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Le Poulailler/Chapitre34

La bibliothèque libre.
Librairie agricole de la Maison rustique (p. 305-316).

CHAPITRE III

Conservation des œufs.

On sait que les œufs sont d’un emploi général dans la cuisine, et que les moyens de les conserver pour l’hiver sont d’une très-grande importance. M. Allibert, dans son Guide de l’éleveur des poules et des poulets, et M. Mariot-Didieux, dans son livre Éducation lucrative des poules, ont résumé à peu près toutes les recherches faites à ce sujet.

M. Allibert s’exprime ainsi :

« Les œufs sont, après la viande, le produit le plus important de la volaille ; ils constituent un aliment à la fois agréable, salubre et très-nutritif. Le blanc et le jaune d’œuf sont séparément employés dans quelques industries.

« Comme aliment, l’usage général que l’on fait des œufs et leur composition chimique établissent que leur valeur nutritive est à peu près égale à celle de la viande. Ils contiennent, en effet, les substances destinées à la formation des organes du poussin sous l’influence de l’incubation, et ces substances se retrouvent précisément dans la viande à un état peu différent : telles sont l’albumine, les graisses et les huiles, le sucre, la matière colorante, les sels de chaux, de magnésie, de potasse, de soude, le soufre, le phosphore, etc. Dans l’œuf, les substances nutritives qui le composent représentent, la coque non comprise, environ le quart de son poids après avoir été desséchées, proportion qui est aussi celle des matières solides de la viande ; les trois autres quarts sont de l’eau qui s’évapore par la dessiccation.

« Ces données peuvent faire pressentir que la production de 1 kilogramme d’œufs exige la même quantité de nourriture que la production de 1 kilogramme de viande. Ce point a été constaté par nos observations et nos calculs. Il faut que les poules pondeuses consomment une quantité de nourriture représentant l’équivalent de 10 à 12 kilogrammes de foin ou 6 kilogrammes de froment pour qu’elles puissent donner 1 kilogramme d’œufs ; quand il s’agit de bêtes qui ne pondent pas, la même quantité de nourriture, consommée dans le moins de temps possible, produit un accroissement de 1 kilogramme de viande.*

« La principale qualité des œufs destinés à l’alimentation et à l’incubation est d’être frais, c’est-à-dire pondus depuis peu (six jours en hiver, deux jours en été) ; en cet état, ils n’ont encore éprouvé aucune altération. Les œufs abandonnés à l’air libre, et exposés aux variations de température, perdent, par évaporation, une partie de l’eau qu’ils renferment ; le vide résultant de cette perte est comblé par la pénétration de l’air à travers la coque. La chambre d’air qui en occupe le gros bout s’agrandit ; les parties intérieures, mises ainsi en contact avec l’air, s’en pénètrent, elles changent bientôt de goût et d’odeur, et, suivant les circonstances, arrivent plus ou moins vite à la fermentation putride. Les chaleurs de l’été, les variations de température, l’incubation des œufs inféconds[1], l’incubation interrompue de ceux qui sont féconds, sont les circonstances les plus ordinaires qui accélèrent la marche de ces altérations.

« Les signes indiquant la fraîcheur, l’ancienneté ou l’altération d’un œuf sont toujours faciles à reconnaître lorsqu’il est cassé : la grandeur de la chambre d’air et l’odeur sont des caractères qui ne laissent aucun doute sur ses qualités. Mais, quand les œufs sont entiers, il faut quelque habitude pour distinguer les frais des vieux.

« Un œuf est présumé frais lorsqu’il possède les caractères suivants :

« 1o Aspect rosé, jaunâtre, et non pas légèrement vergeté de nuances livides ;

« 2o S’il a une grande translucidité, que l’on apprécie en le mirant, c’est-à-dire en le soutenant entre les deux mains disposées en tuyau et le plaçant entre l’œil et la lumière, ou mieux, en le posant sur une feuille de papier blanc, à quelque distance d’une fenêtre fortement éclairée et l’examinant sous diverses inclinaisons avec un tuyau de papier noirci à l’intérieur ; si dans cet examen on n’aperçoit dans l’œuf aucune partie nuageuse ou opaque, si l’on ne distingue pas la chambre d’air, ou si elle ne se montre que sous forme d’une bulle peu étendue, l’œuf est présumé frais ;

« 3o L’œuf frais, secoué légèrement dans le sens de sa longueur, ne laisse distinguer aucun ballottement, aucun choc intérieur ; les vieux, au contraire, sont plus légers et font sentir à cet essai un léger choc, résultant du déplacement des matières intérieures ;

« 4o Par l’essai dans l’eau salée : on se procure un œuf récemment pondu mais refroidi, puis, dans un vase ayant une profondeur égale à quatre ou cinq fois la longueur de l’œuf, on met de l’eau dans laquelle on fait fondre du sel jusqu’à ce que l’œuf frais, étant abandonné doucement à la surface du liquide, tombe avec lenteur vers le fond. On comprend que ce liquide salé puisse ensuite servir à séparer les œufs frais des vieux, puisque les œufs entièrement pleins, par conséquent frais, gagneront le fond du vase, en vertu de la relation existant entre leur poids et leur volume, tandis que les vieux, renfermant une plus grande quantité d’air qui les rend plus légers, resteront près de la surface, ou tomberont plus lentement que les premiers.

« Quand on plonge un œuf frais dans une quantité d’eau bouillante représentant au moins douze fois son volume, il se fêle et laisse échapper une certaine quantité de son contenu : ce petit accident, qui a pour cause la plénitude de l’œuf et la subite dilatation des parties intérieures, ne se produit pas quand le volume de l’eau bouillante est beaucoup moindre, parce que, dans ce dernier cas, la température du liquide est subitement abaissée par l’immersion de l’œuf. Dans l’une et l’autre circonstance, les œufs vieux ne se fêlent pas, par la raison qu’ils contiennent une grande bulle d’air qui cède à la pression, puis s’échappe à travers la coque.

« L’odeur particulière que répandent les œufs durcis par la cuisson ou décomposés par la putréfaction est due à une combinaison de soufre (sulfure d’hydrogène) qui, entre autres propriétés, possède celle de noircir les ustensiles d’argent.

« D’après ce qui précède, la conservation des œufs doit consister dans l’emploi des moyens propres à les préserver de l’évaporation, conséquemment de l’introduction de l’air, des variations de température pouvant déterminer l’évolution des germes ou la putréfaction.

« Les œufs pondus vers la fin de l’automne, n’étant pas exposés à un commencement d’altération comme ceux de l’été, sont, avec raison, considérés comme plus faciles à conserver. Il paraît certain, en outre, que les œufs dépourvus de germes se conservent mieux que ceux qui ont été fécondés.

« Les conditions favorables à la conservation des œufs peuvent être obtenues de différentes manières.

« On a proposé d’enduire les œufs avec des vernis, des corps gras ou plastiques, capables de s’opposer à l’évaporation et à l’introduction de l’air extérieur ; mais ces moyens ont l’inconvénient de prendre du temps et d’être dispendieux, sans mieux assurer la conservation.

« Quand les œufs ne doivent être conservés que peu de temps, on pourra se contenter de les enfermer dans des caisses ou des vases remplis, soit de son, soit de grains, de sciure de bois, de sable sec, de poussier de charbon, etc. ; ces matières pulvérulentes assurent une conservation prolongée en s’opposant à l’évaporation, surtout si les vases ont été placés dans un lieu frais et sec, à température à peu près constante.

« Mais le moyen de conservation le plus certain et le plus durable consiste à enfermer les œufs dans un vase rempli d’eau de chaux récemment préparée, et à les garder dans un endroit frais. L’eau de chaux se prépare en prenant de la chaux vive ou de la chaux éteinte depuis peu, que l’on délaye dans une quantité d’eau froide plus grande que celle qui sera nécessaire pour baigner et recouvrir les œufs ; le lait de chaux qui en résulte est abandonné au repos pendant quelques heures ; le liquide clair qui se sépare de l’excès de chaux employée est l’eau de chaux, que l’on décante pour l’usage dont il s’agit. L’eau de chaux s’oppose non-seulement à l’évaporation, puisque les œufs sont plongés dans ce liquide, mais la terre alcaline qu’elle tient en dissolution bouche les pores de la coquille et s’oppose à toute fermentation, soit de l’œuf, soit des matières organiques que l’eau pourrait renfermer. »

Voici ce que M. Mariot-Didieux dit à ce sujet :


MANIÈRE DE RECONNAÎTRE LES ŒUFS FRAIS.

« L’œuf frais a une teinte blanche, claire ; son vernis est luisant. Si on le présente à la lumière d’une chandelle, les humeurs qu’il contient paraissent claires, transparentes, fluides. Quand cette transparence est trouble, c’est un signe d’altération qui prouve leur ancienneté. Les œufs vieux récoltés laissent voir, dans leur intérieur et un peu latéralement vers le gros bout, un vide qui donne la mesure de la perte qu’ils ont éprouvée en matière séreuse : comme ce vide est déjà sensible dans un œuf pondu depuis trois ou quatre jours, son étendue peut fournir aux personnes qui en ont acquis un peu l’habitude un moyen de juger, avec assez de précision, de leur fraîcheur ou de leur ancienneté.

« En frappant légèrement sur cette partie de l’œuf, le son qu’il rend peut également faire juger de l’étendue du vide qui indiquerait son ancienneté.

« En tournant l’œuf avec une certaine vitesse par un mouvement de rotation de côté, s’il est frais et plein, les mouvements sont réguliers, et, s’il est plus ou moins vide, les mouvements sont saccadés, irréguliers.


DES ŒUFS CLAIRS ET DES ŒUFS FÉCONDÉS.

« Les poules, seules, abandonnées à elles-mêmes, peuvent, sans aucune communication avec le coq, pondre des œufs qui se forment sans cesse à la grappe ovarienne, y grossissent, se détachent de leur pédicule, entrent dans l’oviducte sous forme molle, forment leur coquille dans cet organe, et y restent jusqu’au moment où les fibres de ce conduit-réservoir, gênées par la présence, de ces corps devenus étrangers après leur maturité, entrent en contraction, et les poussent au dehors, le gros bout le premier, selon la remarque d’Aristote. Mais les œufs sont stériles lorsqu’ils ont été pondus sans le concours du coq : l’intervention du mâle n’est nécessaire que pour féconder une petite vésicule lenticulaire appelée germe ou cicatricule, qui est solidement fixée à la surface des membranes qui enveloppent le blanc de l’œuf fécondé aussi bien que de celui qui ne l’a pas été.

« La présence de ce germe ne peut donc, dans aucun cas être un signe de fécondation, comme on le croit vulgairement.

« Les poules qui n’ont pas été fécondées pondent, comme celles qui l’ont été, la même quantité d’œufs ; à ce sujet, nous nous sommes livré à une série d’expériences concluantes. Du reste, ce fait est généralement connu depuis longtemps.

« Les œufs clairs offrent encore aux producteurs d’autres avantages que ceux qui résultent de la suppression du coq ; ils sont aussi bons que ceux qui ont été fécondés, et ils ont l’immense avantage de se conserver beaucoup plus longtemps, et de pouvoir être transportés au loin sans subir d’autre altération que celle provenant de l’évaporation des fluides.

« L’avantage des œufs clairs devient incontestable dans une exploitation en grand de ces produits, attendu que le producteur peut les mettre en réserve pour les vendre à l’époque où ils sont rares et chers.

« À cet égard, qu’on nous permette de rapporter ici un dicton populaire. Saint Augustin disait dans un de ses sermons que les dictons populaires referment souvent des avis salutaires.

« En effet, un dicton populaire rapporte que les œufs récoltés entre les deux Notre-Dame d’août et de septembre sont ceux qu’il faut conserver pour l’hiver. Un dicton acquiert une grande valeur quand il est confirmé par le raisonnement.

« Il est certain que vers le 15 août le coq se relâche dans ses amours : il semble épuisé, et la nature l’invite à réparer les pertes de neuf à dix mois de fécondité. Cependant sa galanterie habituelle ne se dément pas ; mais il se borne à des caresses, à des discours amoureux, à donner le coup d’aile. Les poules, qui ne sont pas exigeantes, pondent des œufs clairs qui se conservent longtemps. C’est aussi vers cette époque que commence la mue, maladie annuelle, et qui peut également contribuer à ce manque de fécondation.

« En 1849, nous plaçâmes sous une poule couveuse douze œufs, dont six étaient fécondés ou au moins considérés comme tels ; les six autres, récoltés de deux poules séquestrées depuis plus de trois mois, devaient être considérés comme clairs ; les uns et les autres subirent toutes les phases de l’incubation naturelle. Après vingt-deux jours, les six œufs clairs offraient seulement un blanc un peu plus liquide ; mais le jaune, qui était à l’état naturel et sans aucune apparence d’altération à l’œil, à l’odorat et au goût, s’est coagulé par la cuisson, et, sans être bon, il était mangeable.

« Quatre œufs fécondés donnèrent des poulets, mais les deux autres, dont les germes ne s’étaient pas développés, par des causes que nous ignorons, offraient dans leur intérieur leurs humeurs décomposées en un liquide homogène, ayant l’aspect et l’odeur sui generis des œufs pourris.

« Pendant plus de six mois, nous eûmes l’occasion de faire la même remarque sur les œufs des grands couvoirs artificiels de MM. Tricorne et Adrien jeune, à Vaugirard.

« Il résulte donc de tous ces faits et expériences très-concluantes que les œufs clairs qu’on obtient aux premières époques de chaque automne se conservent très-longtemps pour les causes susindiquées, et qu’on peut obtenir le même résultat aux différentes autres époques de l’année, par la suppression des coqs dans les grands troupeaux, dont les produits en œufs sont destinés à donner des bénéfices importants.


ALTÉRATION DES ŒUFS.

« Le germe fécondé et organisé par la nature pour produire sous certaines conditions, un être vivant, c’est-à-dire un poulet, périt sans doute avec le temps. Il peut également périr à la suite des mouvements brusques qu’on fait éprouver aux œufs, soit en les maniant, soit en les transportant au loin : ces mouvements peuvent contribuer à faire périr ce germe, en rompant les ramifications des vaisseaux fins et déliés par lesquels il est attaché à la membrane fine et transparente du jaune. Après la mort de ce germe fécondé, il se corrompt, ainsi que tout ce qui l’environne. Dans ces corps organiques, la corruption commence toujours par les germes. Elle démontre que les moyens les plus efficaces de conserver les œufs et de pouvoir les transporter au loin sans les altérer, c’est d’empêcher leur fécondation.

« L’humidité communique aux œufs un mouvement de fermentation qui les altère ; la gelée, en fêlant la coque et désorganisant l’intérieur, les dispose à se putréfier.

« Trop de chaleur leur enlève de l’humidité, et y forme le vide qui constitue la chambre du gros bout ; l’air, y pénétrant par les pores de la coquille, contribue à leur décomposition.

« Les œufs altères sont sans valeur, et ne peuvent plus servir qu’à la nourriture des poulets et des poules.


CONSERVATION DES ŒUFS.

« Réaumur, qui croyait, non sans raison, qu’en interceptant l’évaporation de l’œuf on pourrait le conserver longtemps, a conseillé d’enduire la surface de la coquille d’un vernis imperméable à l’eau. Il prescrit pour cette opération conservatrice l’huile, la graisse ou le beurre. Il est probable que cette méthode a été reconnue insuffisante, puisqu’on l’a négligée, quoiqu’elle soit simple. Il y a lieu de penser qu’il existe d’autres causes de corruption que la perte de l’humidité, par l’évaporation et l’introduction de miasmes putrides, que les œufs reçoivent en échange.

« Les moyens indiqués pour la conservation des œufs sont nombreux, et ont occupé un grand nombre d’économistes distingués. En effet, il est d’un grand intérêt de pouvoir conserver les précieux produits récoltés abondamment pendant l’été, pour être mangés ou vendus en hiver, époque où ils sont rares et chers. La conservation des œufs est considérée comme une question tellement importante en économie domestique, qu’une de nos plus illustres sociétés savantes vient de la mettre au concours. En attendant le résultat de ce concours, nous allons donner celui de nos recherches sur ce sujet.

« Nous avons essayé différents moyens proposés par les auteurs qui nous ont précédé dans cette voie ; nous avons essayé ceux proposés par Réaumur, dont nous avons parlé ; nous avons également employé l’eau gommée, celle chargée et fortement saturée de sulfate d’alumine (alun) ; ces moyens, qui ont tous pour but d’intercepter l’introduction de l’air dans l’œuf, sont bons, mais ont trop peu de durée. La chaux sèche et en poudre, les cendres non lessivées, les balles d’avoine ou de blé, communiquent à l’œuf un goût assez désagréable. L’eau de chaux conserve assez bien les œufs pendant plusieurs mois ; mais elle leur donne également un goût qui déplaît. Ils se décomposent presque aussitôt qu’on les a retirés de cette eau, et on est obligé de les employer immédiatement. C’est un moyen de marchand épicier qui vend en détail.

« L’eau fortement saturée de sel de cuisine sale un peu trop les liquides de l’œuf, durcit le jaune, et le rend impropre à différents usages culinaires.

« Un autre moyen consiste à faire cuire les œufs dans l’eau bouillante le jour même qu’ils sont pondus et au même degré que pour les manger à la coque, c’est-à-dire que le blanc albumineux doit être laiteux et légèrement caillebotté : on sait que ce temps de cuisson est de trois minutes quand ils sont mis dans l’eau bouillante. Ce degré de cuisson rend les œufs propres à tous les usages domestiques, et, pour l’obtenir juste, on a inventé des sabliers qui sont d’une grande précision. En retirant les œufs de l’eau, on les marque, afin de pouvoir les vendre ou les employer suivant leur rang d’âge, et on les met en réserve dans un lieu frais et sec. Ce procédé permet de les garder environ trois mois, après lequel temps la membrane qui tapisse l’intérieur de la coquille devient plus épaisse, ce qui dénote un commencement d’altération.

« Pour être mangés à la coque, il ne s’agit que de les réchauffer.

« Les œufs cuits durs peu de temps après la ponte ont aussi l’avantage de se conserver environ deux mois, et d’être commodément portés en voyage.

« Si, après les avoir fait cuire, on les enduit d’une pâte faite avec de la terre grasse, des cendres ou du sel marin, ils peuvent se conserver pendant deux ans au moins.

« Un moyen qui nous est particulier, et qui jusqu’alors nous a paru le plus sûr et le plus convenable, consiste en de grandes caisses ou tonneaux garnis de papier à l’intérieur. Ainsi préparées, ces caisses sont placées dans un lieu frais sans être humide. Une couche de sel blanc fin recouvre le fond de la caisse d’un demi-centimètre d’épaisseur ; sur cette couche on dépose les œufs frais récoltés les uns à côté des autres, et on remplit les interstices des œufs de sel fin. La caisse ainsi remplie par des couches successives d’œufs et de sel est hermétiquement, fermée.

« Le sel blanc des Vosges (sel gemme) est préférable au sel marin ; ce dernier contient assez souvent quelques débris marins qui communiquent à l’œuf un mauvais goût.

« Le 1er août 1849, nous avons ouvert par le fond une caisse remplie de six cents œufs récoltés pendant les mois de septembre, novembre et décembre 1848, c’est-à-dire après onze mois de conservation ; nous les avons trouvés bien conservés et de bon goût, et, quoique n’ayant pas le fumet aussi prononcé que les œufs frais, on pourrait les employer à tous les usages domestiques. L’évaporation des liquides était à peine sensible à la chambre de l’œuf ; mais le blanc albumineux avait une apparence un peu plus liquide qu’à l’état frais.

« Au prix actuel du sel, la dépense qu’a entraînée la conservation de ces six cents œufs s’est élevée à 4 fr. 50 c ; mais cette dépense devient insignifiante, si l’on considère qu’après ce laps de temps les œufs n’ont pas absorbé un kilogramme de sel. Ce dernier peut donc être employé à la conservation successive de plusieurs caisses.

« Le blanc albumineux de l’œuf ainsi conservé est légèrement salé. »




  1. L’incubation avance l'époque de la putréfaction même des œufs inféconds, mais non parce qu’ils sont inféconds, comme on pourrait l’entendre de ce passage ; car c’est, au contraire, à cette condition que les œufs, en tous cas, se conservent plus longuement. Il m’est arrivé fréquemment que tous les œufs clairs, réunis quelquefois au nombre de vingt à la fin d’une demi-douzaine de couvées mises ensemble, étaient, après avoir été mirés, donnés à des personnes non prévenues qui les consommaient sans s’apercevoir le moins du monde qu’ils avaient passé vingt-quatre ou vingt-cinq jours sous des poules.
    II est probable que des personnes d’un goût délicat se seraient aperçues que ces œufs n’étaient pas d’une grande finesse ; mais il est certain qu’ils étaient mangeables et que des œufs fécondés n’auraient pu l’être après l’épreuve de l’incubation.