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Les Amours, galanteries et passe-temps des actrices/06

La bibliothèque libre.
, Une Bayadère de l’opéra
A Couillopolis. 1700 [i.e. ca 1833] (p. 42-46).




CHAPITRE VI.

Mademoiselle Dufont.


Quelle polissonne que cette Eléonora, dit Mademoiselle Dufont, et quelle lasciveté dans les détails : elle vous fait toucher les objets du doigt et de l’œil. Je vous avouerai franchement qu’à conter après elle, je vais vous paraître ce qu’on appelle trivialement une pisse-verylus dans la canicule ; mais, n’importe, je vais toujours essayer, et si je ne peux prétendre à mettre l’émotion où vous paraissez être à un plus haut degré, au moins pourrais-je vous y maintenir.

Avant de commencer je dois vous prévenir que je suis, comme ma camarade Bourgoin, extrêmement enthousiaste de la belle nature : ainsi la campagne est-elle le vaste temple où j’aime de préférence encenser l’amour, et un simple tertre de gazon l’autel où je me plais à lui sacrifier. C’est donc du bois de Romainville que j’ai conservé mon plus doux souvenir, par le plaisir que m’y fit goûter le jeune vicomte de C.....d.

C’était, comme je m’en souviens fort bien encore, quelques jours après une certaine altercation que nous avons eue ensemble au sujet d’une parure qu’il m’avait refusée ; ma vanité s’était trouvée blessée de ce refus, et je lui avais même fait défendre ma porte, lorsqu’un matin il brava ma consigne, et vint humblement déposer à mes pieds ce qu’il avait d’abord osé me refuser.

À la vue du superbe écrin étalé à mes yeux, ma colère s’évanouit entièrement ; je lui tendis la main : mon cher vicomte, lui dis-je, vous le savez fort bien, nous autres femmes de théâtre, nous mesurons l’amour d’un homme à l’importance des cadeaux qu’il nous fait ; vous voyez que je suis franche avec vous, et votre refus m’avait fait penser que vous ne m’aimiez plus : c’est pourquoi, afin de ne pas avoir l’air d’être quittée, j’ai dû…

— Mauvaise, me dit-il en m’interrompant : ne plus vous aimer, vous savez bien avec cette figure d’ange que c’est impossible. Allons, ma bonne amie, continua-t-il en me serrant tendrement la main, plus de nuages entre nous : mon tilbury est en bas, et si tu le veux, nous irons faire un tour de campagne.

Je n’avais plus rien à lui refuser. Nous partîmes, et bientôt nous arrivâmes au bois de Romainville, et là, après la brouille le raccommodement.

Ce fut une charmille bien touffue que nous choisîmes pour être le théâtre de nos plaisirs et de nos ébats amoureux. Mon jeune amant me fit asseoir, et après quelques tendres reproches sur la cruauté que j’avais montrée en lui faisant défendre ma porte : vous ne souffriez donc pas de mon absence, me demanda-t-il. — Pouvez-vous me faire une pareille question ? mais le doute où j’étais que vous ne m’aimiez plus… et ma main gauche jouait dans les boucles de ses cheveux ; tandis que ma droite s’avançait vers certain endroit ; je sentais que le contact de ma main le rendait dur à faire plaisir. Il s’étendit à mes côtés, et comme de la façon dont j’étais assise, mes jupes formaient ce que l’on appelle la petite chapelle, il coula sa main droite entre mes cuisses, et m’appliquant sa langue entre les lèvres, il me donna le plus lascif baiser, tandis que son doigt, placé dans le centre des plaisirs, me faisait pâmer avec des ravissemens qui ne cessèrent de part et d’autre que quand nous nous eûmes donné par trois fois consécutives des preuves réciproques que nous ne conservions l’un contre l’autre aucune rancune ni aucune inimitié.