Aller au contenu

Les Femmes poètes bretonnes/Sylvane (Madame Leborgne) (1850)

La bibliothèque libre.
Les Femmes poètes bretonnes Voir et modifier les données sur WikidataSociété des bibliophiles bretons et de l’histoire de Bretagne Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 159-164).


SYLVANE (MADAME LEBORGNE)

1850



SYLVANE (MADAME LEBORGNE)



Louise-Amélie l’Helgoualc’h, née à Landivisiau, en mars 1850, mariée en juillet 1879, à M. Leborgne, habite Vannes.

Son père était médecin ; il a laissé des mémoires manuscrits et des contes pour ses enfants.

Mme Leborgne a commencé à écrire dans la Poupée modèle, et dans plusieurs journaux rédigés par Mme Claire de Chandeneux, qui avait pour elle une affection toute particulière.

Elle a publié, sous le nom de Sylvane :

Dominique (1880) ; Petit Poème en vers, très bien accueilli du public, et réédité chez Jouaust, ainsi que deux monologues (1886) ; Songes et Visions (1886), poésies, in-18, chez Lemerre ; Jours d’Hiver (1891), plaquette chez M. Caillière, à Rennes ; chez le même éditeur, une autre plaquette, En pays breton.

Mme Leborgne avait, en outre, publié des nouvelles, à Grenoble, vers 1883 : Réalités, Saltimbanques, Coins de Bretagne.

Dans l’intervalle, elle a écrit des comptes rendus dans les journaux de Rennes et des articles dans l’Avenir de Lorient, etc.

Sylvane, dont le caractère est franc et très gai, a cependant la note mélancolique ; on en pourra juger par les citations suivantes :

SONNET

Enveloppe-toi de mystère,
Ô mon âme !… fuis vers les cieux ;
Voile à l’ombre du sanctuaire,
Voile ce front, s’il est joyeux.

Cache ces pleurs ; vis solitaire ;
Et non pas pour ces oublieux
Qui changent l’exil de la terre
En saturnale sous nos yeux.

Joie ou pleurs, quand la mort réclame
Ce corps, qui de droit lui revient,
Joie ou pleurs : tout cela n’est rien.

Brûle donc, immortelle flamme !
Joie ou pleurs, qu’importe, ô mon âme ?…
Le Dieu qui t’aime le sait bien.

UN SOIR À CASTELLIN

Rives de Castellin, combien vous étiez belles,
À cette heure paisible où, dans l’ombre du soir,
Vous dérobiez soudain les splendides dentelles
De vos bois endormis, qui, sur l’horizon noir,
Découpaient leur profil, et regardaient, sans nombre,
Leurs fantômes géants courir parmi l’eau sombre !

Encadré par les joncs, j’aimais, ô Castellin,
Ce beau miroir perdu dans une vasque immense ;
J’aimais ta solitude et le profond silence
Que troublait seulement l’écluse du moulin.

Et quand dans le ciel bleu paraissaient les étoiles,
Comme leurs clairs rayons poétisaient la nuit !
Comme alors sur les prés, du brouillard qui s’enfuit
On voyait se tisser au loin les fines toiles…
C’était bien l’heure sainte, où le monde, envahi

Par un calme divin, jusqu’au matin repose ;
Mon Dieu ! vous avez fait si belle toute chose !

Jamais, ô Castellin, mon cœur épanoui
N’oubliera ces instants de calmes rêveries.
Mon cœur te cherche, il t’aime, et veut revoir encor
Ton beau lac immobile… et l’imposant décor
Que vous êtes, le soir, solitudes fleuries,
Quand des astres sans nom, traçant leurs sillons d’or,
Illuminent le ciel au-dessus des prairies.