Aller au contenu

Le catholicisme en Corée, son origine et ses progrès/0

La bibliothèque libre.
LE CATHOLICISME EN CORÉE
SON ORIGINE ET SES PROGRÈS

AVANT-PROPOS.

Le Pays et ses habitants.


Avant de résumer l’histoire de l’église de Corée, sa fondation, ses luttes sanglantes, ses progrès, sa situation actuelle, il n’est pas inutile de dire quelques mots de ce curieux pays, jadis surnommé : « Le Royaume Ermite », parce que, hier encore, fermé aux étrangers, et que seul l’héroïsme des missionnaires catholiques, bravant les dangers des édits de proscription, put autrefois réussir à le faire connaître au monde.

Ces notes préliminaires diront surtout ce que fut la Corée avant son entrée dans la civilisation, c’est-à-dire, avant les traités qu’elle finit par conclure avec le Japon et les puissances occidentales, à la fin du XIXème siècle.


SOL ET PRODUCTIONS. — La Corée, d’une superficie de 220 000 kilomètres carrés, est avant tout un pays montagneux. Une grande chaîne, partant des Chau-yan-alin de Mandchourie, se dirige du Nord au Sud, en suivant parfois d’assez près le rivage de l’Est, dont elle épouse les contours. Les contreforts de cette chaîne, en se ramifiant à leur tour, couvrent le pays presque tout entier. On signale bien quelques plaines en quelques régions de l’Ouest, mais n’entendez pas par là une surface unie et très étendue, c’est plutôt un endroit où les montagnes sont moins hautes et plus espacées qu’ailleurs.


La campagne Coréenne

Les forêts furent jadis très nombreuses : les bois de construction y abondaient, les pins et sapins surtout. Mais le déboisement s’est fait de telle façon dans ces 40 dernières années, qu’il n’en reste pour ainsi dire plus. Le sol de Corée recèle des mines abondantes d’or, d’argent, de cuivre, de graphite. Le minerai de fer y est commun, et il y a actuellement plusieurs mines de charbon en exploitation qui sont très prospères. Bien que sa latitude moyenne soit celle de l’Espagne, de l’Algérie et de la région centrale des États-Unis d’Amérique, le climat de Corée, l’hiver, est plus rigoureux qu’en ces régions, et l’été y est plus chaud. Au mois de Juillet, survient la saison des pluies, qui s’étend ordinairement au delà de deux mois. C’est pour l’agriculture un grand bienfait. Car le riz formant ici la principale culture du pays, l’eau est de toute nécessité pour la bonne venue de cette précieuse céréale. Outre le riz, on cultive en Corée l’orge, le millet, le sorgho, le maïs, le sarrasin, le soja et plusieurs espèces de haricots ; le coton y vient très bien, mais seule l’espèce annuelle, connue sous le nom de Gossipium herbaceum peut réussir. Le tabac s’y cultive en grande quantité. Les fruits indigènes n’ont ordinairement pas grande saveur. Il faut toutefois faire exception pour le kaki, qui est le meilleur des fruits de Corée. La vigne existe à l’état sauvage dans les montagnes, et avec des tâtonnements et des soins, les espèces européennes finiront par s’implanter ici. Il y a en Corée un grand nombre de plantes médicinales, parmi lesquelles il faut citer surtout le « ginseng », dont la racine est très appréciée. L’espèce coréenne est très demandée en Chine. On a réussi à le cultiver depuis longtemps, mais c’est le ginseng sauvage qui est surtout recherché et se vend son poids d’or. C’est un tonique très puissant et qui produit chez les indigènes des effets merveilleux. — Les animaux sauvages sont très nombreux en Corée. Le tigre, la panthère, avec le serpent, font chaque année des victimes. L’ours et le sanglier se trouvent fréquemment dans les montagnes. Les cerfs sont recherchés par les chasseurs coréens pour leur corne, dont on fait des remèdes très vantés. Le chevreuil et le chevrotin porte-musc abondent, ainsi que les faisans, les canards sauvages, les outardes, les grues, l’aigrette, etc. Le mouton est ici inconnu. Il paraît, au dire des botanistes, qu’une certaine herbe, du genre carex, et très abondante ici, serait on ne peut plus funeste pour l’acclimatation des ovins en Corée. En revanche le bœuf règne ici en maître. On s’en sert pour la culture et pour le transport, mais aucune vache laitière : les coréens n’aiment pas le lait de vache. Le cheval est représenté par une petite espèce ; inutile pour les travaux des champs, il ne sert, ainsi que l’âne et le mulet, que comme bête de somme. Étant donné que les routes autrefois n’existaient pas, tout autre moyen de transport eût été pratiquement inutilisable. Les autres animaux domestiques sont le chien et le porc. La chair du chien était un des plats favoris du pays. Enfin il est impossible de parler du règne animal en Corée, sans mentionner les insectes et la vermine de toutes espèces, puces, poux, punaises, cancrelats qui pullulent dans le beau pays du « Matin Calme ».


Le poney coréen


CLIMAT. — Le climat coréen est généralement sain. Dans certaines régions toutefois sévit le paludisme, et diverses fièvres attribuées à la mauvaise qualité de l’eau. Le typhus, le choléra, la dysenterie, la petite vérole exerçaient jadis chaque année de grands ravages. Depuis l’arrivée des japonais, grâce aux mesures d’hygiène introduites partout, ces fléaux sont mieux combattus, et le nombre des victimes est bien moindre.


HABITANTS. — La race coréenne est loin d’être homogène. L’élément mongolique, tongouz principalement, semble se combiner chez les coréens avec des éléments européens, ce qui fait supposer, disent certains auteurs, que les premiers habitants de la péninsule vinrent de l’ouest et de très loin. À ces éléments primaires vinrent se surajouter, tour à tour, 1) l’élément chinois, provenant des colonies chinoises qui, dans la suite des siècles, s’installèrent dans le Nord et les ports de la région ; 2) l’élément malais mêlé d’éléments indonésiens et polynésiens ; 3) l’élément japonais. Aux époques primitives, en effet, la mer mieux que la terre favorisa les migrations, (c’est un fait constaté partout). Aussi de même que le Japon a servi de refuge aux races les plus diverses : navigateurs partis du sud du continent asiatique, ou de l’archipel malais, la Corée péninsulaire vit arriver sur ses côtes à diverses époques des émigrants de races différentes. Ces apports successifs, se surajoutant les uns aux autres, ont créé enfin une population de race mixte, telle qu’elle se présente aujourd’hui à nos yeux : ce qui explique chez les Coréens les types si variables qu’on y rencontre, bien qu’en général le visage dénote un caractère mongolique assez prononcé. Il y a actuellement en Corée un peu plus de 17 millions de coréens (recensement 1923), les japonais n’y figurent que pour 350 000 et les Chinois pour quelques milliers seulement.

D’après les statistiques officielles, la moyenne des naissances en Corée est de près de 28 par 1 000 habitants. — La seule moyenne des naissances catholiques atteint 42 pour mille fidèles (année 1923).


LANGUE. — La langue coréenne diffère considérablement du chinois. Alors que celui-ci est monosyllabique, le coréen au contraire est polysyllabique et fait partie de la très nombreuse classe des langues agglutinantes. Elle voisine d’une part avec la langue japonaise, d’autre part avec les langues ouralo-altaïques (mongol, tongouz, turc, samoyède) et enfin avec les langues dravidiennes de l’Inde (tamoul, malabare), avec lesquelles elle a, paraît-il, de nombreuses analogies. Elle a maintenant à son service, depuis l’année 1443, un alphabet, imité du thibétain (disent certains) et qui se compose de 25 lettres, onze voyelles et quatorze consonnes. Auparavant la seule écriture chinoise était connue en Corée, en sorte que la langue parlée ne s’écrivait pas, et que tout se rédigeait en chinois. Aussi n’est-il pas étonnant qu’elle ait fait, quant aux mots, de larges emprunts à la langue chinoise. Sous ce rapport, le chinois joue en Corée le rôle que joue le latin avec le grec dans la formation des mots scientifiques de nos langues modernes.

La Corée, longtemps vassale de la Chine, a toujours professé pour les lettres une grande vénération. Mais la culture des esprits en Corée n’a jamais eu aucun cachet national, calquée qu’elle était toujours sur les méthodes chinoises. Bien plus, même après l’invention de l’alphabet, les livres d’enseignement et les documents officiels, loin de s’écrire en coréen, continuèrent d’être rédigés en chinois. La littérature en langue coréenne était réservée aux femmes et aux illettrés. Jadis un lettré coréen mettait même son point d’honneur à paraître ignorer l’écriture coréenne. Était-ce parce que, écriture alphabétique et d’une trop grande simplicité de composition, elle ne devait pas tenter le lettré orgueilleux, captivé par la connaissance de l’écriture chinoise, seule hérissée de difficultés innombrables et qu’il regardait comme seule digne de lui ?


CLASSES SOCIALES. — La société coréenne pouvait jadis se diviser en trois classes : la noblesse, le peuple, et les esclaves. À la noblesse étaient réservés ou à peu près tous les emplois et les dignités. Exempts de la conscription, leur domicile était inviolable. Cette aristocratie était si puissante et si orgueilleuse que, malgré ses querelles intestines, elle sut pendant des siècles maintenir ses privilèges et tenir tête tour à tour au peuple, aux mandarins, et au roi lui-même. Le noble coréen se comportait partout en maître et en tyran. Leur nombre avec le temps s’était augmenté d’une façon extraordinaire, et comme tous n’étaient pas employés au service de l’État et qu’il leur répugnait de travailler de leurs mains, beaucoup ne vivaient que d’exactions et de rapines. Aussi on peut dire, sans crainte de trop généraliser, que la noblesse de Corée fut, un certain temps, la grande plaie du pays. Le peuple, lui, n’avait aucune influence politique : il ne savait que courber la tête et subir sans trop murmurer les pires traitements. Les esclaves n’étaient pas très nombreux. Ils vivaient surtout dans les grandes familles et y étaient en général bien traités.


Noble Coréen


FAMILLE. — La vertu dominante dans la famille est le respect des enfants vis-à-vis des parents, du père surtout. La femme coréenne, en particulier chez les nobles et les lettrés, ne jouissait d’aucune considération. Ce n’était pas la compagne de l’homme, mais son esclave. Une fois mariée, sans d’ailleurs qu’on tînt compte de ses goûts et de sa volonté, elle était sévèrement séquestrée. Il faut dire que depuis vingt ans, cette situation s’est quelque peu modifiée.


ROI ET GOUVERNEMENT. — Le roi, en principe, était le maître absolu et sans contrôle de tous ses sujets. Nous avons vu toutefois plus haut que les nobles savaient à l’occasion faire échec à son autorité. On rendait à sa personne des honneurs presque divins. L’effigie du roi n’était jamais frappée sur la monnaie, car sa face sacrée eût pu tomber entre les mains du bas peuple ou rouler à terre, ce qui eût été un manque de respect. Jusqu’en 1894, le royaume de Corée, sous la suzeraineté de la Chine, était organisé sur le modèle de la Chine des Ming, Tout finalement était reporté au Roi qui prenait avis du Grand Conseil d’État, composé de trois grands personnages, l’Admirable Conseiller, le Conseiller de Gauche et le Conseiller de Droite. Sous ce Grand Conseil, il y avait le Conseil Privé, la Cour des Censeurs, la Cour des Remontrances, la Haute Cour de Justice, les six ministères du Cens, des Rites, de la Guerre, de la Justice, des Travaux publics, de l’Intérieur ou des Emplois civils. Le royaume était divisé en huit provinces, comprenant un peu plus de 300 arrondissements. À la tête des provinces et des districts, il y avait des gouverneurs et des préfets ayant en mains les pouvoirs les plus divers. Ils étaient tour à tour, ou à la fois, administrateurs, commandants militaires, juges et percepteurs d’impôts, prêtres officiels pour les sacrifices à offrir à date fixe aux Génies du Royaume et pour les Rites à accomplir envers Confucius.

Chaque année, pour reconnaître la suzeraineté de la Chine, le roi de Corée envoyait à Pékin une ambassade chargée d’aller offrir à l’empereur le tribut de la Corée et recevoir le calendrier officiel, car la fixation du calendrier était un droit impérial, exclusivement réservé à la personne du Fils du Ciel. Ce tribut d’ailleurs était, paraît-il, largement compensé par les présents que le Fils du Ciel faisait au Roi, quand toutefois il était content de lui. Les Annales de Chine rapportent, en effet, que parfois l’Empereur privait son vassal de présents pendant une ou plusieurs années. À la mort d’un membre de la famille royale, un ambassadeur chinois apportait à Séoul les condoléances et les présents de l’Empereur. Enfin, à l’avénement d’un nouveau roi coréen, une ambassade impériale venait de Pékin lui donner l’investiture ; la Chine étant pour la Corée « La Grande Contrée », c’était sous ce nom surtout qu’on la désignait. Mais à part ces marques de vassalité, la Corée était pratiquement indépendante dans la direction de ses affaires intérieures. Trop petite pour avoir jamais raison de ses puissants voisins, elle s’était résignée avant tout à fermer ses portes aux étrangers quels qu’ils fussent, et cela sous les peines les plus sévères.


RELIGION. — Les coréens honorèrent d’abord le Ciel, la Terre, les Corps célestes, les génies de la nature, et jusqu’à ce jour il est resté beaucoup de traces de ce culte primitif dans les croyances de ce peuple. À ces croyances sont venues s’adjoindre, au cours des siècles, quantités de superstitions, de vaines observances, traditions bouddhistes et confucianistes. Avant l’arrivée des Japonais, existaient deux cultes officiellement organisés : le premier, réplique du culte officiel chinois, consistait en offrandes de nourriture et d’encens devant les tablettes de certains esprits du ciel, de la terre, des montagnes, des rivières, esprits protecteurs du royaume, esprits des anciens souverains et des grands hommes. Ces rites étaient observés soit par le Roi lui-même, soit par les ministres, soit enfin par les mandarins délégués à cet effet. Dans chaque famille païenne également se faisaient des offrandes de nourriture et d’encens aux tablettes des ancêtres, mais personne ne prenait jamais part aux rites accomplis dans une autre famille, ou dans le culte officiel. Au culte des esprits, il faut joindre aussi le culte particulier de Confucius, qui, comme en Chine, avait ses cérémonies spéciales. — Le deuxième culte officiellement organisé était le Bouddhisme. Introduite en Corée vers le quatrième siècle, cette religion s’était propagée avec succès par toute la péninsule, pour de là se répandre au Japon avec un succès semblable. Sa puissance ne fit que s’accroître et ne tarda pas au moyen âge à dominer l’État, mais un changement de dynastie amena au XVème siècle le déclin de son autorité. Il fallut l’arrivée des Japonais pour rendre au Bouddhisme les libertés qui lui avaient été retirées par la dernière dynastie coréenne. Actuellement, il jouit des faveurs gouvernementales, et les statistiques nous donnent 40 temples bouddhiques principaux, 1 306 temples secondaires, desservis par 7 600 bonzes ou bonzesses. Les Japonais ne se sont point contentés de relever la religion bouddhique, mais ils ont encore introduit dans la péninsule le Shintoïsme avec toute leur mythologie nationale. Ils travaillent maintenant à le répandre partout et comptent déjà près de 6 000 coréens parmi leurs adeptes.


Bonzes coréens

À côté de ces religions reconnues officiellement par l’État, il y a d’autres groupes religieux, sectes très diverses quant au nom, à la croyance et au but poursuivi. Sociétés plus ou moins secrètes, visant un but plus politique que religieux, mais professant maintenant une certaine doctrine en vue surtout de se mettre en règle avec les lois japonaises, elles se multiplient de plus en plus à travers le pays, se fractionnent, changent de nom et de programme suivant les intrigues de l’heure, ou le caprice du chef. La première de toutes ces sectes, en importance, est celle des Doctrinaires du Ciel, (Htyen-to-kyo) ; fondée il y a plus de 60 ans, elle est un mélange de taoïsme, confucianisme et bouddhisme, avec quelques emprunts au christianisme. Elle se prétend seule religion nationale, et s’attira jadis la haine des lettrés, ennemis jurés de toute nouveauté. Elle se donnait alors le nom de Tong-hak, ou religion de l’Orient, se mettant ainsi en opposition avec le Catholicisme, que le peuple appelait religion de l’Ouest. Son chef, Tchoi-tjyeiou, fut mis à mort comme rebelle en 1864. Avant l’arrivée des japonais et jusqu’à l’annexion, cette secte s’est surtout rendue célèbre par ses révoltes organisées, sa haine du christianisme, ses menées xénophobes. Aujourd’hui encore, le même esprit l’anime, mais assagie par les événements, elle s’est modernisée, et cherche à prendre la direction de la Jeunesse coréenne par ses œuvres d’éducation, de presse, etc. Elle compte à l’heure présente plusieurs centaines de milliers d’adhérents.

De cette secte, à l’occasion de querelles intestines, est issue une société rivale, la Si-htyen-kyo, ou la Garde céleste, qui prétend poursuivre le même but et se réclame de la même doctrine. Elle groupe autour d’elle près de 100 000 adhérents, déjà divisés en deux groupes à tendances diverses. — À noter enfin pour mémoire, la religion de l’Esprit ancestral (Tai-tchyong-kyo) et celle de Tankoun, (Tan-koun-kyo), la seconde issue de la première, voulant toutes deux raviver le culte de Tankoun, l’ancêtre légendaire de la race coréenne ; la religion de la Verte Forêt, (Tchyeng-rim-kyo), la religion du Grand Un, etc. : amalgame de croyances superstitieuses, d’enseignements d’une nature dangereuse, tendant surtout à abuser d’un peuple crédule à l’excès. Tel est l’état du paganisme en Corée. Au contact de toutes ces doctrines, l’âme du peuple coréen s’est formée peu à peu à un éclectisme religieux, et cet apport divers de traditions ou morales de sources différentes a constitué dans l’esprit de la population un curieux mélange, je dirai même une sorte d’indifférence, d’insouciance absolue de la vie future, de scepticisme pratique pour tout ce qui est religion, en un mot d’athéisme. Toutefois, si les coréens sont si peu religieux, ils sont en revanche extrêmement superstitieux, voyant partout le diable, croyant aux jours fastes et néfastes, ayant recours à chaque instant aux magiciens, devins et sorcières de toutes sortes.


UN MOT SUR L’HISTOIRE DU PEUPLE CORÉEN. — À l’origine, d’abord des légendes : le fils de l’esprit créateur s’ennuyant dans le ciel, obtient de son père la permission de descendre sur la terre avec trois mille esprits. Il se fait proclamer roi de l’Univers sous un santal, dans la région actuelle de Hpyengyang. Malheureusement il n’a pas encore figure humaine, et il trouve bien des difficultés à gouverner ainsi un royaume terrestre. Bientôt il est satisfait, car il surprend le colloque d’un tigre et d’un ours qui se demandent comment faire pour devenir homme. Une voix céleste leur apprit par hasard que, s’ils voulaient voir ce désir exaucé, ils devaient se retirer bien loin de la lumière du soleil durant trois fois sept jours. Tous deux se soumirent à l’épreuve, mais seul l’ours put tenir jusqu’au bout et fut métamorphosé en femme. Le premier désir de celle-ci fut d’avoir un fils. C’est alors que le roi de l’univers accourut, porté sur le vent, tourna une fois autour d’elle, alors qu’elle était assise au bord d’un ruisseau, puis enfin répandit sur elle son souffle puissant. Bientôt elle mit au monde un fils qu’elle déposa sur la mousse, à l’ombre justement de ce santal, où le fils de l’esprit créateur s’était fait auparavant proclamer roi de l’univers. Quelques années après, les neuf tribus du pays le trouvèrent sous cet arbre et le prirent pour roi. Ainsi fut fondé le premier royaume de Chosen, le pays du Matin Calme. On était alors, nous dit la légende, en l’année 2333 avant Jésus-Christ. Ce personnage merveilleux aurait vécu plus de mille ans, pour disparaître un beau jour de la terre, sans qu’on sût où il était allé. N’empêche qu’on vénère aujourd’hui son tombeau dans le district de Kang-tong : les récits légendaires ont parfois de ces contradictions. Les successeurs de Tankoun, car c’est le nom qui lui est donné dans l’histoire, (le Seigneur du santal) eurent bientôt à subir une invasion chinoise (1122) et durent laisser la place aux envahisseurs, qui fondèrent le deuxième royaume de Chosen, tandis qu’eux-mêmes allaient fonder dans le nord-est le royaume de Pou-ye, dont les limites auraient été le Soungari en Mandchourie.

En 194 avant J-C., nouvelle invasion chinoise, qui fonda le troisième royaume de Chosen, toujours sur le même territoire, (Corée Nord-est et Mandchourie méridionale.) Ce royaume tomba en l’année 108 sous le protectorat militaire des Han de Chine, mais seulement pour quelques dizaines d’années. En 194 également, est signalée la fondation de trois Confédérations : Mahan, avec ses 54 tribus confédérées dans la Corée sud-ouest, Sinhan avec 12 tribus dans la Corée sud-est, et Pyenhan avec 13 tribus dans la Corée sud. Ces confédérations furent sans doute formées pour lutter avec plus d’avantage contre les envahisseurs. Avec l’année 57 avant J-C. nous entrons, cette fois, dans le domaine de l’histoire proprement dite. C’est l’époque des 3 royaumes de Corée : Kokourye, au nord, formé du troisième royaume de Chosen, qui a secoué le joug des Han et qui, cinq siècles plus tard, en l’an 494 de notre ère, absorba le royaume de Pouye ; Sinra, formé de la confédération des Sinhan, et bientôt de celle de Pyenhan (Corée sud), et enfin Paik-tjyei, formé de la confédération des Mahan. À noter des divisions sans fin entre ces trois royaumes, et des guerres séculaires avec la Chine et le Japon. Au IVème siècle de notre ère, introduction du bouddhisme et de la littérature chinoise dans la péninsule, qui à son tour les transmet au Japon. Au VIIIème siècle apparaît le Confucianisme, qui passe ensuite de là aux Japonais. En 681 commence la période de formation de l’unité nationale, Kokourye et Paik-tjyei sont soumis aux Tang de Chine et à Sinra, royaume qui disparaît ensuite dans une révolte du IXème siècle. En place de Sinra s’élève enfin, en 918, le royaume unique de Korye (d’où le nom européen de Corée, le pays des Monts merveilleux). Korye se mit sous la suzeraineté de la Chine, c’était le seul moyen d’être tranquille et de vivre en paix. Durant plusieurs siècles, on remarque une influence de plus en plus grande de la civilisation chinoise et du bouddhisme. À noter aussi une rivalité croissante entre officiers civils et militaires, la naissance d’une noblesse administrative, et d’une classe de lettrés confucianistes. En 1392, à la suite de la chute de la dynastie mongole en Chine, chassée par les Ming, une conspiration éclate en Corée, détrône la dynastie Korye et fonde un nouveau royaume de Chosen. On assiste alors à une violente réaction contre le Bouddhisme, et au triomphe des Confucianistes. Deux cents ans après, les Japonais envahissent la Corée, et occupent un moment toute la péninsule, puis se retirent pour ne plus garder que le port de Fousan, dans le sud-est. À partir de cette époque, le roi de Corée doit notifier son avénement à l’Empereur du Japon et lui payer tribut. En 1636, avec la dynastie Mandchoue, qui a chassé de Chine les Ming, le vasselage de la Corée devient plus étroit : le roi est tenu d’envoyer chaque année une ambassade à Pékin pour payer une redevance et recevoir le calendrier chinois. Aussi la Corée se fait de plus en plus petite. Pendant les trois derniers siècles, tout peut se résumer en trois choses : d’abord naissance et rivalités de diverses factions politiques, qui se combattent sans merci, intrigues de palais continuelles, puis à partir de la fin du XVIIIème siècle, persécutions sanglantes des catholiques. Nous verrons par après en détail ce qu’il est advenu de la Corée moderne, et comment elle s’est ouverte aux étrangers, pour finir par tomber sous la domination japonaise.

Telle est, décrite à grands traits, la physionomie de ce peuple païen. Avec ces quelques notes, le lecteur comprendra mieux tout ce que l’Église catholique a tenté, depuis un siècle et plus, pour la conversion de cette nation à la vraie foi et combien elle a dû lutter pour y implanter le Royaume du Christ.