Aller au contenu

Le Survenant/15

La bibliothèque libre.
Éditions Beauchemin (p. 186-216).

— 15 —


Du véritable printemps bref et chaud, l’on passa presque sans transition à l’été. Maintenant, quand Phonsine, à son réveil, traversait de la grand-maison au fournil, elle trouvait le chat couché dans un large carreau de lumière qu’un soleil franc découpait sur le plancher. Depuis plusieurs semaines déjà les portes des granges avant le jour s’ouvraient avec fracas et, au moindre mouvement des hommes ou des bêtes, les faux, les râteaux, tous les outils cliquetaient contre les murs.

Un midi la cigale chanta. Venant, allongé sur l’herbe, l’entendit le premier. Il dit :

— Écoutez-moi donc la cigale chanter !

Mais Amable dormait comme un bienheureux.

Phonsine, un plat lourd au bout de ses bras, allait jeter l’eau grasse sur les plants de tomates. Elle pausa en chemin. Accablée, les cheveux collés au front, elle resta sans bouger, pareille à une statue de bois, à penser :

— C’est signe de chaleur. On cuit déjà comme dans un four. Quoi c’est qu’on va ben devenir ?

Après un léger somme, Venant bondit sur ses jambes. C’était dimanche. Il irait achever l’après-midi auprès d’Angélina. Il se rendit à la pompe. D’un unique et vigoureux coup de bras, il emplit le baquet et le renversa sur sa tête penchée. À l’aide de quatre doigts il peigna sa chevelure. Sa toilette ainsi faite, il se mit en route.

Vêtue de sa bonne robe d’alpaca gris garnie de padou noir sur laquelle elle avait épinglé, par suprême coquetterie, un bout de dentelle en jabot, Angélina, le visage reluisant de propreté, se berçait dans la balançoire, son missel à la main. Mais elle ne lisait point. Car d’aussi loin qu’elle vit Venant s’engager dans le chemin, vivement elle s’empressa de lui faire une place à ses côtés. Puis elle lissa ses cheveux et se pinça les joues.

Au lieu de s’asseoir près d’Angélina, Venant entra dans la maison. Une fraîcheur saisissante y régnait. Comme s’il en eût été le maître, d’une main ferme il fit claquer les contrevents et il s’installa à l’harmonium.

Par la fenêtre la musique parvint, adoucie, jusqu’à Angélina. Tout en dodelinant la tête, tout en se berçant, elle laissa son regard errer sur les alentours. Des champs lointains une odeur de miel arrivait jusqu’à elle. Que se passait-il dans le monde ? Jamais elle n’avait vu le chenal charrier pareille eau de pure émeraude. Ni les liards autour de la maison déplier aussi délicatement la soie de leurs feuilles luisantes, jamais les longues terres n’avaient bleui ainsi jusqu’à la ligne sombre du bois, sous la levée de la jeune avoine. Ni le soleil poudré autant d’or sur la plaine. Jamais, au grand jamais…

— T’es ben jongleuse, Angélina. As-tu perdu un pain de ta fournée ?

Surprise, Angélina rougit. Lisabel Provençal et Bernadette Salvail — celle-ci empesée dans sa robe à falbalas de mousseline blanche et son ceinturon de moire flamme, laissant voir à dessein la tige de ses bottines boutonnées — étaient près d’elle à la reluquer. Un doigt sur les lèvres, elle leur fit signe de se taire. Mais inutilement : le Survenant avait reconnu leur voix. Avec impatience il plaqua un accord et se leva :

— Un harmonium, c’est trop lent. Ça répond pas. Parlez-moi d’un piano. Le son part et s’arrête à volonté.

— Chante au moins, Survenant, si tu veux pas nous jouer un air, lui cria Bernadette.

Venant, la chevelure déjà en révolte, encadra un moment dans la croisée sa robuste figure :

— C’est bon. Je vas vous chanter la chanson qu’une actrice chanta à un roi qui l’aimait.

De nouveau l’harmonium souffla péniblement, ronfla, puis la musique se plaignit, presque humaine, avec la voix du Survenant.

Sous l’impulsion des trois femmes inclinées, la balançoire reprit son rythme berceur. Mais Angélina, déroutée par la présence de ses compagnes, ne retrouva pas le fil enchanté de sa rêverie. Peu logique, aveuglée par son sentiment, l’infirme qui trouvait en soi toutes les raisons d’aimer le Survenant n’admettait pas qu’une autre femme eût pour lui l’ombre d’un penchant amoureux. Lisabel, bonne comme du pain blanc, n’avait rien de redoutable, mais que venait chercher ici la belle Bernadette Salvail, écourtichée dans sa robe blanche, avec un ceinturon de soie transparente et des bottines boutonnées haut ? Elle et ses petits manèges…

De la bouche du Survenant le moindre compliment eût eu pour Bernadette Salvail la valeur d’une parole d’Évangile. Mais dépitée de le voir faire si peu de cas d’elle et des frais atours qu’elle avait revêtus uniquement en son honneur, elle prêta à son chant une oreille déçue, tout en se rongeant un ongle, avec acharnement, jusqu’au ras de la peau.

Reviens, veux-tu…

C’est à croire qu’un roi se laisse tutoyer par une actrice et chanter des chansons composées de mots ordinaires, à la portée du plus humble sujet !

Quand on sait comment les rois, habillés de pourpre, d’hermine et chamarrés d’or, des pieds à la tête, passent leur vie, assis sur un trône, le sceptre à la main et, sur la tête, une couronne garnie de toutes les pierreries imaginables… Quand on pense qu’il n’est permis de les approcher qu’après de grandes génuflexions, comme à l’église…

C’est à croire…

Elle chercha le regard de Lisabel, mais Lisabel Provençal, les yeux ronds comme deux globes frottés clair, regardait dans le vide. Elle se balançait, sans penser à rien. Il faisait beau soleil. Son prétendant, du Pot-au-Beurre, irait la voir, le soir même. Comme tous les soirs de bonne veillée, plutôt que d’y manquer, il serait en avance. De l’attente d’un être aimé que l’on tremble à tout instant de perdre et qu’il faut reconquérir à chaque nouvelle rencontre, elle ne connaîtrait jamais ni les ravissements, ni les angoisses : la ponctualité de son prétendant lui garantissait une sécurité étoffée. Au bout de six mois francs de fréquentation, il lui demanderait de bon cœur de l’épouser. De bon cœur elle l’accepterait. Et leur vie d’époux s’accomplirait sans plus d’émois.

Bernadette grimaça sans gêne. Angélina, voulant l’éloigner à tout prix, inventa un prétexte :

— Le Survenant a parlé de faire un tour de voiture. Ça dégourdira les pattes du Blond en même temps.

Bernadette comprit. Par malice elle pensa à rester. Mais sous le regard sévère de l’infirme, elle se ravisa et partit, emmenant avec elle Lisabel, avant la fin de la chanson.

* * *

Le Blond, fringant, difficile à conduire, détala et la voiture légère fila comme un coup de vent sur le chemin de Sainte-Anne. Au village, après vêpres, quatre hommes, par équipe de deux, en bras de chemise, le canotier sur les yeux, jouaient au croquet. Sur le bord de la bande, une bonne douzaine de villageois de tous les âges suivaient intensément les périodes. Le joueur, un gros homme, perplexe, restait penché, le derrière en l’air. Son pantalon, lustré par l’usure, luisait ainsi en deux ronds au soleil, car l’étoffe, loin d’être neuve, avait déjà subi l’épreuve d’être tournée à l’envers puis retournée à l’endroit. Un jeune s’impatienta :

— Aboutis, Cleophas !

De leurs regards courroucés les partisans de Cleophas firent comprendre à l’effronté de modérer ses transports. N’y allait-il pas de l’honneur de tout un camp ?

— Prends ton temps, Cleophas !

Le maillet en main, celui qu’on nommait Cleophas continua à s’exercer de toutes les manières à frapper la boule, mimant un petit coup à droite, un moyen coup à gauche, un grand coup en plein centre. Son partenaire ne lui ménageait pas les conseils tandis que les adversaires, rongés d’inquiétude, tourmentaient leur moustache. Soudain il se redressa et l’on put voir sa figure, aussi rouge qu’une fressure de porc. Avec l’air d’un désespéré, décidé à tout, il jeta un regard de stratège à l’arceau qu’il s’agissait de franchir. On crut qu’il prenait son élan pour quelque coup décisif, mais non : de ce pas spécial, léger et nonchalant qu’ont certains obèses, il allait simplement mesurer la distance de la position de sa boule à celle de l’adversaire. Un murmure de désappointement parcourut la bande.

Venant ne voulut pas suivre la partie davantage.

— Marche, marche !

Délassé de l’oisiveté de l’écurie, le Blond reprit le petit trot, sa vaste croupe soyeuse, d’un flic flac en cadence, ondulant sans repos.

— La belle vie qu’ils mènent, les gens du village ! observa Angélina. Rester autour de l’église de même, on doit se sentir plus dévotieux, il me semble. Puis les voisins proches à proches… le magasin à la porte… et des amusements à en plus finir, comme tu vois…

Le Survenant persista à se taire. Alors elle lui demanda :

— À quoi c’est que tu jongles ?

Il hésita puis dit, rêveusement :

— Je pensais à ben des choses.

— À quoi encore ?

— Je pense que nulle part j’ai resté aussi longtemps que par icitte. Avant, quand j’avais demeuré un mois à un endroit, c’était en masse. Mais, au Chenal, je sais pas pourquoi… Peut-être parce qu’il y a de l’eau que j’aime à regarder passer, de l’eau qui vient de pays que j’ai déjà vus… de l’eau qui s’en va vers des pays que je verrai, un jour… je sais pas trop…

— Y a rien d’autre qui te retient, par hasard ?

Venant regarda au loin :

— À supposer que je te le dirais, la Noire, serais-tu plus riche après ?

Leurs yeux, ainsi que d’un commun accord, cherchèrent la rivière. On eût dit que le fleuve complice voulait fêter quelque convive rare : entre deux coteaux sablonneux, il dressait une grande nappe d’eau claire que le soleil parait d’énormes gerbes d’or.

* * *

Après avoir traversé au pas la ville de Sorel, le cheval, sous la conduite du Survenant, s’engagea dans le chemin de Saint-Ours. Tout à coup il fit une embardée. Près d’une roulotte abandonnée dans le champ, un couple de bohémiens, vêtus de hardes de couleurs vives, se caressaient, sur le talus, au bord de la route.

Angélina rougit :

— Regarde-moi donc ces campions…

— Quoi ! s’ils s’aiment…

— Raison de plus ! Je comprends pas que…

— Quoi, encore ?

— Qu’il y en ait pour qui l’amour soye… rien que ça.

L’air soudain attristé, le Survenant regarda ailleurs et marmonna :

— Faut jamais mépriser ce qu’on comprend pas. Peut-être qu’avec tout le reste, ce rien-que-ça, il y en a qui peuvent pas l’avoir.

Attristée à son tour de la tristesse inexplicable du Survenant, Angélina se tut. Ils allèrent ainsi, silencieux, côte à côte, si près qu’ils sentaient la chaleur de leurs bras à travers les vêtements, mais éloignés à des lieues par la pensée. Passé la maison du Gouverneur, ils virèrent de bord pour retourner au Chenal. Devant le campement de bohémiens, la jeune gypsy, maintenant seule, sourit au Survenant. De ses longs yeux pers, de ses dents blanches, de tout son corps félin, elle l’appelait. Sans un mot il mit les guides dans les mains d’Angélina et sauta en bas de la voiture.

Abandonné à sa seule fantaisie, le cheval arracha d’abord un bouquet de feuillage à un arbrisseau puis avança, pas à pas, en rasant l’herbe douce, à la lisière du chemin. Non loin de là une vieille bohémienne trayait une chèvre tout en parlant avec volubilité à une jeune femme occupée à laver un bébé dans une cuve. Nu-pieds, en guenilles, deux gamins pourchassaient autour de la roulotte un chien jaunâtre, marqué de coups. Trois chevaux maigres, si maigres qu’on aurait pu compter leurs côtes — de vraies haridelles — assistaient impassibles à la course. L’œil somnolent, la mâchoire baveuse, ils ne remuaient la queue ou la crinière que pour éloigner les mouches acharnées à leur carcasse.

— Ah ! les campions de maquignons ! pensa avec mépris Angélina. Ils auront besoin d’engraisser ces chevaux-là avant de les passer aux gens du Chenal…

Mais au cœur d’Angélina, le temps ne filait pas vite. Les minutes avaient la durée des heures. Pourquoi le Survenant s’attardait-il ainsi auprès de la gypsy ? Si la première passante peut, d’un regard en coulisse, d’un sourire effronté, d’un déhanchement exercé, retenir un homme, ce rien-que-ça a donc tant de prix à ses yeux ? À quoi sert alors à une fille qui ne l’a pas en partage d’être sage, dévouée, fidèle à son devoir ?

Angélina ne comprenait plus rien. Ce qu’elle avait toujours cru une honte, une servitude, une pauvreté du corps, le Survenant en parlait comme d’une richesse ; une richesse se complétant d’une richesse semblable cachée en un autre être, quoi ? Ses yeux s’ouvraient à la vie. Maintenant, la richesse lui apparaissait partout dans la nature. C’est donc elle la beauté qui épanouit une fleur sur la tige, à côté d’une corolle stérile ? Et encore elle, la joie qui donne à un oiseau son chant, à l’aurore, près d’un oiseau silencieux et caduc, sur la branche ? Est-ce elle la nostalgie qui rend plus farouche la louve solitaire et la retient sur la sente où son compagnon succomba au piège de l’homme ? C’est elle qui, par les nuits trop douces, pousse la bête à clamer en hurlements à la lune la peine et l’inquiétude en ses flancs ? Mais pourquoi les uns en possèdent-ils le don et d’autres l’ignorent-ils ? Source vive, aux lois mystérieuses, dont seul le Créateur a le secret…

Angélina tourna la tête et affecta de se perdre en contemplation devant le Petit Bois de la Comtesse, mais, d’un regard oblique, elle pouvait apercevoir le couple. Penchée au-dessus, la bohémienne examinait la main du Survenant qu’elle tenait près d’elle.

— Flatter la main du Survenant, sa grande main en étoile, faut pas être gênée ! pensa Angélina avec une indignation mêlée de regret.

Mais quelle machine infernale s’avançait à une allure effrénée sur la route, dans un nuage de poussière et un tintamarre effrayant ? Une automobile ! Angélina se précipita sur les guides. Trop tard cependant. Le Blond, rétif, se cabrait, cherchait à sortir des brancards et à tout casser. « Voyons ! le Blond ! » Angélina ne savait plus comment le maîtriser. « Fais pas le fou, le Blond, je t’en prie ! » Allait-il se jeter dans le fossé ou renverser la voiture et partir à la fine épouvante ?

— Le Blond !

Heureusement le Survenant bondit comme par enchantement. Il saisit le cheval à la bride et d’une poigne dure le maintint tranquille : l’étrange véhicule fonçait près d’eux.

Le cœur encore battant d’émoi, Angélina regarda filer l’auto, mais elle n’entrevit que le dos de deux femmes qui lui parurent élégantes, coiffées de bonnettes de soie tussah, laissant flotter au vent de longues écharpes de tulle illusion, bleu marie-louise.

Le Survenant reprit sa place à côté d’Angélina et ils se remirent en route vers Sainte-Anne.

— Tu sais pas la grande nouvelle ? demanda aussitôt Venant, tout excité. Il y a un cirque qui vient à Sorel à la fin de la semaine. Ah ! va falloir que j’y aille à tout prix. Un cirque ! Tu y penses pas ?

Un cirque ! Le Survenant regarde défiler en soi la parade, au son de fanfares claironnantes : des bouffons tristes en pirouettes, les paupières fendues horizontalement d’un trait de khol. Une cavalcade de cow-boys. Un nain malmène le géant. Des écuyères, la taille sanglée dans des oripeaux aux couleurs impossibles, sourient, sur des chevaux qui se cabrent. Grimpée sur un carrosse rose et tout doré qu’on a sûrement dérobé à un conte de fée, la reine de la voltige envoie des baisers. Puis ondule la longue vague grise des éléphants à la queue-leu-leu. Un phoque savant et vertical, dans sa robe luisante, cherche à faire la belle. Les singes à panache et à veston bigarré jouent des tours au lion. Toute la jungle. Et le Far-West. L’Asie. L’Afrique. Le monde. Le vaste monde. Et puis la route…

— C’est-il gratis ? questionna Angélina.

Le Survenant se réveilla : il revenait de loin et ne put réprimer un long éclat de rire. Angélina prononçait : grati. Ah ! la Normande qui pense toujours à ses sous !

Pour la première fois, Angélina ne reconnut pas sur la bouche du Survenant le grand rire clair qu’elle aimait tant et qui résonnait comme la Pélerine de Sainte-Anne, quand le temps est écho. C’en était trop. Le mauvais rire, après l’intrusion de Bernadette Salvail, les paroles de tristesse du Survenant, la familiarité de la bohémienne et le passage de l’automobile, acheva de la bouleverser. Son cœur, alourdi de chagrin, se mit à fondre en pleurs. Vainement elle chercha à refouler puis à dérober ses larmes : elles tremblèrent d’abord par petits grains, au bord des cils, comme la pluie fine, indécise ; puis elles tombèrent par brins drus sur ses lèvres comme la pluie chaude de l’été ; puis par grosses gouttes, sur ses mains, comme l’ondée.

Le Survenant s’étonna de les voir tomber :

— Tu pleures ? Pourquoi que tu pleures, Angélina ? Pas par rapport à moi, hein, la Noire ? Je veux pas que tu verses une seule larme pour moi. Jamais !

De son mieux Angélina ravala son chagrin et, déjà courageuse, répondit :

— Ben non, je pleure pas.

Mais elle étouffait.

— Voyons, la Noire, j’ai arrêté juste le temps de faire dire ma bonne aventure. Faut pas penser que j’ai voulu te causer de la peine. Tu sais, la Noire, dans le fond de mon cœur, je suis pas méchant.

Seulement, il faut toujours aller jusqu’au fond pour le savoir, pensa malgré soi Angélina. Mais trop heureuse de saisir à la volée la première raison de pardonner au Survenant, elle admit, à travers un gros soupir :

— Je le sais ben trop, va !

Puis incapable de résister davantage à sa curiosité, elle questionna d’un ton qu’elle tâcha de rendre indifférent mais qui, à la vérité, se révéla bourré d’anxiété :

— Quoi c’est qu’elle t’a tant dit, la gypsy ?

Le Survenant hésita :

— Elle m’a dit qu’avant longtemps je ferais… une longue route.

— Tu l’as pas cru, au moins ?

Pour toute réponse le Survenant haussa les épaules et fit une moue d’incertitude. Angélina attendit dans l’espoir qu’il rachèterait sa réponse par de meilleures paroles. Mais vainement. Seul le sable grinça sur la route où les roues de la voiture légère s’enfonçaient.

* * *

Trois petites tentes autour de la tente centrale, à peine plus étendue, une baraque délabrée, quelques loups cerviers, un porc-épic, deux ours bruns si apprivoisés qu’ils avaient devant le monde des timidités presque humaines et qu’il semblait bien inutile de les tenir encagés, constituaient le gros de la fête foraine.

Devant un grand oiseau en carton, un petit vieux, ancien bouffon n’ayant conservé, des meilleurs jours, que l’art du boniment, s’égosillait à crier :

— Venez voir le grand pélican blanc qui a trente-six dents dont vingt-quatre à la mâchoire et douze au fondement, de sorte qu’il mâche les aliments en entrant et…

Mais apercevant une fille rougeaude au corsage fourni et dont les hanches gonflaient la jupe de toile blanche, il s’interrompit et, à la grande joie de l’assistance, leva les yeux au ciel, pour échapper un profond soupir :

— Ah ! si j’étais pas marié !

Repris aussitôt par le métier, il continua, sans prendre le temps de souffler :

— Seulement dix cennes pour voir de près le grand pélican blanc qui a trente-six dents dont vingt-quatre…

Le reste se perdit au milieu des rires.

Depuis le dimanche précédent, le Survenant ne parlait que de cirques et d’amusements. Mécontent d’un tel acharnement à faire miroiter, aux yeux des gens du Chenal du Moine, des plaisirs qu’il jugeait superflus, Pierre-Côme Provençal le lui avait reproché :

— T’es donc ben riche, Grand-dieu-des-routes, pour toujours chercher à dépenser de l’argent ?

— Pas le sien, en tout cas, avait remarqué Amable, enchanté de voir Venant pris à partie par le maire.

— Ni le tien non plus, sois en sûr et certain, riposta le Survenant, en faisant sonner de la monnaie dans ses poches. Il sortit même plusieurs trente-sous à la vue de tout le monde. Amable soupçonna Angélina de lui avoir de nouveau avancé de l’argent. Ah ! la folle ! Elle n’en reverrait jamais la couleur !

Comme c’était samedi, jour de marché à Sorel, la plupart des jeunesses du Chenal, Joinville Provençal et Amable Beauchemin parmi eux, avaient réussi à s’esquiver des femmes pour se rendre à la fête. À la fois déçus de ne pas trouver au cirque des amusements semblables à ceux dont on disait le parc Sohmer fourni, et encombrés d’une joie inutile, ils errèrent sans but. La semaine entière, ils s’étaient préparés à une gaieté extraordinaire. Maintenant ne sachant à quoi l’employer, leurs cœurs s’en trouvaient comme endimanchés et à la gêne. Ils se campèrent en face d’une tente et se mirent à fumer leur pipe, en regardant à droite et à gauche, pour filer le temps.

Ce fut le Survenant, à force de s’extasier devant deux lutteurs en brayets, qui réussit à les défiger :

— Aïe ! regarde-moi les donc ! Si on dirait pas deux étalons : un claille et un percheron !

Sur une petite plate-forme, un homme qui devait cumuler les fonctions de gérant, d’arbitre et de bonimenteur, s’adressa à la foule :

— C’est le bon temps, les amis. Essayez vos forces. Entrez. Par ici, messieurs. Vous avez devant vous, Louis l’Étrangleur, le champion de la France, qui arrive d’une tournée en Europe et en Espagne, le champion qui a rencontré le fameux boucher de Toulouse, le lutteur mystère de Dieppe. Il a aussi terrassé le japonais Zatiasma de la Nouvelle Z’Irlande. Il serait capable de battre Cazeaux et Constant-le-Marin ensemble. Une piastre de la minute à qui de vous sera pas couché au bout de cinq minutes de lutte avec le meilleur lutteur non seulement de Montréal et des environs, mais de toute la province de Québec, y compris Sorel.

— Ah ! cré bateau ! c’est quelqu’un ! c’est un homme ! admit un spectateur, en grande admiration.

Mais un autre protesta :

— Pousse pas. Oublie pas que les gars de Sorel ont le bras mortel. T’es dans le pays des taupins.

— Quiens ! Boucher Levert, le seul homme qui a battu Jos Montferrand, était de Sorel ! dit un ancien.

— Beau dommage !

Le lutteur, glabre, jusque là silencieux, le front bas, les sourcils froncés, croisait les bras dans une attitude qui tenait ensemble d’une pose napoléonienne et de la bravoure du jeune taureau prêt à foncer sur le premier obstacle, et qui pouvait aussi signifier : « Qu’il y en ait donc un parmi vous autres pour oser le démentir ! » Mais piqué dans le maigre de son orgueil par les dernières remarques, il se départit de son flegme :

— Il y en a une vingtaine dans le monde à prétendre qu’ils ont battu Montferrand. Mais c’est pas prouvé !

— En tout cas, reprit le vieux, Boucher Levert, c’était un bon homme ! Je l’ai vu se battre contre un Irlandais qui menait l’yâble dans l’élection du petit Baptiste, sur la terre de Moïse Rajotte, un dimanche après-midi. Il en avait fait rien qu’une bouchée. J’étais petit gars, mais je m’en rappelle trop : je l’ai entendu chanter le coq.

— Calvin ! se lamenta un autre avec regret, que c’est de valeur que le bo’homme Soulières soye pas icitte. Lui qui lève sur son dos une quille de tug, une quille en chêne, il lui en ferait un homme fort sur la margoulette !

— Puis Odilon, quoi c’est que vous en faites… commença Joinville.

Mais à la vue du Survenant à ses côtés et au souvenir de la bataille du temps des fêtes il se tut.

— Venez-vous dans la tente ? proposa quelqu’un.

— On y va, décida soudainement Venant.

Les autres l’imitèrent. Il laissa l’homme fort terrasser deux fiers-à-bras complices. Soudain, d’un saut, il franchit le câble qui entourait l’arène, un simple rond de sable, et enleva son mackinaw. Il disparut derrière un rideau vert à frange et revint en brayet. À la vue de la solide musculature du Survenant, le gérant l’avertit :

— Tout est permis, la savate, le chui-chutsou, tous les coups. La direction du cirque est pas responsable des membres cassés, des côtes enfoncées, ni d’aucune conséquence. Vous luttez à vos risques, compris ? Si vous préférez vous retirer, il est encore temps. Compris ?

Peu impressionné le Survenant, dont la taille semblait grandie par le port du brayet, se contenta de vérifier les câbles :

— Compris !

L’athlète forain avait reconquis son impassibilité. Le cou enfoncé, les yeux sans vie, le torse en baril et moulé de la ceinture aux pieds dans un tricot noir, il semblait un buste de plâtre monté sur socle. À ses côtés, le Survenant dont la poitrine et les longues jambes d’une blancheur presque féminine éclataient à travers la toison rousse au-dessus du brayet de velours pourpre, était l’image même de la vie.

— Y avez-vous vu la longueur des gigots ? demanda Beau-Blanc, lui-même bas sur pattes.

Le petit homme qui posait à l’arbitre se frappa les mains : ainsi l’on sut que la rencontre commençait. Après l’accolade classique, les lutteurs échangèrent quelques coups, plus d’exploration que de prise réelle. Les parades alternaient, semblables aux figures rythmées d’un jeu chorégraphique.

Hypnotisés, les spectateurs suivaient la séance — Amable, le premier, partagé entre son antipathie pour le Survenant et une inconsciente solidarité : par le fait que Venant appartenait en quelque sorte à la maison, n’en rejaillirait-il pas, selon l’issue du combat, de l’honneur ou du déshonneur sur les Beauchemin ? — Une sourde impatience leur faisait devancer les mouvements des lutteurs : qu’attendaient-ils pour s’entrechoquer ? Pourquoi le Survenant ne donnait-il pas un croc en jambe à l’autre ?

— Aïe, Survenant, tignasse-le un petit brin dans l’jarret !

Le « Champion de la France » saisit à l’improviste le poignet de Venant. Mais d’un vif tour de bras, celui-ci déjoua le pouce qui cherchait le nerf sensible.

— Fais-tu du « viens donc » ? nargua le Survenant.

Au même instant, le forain, aiguillonné par la dernière remarque, écrasa, de son lourd brodequin, le pied nu du Survenant et lui porta un coup de genou au bas ventre. Plié en deux, et geignant de douleur, Venant s’affala. L’Étrangleur, dont les traits, l’espace d’une lueur, s’éclairèrent du masque du vainqueur, prit son élan pour le terrassement final ; mais, tels des ressorts jumeaux, les jambes de Venant se détendirent pour atteindre l’adversaire en plein corps et l’envoyer rouler près des câbles. Venant se remit debout le premier, bien qu’il parût extrêmement affaibli. Cependant, les applaudissements l’aidèrent à reprendre son aplomb. L’arbitre voulut le disqualifier, mais l’assemblée protesta à toute voix :

— Pas de coups défendus ! C’est toi qui l’as dit ! Ton cochon a commencé avec son coup de genou ! Si la « fight » continue pas, on jette la tente à terre !

Le combat recommença. Plus circonspects, se sentant presque d’égale force, les deux hommes se livrèrent à une lutte purement horizontale, cette fois. Dans une série de savantes culbutes, de mouvements roulants, d’enlacements de bras et de jambes, nul n’aurait pu distinguer les membres des lutteurs si ceux de Venant n’eussent été nus.

— Mais il est ben fort, ce maudit-là ! reconnut l’ancien qui vantait tantôt Boucher Levert.

Au bout de trois minutes, le Survenant tenait bon. Quatre minutes, il luttait toujours. Soudain un cri, moitié d’alarme, moitié d’admiration, partit de l’assistance :

— Surveille ta gauche, Survenant, au nom du ciel !

Debout maintenant les ennemis tentaient mutuellement de s’assommer à coups d’avant-bras. À moitié suffoqué, Venant se dégagea avec peine d’une prise de tête en étranglement. Afin de reprendre haleine, il s’exerça à esquiver l’agresseur par une série de passe-passe instinctives.

— Au combat ! au combat ! pas de jeux ! commanda l’arbitre, espérant que son protégé coucherait ce téméraire paysan qui, non seulement risquait de détruire la réputation du « champion de la France », mais, bien pis, d’accaparer toute la recette de la journée.

Dans cette nouvelle accolade, Venant prévint l’Étrangleur :

— Fais attention, je vas me revenger.

— Revanche-toi.

— Varge dessus !

— Gêne-toi pas !

Les exhortations volaient de partout en même temps que de gros casques lancés en l’air et des tapotements de pieds sur le sol. Cinq minutes. Puis six. Le Survenant restait debout. Un peu ébranlé, mais les épaules toujours loin du matelas, au bout de dix minutes, il demanda l’arrêt du combat. On l’applaudit à s’en déboîter l’épaule, même ceux qui auparavant ne le connaissaient pas de vue : Hourrah pour le Survenant !

Comment c’est que tu le nommes ? demanda l’un d’eux à Joinville Provençal.

— Le Venant à Beauchemin, du Chenal du Moine.

Amable entendit mais ne protesta pas.

L’ancien tenait toujours à son temps :

— Boucher Levert, lui…

Personne ne l’écouta.

Encore étourdi le Survenant saignait du nez et il avait le visage rayé d’écorchures. Mais il se secoua la tête et revint aussitôt à ses sens. L’argent en poche, il sortit de la tente, la tête haute et le verbe insolent :

— J’aurais pu tenir encore une bonne demi-heure, mais je trouvais le motton assez gros pour qu’on puisse tous prendre un bon coup. Arrivez, les gars, à l’hôtel des chars !

— Ah ! cré Survenant ! Y est-il coq, nom d’un nom ! Un vrai boulé, quoi !

* * *

L’argent dépensé, le Survenant dont la soif, loin de s’étancher, s’était avivée à la consommation de quelques coups, tira des plans pour boire davantage :

— Les amis, dit-il fort sérieux, vous avez bu la traite du plus pauvre bougre du Chenal, il va falloir boire maintenant la traite du plus riche.

Les yeux se braquèrent sur Joinville qui rougit tel un enfant pris en faute. Il n’avait plus un sou vaillant en poche. On le vit, la honte au front, supplier l’hôtelier de lui accorder du crédit. Seul le Survenant, en apparence préoccupé uniquement de regarder dans la rue, ne sembla pas s’en apercevoir.

Trônant au comptoir de bar parmi les bouteilles dont le réfléchissement de la glace doublait le nombre, l’hôtelier, avec la dignité d’un roi jaloux de ses faveurs, refusa net, sans cesser de rincer ses petits verres. Pourquoi ferait-il crédit à des habitants du Chenal du Moine, quand il comptait parmi ses clients les gros boss de la compagnie Richelieu et des chantiers maritimes ?

Comme de fait, trois Écossais l’appelèrent à l’autre bout du comptoir :

One gin, dit l’un.

One scotch, ordonna l’autre.

Le troisième hésita, puis se décida à commander :

Same thing !

L’aubergiste, qui ne comprenait pas un traître mot d’anglais, mais trop orgueilleux pour en rien laisser voir, servit les deux premiers. Arrivé au troisième, il poussa plusieurs bouteilles devant lui et dit :

— Choisissez !

On s’étonna d’entendre le Survenant demander tout à coup à Joinville :

— Un gros marché, Provençal ?

— Un gros marché ? ?

C’était la première fois que le jeune Provençal buvait de l’alcool. Ses idées se brouillaient et il n’avait guère la tête à lui. Un gros marché ? Soudain il pensa à l’argent du marché, à l’intérieur de son veston. Quoi ! l’argent que les Provençal mettaient d’ordinaire en commun lui appartenait autant qu’à ses frères ? Éparpillant les billets de banque, il cria, comme un enragé :

— La traite ! la traite pour tout le monde dans l’hôtel !

— Une traite générale, ordonna l’hôtelier toujours avec dignité, mais amadoué à la vue de l’argent.

Quoiqu’il participât à chaque traite générale, l’hôtelier ne s’enivrait jamais. Il s’était ainsi créé une réputation de beau buveur parmi les clients de l’hôtel, lesquels le respectaient d’autant et ne lui engendraient jamais la moindre chicane. Lui-même encourageait la légende de son imperméabilité contre tout effet de l’alcool :

— Plus je bois, moins je suis chaud ! disait-il, tandis qu’il se servait de fortes rasades à même une fiole marquée gin spécial mais qu’il avait la précaution de toujours tenir à part, pour la bonne raison qu’elle ne contenait que de l’eau.

Le Survenant donna une grande claque dans le dos de Joinville :

— T’es sport, Provençal. T’es vraiment sport !

— C’est ça, dit Amable, flatte-le, à c’t’heure que tu lui as fait dépenser l’argent du marché.

— Laisse faire, mon Provençal. Pour te dédommager, je vas t’apprendre à regagner le double. Tes poules, là, si tu veux qu’elles pondent, l’hiver prochain…

Amable intervint :

— Aïe, Survenant ! livre pas tes secrets ! Oublie pas une chose : on te garde, nous autres !

Venant éclata de rire :

— Tu me gardes, toi ? Toi…

Mais il s’arrêta brusquement. Debout contre le mur, d’une voix presque prophétique, il dit rêveusement :

— Ce qu’on donne, Amable, est jamais perdu. Ce qu’on donne à un, un autre nous le remet. Avec une autre sorte de paye. Et souvent au moment où on s’attend à rien. J’ai connu un matelot nègre qui jetait toujours à l’eau la première tranche de pain qu’il recevait sur le bateau. Il disait que, dans un naufrage, c’était grâce à un goéland s’il était pas mort de faim… Cast your bread… Ah ! neveurmagne !

Joinville Provençal pleurait à chaudes larmes, accoudé à une table :

— Maudit, que c’est beau ce que tu racontes là, Survenant ! Parle encore. Recommence ce que tu viens de dire. J’ai pas tout compris. Recommence. Le nègre… le goéland… la tranche de pain… là…

Après quelques tentatives futiles pour ramener Joinville, Amable abandonna les deux hommes à leurs effusions. Et avec les autres, il reprit le chemin du Chenal.

* * *

Dès la première clarté, le lendemain dimanche, Angélina qui n’avait plus sommeil, se leva. Incapable de demeurer oisive, elle prépara la moulée de gru qu’elle transporta au poulailler. Au retour, quoique frissonnante à la fraîcheur de l’aurore, elle resta dans le jardin.

Le ciel achevait de s’affranchir des ombres de la nuit. Seule une mince barre violette persistait autour de la terre. À l’orient, au-dessus de la baie de Saint-François, l’étoile du matin tremblotait encore, mais le soleil allait bientôt paraître.

D’ordinaire Angélina ne s’attardait pas, le matin, à observer autour d’elle. Mais levant la vue elle demeura éblouie devant l’illumination du ciel. C’était comme un déroulement de soieries de toutes les nuances. Tantôt elles se balançaient, ondulaient, molles et fugitives. Tantôt elles éclataient, se déchiraient en lambeaux, puis recommençaient à luire en une succession bien ordonnée de plis rigides, horizontaux.

Mais soudain le soleil abolissant l’opulence des soies, dans son unique beauté apparut à la terre.

En même temps, à la cime du paillis, près d’une grange basse, une crête rouge trembla et le coq, héraut fidèle, de son chant victorieux, annonça le triomphe du jour sur la nuit.

— Que la journée sera belle ! songea Angélina, en avançant vers la route.

Un vent léger comme un souffle passa. Aussitôt les liards tirés du sommeil agitèrent leur feuillage. Les feuilles avaient maintenant atteint leur grandeur, et les arbres la plénitude de leur ombre. La rosée perlait partout sur l’herbe. Indécis, un papillon battait des ailes et voltigeait d’une faverole à un jargeau bleu. À la moindre lisière d’herbe, les boutons d’or, les vesces, les laiterons étalaient pêle-mêle la vivacité de leurs couleurs.

Angélina sursauta. Au milieu d’une touffe de grande oseille elle voyait bouger une large tache rouge. Sur le bord du fossé, près des liserons mauves enroulés aux perches de la clôture, un homme dormait, couché à plat ventre, une bouteille collée à sa joue. Le mackinaw du Survenant ! Impossible d’en douter : elle le reconnaissait aux manches rapiécées et aux reprises qu’elle-même y avait faites. Alors le Survenant avait repris à boire ? Quel malheur ! quelle misère ! Et surtout, que personne ne le sache ! Doucement elle s’approcha de l’homme et, pour le secourir, se pencha vers lui. Mais à peine inclinée elle s’écrasa, comme si une faux en embuscade lui eût tranché les deux jambes. Son cœur bondit tout ensemble d’étonnement et d’indignation : au lieu du Survenant, Joinville Provençal était couché là, inconscient, encore à moitié ivre.

— Joinville Provençal. Ah ! mon Dieu !

Mais sans réfléchir qu’il ne portait pas sans raison le mackinaw du Survenant, elle pensa aussitôt :

— Celui qui l’aura fait boire est grandement coupable !