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Le Poulailler/Chapitre04

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CHAPITRE IV

Composition des parquets. — Hygiène des parquets. — Récolte des œufs à couver.

NOMBRE D’ANIMAUX POUR UN PARC.

Le nombre des animaux destinés à racer[1] doit être borné pour chaque parc à cinq ou six au plus, deux coqs ne pouvant vivre ensemble dans un endroit restreint.

Il est généralement reçu qu’un coq suffit à neuf ou dix poules, ce qui est une erreur, surtout à l’égard des bêtes de forte race. Outre que le coq s’épuise rapidement dans la distribution de ses caresses à un trop grand nombre de femelles et que les œufs sont menacés de stérilité avant la fin de la saison des couvées, il arrive souvent un accident bien plus grave : c’est que, même quand le coq est dans toute sa vigueur et qu’on lui donne beaucoup de poules, ces dernières sont plus ou moins disposées à recevoir son approche, de façon que le coq, étant plusieurs fois rebuté par certaines d’entre elles, finit par se déshabituer de leur faire sa cour, ayant d’autres poules souvent empressées à provoquer ses tendresses.

Il résulte de là qu’une partie des soins est inutilement sacrifiée à des couvées dont la plupart des œufs se trouvent clairs, que l’on entretient et soigne mal à propos un trop grand nombre de couveuses ; et il arrive souvent que les plus belles poules, celles dont on désirerait le plus obtenir des produits, sont celles dont les pontes restent stériles.

Ces raisons devront suffire, quand j’ajouterai qu’ayant répété huit fois l’expérience, j’ai obtenu, avec la moitié du nombre habituel de pondeuses données à un coq, un nombre souvent plus considérable d’éclosions. Ajoutez encore que je gardais seulement les poules les plus parfaites, certain que le coq, borné à ce petit nombre et changeant ses prières en violences, finirait par déterminer le désir chez les poules insoumises, qui cherchaient bientôt, en effet, à partager avec les autres les caresses de leur seigneur.

Quatre poules suffisent donc pour un coq, et l’on y trouve l’avantage d’avoir de belles couvées complètes, d’entretenir peu de couveuses, ce qui est important quand on fait beaucoup d’élèves, et de ne pas gaspiller le temps, la place et la nourriture. Il vaudrait donc mieux, si l’on voulait obtenir beaucoup d’œufs pour couver, avoir, pour une espèce, deux parcs avec chacun un coq et quatre poules, qu’un plus grand parc contenant un coq et huit à dix poules. Cela ménage encore la ressource de réunir les plus beaux sujets si l’on y était forcé par la mort de l’un des deux mâles.


HYGIÈNE DES PARCS.

Les soins hygiéniques sont de la plus haute importance, surtout pour des animaux qui ne sortent jamais du parc.

Nous avons dit et nous répétons que, soit par sa nature, soit par les dispositions qu’on lui donne, le terrain doit être extrêmement sain.

Une des conditions de santé des poules étant de manger continuellement de l’herbe, il est bon de semer, avant de les y placer, un gazon très-serré. Quand le parc est grand et que le gazon est bien poussé, les poules ne le détruisent jamais, et les fientes qu’elles déposent, étant décomposées par les pluies, ne peuvent pas s’y amasser.

On laisse toujours une place nue exposée au soleil, où l’on dépose du sable fin, sur lequel elles vont se poudrer.

Lorsque le parc est petit, il faut l’assainir en retournant, tous les mois, le terrain au crochet, surtout pendant l’été, parce que les fientes y déterminent bientôt des exhalaisons malsaines. Il est bon, en le retournant, d’y semer des graines comme de l’orge, de l’avoine, du blé, etc. Les poules s’amusent à gratter la terre, et trouvent les graines germées, dont elles sont alors très-friandes. Si l’on veut, on en sème dans un coin qu’on préserve par une claie jusqu’à ce qu’elles soient parfaitement levées ; alors on ôte la claie, qu’on reporte dans un autre coin nouvellement semé, qu’on découvre encore quand l’herbe y est poussée ; et on recommence indéfiniment l’opération. De cette façon les animaux ont toujours un petit champ b tondre.

L’intérieur du poulailler doit être nettoyé chaque matin ; on doit avoir soin d’en entretenir le sol plus élevé que les terrasses du dehors. De temps en temps, tous les trois mois par exemple, on enlève le dessus et on le remplace par du sable sec, afin d’avoir toujours un sol bien sain. On peut aussi le désinfecter par quelques aspersions de sulfate de fer dissous dans l’eau. L’hiver, il est bon de mettre un peu de paille, que l’on change souvent. L’intérieur des parcs doit être de temps à autre débarrassé de pailles, plumes, détritus de toute nature qui salissent et enlaidissent le gazon.

L’eau sera mise à l’ombre pendant l’été, afin que le soleil ne la rende pas insipide.

Les ouvertures des poulaillers restent libres jour et nuit, afin de laisser continuellement pénétrer le grand air. On ferme une des ouvertures quand les nuits sont très-fraîches, et l’on bouche les deux quand il gèle. Il faut avoir soin, dans les froids très-rudes, de ne pas laisser sortir les bêtes pendant le jour, à moins que ce ne soit pour peu de temps, afin de leur faire prendre de l’exercice et de renouveler l’air de leur habitation.


PONTE ET RÉCOLTE DES ŒUFS.

Il faut toujours mettre deux ou trois pondoirs dans chaque parc, malgré le petit nombre de poules, parce que plusieurs sont quelquefois prêtes à pondre dans le même temps.

On doit visiter plusieurs fois par jour les pondoirs à l’époque des pontes réservées aux couvées, et cela à des heures régulières, afin de ne pas l’oublier. Cette précaution est indispensable, car, si un œuf était couvert plusieurs heures par les poules qui se succèdent dans le même pondoir, le développement de l’embryon aurait lieu, et l’œuf serait perdu. C’est par l’omission de cette mesure qu’on a cru beaucoup d’œufs clairs ou trop anciens.

Les œufs doivent être, récoltés dans une boîte à moitié pleine de son, placée dans un panier à fond plat, afin d’éviter les chocs. On écrit au crayon sur chaque œuf le nom de l’espèce et la date de la ponte, afin de les mettre à leur tour sous la couveuse et d’empêcher une confusion inévitable sans ces précautions.


Grav 22. — Boite à œufs

Il ne faut pas laisser les œufs à l’air, parce que l’évaporation des substances aqueuses a lieu très-rapidement. Aussi est-il bon de les mettre dans des boîtes plates (grav. 22), posés sur une couche de son sec, séparés les uns des autres et recouverts d’une autre couche assez épaisse.

Les boîtes doivent être serrées dans un endroit sain, ni trop froid, ni trop humide.

Déterminer le temps qu’on peut garder les œufs n’est pas chose aisée ; mais il est toujours bon de les garder le moins possible. J’en ai mis à couver qui étaient âgés de deux mois, qui avaient voyagé dans de mauvaises conditions, et cependant quelques-uns étaient encore bons ; mais il ne faut pas s’y fier. Quinze à vingt jours sont déjà un délai passablement long. Des œufs mis sous la couveuse lorsqu’ils sont frais pondus éclosent souvent en dix-neuf jours, ceux de huit à quinze jours mettent vingt et u jours à éclore, les œufs très-vieux vont quelques fois jusqu’à vingt-trois jours, et amènent souvent des poulets chétifs. Cependant il vaut toujours mieux attendre que de les mettre inconsidérément sous des couveuses d’une qualité équivoque.


Grav. 23. — Casier pour les boîtes à œufs.

Si l’on doit produire beaucoup d’élèves, on fait construire une espèce de casier pour y placer les boîtes (grav. 23).

Voici une lettre que M. Dareste a bien voulu m’adresser au sujet de la conservation des œufs propres à l’incubation, et dont on veut retarder le développement.

Monsieur,

Vous me faites l’honneur de me consulter au sujet d’une lettre que j’ai écrite à la Société d’acclimatation, relativement aux moyens d’empêcher ou de retarder le développement des œufs. Le procédé dont j’ai parlé dans ma lettre n’est point de moi ; il appartient à Réaumur, qui l’a fait connaître dans un Mémoire lu à l’Académie des sciences, puis dans son ouvrage sur l’art de faire éclore les poulets. C’est dans ces deux ouvrages que vous trouverez les indications que vous me demandez.

Le travail que j’ai fait connaître à la Société avait été entrepris par moi dans un but purement scientifique ; mais, ayant eu occasion d’expérimenter pour mon travail divers procédés mis en usage proposés pour la conservation des œufs, j’ai cru devoir faire connaître à la Société ce que j’avais observé. Mon Mémoire n’est pas encore publié, et diverses circonstances en retardent la publication. Mais voici ce que j’ai observé. J’ai verni des œufs, comme Réaumur l’avait indiqué d’abord, et je les ai mis en incubation. À ma grande surprise, les poulets ont commencé à se développer ; seulement leur développement s’est arrêté de très-bonne heure, et les embryons n’ont pas tardé à périr. Ce résultat est d’autant plus intéressant, qu’il est en contradiction formelle avec ce que disait Réaumur, Je me suis assuré, par des expériences nombreuses et variées, que ce résultat est dû à ce que les vernis ne sont point imperméables à l’air. L’accès de l’air n’est pas complètement intercepté par le vernis, il n’est que diminué dans une proportion considérable.

J’ai voulu alors expérimenter le second procédé de Réaumur, qui consiste dans l’application de l’huile. Je me suis assuré que l’huile ferme presque entièrement la coquille à l’accès de l’air ; et conséquemment je n’ai jamais vu le poulet se développer lorsque je mettais en incubation des œufs à coquille huilée. Je ne puis donc mettre en doute que l’huile ne soit préférable au vernis pour retarder le développement des œufs.

Maintenant je dois ajouter que l’état avancé de la saison ne m’a pas permis de continuer ces études, et qu’il y a dans l’emploi de l’huile un inconvénient que je voudrais supprimer. Je compte faire à ce sujet des expériences ; mais je ne pourrai probablement pas les commencer avant quelques semaines. Cet inconvénient consiste dans l’enlèvement de l’huile. Il faut évidemment enlever l’huile pour mettre les œufs en incubation et obtenir des poulets. Réaumur ne donne à cet égard que des indications théoriques. Je dois soumettre cette question à une étude expérimentale, et j’en ferai connaître les résultats à la Société.

Jusqu’à présent je ne propose aucun procédé ; je me suis contenté de faire connaître quelques détails concernant le mode d’action des procédés proposés par Réaumur.

Quant au mode d’application de l’huile, j’ai suivi exactement les indications de Réaumur. Je me suis servi tantôt d’huile d’olive, et tantôt d’huile à brûler ordinaire ; j’ai reconnu, comme Réaumur, que la couche d’huile qui protège les œufs peut être d’une minceur extrême. Il suffit, en effet, de bien frotter la coquille avec un doigt enduit d’huile, en ne laissant aucune place intacte ; puis on essuie la coquille avec un papier, jusqu’à ce qu’elle ne tache plus. La très-petite épaisseur d’huile suffit alors pour une protection efficace. Quant à l’époque de l’application, il est évident qu’elle doit se faire à une époque aussi près que possible de la ponte, parce qu’alors la chambre à air n’a pas commencé à se former ; mais cependant j’ai réussi à retarder le développement sur des œufs pondus depuis un jour ou deux.

Je n’ai pas encore expérimenté la durée du procédé ; c’est un sujet que je me propose dans mes expériences de cette année ; mais il est évident que cette question est subordonnée à celle de l’enlèvement facile de l’huile, question qui n’est point encore résolue.

Je regrette vivement, monsieur, de ne pouvoir vous donner des renseignements plus complets, et que l’inexactitude du Bulletin ait donné a mes expériences une portée que je ne leur avais point attribuée. Toutefois l’intérêt que cette communication a excité dans la Société, et dont votre lettre est une preuve, m’engage vivement à continuer mes expériences, afin d’éclairer complètement la question. Aussitôt que j’aurai obtenu des résultats définitifs, je me ferai un plaisir de vous les communiquer.

Veuillez recevoir, monsieur, l’assurance de ma haute considération.

C. Dareste.

On sait que, sur les œufs anciennement pondus et transportés par la suite, il en peut éclore quelques-uns ; mais beaucoup manquent, et en voici les raisons :

Qu’un œuf soit couvé ou non, il s’établit, par évaporation, au bout de très-peu de jours, à l’intérieur et à l’une des extrémités, un vide qu’on nomme chambre à air. Ce vide augmente incessamment, et au bout d’une quinzaine il est considérable. On comprend alors que le ballottage devient une cause de désorganisation inévitable, qui disparaît lorsque l’œuf est expédié frais pondu, puisqu’il est alors tout à fait plein. En effet, qu’on remplisse d’huile et d’eau une bouteille, en n’y laissant subsister aucun vide, il sera difficile d’y déterminer, même par une secousse violente, un mouvement appréciable des liquides, qui ne pourront alors se mêler ; au lieu que, si la bouteille n’est qu’au trois quarts pleine, on obtiendra, sans beaucoup d’efforts, le mélange immédiat de l’huile et de l’eau par l’entrechoquement de toutes leurs parties. On voit l’importance de la condition sine quâ non du transport des œufs immédiatement après la ponte, et l’on voit aussi qu’il n’y a aucun danger à les transporter quand cette condition est religieusement remplie.

Les œufs vers le bout desquels se rencontrent des aspérités, des nodosités, enfin une protubérance circulaire, ne sont pas propres à l’incubation quand ces anomalies sont trop apparentes, parce qu’elles décèlent ordinairement des défauts de santé ou de conformation dans la poule, et que, quoique pouvant être fécondés tout comme les autres œufs, ils affectent souvent des formes qui gênent les poussins, soit dans l’éclosion, soit dans leur formation. En général, il faut préférer les œufs bien faits, et n’employer les autres que lorsqu’ils viennent d’une poule très-rare et qu’on ne peut les remplacer. Dans tous les autres cas, on doit sacrifier la poule qui pond des œufs défectueux.

Il se présente aussi des poules qui font des œufs dits hardés, œufs qui quelquefois n’ont pas de coquille ou dont la coquille offre peu ou point de solidité ; il faut couper le cou à ces poules, à moins qu’on ne tienne absolument à élever de leurs produits. Dans ce cas, il y a un moyen de solidifier la coquille de ces œufs : c’est de faire avaler aux poules, tous les deux jours, une boulette grosse comme le pouce, composée d’oseille hachée, dont on relie les parties avec un peu de beurre.

Les œufs renfermant deux jaunes ne sont pas non plus propres à l’incubation, parce que ce cas est anormal, et que ces œufs sont rarement fécondés, quoiqu’ils puissent l’être, comme j’en ai donné un exemple. On doit craindre que les deux poulets qui peuvent en résulter se gênent mutuellement et fassent de pauvres sujets.

Il faut donc prendre le parti de se défaire des poules qui pondent de ces œufs.

  1. Le mot racer est généralement employé par les éleveurs. Il signifie faire reproduire des animaux de race. Il n’a pas encore été adopté par l’Académie.