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Les écrits érotiques de Stendhal/4

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L’HONNEUR FRANÇAIS

Conte

De ses pâles flambeaux la lune vagabonde
Éclairait Brescia et le reste du monde.
De onze coups égaux les clochers résonnants
Appelaient aux combats les fortunés amants.
Dans le chemin obscur nous marchions en silence,
Nous allions au bordel chercher la jouissance.
Le fils à l’œil hardi le premier s’avançait :
D’un pas délibéré le père le suivait ;
Le grand Égyptien, Beyle à la mine noire,
Quesnel, dont les exploits personne ne veut croire,

Formaient le corps d’armée. « Amis, voilà l’auberge ;
Je vois les trois épées attachées à leur verge
S’écrie au loin Cacault qui, par son vit bandant
Sans cesse tourmenté, allait nous précédant.
On s’élance à l’instant sur la rampe tortueuse,
Chacun de nous déjà croit embrasser la gueuse,
Sur le palier obscur nous allons tâtonnants,
Frappant aux portes de tous les appartements.
Les accents argentins de deux voix féminines
Dans un même moment rebandent nos six pines.
Nous nous précipitons tous sur nos deux putains.
Oh ! qu’alors drôlement on vit errer les mains !
Cons, culs tétons, fesses, sont inondés de foutre ;
Tous bandant à la fois, tous à la fois veulent foutre.
Ils sont déjà en train : le père a déchargé ;
Quesnel veut bien entrer, mais son vit débandé
Est sec et sans vigueur ; Duvieux, Beyle enculent ;
Cacault, le fils se font secouer la férule.
Mais quel étrange bruit interrompt nos plaisirs ?

J’entends dans l’escalier et monter et courir,
Nous voyons apparaître un sbire et sa cohue :
« Messieurs, je viens, dit-il, du fin fond de la rue,
« Appelé par le bruit et l’infâme bouzin…
« — Qu’appelles-tu bouzin, ruffian de cisalpin ?
« Quitte ton uniforme et, regagnant la place,
« Reprends ton naturel, va rejoindre ta race,
« Sois cisalpin, ou bien je te coupe le vit. »
À ces mots, l’animal, de peur déjà contrit,
Dégringole la rampe…