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Le Voyage d’une Anglaise en France

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Le Voyage d’une Anglaise en France
Revue des Deux Mondes4e période, tome 125 (p. 217-229).
LE
VOYAGE D'UNE ANGLAISE EN FRANCE

Miss Betham-Edwards a publié sous ce titre : La France d’aujourd’hui un ouvrage en deux volumes aussi instructif qu’agréable, que les Français eux-mêmes, désireux de se mieux connaître, ne liront pas sans fruit[1]. Elle a étudié de près notre pays, elle l’a parcouru dans tous les sens. Des bords de la Manche aux Pyrénées, des Vosges à l’océan Atlantique et de la Provence à la Bretagne, il n’est pas une seule de nos provinces où elle n’ait séjourné, et il en est plusieurs qu’elle a visitées plus d’une fois ; après avoir vu, elle a voulu revoir. Elle estime que la vraie curiosité trouve toujours sa récompense, et elle méprise ces voyageurs qui, en errant de lieu en lieu, semblent n’avoir d’autre but que celui de grossir la liste de leurs déceptions et de leurs déconvenues. Tel touriste dont l’attente est toujours trompée, in search of disappointments, ne se doute pas qu’il a apporté l’ennui avec lui dans sa valise ou dans ses yeux, et qu’il le répand sur la face des hommes et des choses. La piqûre, comme on l’a dit, n’est pas dans l’aiguille, et ce n’est pas la faute du monde s’il paraît insipide aux âmes sans saveur, qui cherchent à se fuir et ont le chagrin de se retrouver partout.

Miss Betham a pour nous de cordiales sympathies, et comme tous les vrais amis, si elle ne nous marchande pas l’éloge, elle nous dit dans l’occasion nos vérités. Née dans le comté de Suffolk, pays de houblon et de bétail, initiée de bonne heure à la vie des champs, elle adore les prairies et les bois, et elle a constaté que la France, « ce splendide hexagone », comme elle l’appelle, ayant sept climats différens, est le pays des diversités et des merveilleux contrastes. Elle n’admire pas seulement nos campagnes, elle admire aussi nos villes, grandes et petites, et elle s’indigne contre ceux de ses compatriotes qui, ayant vu Paris, croient connaître la France. Elle rend une éclatante justice à Rouen comme à Lyon, à Lille comme à Caen, à Nîmes et à Montpellier, au délicieux Angers comme au noble Bordeaux et à Marseille, cette porte ouverte sur l’Orient, « ville cosmopolite, brillante et bruyante, en comparaison de laquelle Londres est un couvent de trappistes. » Un Américain lui avait dit que Dijon était un confortable petit endroit pour y passer une nuit, et un autre s’était plaint qu’on n’y trouvait rien à voir. Elle y a vu une foule de choses qui l’ont intéressée ; elle affirme que c’est une des villes les plus charmantes de France, l’une des meilleures à habiter. Elle déclare également que si La Rochelle n’est pas aussi engageante que Dijon, aussi élégante que Nancy, aussi pittoresque que le sombre Le Puy, aussi romantique que Mende ou Saint-Claude, aussi gracieuse qu’Autun, aucune ville n’a parlé si vivement à son imagination : none fascinate us more.

Si elle a du goût pour les cités bien situées, qui possèdent de vieux monumens historiques, elle tient en plus haute estime celles qui ont le souci de s’embellir et qui font beaucoup pour le plaisir et l’instruction de leurs habitans. Après avoir visité la bibliothèque publique de Grenoble, sa galerie de peinture et d’antiquités, ses collections d’histoire naturelle et son jardin botanique : « Je voudrais pouvoir citer, écrivait-elle dans son journal, une ville de la même taille en Angleterre, en Écosse, en Irlande ou dans le pays de Galles qui soit aussi bien dotée à cet égard. » Elle parle avec enchantement de petites bourgades où elle a trouvé de très petits musées, qui un jour deviendront grands. Somme toute, elle se déclare satisfaite de nos édiles provinciaux, tout en leur représentant qu’ils ont encore beaucoup à faire en tout ce qui concerne la salubrité publique, l’hygiène, l’assainissement et le nettoyage des rues. Elle est plus sévère pour nos hôteliers ; elle se plaint que leurs auberges sont aussi bruyantes que peu confortables, que ce qui s’est le moins amélioré en France dans ce siècle, c’est la tenue des hôtels. Mais comme elle est indulgente pour nous, même en nous grondant, et qu’elle saupoudre d’une pincée de sucre les amandes amères, elle ajoute : « C’est probablement l’amabilité nationale qui est cause de cette stagnation. J’ai plus d’une fois voyagé avec des amis français, et je ne les ai jamais entendus se plaindre de rien, si ce n’est d’un dîner immangeable. Les désagrémens, les incommodités qu’anathématise l’Anglais sont regardés par eux comme une chose toute naturelle. Aussi les hôtels qui ne sont fréquentés que par les Français restent stationnaires d’année en année et de génération en génération, tandis que partout où nous allons tout se transforme. » Elle a raison, et nous ne sommes pas assez reconnaissans à nos voisins d’outre-Manche des services qu’ils rendent à notre bien-être ; si nous trouvons en maint endroit de meilleurs lits et des planchers propres, c’est à ces grands purificateurs de gîtes insalubres que nous en sommes redevables.

Dans ses tournées à travers les villes et les campagnes, miss Betham porte partout avec elle des préoccupations humanitaires, et ce qui l’intéresse le plus en France, c’est le Français. Sa façon de voyager ne ressemble guère à celle des touristes. Elle est allée successivement s’établir au cœur de chacune de nos provinces, quelquefois à l’hôtel, plus souvent chez des amis. A peine installée, elle court le pays, visite les villages, les fermes des environs, entre en conversation avec le fermier, lui demande ce qu’il vend, ce qu’il achète, ce qu’il boit, ce qu’il mange, où il couche et comment il élève ses enfans ; elle le prie de lui montrer sa maison, son champ, son jardin, sa grange, ses étables, et comme elle a l’esprit précis, comme elle est économiste dans l’âme, elle exige qu’on lui donne des chiffres, elle veut savoir exactement ce que tel lopin de terre a rapporté l’an dernier, ce qu’il rapportera l’an prochain.

Quand l’Anglais est curieux, il est le plus intrépide des questionneurs. La curiosité de miss Betham n’a été déçue qu’une fois. Elle aurait beaucoup donné pour qu’on l’autorisât à visiter quelques-unes des grandes usines du département du Nord ; mais elle découvrit avec chagrin que de la première à la dernière elles sont aussi inaccessibles à l’étranger que l’intérieur d’un monastère de carmélites ; elle assure que si la reine d’Angleterre a pu forcer l’entrée du couvent de la Grande-Chartreuse, Sa Majesté demanderait en vain à visiter une manufacture de gants de fil à Lille, et que la meilleure méthode à suivre pour confectionner une nappe est tenue aussi secrète que la recette des fameuses tartes au poivre du prince Bedreddin. Elle se berça un jour d’un vain espoir. On lui avait parlé d’une fabrique possédée et dirigée par une femme : « Voilà mon affaire, se dit-elle ; entre femmes on s’entend toujours. » La maîtresse de cette mystérieuse maison la reçut fort poliment, lui tendit une petite main blanche chargée de bagues ; mais dès que la plus curieuse des Anglaises lui eut exposé sa requête, elle changea de visage et s’écria avec un accent tragique : « Jamais, madame ! jamais ! »

Miss Betham n’a pas essuyé de si cruelles mésaventures dans les fermes et dans les chaumières. On lui a tout montré, tout expliqué. Comme un de ses compatriotes, M. Barham Zincke, qui a publié de remarquables études sur l’Auvergne, elle a constaté que le paysan en sarrau bleu éprouve quelque plaisir à exprimer sa pensée dans un français correct et lucide, et elle en a conclu que le don de la parole et de la conversation est beaucoup plus commun en France qu’en Angleterre.

Elle a toujours été satisfaite de ses causeries avec les cultivateurs, et ce qu’elle en rapporte n’est pas la partie la moins intéressante de ses deux attrayans volumes. Il est une question pourtant qu’elle ne s’est jamais permis de poser à l’homme en blouse bleue ; elle n’a pas osé lui demander pour qui il voterait aux élections prochaines : elle savait qu’il ne le dit à personne, pas même à sa femme. Sur tout autre sujet, il s’est fait un plaisir de la contenter. Il en est des paysans comme des chats, lesquels devinent à première vue qui les aime ou ne les aime pas ; ils s’étaient bientôt avisés que miss Betham les aime beaucoup. « De toutes les classes et des deux sexes, j’ai toujours reçu un accueil bienveillant et même affectueux. Envers le paysan surtout j’ai contracté une dette de gratitude ; son hospitalité, ses renseignemens, son temps ont toujours été mis libéralement à mon service ; le plus pauvre aussi bien que le plus riche ont rivalisé de courtoisie à l’égard de l’étrangère. »

Dis-moi ce que tu aimes et ce que tu n’aimes pas, et je te dirai qui tu es. Il est facile de dire à miss Betham ce qu’elle est, car elle a des haines et des affections intenses, et elle les exprime avec une vivacité toute britannique. Après avoir lu les premières pages de son livre, on sait déjà qu’elle adore les fleurs et qu’elle nous sait gré de les aimer beaucoup. Mais peut-être aime-t-elle encore plus les animaux, et elle a peine à nous pardonner notre dureté pour eux. Les chiens de garde perpétuellement tenus à l’attache, les chevaux et les bœufs à qui le fouet ou l’aiguillon ont fait des plaies, la volaille qu’on envoie au marché dans des cages à claire-voie et qu’on laisse exposée durant des heures à un soleil ardent, lui arrachent des cris de pitié et d’indignation. Si les Normands lui déplaisent, c’est qu’ils maltraitent les êtres à qui le ciel a refusé la parole et rainer plaisir de dire son fait à leur bourreau.

Quelque sympathie qu’elle ait pour le pays ouest né le grand homme qui a fait de l’Angleterre une nation, quelque admiration que lui inspirent les laiteries du Cotentin et ses herbages sillonnés d’eaux courantes, elle y a vu des choses qui l’ont navrée : « Ces hommes, dit-elle, sont une belle race, de visage agréable, solidement bâtie, digne de figurer parmi les barons du Conquérant. S’ils étaient plus tendres pour les animaux, ils auraient gagné notre cœur. Dans le pays de Caux, le chien est regardé simplement comme une machine à aboyer ; dans le Cotentin, les animaux élevés pour le boucher sont traités avec aussi peu d’égards que s’ils étaient des choux ou des pommes de terre. Je suis triste d’avoir à dire des choses si dures aux dignes fermiers normands, mais je ne dis rien de trop. »

Elle a moins de reproches à adresser aux Angevins, race douce et gracieuse, gentle and amiable : elle leur en veut pourtant de plumer deux fois par an les oies vivantes. Elle donne un bon point aux Dauphinois et aux Savoyards, parce qu’ils ont l’air d’aimer leur bétail. En revanche, elle a rencontré dans les Alpes-Maritimes des chevaux dont les écorchures saignaient et criaient vengeance, et elle s’est dit qu’en Angleterre le brutal qui les conduisait aurait été passible de huit jours d’emprisonnement. Elle s’écrie à chaque instant : « Que devient la loi Grammont ? » Quiconque ménage et caresse les chiens et les chevaux est sûr de se mettre bien avec elle. Les cochers qui laissent dormir leur fouet deviennent bien vite ses amis, et elle s’est senti de la tendresse pour une Niçoise avec qui elle eut un éloquent entretien sur ses vieux amis les porcs, qu’elle a longtemps pratiqués. Comme elle, cette Niçoise affirmait qu’on les calomnie odieusement, qu’on les accuse à tort de se plaire dans la fange, que rien ne leur est plus agréable qu’une bonne litière de paille propre, que ces épicuriens raffinés, ces découvreurs de truffes, nous en veulent de les traiter en cyniques.

Miss Betham pense avec raison que la dureté pour les animaux est un reste d’antique barbarie, l’héritage d’un temps où l’on n’avait pas encore appris à les considérer comme des ancêtres ou comme des parens pauvres. Un de ses griefs contre l’ancien régime est qu’avant la Révolution ils étaient encore plus malheureux qu’aujourd’hui, témoin ce mémorable troupeau de deux mille moutons anglais importés par un propriétaire français, qui les laissa mourir d’inanition. « Quand les hommes, les femmes et les enfans, dit-elle, en étaient réduits à se nourrir d’herbes et de racines sauvages, de quoi se nourrissaient leurs moutons et leurs vaches ? » Hélas ! la plus grande marque d’estime et d’amitié que nous pussions donner aux moutons, aux bœufs et aux porcs serait de ne pas les tuer pour les manger. Mais miss Betham n’est pas née sur les bords du Gange, elle fait grâce aux bouchers comme aux chasseurs : un brahmane taxerait sa miséricorde de cruauté mal déguisée.

Aimant passionnément les bêtes, on comprend qu’elle doit avoir une préférence marquée pour les hommes qui leur ressemblent, pour ceux qui sont restés plus près de la nature, qui vivent dans le commerce des champs et des bois et qui ont un peu de leur mystère, pour ceux que l’instinct gouverne, et en qui tout est naturel, même les artifices et les ruses. Ce qu’elle met au-dessus de tout, c’est le cultivateur français, l’homme de la terre, le dur travailleur, toiler and moiler, celui qui mène une vie rude et qui l’assaisonne d’un peu de gaîté gauloise. Elle a moins de goût pour une partie de notre bourgeoisie de province. Elle y a trouvé cependant d’excellens amis, et elle a souvent usé de leur gracieuse hospitalité ; mais si cordial que fût leur accueil, il y avait un tel abîme entre leurs opinions et les siennes que, pour la première fois depuis son arrivée en France, elle se sentait, nous dit-elle, dans un monde étranger. C’est surtout en Bourgogne, dans les environs de son cher Dijon, qu’elle a fait cette fâcheuse expérience. Ses amis possédaient des maisons de campagne, où ils passaient chaque année quelques semaines. Ils faisaient tout pour lui être agréables, et elle était sensible à leurs soins ; mais elle n’osait leur parler librement ni des affaires publiques, ni de ses vues sociales, ni de l’évolutionnisme, ni du dernier livre de Renan. Sur quel sujet pouvait-elle espérer de s’entendre avec eux ? Préoccupée d’éviter les querelles, écoutant sans mot dire et n’en pensant pas moins, rongeant son frein et parfois confuse de ses longs silences, il lui semblait que dans cette demeure hospitalière les heures comptaient double, que jamais pendules n’avaient cheminé d’un pas si paresseux et si traînant.

Ce qui l’étonnait et la chagrinait aussi, c’est que ses amis s’intéressaient peu aux occupations champêtres et n’avaient aucune espèce de relations avec les habitans du village voisin. Les femmes vivaient renfermées dans le cercle domestique ; les petits fermiers qu’elles voyaient de leurs fenêtres travailler dans les champs étaient pour elles des inconnus, dont elles se souciaient peu de faire la connaissance, et s’il leur arrivait d’en parler, c’était sur un ton de dédain et d’antipathie. Quant aux hommes, ils aimaient si peu la campagne qu’ils prenaient continuellement le train pour aller passer des demi-journées à la ville, et ces avocats, ces riches notaires n’avaient jamais un mot à dire aux petits cultivateurs ou aux ouvriers qu’ils rencontraient sur le chemin de la gare. Miss Betham avait peine à comprendre qu’on pût vivre côte à côte sans frayer ensemble ; elle constatait avec surprise combien sont fortes dans certaines parties de la France les séparations de classes, sur quelle réserve elles se tiennent les unes à l’égard des autres. Elle aurait dû se dire que tout a sa rançon, que les privilèges rapprochent quelquefois les hommes, que dans un pays d’égalité civile et de suffrage universel, où il n’y a plus ni patrons ni cliens, chacun se tient sur ses gardes et se cantonne chez soi, les uns par orgueil, les autres par fierté.

« Nous formons un clan, » lui disait-on, et c’était un vrai clan que cet assemblage de grands parens, de parens, d’oncles et de tantes, de cousins, de cousines, vivant sous le même toit ou porte à porte et se suffisant à eux-mêmes. Les étrangers qui viennent s’amuser à Paris ont répandu en Europe la fâcheuse nouvelle que la vie de famille est inconnue en France ; miss Betham incline à croire qu’il y en a trop. Elle a connu un mari et une femme qui chaque année passaient la saison des vacances à la campagne avec leurs enfans ; la mère de la femme et la mère du mari leur tenaient fidèle compagnie ; on ne se querellait point, l’accord était parfait. De tout ce qu’elle a vu en France, c’est ce qui l’a le plus étonnée : « Imaginez, si vous le pouvez, s’écrie-t-elle, deux belles-mères réunies sous un toit anglais ! » Elle en conclut qu’en Angleterre la vie de famille est moins forte, mais plus variée ; que la bourgeoisie de province y a l’esprit plus ouvert aux idées, aux impressions nouvelles, plus de goût pour les nouveaux visages ; qu’elle est plus riche « en sympathies cosmopolites ». — « Le système patriarcal, ajoute miss Betham, a sûrement ses avantages : il pousse à l’économie, il consolide et fortifie les intérêts de famille. Mais ces intérêts deviennent parfois trop absorbans. L’état stagnant de la richesse patriarcale me cause des accès d’irritation, et peu s’en faut que je n’en vienne à prôner la prodigalité insulaire, l’insouciance de l’avenir et la rupture presque brutale de certains liens que respecta notre enfance. »

Elle avait fait sans doute un séjour trop prolongé dans une maison de riche bourgeoisie quand elle visita les Charmettes, et qu’elle trouva tant de plaisir à contempler le jardin de Mme de Warens et à promener ses doigts sur le clavecin de Jean-Jacques : « J’aime, dit-elle, Arthur Young pour le portrait qu’il a tracé de la femme qui fut le bon ou le mauvais génie de Rousseau : « En dépit de ses fragilités, écrivait-il, il y avait dans son caractère quelque chose de délicieusement aimable. Sa belle humeur, sa gaîté constante, sa tendresse, son humanité, ses spéculations agricoles, et par-dessus tout son amour pour Rousseau lui méritent une place parmi nos souvenirs les plus chers, et expliquent les sympathies qu’elle nous inspirera toujours et qui sont plus faciles à éprouver qu’à décrire. » Miss Betham renchérit encore sur Young : elle déclare que cette blonde pécheresse avait l’âme plus généreuse que telle femme qui n’a jamais péché contre les convenances sociales et la morale reçue. Et voilà les propos que tient, dans ses heures d’exaspération, une Anglaise qui a habité trop longtemps une villa bourguignonne, où tout est réglé, où tout est correct, où l’observation des convenances est la vertu suprême, où les intérêts de famille sont tenus pour sacrés, et où deux belles-mères, également jalouses d’assurer l’avenir de leurs petits-enfans, se font bonne mine et n’ont jamais une parole plus haute que l’autre.

Si miss Betham a peu de goût pour les vertus somnolentes et les félicités engourdies, cette chaude protestante éprouve une véritable horreur pour les dévotions superstitieuses, pour les faux miracles, pour les religieuses cloîtrées et pour ce qu’elle appelle « la mariolâtrie ». Elle est persuadée que le splendide hexagone serait un pays sans défauts si le protestantisme y était devenu la religion dominante. Quand les femmes ont des chagrins, il faut toujours qu’elles s’en prennent à quelqu’un : c’est à Mm0 de Maintenon que s’en prend miss Betham, en la rendant responsable de la révocation de l’Édit de Nantes. Elle ne se contente pas de ne point l’aimer, elle la déteste, elle l’abhorre. Cependant, quoiqu’on pense de Mme de Maintenon, on ne saurait l’accuser de mariolâtrie ; elle vivait dans un temps où la dévotion elle-même éprouvait le besoin de se mettre en règle avec la raison. Et puis fut-elle réellement aussi perverse et aussi puissante que miss Betham se plaît à le croire ? Cette Anglaise très humaine et très vindicative aurait dû consulter à ce sujet Voltaire, qui a dit souvent le mot qui reste et rendu des arrêts définitifs. Il lui aurait appris que cette femme odieuse ménageait son crédit en ne l’employant qu’avec une circonspection extrême, qu’elle était beaucoup moins occupée de gouverner que de complaire à celui qui gouvernait, « que du même fond de caractère dont elle était incapable de rendre service, elle l’était aussi de nuire. » Au surplus, ce qui devrait la désarmer, c’est que jamais ambitieuse n’eut plus à se louer de la fortune et n’eut le bonheur si triste : « — Je n’y puis plus tenir, je voudrais être morte ! » On sait quelle fut la réponse : « — Vous avez donc parole d’épouser Dieu le père ? »

Pourquoi miss Betham a-t-elle conçu pour Mme de Maintenon une si implacable aversion ? C’est qu’elle a cru reconnaître dans Françoise d’Aubigné le type par excellence d’une classe de Françaises qu’elle croit très nombreuse, de celles qui mettent l’intrigue au service de la dévotion et qui ont la fureur de convertir les gens. Elle les appelle bien à tort des Françaises ultramontaines ; elle devrait savoir que désormais c’est le libéralisme catholique qui passe les monts pour aller chercher à Rome ses mots d’ordre. Quoi qu’il en soit, les dévotes agressives lui agréent peu, et elle les accuse de rendre la vie insupportable à leur mari et à leurs enfans.

À la vérité, elle n’a rien vu de pareil dans ces calmes maisons bourguignonnes où on la recevait si bien, et où les pendules étaient si lentes à sonner l’heure. Là hommes et femmes, y compris les deux belles-mères, tout le monde s’entendait en matière d’éducation, tout le monde s’accordait « à maudire les atrocités de M. Grévy et de son gouvernement. » Mais miss Betham a connu d’autres maisons où l’on jetait loin de s’entendre, où l’homme ne croyait pas, et où la femme, qui croyait, prétendait l’obliger à croire. Ces catholiques militantes, « qui enferment leur épée dans un fourreau de velours », exercent à l’entendre une souveraine autorité sur tout ce qui les entoure. Elles sont d’autant plus redoutables que, très ignorantes, « de vraies enfans par l’intelligence », elles possèdent en abondance les vertus domestiques et toutes les grâces de leur sexe. D’ailleurs elles ont à leur disposition un autre genre d’influence, tout à fait indépendant des charmes personnels. « Souvenons-nous, dit miss Betham, que la femme, la mère française est dans toutes les classes, même dans les plus pauvres, un capitaliste, dont la fortune égale ou surpasse celle de son mari ; que partant il est obligé de compter avec elle comme le chef d’une maison de commerce avec son associé, et qu’il la laisse absolument libre d’élever leurs enfans comme il lui plait. » Résiste-t-il, la discorde éclate dans les familles, elles sont en proie à la guerre ci vile des consciences.

Ici miss Betham, plus mesurée à l’ordinaire dans ses jugemens, exagère comme à plaisir. Elle oublie que dans un autre endroit de son livre elle a vanté la souplesse d’esprit et de caractère du Français. Cette souplesse l’aide à se préserver des guerres intestines. Dans les trois quarts des cas, l’homme qui ne croit pas se soumet facilement à certaines formalités religieuses, comme à des conventions mondaines, qui ont leur raison d’être et se justifient par le long usage. Du moment qu’il concède le principal et que les formes sont observées, la femme en reconnaît le droit de penser tout ce qu’il veut. La convertisseuse tragique, qui veut contraindre les gens à croire, est une exception en France, et ce qui est encore plus rare, c’est le mari sceptique cherchant à propager ses doutes, dont il se fait une religion. Aucun peuple, en matière de croyances, ne s’accommode aussi bien que nous des cotes mal taillées et des traités boiteux. Il ne faut pas s’en plaindre ; la logique est une belle chose, mais les inconséquences qui garantissent la paix ont leur prix.

Malgré ses réserves, miss Betham nous veut beaucoup de bien parce que nous avons donné dans ces derniers temps des preuves de puissante vitalité, et montré comment un peuple qui a essuyé de grands désastres doit s’y prendre pour rétablir sa fortune et se remettre en honneur parmi les nations. Elle n’hésite pas à déclarer que dans ces vingt dernières années il s’est opéré chez nous des progrès immenses. Quelques-unes de nos villes qu’elle avait traversées jadis lui ont semblé méconnaissables. Feu lord Lytton lui écrivait en 1890 qu’il venait de visiter pour la première fois Rouen, que c’était une des villes les plus pittoresques et les plus intéressantes qu’il eût jamais vues, « que sa population très prospère s’occupait aujourd’hui à faire des cotonnades avec autant de succès que ses ancêtres fabriquaient des cathédrales. » — « Qu’aurait dit lord Lytton, s’écrie-t-elle, si comme moi il avait visité Rouen il y a vingt-cinq ans ! » C’est surtout dans les campagnes qu’elle a trouvé de prodigieux changemens et que des lieux déjà vus lui ont paru tout nouveaux. Que de friches défrichées ! que de landes converties en champs et en vignobles ! Les sables d’Aigues-Mortes, subitement couverts de ceps et de pampres, lui ont fait l’effet d’un rêve. En parcourant les provinces les plus arriérées, telles que la Bretagne, la Vendée, la Savoie, certaines parties de la France centrale, elle a cru voir Cendrillon à qui l’envie était venue d’aller au bal et qui s’était fait habiller par sa marraine. « En vingt ans, lui disait un propriétaire savoyard, nous avons vécu un siècle. » Elle estime que nos malheurs nous ont profité et que, depuis 1871, nous n’avons pas perdu notre temps.

Si favorable qu’elle soit au régime actuel de la France, et quoiqu’elle sache à la République un gré infini d’avoir multiplié les écoles et de s’être occupée avec tant de sollicitude de l’enseignement primaire, elle ne lui attribue pas le don des miracles. « Ces progrès gigantesques, dit-elle, s’expliquent par des causes normales, telles que l’adoption de méthodes améliorées pour la culture des champs et l’élève du bétail et que les facilités de communication toujours croissantes. » Elle signale aussi un fait économique particulier à la France, à savoir « la localisation de nombreuses industries, stimulant l’esprit d’entreprise et la circulation du capital. » Dans beaucoup d’endroits, le travail de la ferme est associé à quelque branche de commerce, et quand une terre avare ne récompense pas de ses peines l’homme qui la cultive, il se souvient qu’il a des doigts de fée et qu’il ne tient qu’à lui de se faire fabricant : « Peu de villes, peu de villages qui n’aient leur poule aux œufs d’or. » Personne n’est à son avis plus ingénieux que nos paysans à se procurer des ressources subsidiaires et à boucher les trous de leur budget. « Le Protée de la fable, dit-elle, n’était pas plus prompt à se transformer ; aujourd’hui agriculteur, demain ouvrier, en telle saison il manie adroitement la serpette, en telle autre le tour du tourneur. Pas un de ces paysans dignes de Millet, lourds d’aspect, en blouse et en sabots, qui ne soit passé maître en une douzaine de métiers… De quelque côté que l’on se tourne, dit-elle encore, on a la preuve d’une patience et d’un esprit d’entreprise inimaginables. Des portions de lande communale sont de temps à autre concédées à des paysans, à la condition de les mettre en culture. D’énormes blocs de rochers ont été démolis, et parmi leurs décombres mis en tas, j’ai vu fleurir des miniatures de potagers, de champs et de vergers. Le paysan français n’est pas seulement un Protée : il y a en lui du Paracelse, il transmue en or les matières les plus ingrates. » Young disait déjà en son temps : « Laissez-le faire, il changera les déserts en jardins. »

Grands et petits fermiers, métayers, ouvriers de campagne, tous les cultivateurs du sol français intéressent miss Betham ; mais ses favoris sont les paysans propriétaires, qui ont un champ ou un morceau de vignes, un potager, une maison, que souvent ils ont bâtie de leurs mains, et qui peuvent dire comme un des fous de Shakespeare : « C’est peu de chose, mais c’est à moi : ‘Tis a poor thing, but ‘tis my own. » Ils ont été le principal objet de son enquête, et rien ne l’a plus frappée que le changement qui s’est opéré depuis peu dans leurs habitudes, leurs procédés de culture, leur mobilier, leur régime, leurs récoltes, et plus encore dans leurs sentimens, dans l’idée qu’ils ont d’eux-mêmes et de la place qu’ils occupent dans la société.

Miss Betham a trop étudié l’histoire pour s’imaginer que c’est la Révolution française qui a créé la classe des paysans possesseurs d’un champ et d’une maison. Elle sait que pendant tout le XVIIIe siècle, les paysans avaient acquis de la terre, qu’ils employaient à cela leurs très modestes épargnes, que le nombre des petites propriétés rurales allait toujours croissant, qu’au témoignage d’Arthur Young elles formaient peut-être le tiers du royaume. La Révolution n’a été, dans la vérité des choses, qu’une évolution naturelle, précipitée par des catastrophes ; n’y a-t-il pas des orages qui hâtent la fécondation des germes ? Dans tous les temps, le Français fut de tous les peuples celui qui aimait le plus passionnément la terre, et l’amour n’est pas de l’amour quand il ne remplit pas la vie et le cœur. On ne peut s’occuper d’autre chose, c’est l’obsession d’un esprit malin, une fièvre, une folie. Ce n’est pas, à ce que je pense, pour en jouir que le paysan français aime tant la terre ; en règle générale, il n’est pas plus épicurien que mystique. Mais quoiqu’il n’ait jamais entendu prononcer le nom de Hegel, il a découvert, comme ce grand philosophe, que la propriété est le signe visible de la personne humaine, qu’il ne nous suffit pas d’exister, que nous avons besoin de démontrer notre existence aux autres et à nous-mêmes, et que qui n’a rien n’est rien.

C’est de cette passion de la terre que dérivent et ses vertus et ses défauts. Comme tous les grands amoureux, il a l’esprit d’industrie et de ruse, l’âpreté du désir et du labeur, la ténacité dans l’effort, les longues patiences et les espérances indomptables. Toujours préoccupé d’amasser, il pousse jusqu’à l’héroïsme, jusqu’au miracle, l’insensibilité aux privations et le génie de l’épargne. Fataliste de sa nature comme une fourmi ou comme un soleil, rien ne le détourne de son chemin, rien ne lui fait oublier son idée. Dur à lui-même, il est dur aux autres et aux bêtes. La passion qui le possède lui enseigne le mépris des petites vanités ; fût-il en train de faire fortune, il se soucie peu de faire figure, et au grand étonnement de miss Betham, ses filles, qui tiennent de lui, continueront de travailler dans les vignes ou à la laiterie après avoir conquis leur certificat d’études, ou passé quelques années dans un pensionnat bourgeois. Sacrifiant le présent à l’avenir et attentif à prévoir les accidens fâcheux, il supportera le malheur mieux que ces fermiers anglais « qui avaient voulu singer les squires et vivre comme des capitalistes. » Il n’attache aucune importance au confort ; que sa chambre à coucher soit un sombre taudis, que sa cuisine soit enfumée, que les ordures s’amassent devant sa porte, que son fumier encombre sa cour, et que ses eaux de ménage y fassent des cloaques, il ne lui en chaut. Malgré tous les progrès accomplis, on retrouvera chez lui des traces de ce mélange de richesse et de sordidité, que miss Betham signale comme un des traits caractéristiques de la vie rurale en France, et son logis ne sera pas tenu comme celui d’un laboureur du Sussex. En revanche, quand elle lui aura appris que ces laboureurs étrangers travaillent la terre d’autrui, qu’ils habitent une maison d’où on peut à toute heure les expulser, qu’ils n’ont rien qui leur appartienne, aucune ressource assurée pour leurs vieux jours, il éprouvera pour eux une profonde et dédaigneuse pitié. Que sont toutes les jouissances du confort ? L’homme heureux est celui qui a l’orgueilleux plaisir de posséder ce qu’il aime, et de contempler son moi dans le champ gras ou maigre qu’il cultive, et qui est à lui !

Un journal de Londres publiait naguère de remarquables études sur la vie dans les villages anglais : « Vous n’avez aucune idée, écrivait l’auteur de ces études, de l’état de servage où sont réduits les cultivateurs dans quelques-unes des grandes terres où ils ont trouvé à s’établir. Le squire possède la chaumière, il peut à son gré concéder ou retirer les lots de terrain. Sa femme et ses filles donnent du charbon, prêtent des draps, visitent les malades ; le ministre de la paroisse est chargé de ce qui concerne l’enseignement et la religion. Ces pauvres gens, incapables d’aucune résistance, se prêtent à leur destinée, qui est de faire tranquillement tout ce qu’on leur dit de faire, de prendre ce qu’on leur donne et de se montrer reconnaissans. C’est le royaume des bonnes intentions et de la bienfaisance ; mais pour y être heureux, il faut renoncer à toute virilité d’âme et à la dignité d’un citoyen. » C’est en sacrifiant leurs aises à leur passion pour la terre que les paysans français ont conquis la dignité de citoyen, et qu’ils sont devenus une classe politique, dont l’influence n’a cessé de s’accroître. Comme le dit miss Betham, ils ont déjà fait deux grandes choses : par leurs épargnes et leur travail ils ont réparé des malheurs qui semblaient irréparables, et par leur sagesse d’électeurs, ils ont préservé leur pays d’inutiles et sanglantes révolutions.

Elle n’a qu’un reproche à faire à ces paysans qu’elle admire, elle se plaint qu’ils manquent d’idéalisme, de poésie, qu’ils ne s’occupent guère de cultiver leur imagination, qu’ils ont oublié leurs vieilles légendes et qu’ils ne lisent pas la Bible. C’est le caractère des peuples catholiques et romans que le livre sacré n’a exercé aucune influence sur leur tour d’esprit comme sur leur littérature. La France n’a produit qu’un grand poète dont la Bible ait façonné l’imagination, il s’appelait Bossuet. Tous les poètes anglais, même les plus mécréans, tels que Byron et Shelley, l’avaient lue dès leur enfance, et on s’en aperçoit. Il est probable qu’elle fournit à tel laboureur du Sussex des mots pour exprimer ses plaintes et ses joies et des images qui se mêlent à tous les événemens de sa vie. Mais il ne faut pas croire que les images ne jouent aucun rôle dans l’existence du paysan français. Comme l’a dit George Sand, qui l’avait beaucoup pratiqué, « il est tout imagination sous son matérialisme apparent. C’est toujours l’imagination païenne, la personnification des choses qui l’entourent ; sa maison, son champ, son arbre, son mur, deviennent pour lui des êtres, des dieux, qui sait ? Il gratte le sol avec une vieille pioche ébréchée. Peut-être que ce vieil outil est un dieu aussi. » La propriété a sa poésie, surtout quand on l’a conquise par son travail, et si de grands poètes ont été des gueux, ils ont tous aspiré à posséder quelque chose. Le rêve de Shakespeare était d’avoir une maison et d’y vivre en bon bourgeois. Il avait juré de satisfaire un jour son ambition, et c’est à cela qu’il employait Ariel et Miranda.

Il y a dans l’esprit de miss Betham des contradictions qui me charment ; une femme qui ne se contredit jamais n’est pas une femme. Utililaire convaincue et romancière de son état, elle glorifie les machines agricoles, et elle pousse un grand soupir en confessant « que l’agriculture perfectionnée est aussi peu romantique que Chicago. » Elle a découvert que les fermiers de la Manche n’exportaient plus le gui en Angleterre, qu’ils faisaient une guerre d’extermination à ce pernicieux parasite ; comme économiste, elle les approuve, et elle ne laisse pas de regretter le gui. Elle a vu dans l’Anjou des châtaigniers magnifiques tomber sous la cognée pour faire place à des champs de pommes de terre ; elle s’en est réjouie, et les larmes lui sont venues aux yeux. Comme elle est naturellement optimiste et qu’elle a du goût pour les utopies, elle cherche à se persuader qu’un temps viendra où tout sera concilié, l’utile et le beau, où tous les intérieurs seront bien tenus et confortables, et où tous les hommes seront poètes. J’ose affirmer qu’elle ne verra jamais ce temps merveilleux.

Dans l’habitude de la vie, elle recourt à un autre genre de consolations, qui me paraissent meilleures et moins chimériques. Quand elle contemplait le ciel bleu de la Provence, elle prenait en pitié le ciel gris de l’Angleterre et ne se souciait pas de le revoir ; mais les moustiques lui ayant procuré quelques nuits d’insomnie, elle s’est dit qu’un ciel gris avait ses avantages. En parcourant les jardins délicieux des villas niçoises, elle se prenait à regretter que dans l’île où elle est née les citronniers et les orangers ne fleurissent pas en pleine terre ; mais ayant demandé à voir l’intérieur d’une de ces villas princières, elle s’est avisée que les chambres des domestiques étaient de vilains trous noirs s’ouvrant sur un corridor sombre, et elle a pensé que dans son île les servantes étaient mieux logées.

Puisqu’elle croit au système des compensations, que ne l’applique-t-elle à l’histoire du genre humain ! Les glorieuses cités antiques, où l’esclave se chargeait de toutes les besognes ingrates, les barons féodaux, qu’animait l’esprit d’aventure, les hommes de la Renaissance, qui vivaient dans un temps où l’art se mêlant aux industries embellissait tout, les maisons, les meubles et les dieux, ont éprouvé des joies que nous ne connaissons plus. C’est une longue histoire que celle des félicités perdues, qui ne se retrouveront jamais ; mais on les remplace, et quelquefois avec avantage. Si par miracle une de ces sociétés mortes, qui firent beaucoup d’heureux, venait à revivre, nous y serions mal à l’aise et à l’étroit, nous y trouverions des institutions et des coutumes qui s’accorderaient mal avec notre façon de comprendre le bonheur et de choquantes inégalités, incompatibles avec l’idée que nous nous faisons de la justice.


G. VALBERT.

  1. France of to-day, a survey comparative and retrospective, by M. Betham-Edwards, author of the Sylvestres, doctor Jacob, etc., 1892 et 1894.