Lagrange a déposé deux pétitions, l’une de la commune d’Aigre (5me envoi de la charente) ; l’autre de la commune de Saint-Seine-sur-Vingeance (Côte-d’Or), réclamant contre le projet de rétablissement de l’impôt sur les boissons.

— Les pétitions déposées précédemment portent le chiffre des signataires contre le rétablissement de cet impôt à près de 800 000 mille.