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Les Évangiles (Renan)/VI. L’Évangile hébreu

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CHAPITRE VI.


L’ÉVANGILE HÉBREU.


Cette exposition de la vie messianique de Jésus, entremêlée de textes des anciens prophètes, toujours les mêmes, et susceptible d’être récitée en une seule séance, arriva de bonne heure à se fixer en des termes presque invariables, au moins pour le sens[1]. Non-seulement le récit se déroulait selon un plan déterminé, mais de plus les mots caractéristiques étaient arrêtés, si bien même que tel mot guidait souvent la pensée et survivait aux modifications du texte. Le cadre de l’Évangile exista ainsi avant l’Évangile, à peu près comme, dans les drames persans de nos jours sur la mort des Alides, la marche de l’action est réglée, tandis que les parties banales sont laissées à l’improvisation de l’acteur. Destiné à la prédication, à l’apologie, à la conversion des juifs, le récit évangélique eut toute son individualité avant d’être écrit. On eût parlé aux disciples galiléens, aux frères du Seigneur, de la nécessité d’avoir des feuillets où ce récit fût revêtu d’une forme consacrée, ils eussent souri. Avons-nous besoin d’un papier pour retrouver nos pensées fondamentales, celles que nous répétons ou appliquons tous les jours ? Les jeunes catéchistes pouvaient recourir pendant quelque temps à de pareils aide-mémoire ; les vieux maîtres n’éprouvaient que du dédain pour ceux qui s’en servaient[2].

Voilà comment il se fait que, jusqu’au milieu du IIe siècle, les paroles de Jésus continuent à être citées de souvenir, avec des variantes considérables[3]. Les textes évangéliques que nous possédons existaient ; mais d’autres textes du même genre existaient à côté d’eux, et d’ailleurs, pour citer les paroles ou les traits symboliques de la vie de Jésus, on ne se croyait nullement obligé de recourir à ces textes écrits. La tradition vivante[4] était le grand réservoir où tous puisaient. De là l’explication de ce fait, en apparence surprenant, que les textes qui sont devenus ensuite la partie la plus importante du christianisme se sont produits obscurément, confusément, et n’ont été entourés d’abord de presque aucune considération[5].

Le même phénomène se retrouve, du reste, dans presque toutes les littératures sacrées. Les Védas ont traversé des siècles sans être écrits ; un homme qui se respectait devait les savoir par cœur. Celui qui avait besoin d’un manuscrit pour réciter ces hymnes antiques faisait un aveu d’ignorance ; aussi les copies n’en ont-elles jamais été estimées. Citer de mémoire la Bible, le Coran, est encore de nos jours un point d’honneur pour les Orientaux[6]. Une partie de la Thora juive a dû être orale, avant d’être rédigée. Il en a été de même pour les Psaumes. Le Talmud, enfin, exista près de deux cents ans sans être écrit. Même après qu’il fut écrit, les savants préférèrent longtemps les discours traditionnels aux paperasses qui contenaient les opinions des docteurs. La gloire d’un savant était de pouvoir citer de mémoire le plus grand nombre possible de solutions de casuistes. En présence de ces faits, loin de s’étonner du dédain de Papias pour les textes évangéliques existant de son temps, textes parmi lesquels étaient sûrement deux des livres que la chrétienté a ensuite si fort révérés, on arrive à le trouver parfaitement conforme à ce qu’on devait attendre d’un homme de tradition, d’un « homme ancien », comme l’appellent ceux qui ont parlé de lui.

Nous doutons que, avant la mort des apôtres et avant la destruction de Jérusalem, tout cet ensemble de récits, de sentences, de paraboles, de citations prophétiques ait été mis par écrit. C’est vers l’an 75 que nous plaçons par conjecture le moment où l’on esquissa les traits de l’image devant laquelle dix-huit siècles se sont prosternés. La Batanée, où résidaient les frères de Jésus et où s’étaient réfugiés les restes de l’Église de Jérusalem, paraît avoir été le pays où s’exécuta cet important travail. La langue dont on se servit[7] fut celle dans laquelle étaient conçues les paroles mêmes de Jésus, que l’on savait par cœur, c’est-à-dire le syro-chaldaïque, qu’on appelait abusivement l’hébreu. Les frères de Jésus, les chrétiens hiérosolymites fugitifs parlaient cette langue, peu différente, au reste, de celle des Batanéotes qui n’avaient pas adopté la langue grecque. C’est dans un dialecte obscur et sans culture littéraire que fut tracé le premier crayon du livre qui a charmé les âmes. Certes, si l’Évangile fût resté un livre hébreu ou syriaque, sa fortune eût bientôt trouvé des limites. C’est en grec que l’Évangile devait arriver à sa perfection, à la forme dernière qui a fait le tour du monde. Il ne faut pas oublier cependant que l’Évangile fut d’abord un livre syrien, écrit en une langue sémitique. Le style évangélique, ce tour charmant de narration enfantine qui rappelle les pages les plus limpides des vieux livres hébreux, pénétrées d’une sorte d’éther idéaliste que le vieux peuple ne connut pas, n’a rien d’hellénique. L’hébreu en est la base. Une juste proportion de matérialisme et de spiritualisme, ou plutôt une indiscernable confusion de l’âme et des sens, fait de cette langue adorable le synonyme même de la poésie, le vêtement pur de l’idée morale, quelque chose d’analogue à la sculpture grecque, où l’idéal se laisse toucher et aimer.

Ainsi fut ébauché par un génie inconscient ce chef-d’œuvre de l’art spontané, l’Évangile, non pas tel ou tel Évangile, mais cette espèce de poëme non fixé, ce chef-d’œuvre non rédigé, où chaque défaut est une beauté, et dont l’indécision même a été la principale condition de succès. Un portrait de Jésus fini, arrêté, classique, n’aurait pas eu tant de charme. L’agada, la parabole, ne veulent pas de contours nets. Il leur faut la chronologie flottante, la transition légère, insoucieuse de la réalité. C’est par l’Évangile que l’agada juive est arrivée à la vogue universelle. Cet air de candeur a séduit. Celui qui sait conter s’empare de la foule. Or savoir conter est un rare privilège ; il faut pour cela une naïveté, une absence de pédantisme, dont n’est guère capable le docteur solennel. Les bouddhistes et les agadistes juifs (les évangélistes sont de vrais agadistes) ont seuls possédé cet art au degré de perfection qui fait accepter un récit à l’univers entier. Tous les contes, toutes les paraboles qui se répètent d’un bout de la terre à l’autre n’ont que deux origines, l’une bouddhique, l’autre chrétienne, parce que seuls les bouddhistes et les fondateurs du christianisme eurent souci de la prédication populaire. La situation des bouddhistes relativement aux brahmanes avait quelque chose d’analogue à celle des agadistes relativement aux talmudistes. Les talmudistes n’ont rien qui ressemble à la parabole évangélique, pas plus que les brahmanes ne fussent arrivés d’eux-mêmes au tour si agile, si leste, si coulant de la narration bouddhique. Deux grandes vies divines bien racontées, celle de Bouddha, celle de Jésus, voilà le secret des deux plus vastes propagandes religieuses qu’ait vues l’humanité.

La halaka n’a converti personne ; seules, les épîtres de saint Paul n’eussent pas acquis cent adeptes à Jésus. Ce qui a conquis les cœurs, c’est l’Évangile, ce délicieux mélange de poésie et de sens moral, ce récit flottant entre le rêve et la réalité dans un paradis où l’on ne mesure pas le temps. Il y a eu sûrement en tout cela un peu de surprise littéraire. Il faut faire dans le succès de l’Évangile une part à l’étonnement causé chez nos lourdes races par l’étrangeté délicieuse de la narration sémitique, par ces habiles arrangements de sentences et de discours, par ces chutes si heureuses, si sereines, si cadencées. Étrangers aux artifices de l’agada, nos bons ancêtres en furent si charmés, qu’à l’heure présente nous avons peine encore à nous persuader combien ce genre de récit peut être vide de vérité objective. Mais, pour expliquer que l’Évangile soit devenu chez tous les peuples ce qu’il est, le vieux livre de famille dont les feuillets usés ont été mouillés de pleurs et où le doigt des générations s’est imprimé, il a fallu plus que cela. La fortune littéraire de l’Évangile tient à Jésus lui-même. Jésus a été, si l’on peut s’exprimer ainsi, l’auteur de sa propre biographie. Une expérience le prouve. On fera longtemps encore des Vies de Jésus. Or la Vie de Jésus obtiendra toujours un grand succès, quand un écrivain aura le degré d’habileté, de hardiesse et de naïveté nécessaires pour faire une traduction de l’Évangile en style de son temps. On cherchera mille causes à ce succès ; il n’y en aura jamais qu’une, c’est l’Évangile lui-même, son incomparable beauté intrinsèque. Que le même écrivain fasse ensuite et avec les mêmes procédés une traduction de saint Paul, le public ne sera pas entraîné. Tant il est vrai que la personne éminente de Jésus, tranchant vigoureusement sur la médiocrité de ses disciples, fut bien l’âme de l’apparition nouvelle et en fit toute l’originalité.

Le protévangile hébreu se conserva en original jusqu’au Ve siècle parmi les nazaréens de Syrie. Il en exista des traductions grecques[8]. Un exemplaire s’en trouvait dans la bibliothèque du prêtre Pamphile de Césarée[9] ; saint Jérôme dit avoir copié le texte hébreu à Alep et même l’avoir traduit[10]. Tous les Pères de l’Église ont trouvé que cet Évangile hébreu ressemblait beaucoup à l’Évangile grec qui porte le nom de saint Matthieu. Ils en tirent le plus souvent la conséquence que l’Évangile grec dit de saint Matthieu a été traduit de l’hébreu[11]. C’est là une conséquence erronée. La génération de notre Évangile selon saint Matthieu a suivi des voies plus compliquées. La ressemblance de cet Évangile avec l’Évangile selon les Hébreux n’allait pas jusqu’à l’identité[12]. Notre Évangile selon saint Matthieu n’est rien moins qu’une traduction. Nous expliquerons plus tard comment, de tous les textes évangéliques, il est celui qui se rapproche le plus du prototype hébreu.

La destruction des judéo-chrétiens de Syrie amena la disparition de ce texte hébreu. Les traductions grecques et latines, qui faisaient une dissonance désagréable à côté des Évangiles canoniques, périrent également. Les nombreuses citations qu’en font les Pères permettent jusqu’à un certain point de se figurer l’ouvrage original[13]. Les Pères avaient raison de le rapprocher du premier de nos Évangiles. Cet Évangile des Hébreux, des Nazaréens, ressemblait en effet beaucoup à celui qui porte le nom de Matthieu pour le plan et l’ordonnance. Pour la longueur, il tenait le milieu entre Marc et Matthieu[14]. On ne peut assez regretter la perte d’un pareil texte. Il est certain cependant que, quand même nous posséderions encore l’Évangile hébreu vu par saint Jérôme, notre Matthieu devrait lui être préféré. Notre Matthieu, en effet, s’est conservé intact depuis sa rédaction définitive, dans les dernières années du ier siècle, tandis que l’Évangile hébreu, vu l’absence d’une orthodoxie, jalouse gardienne des textes, dans les Églises judaïsantes de Syrie, a été remanié de siècle en siècle, si bien qu’à la fin il n’était pas fort supérieur à un Évangile apocryphe.

À l’origine, il paraît avoir eu les caractères qu’on s’attend à trouver dans une œuvre primitive. Le plan du récit était conforme à celui de Marc, plus simple que celui de Matthieu et de Luc. La naissance virginale de Jésus n’y figurait pas[15]. En ce qui concerne les généalogies, la lutte fut vive. La grande bataille de l’ébionisme se livra sur ce point. Quelques-uns admettaient les tables généalogiques dans leurs exemplaires ; d’autres les rejetaient[16]. Comparé à l’Évangile qui porte le nom de Matthieu, l’Évangile hébreu, autant que nous en pouvons juger par les fragments qui nous restent, était moins raffiné dans le symbolisme[17], plus logique[18], moins sujet à certaines objections d’exégèse[19], mais d’un surnaturel plus étrange, plus grossier, plus analogue à celui de Marc. Ainsi la fable que le Jourdain prit feu lors du baptême de Jésus, fable chère à toute la tradition populaire des premiers siècles, s’y trouvait[20]. La forme sous laquelle on supposait que l’Esprit divin, à ce moment-là, entra en Jésus comme une force distincte de lui, paraît aussi avoir été la plus vieille conception nazaréenne. Pour la transfiguration, l’Esprit, mère de Jésus[21], prend son fils par un cheveu, selon une imagination qui se trouve dans Ézéchiel[22] et dans les additions au livre de Daniel[23], et le transporte sur le Thabor[24]. Quelques détails matériels sont choquants[25], mais tout à fait dans le goût de Marc. Enfin certains traits restés sporadiques dans la tradition grecque, tels que l’anecdote de la femme adultère, qui s’est attachée tant bien que mal au quatrième Évangile, avaient leur place dans l’Évangile hébreu[26].

Les récits des apparitions de Jésus ressuscité offraient évidemment dans cet Évangile un caractère à part. Tandis que la tradition galiléenne, représentée par Matthieu, voulait que Jésus eût donné rendez-vous à ses disciples en Galilée, l’Évangile des Hébreux, sans doute parce qu’il représentait la tradition de l’Église de Jérusalem, supposait que toutes les apparitions eurent lieu dans cette ville, et attribuait la première vision à Jacques. L’une des finales de l’Évangile de Marc et l’Évangile de Luc placent de même toutes les apparitions à Jérusalem[27]. Saint Paul suivait une tradition analogue[28].

Un fait bien remarquable, c’est que Jacques, l’homme de Jérusalem, jouait dans l’Évangile hébreu un rôle plus important que dans la tradition évangélique qui a survécu[29]. Il semble qu’il y a eu chez les évangélistes grecs une sorte de parti pris d’effacer le frère de Jésus ou même de laisser supposer qu’il joua un rôle odieux[30]. Dans l’Évangile nazaréen, au contraire, Jacques est honoré d’une apparition de Jésus ressuscité ; cette apparition est la première de toutes ; elle est pour lui seul ; elle est la récompense du vœu, plein de foi vive, que Jacques avait fait de ne plus manger ni boire jusqu’à ce qu’il vît son frère ressuscité. On pourrait être tenté de regarder ce récit comme un remaniement assez moderne de la légende, sans une circonstance capitale. Saint Paul, en l’an 57, nous apprend également que, selon la tradition qu’il avait reçue, Jacques avait eu sa vision[31]. Voilà donc un fait important que les évangélistes grecs ont supprimé, et que l’Évangile hébreu racontait. En revanche, il semble que la première rédaction hébraïque renfermait plus d’une allusion contre Paul. Des gens ont prophétisé et chassé les démons au nom de Jésus ; au grand jour, Jésus les repousse « parce qu’ils ont pratiqué l’illégalité »[32]. La parabole de l’ivraie est plus caractéristique encore. Un homme n’a semé dans son champ que de la bonne semence ; mais, pendant qu’il dort, « l’homme ennemi » vient, sème l’ivraie dans le champ et s’en va. « Maître, disent les serviteurs, tu n’as semé que du bon grain ; d’où vient donc cette ivraie ? — C’est l’homme ennemi qui a fait cela, répond le maître. — Veux-tu que nous allions cueillir ces mauvaises herbes ? — Non ; car en même temps vous arracheriez le froment. Laissez le tout croître jusqu’à la moisson ; alors je dirai aux moissonneurs : « Cueillez d’abord l’ivraie et liez-la en gerbe pour la brûler ; quant au froment, rassemblez-le dans mon grenier[33]. » Il faut se rappeler que l’expression « l’homme ennemi[34] » était le nom habituel par lequel les ébionites désignaient Paul[35].

L’Évangile hébreu fut-il considéré par les chrétiens de Syrie qui s’en servaient comme l’ouvrage de l’apôtre Matthieu ? Aucune raison sérieuse ne porte à le croire[36]. Le témoignage des Pères de l’Église ne prouve rien dans la question présente. Vu l’extrême inexactitude des écrivains ecclésiastiques quand il s’agit d’hébreu, cette proposition vraie : « L’Évangile hébreu des chrétiens de Syrie ressemble à l’Évangile grec connu sous le nom de saint Matthieu, » devait se transformer en celle-ci, qui est loin d’en être synonyme : « Les chrétiens de Syrie possèdent l’Évangile de saint Matthieu en hébreu ; » ou bien : « Saint Matthieu écrivit en hébreu son Évangile[37]. » Nous croyons que le nom de saint Matthieu ne fut appliqué à une des rédactions évangéliques que quand la rédaction grecque qui porte maintenant son nom fut composée, ainsi qu’il sera dit plus tard[38]. Si l’Évangile hébreu porta jamais un nom d’auteur ou plutôt une désignation de garantie traditionnelle, ce fut le titre d’« Évangile des douze Apôtres[39] », parfois aussi peut-être le nom d’« Évangile de Pierre »[40]. Encore croyons-nous que ces noms ne lui furent donnés que tard, quand les Évangiles portant des noms d’apôtres, comme celui de Matthieu, eurent la vogue. Une manière décisive de conserver au vieil Évangile sa haute autorité était de le couvrir de l’autorité du corps apostolique tout entier.

Comme nous l’avons déjà dit, l’Évangile hébreu fut mal gardé. Chaque secte judaïsante de Syrie y fit des additions et des suppressions, si bien que les orthodoxes le présentent tantôt comme interpolé et plus long que Matthieu[41], tantôt comme mutilé[42]. C’est surtout entre les mains des ébionites du second siècle que l’Évangile hébreu arriva au dernier degré de l’altération. Ces hérétiques s’en firent une rédaction grecque[43], dont la tournure paraît avoir été gauche, pesante, chargée, et où du reste on ne se fit pas faute d’imiter Luc et les autres Évangiles grecs[44]. Les Évangiles dits « de Pierre[45] » et « selon les Egyptiens[46] » provinrent de la même source ; ils présentaient également un caractère apocryphe et de médiocre aloi.

  1. L’Apocalypse, écrite sûrement avant les synoptiques, a plus d’une consonnance avec eux. Comp. Apoc., iii, 3, à Matth., xxiv, 42-44 ; Apoc., xiv, 14-17, à Matth., xiii, 30 ; Apoc., xix, 7, à Matth., xxii, 2, et xxv, 1 ; Apoc., xxii, 4, à Matth., v, 8. Il en est de même de l’épître de Jacques. Comp. Jac., v, 12, à Matth., v, 34. Voir aussi Jac., i, 17, 19-20, 22 ; ii, 13 ; iv, 4, 10 ; v, 2.
  2. Papias, dans Eus., H. E., III, xxxix, 4.
  3. C’est ce que l’on verra dans le tome VI de cet ouvrage, surtout à propos de saint Justin.
  4. Ζώση φωνὴ καὶ μενούση. Papias, dans Eus., H. E., III, xxxix, 4. Comp. La lettre d’Irénée à Florinus, Eus., H. E., V, 20.
  5. Voir surtout Papias, dans Eus., endroit cité.
  6. La plupart des citations de l’Ancien Testament qui se trouvent dans les écrits du Nouveau sont faites de mémoire.
  7. Les preuves de l’existence d’un Évangile hébreu sont les textes suivants : Papias, dans Eus., H. E., III, xxxix, 16 ; Hégésippe, dans Eus., H. E., IV, xxii, 7 ; Pantænus (?), selon Eus., H. E., V, x, 3 (saint Jérôme, De viris ill., c. 36) ; Irénée, III, i, 1 ; Origène, dans Eus., VI, xxv, 4 ; In Joh., tom. ii, 6 (Opp., IV, 63 et suiv.) ; In Matth., t. i (Opp., III, 440) ; Eusèbe, H. E., III, xxiv, 6 ; xxvii, 4 ; In Psalm. lxxviii, 2 ; Quæst. ad Marinum, II, 1 ; Theoph., xxii (col. 685, Migne) ; Théophanie syriaque (Lee), IV, 12 ; Épiphane, hær. xxviii, 5 ; xxix, 9 ; xxx, 3, 6, 13 ; li, 5 ; Théodoret, Hæret. fab., II, 1 ; saint Jean Chrys., Hom. in Matth., i, 3 ; saint Cyrille de Jér., Catech., xiv, 15 ; saint Grég. de Naz., Carm., p. 261 (Paris, 1840) ; saint Augustin, De cons. Evang., I, 4 ; II, 128 ; Théophylacte, In Matth., proœm, ; saint Jérôme, voir ci-après, p. 102. — Cf. Tischendorf, Notitia editionis codicis sinaïtici (Lips., 1860), p. 58. C’est bien à tort qu’on a supposé que la version syriaque de saint Matthieu publiée par Cureton (Londres, 1858) a été faite sur l’original araméen de saint Matthieu. L’idée qu’elle serait cet original même est tout à fait chimérique. — Pour la tradition arabe d’un Évangile hébreu, voir Hist. génér. des langues sémitiques, l. IV, c. ii, § 3, initio ; Ibn Khaldoun, Prolégom., trad. Slane, I, p. 472.
  8. C’est ce que prouvent les nombreuses citations des Pères. Voir en particulier Clém. Alex., Strom., II, ix, 45 ; Origène, In Joh. tom. ii, 6 (Opp., IV, 63 et suiv.) ; Eusèbe, H. E., III, xxv, 5 ; saint Jérôme, endroits cités ci-après, note 3. Cf. Tischendorf, l. c. ; Stichométrie de Nicéphore, dans Credner, Gesch. des neut. Kan., p. 243 ; Nicéphore Calliste, ibid., p. 256.
  9. Voir un autre curieux mais contestable renseignement sur des écritures chrétiennes en langue hébraïque, conservées à Tibériade au IVe siècle, dans Épiph., hær. xxx, 6.
  10. De viris ill., c. 2, 3, 16 (cf. Pseudo-Ign., Ad Smyrn., 3) ; In Matth., prol., et vi, 11 ; xii, 13 ; xxiii, 35 ; xxvii, 16, 51 ; In Mich., vii, 6 ; In Ezech., xxviii, 7 ; In Eph., v, 4 ; Adv. Pelag., III, 2 ; Epist. ad Hedibiam (Opp., edit. Mart., IV, 1re part., col. 173 et 176) ; Epist. ad Damasum (Opp., IV, 1re part., col. 148) ; Epist. ad Damasum alia (Opp., III, col. 519) ; Epist. ad Algasiam (Opp., IV, lre part., 190) ; In Isaïam, l. XVIII, prol. (Opp., III, 478) ; In Isaïam, xi, 1. Comparez Épiph., hær. xxix, 9 ; xxx, 13, 14, 16. Voir, au contraire, Théodore de Mopsueste, dans Photius, cod. 177. Cf. Eusèbe, Theoph., xxii (col. 685, Migne) ; syr., IV, 12. Voir ci-dessus, p. 98, note.
  11. Voir surtout Papias, dans Eus., H. E., III, xxxix, 6 ; Apollinaris, dans Chron. pasc., p. 6 (Paris) ; Irénée, I, xxvi, 2 ; III, xi, 7 ; Épiphane, hær. xxviii, 5 ; xxix, 9 ; xxx, 3, 6, 13, 14 ; saint Jérôme, passages cités.
  12. Si les deux ouvrages avaient été identiques, saint Jérôme n’eût pas pris la peine de traduire l’Évangile des Hébreux. Les fragments que nous possédons de ce dernier Évangile s’écartent souvent beaucoup de saint Matthieu (par exemple, xxviii, 1-10, 18-20). Dans Matthieu, le πνεῦμα ἅγιον joue le rôle de père de Jésus ; dans l’Évangile hébreu, il jouait le rôle de mère, par suite du genre féminin du mot rouah. Voir ci-après, p. 106.
  13. Voir le recueil des fragments qui en restent, dans Hilgenfeld, Novum Test. extra canonem receptum, fascic. IV, p. 5-31.
  14. Stichométrie de Nicéphore, l. c.
  15. Hilgenfeld, op. cit., p. 6.
  16. Voir Vie de Jésus, p. 23, 249-250. Épiphane, qui n’avait pas vu d’exemplaire de cet Évangile hébreu, reste dans le doute sur ce point, en ce qui concerne les nazaréens. Hær. xxix, 9.
  17. Ainsi c’est l’ὑπέρθυρον, le linteau de la grande porte du temple, qui se brise au moment de la mort de Jésus (Hilg., 17, 28). Les trois synoptiques y ont substitué le καταπέτασμα, le voile, pour marquer que Jésus déchire le voile des mystères antiques et supprime ce que le judaïsme avait d’étroit, d’exclusif, de fermé. Cf. Hébr. vi, 19 et suiv. ; ix, 6 et suiv. ; x, 19 et suiv.
  18. Comparez surtout Matth., xviii, 22, et le passage parallèle de l’Évangile des Hébreux (Hilg., 16, 24) ; Matth., xix, 16-24, et le passage parallèle (Hilg., p. 16-17, 24-26). Au lieu de la pénible invention, qu’on trouve dans le Matthieu canonique, d’une garde romaine mise au tombeau sur la réquisition du sanhédrin, nous voyons dans l’Évangile hébreu le grand prêtre placer simplement quelques-uns de ses domestiques auprès du tombeau (Hilg., p. 17, 28-29).
  19. Ainsi il ne contient pas l’inexactitude de Zacharie, fils de Barachie (Matth., xxiii, 35 ; Hilg., p. 17, 26). Il donne aussi la vraie forme du nom de Barabhas.
  20. Hilgenfeld, p. 15, 21. Cf. Carm. sibyll., VII, 81-83 ; Cerygma Pauli, dans Pseudo-Cyprien, De non iter. bapt. édit. Rigault, Paris, 1648, Observ. ad calc., p. 139 ; saint Justin, Dial., 88 ; Eusèbe, De solemn. paschali, 4 ; saint Jérôme, In Is., xi, 1. Cf. Évangile ébionite (Hilg., p. 34).
  21. Orig., In Jer., homil. xv, 4. Le mot rouah (esprit) est féminin en hébreu. L’Esprit de Dieu chez les elchasaïtes était aussi une femme. Philos., IX, 13 ; Épiph., hær. xix, 4 ; xxx, 17 ; liii, 1.
  22. Ézéchiel, viii, 3.
  23. Bel et le Dragon, 36 (chap. xiv, 35, Vulgate).
  24. Hilgenfeld, p. 16, 23-24. C’est à tort qu’on a rapporté ce fragment au récit de la tentation.
  25. Hilgenfeld, p. 16, ligne 37.
  26. Eus., H. E., III, xxxix, 16.
  27. Voir les Apôtres, p. 36-37, note.
  28. I Cor., xv, 5-8.
  29. Hilgenfeld, p. 17, 18, 27-28, 29.
  30. Voir Vie de Jésus, p. 139, 160, 348.
  31. I Cor., xv, 7.
  32. Ἐργαζόμενοι τὴν ἀνομίαν. Matth., vii, 21-23 (comp. Ps. xiv, 4, trad. grecque). Ce passage est habilement retourné par Luc contre les juifs. Luc, xiii, 24 et suiv. L’expression de ἄνομοι, υἱοὶ ἀνομίας, etc., était le nom que les ébionites donnaient aux disciples de Paul. C’est peut-être exprès que Luc (xiii, 37) change cette expression en ἐργάται ἀδικίας.
  33. Matth., xiii, 24 et suiv., 36 et suiv. Le semeur d’ivraie manque dans Marc, iv, 26-29. Le rédacteur de Matthieu l’a sans doute pris dans l’Évangile hébreu. Luc omet le tout.
  34. Ἐχθρὸς ἄνθρωπος.
  35. Voir Saint Paul, p. 305. Le verset Matth., xiii, 39 n’est pas une raison de repousser toute allusion à Paul. Ὁ διάϐολος peut être une atténuation du dernier rédacteur. Τοὺς ποιοῦντας τὴν ἀνομίαν du verset 41 est bien significatif. Voir ci-dessus, p. 108, note 2.
  36. Il faudrait pour le prétendre supposer que les circonstances décisives qui nous empêchent d’admettre que l’apôtre Matthieu ait écrit l’Évangile grec qui porte son nom, tel que nous le lisons aujourd’hui (voir Vie de Jésus, p. 166-167, note), et en particulier la façon dont la conversion de l’apôtre Matthieu y est racontée (Matth., ix, 9), n’existaient pas dans l’Évangile hébreu. Or Épiph., hær. xxx, 13, invite à croire le contraire. Voir ci-après, p. 216.
  37. C’est déjà la formule de Papias. Ce que Papias avait entre les mains était le κατὰ Ματθαῖον grec, qu’il regarde comme une traduction de l’hébreu. Il était donc inévitable qu’il crût que l’original hébreu portait aussi le nom de Matthieu. — Épiphane, hær. xxx, 13, est équivoque, et d’ailleurs il s’agit là de la forme la plus moderne de l’Évangile ébionite. L’Évangile nazaréen ne portait aucune désignation claire, puisque saint Jérôme appelle cet Évangile secundum apostolos, sive, ut plerique autumant, juxta Matthæum. Adv. Pelag., III, 2. Cf. Præf. in evang. ad Damasum.
  38. Voir ci-après, p. 173 et suiv.
  39. Préface de l’Évangile ébionite. Hilg., p. 33, 35 ; saint Jérôme, Adv. Pelag., III, 2 ; In Matth., proœm. Cf. Origène, Homil. i in Lucam (Opp., III, 933) ; saint Ambroise, In Luc., I, 2 ; Théophylacte, In Luc., proœm. — Notez l’expression ἀπομνημονεύματα τῶν ἀποστόλων, fréquente en saint Justin, pour désigner les Évangiles.
  40. Saint Justin, Dial., 106 (αὐτοῦ, douteux). Voir ci-après., p. 112.
  41. Épiph., hær. xxviii, 5 ; xxix, 9.
  42. Épiph., hær. xxx, 13. Épiphane attribue l’Évangile complet aux nazaréens et l’Évangile mutilé aux ébionites. Cf. Eusèbe, H. E., VI, 17.
  43. Ἀκρίδες confondu avec ἐγκρίδες. Épiph., hær. xxx, 13.
  44. Épiph., ibid. ; Hilgenfeld, Nov. Test. extra Can. rec., IV, p. 32 et suiv. Saint Jérôme, In Matth., xii, 13, exagère l’identité de l’Évangile des nazaréens et de celui des ébionites.
  45. Origène, In Matth., tom. x, 17, Opp., III, 462 ; De princ., I, præf., 8, trad. de Rufin, Opp., I, 49 (cf. Ignace, Ad Smyrn., 3 ; saint Jérôme, De viris ill., 16 ; In Is., l. XVIII, prol.) ; Eusèbe, H. E., III, 3, 25, 27 ; VI, 12 ; Théodoret, Hæret. fab., II, 2 ; saint Jérôme, De viris ill., 1 ; Décret de Gélase, ch. 6 ; Hilgenfeld, op. cit., IV, p. 39-42.
  46. Clément d’Alex., Strom., III, 9, 13 (cf. Clém. Rom., Ép. II, 12) ; Orig., In Luc., i ; Philosophum., V, 7 ; Épiphane, hær. lxii, 2 ; saint Jérôme, In Matth., prol., init. ; Théophylacte, In Luc., proœm. ; Hilgenfeld, IV, p. 43-4.