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Le parfait secrétaire des grands hommes/Lettre 51

La bibliothèque libre.
Texte établi par Georges GirardLa cité des livres (p. 79-80).
PASCAL


I


À Sa Majesté la Royne Christine.


Ce 22 septembre 1650.


Madame,

Selon moy l’art de penser est la base de l’art d’écrire. Les rhétoriciens qui ne savent pas cela me font pitié. M. Descartes nous a rendu le double service de donner à la pensée de la justesse et de la liberté. Sa méthode est si sûre qu’il luy doit une partie des charmes de son style. M. Descartes a été l’amy de M. de Balzac ; et le philosophe escrivoit, à mon sens, beaucoup mieux que l’homme de lettres. Je ne serois pas embarrassé de prouver, si je le voulois faire, combien l’élégante simplicité de M. Descartes est préférable à l’emphase pénible des lettres de M. de Balzac. J’examinerai cependant en son lieu le mérite de ce dernier. Mais je reviens à M. Descartes.

En écrivant pour les hommes qu’il vouloit éclairer et rendre meilleurs, il cédoit à un besoin impérieux ; mais combien de fois il fut sur le point de s’en repentir. Souvent il résolut de ne rien faire imprimer et il ne céda jamais qu’aux plus pressantes sollicitations de ses amis. Souvent il regretta son loisir qui luy échappoit, disoit-il, pour un vain fantosme de gloire. Je ne veux rien vous dire de plus cejourd’huy, Madame, sur ce grand homme que du reste vous avez sceu apprécier. Je termine donc cette lettre en vous assurant de mon affection.

Je suis, Madame, de Votre Majesté, le très-humble et très-obéissant serviteur,

Pascal.