Aller au contenu

Les Fastes (Merrill)/La Cité Rouge

La bibliothèque libre.
Les FastesChez Léon Vanier (p. 62-63).

LA CITÉ ROUGE

Or ce sera par un pays de crépuscule
Où le soleil de pourpre, au ras des horizons
Qu’exhaussent des volcans fauves de floraisons,
Présagera les jours lourds de la canicule.

Un fleuve de flamme y déroulera ses flots
Entre les archipels de lotus et la grève,
Où la vieille Chimère, en l’âpre rut du rêve,
Tordra d’un vain essor ses flancs gros de sanglots.

Parfois, carène noire et cordages funèbres,
Une galère, aux pleurs des tambours et des voix,
Exaltera, le soir, sur sa poupe en pavois,
Le simulacre d’or d’un monstre des ténèbres.


Puis déferlant sa voile au vent des mauvais sorts
Et battant les lointains de l’écho de ses rames
Sur un rythme barbare et bas d’épithalames,
Elle appareillera, pesante d’enfants morts,

Vers la Cité d’amour et de grande épouvante
Dont on ne dit le nom qu’avec des sacrements,
De peur de trépasser en les impurs moments
Où son désir d’enfer hanta l’âme fervente ;

La Cité qui là-bas avec ses étendards
De deuil, ses bastions de basalte et ses morgues,
Leurrera de ses voix de théorbes et d’orgues
Les pas las des Damnés et leurs regards hagards.

Et quand viendront les jours lourds de la canicule,
Les volcans, éclatant en fauves floraisons,
Feront hurler d’horreur, au ras des horizons,
Sodome, la Cité Rouge du crépuscule.