Les Haines nationales - La France et l’Allemagne

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LES


LES HAINES NATIONALES




LA FRANCE ET L’ALLEMAGNE




Toute guerre semble devoir engendrer des haines nationales. Des griefs purement politiques ne touchent que le petit nombre ; les masses ne comprennent bien la guerre et n’en acceptent aisément les sacrifices que sous la forme d’injustices à punir ou d’injures à venger. Aussi dès qu’une rupture est imminente entre deux peuples, tout ce qui peut les exciter l’un contre l’autre trouve aisément crédit des deux parts. Toutes les rancunes de date ancienne ou récente se ramassent en un seul sentiment de colère, que viennent bientôt alimenter les violences trop réelles inséparables de l’état de guerre Ces haines si subitement écloses tombent en général avec le motif qui les a fait naître. La paix ramène des intérêts et des besoins qui s’accommodent mal de ces sentimens. La guerre d’ailleurs par un effet qui peut d’abord paraître contradictoire, travaille souvent à les affaiblir : en rapprochant ceux qu’elle met aux prises, elle leur apprend à se connaître, à s’estimer. Tout en s’entre-tuant, ils se sentent unis par la communauté des devoirs, et la lutte des armes leur donne l’occasion de rivaliser des mêmes vertus. Or ces vertus, auxquelles aucune armée n’est entièrement étrangère, sont à la fois les plus nobles et les plus sympathiques. La générosité, la bonté, s’y joignent à l’honneur et au courage. Vainqueur ou vaincu, il en coûte d’autant moins de rendre hommage à ces qualités chez un adversaire que c’est une façon de rehausser sa victoire ou d’atténuer sa défaite. L’estime se changera même en un sentiment plus doux, si, prisonnier ou blessé, on a été l’objet de soins, d’égards, d’attentions délicates. Ici le rapprochement se fera non plus seulement de soldat à soldat, mais de famille à famille, et par là de peuple à peuple. On a beau détester en masse l’ennemi de son pays, on ne peut que faire exception pour le médecin, le prêtre, la sœur de charité, qui ont pansé les plaies et adouci la captivité d’un fils, d’un frère ou d’un mari, et quand de telles exceptions se multiplient, la haine générale s’efface sous les dettes particulières de reconnaissance qui se contractent entre les belligérans. Pour maintenir une animosité durable, il faut une longue série de guerres, et il faut aussi dans la paix elle-même une constante rivalité d’ambition ou d’intérêts. Telle était l’opposition séculaire de l’Angleterre et de la France. Deux fois envahis par une coalition de toute l’Europe, nous n’en voulions qu’aux Anglais de nos revers et de notre amoindrissement. Seuls, ils avaient été nos irréconciliables ennemis des premiers jours de la révolution aux derniers jours de l’empire, et, si nous remontions le cours de notre histoire, nous les rencontrions partout, sous les Bourbons comme sous les Valois, menaçant tour à tour notre indépendance nationale, nos possessions lointaines et notre influence politique dans le monde. Nous n’étions devenus une nation qu’en luttant contre eux, et la haine que nous leur portions semblait faire partie de notre patriotisme. Toutefois cette haine traditionnelle s’était bien affaiblie depuis une vingtaine d’années. Les esprits positifs étaient fiers de s’en dégager au nom des intérêts de toute sorte qu’elle compromettait. Les esprits libéraux la repoussaient à meilleur titre comme un obstacle aux progrès de la civilisation, qui ne pouvait trouver de plus sûre garantie que dans la cordiale alliance des deux nations les plus éclairées de l’Europe. Réconciliés avec les Anglais, nous ne voyions plus autour de nous que des nations amies, et la France se plaisait à espérer, sinon la paix perpétuelle, du moins des guerres toutes politiques, circonscrites dans leur objet, modérées dans leurs effets, soit pour les populations, soit pour les combattans eux-mêmes, et laissant place des deux côtés à l’espoir d’un prompt et honorable arrangement. La France est tombée tout d’un coup de ces illusions dans une guerre implacable avec l’Allemagne, où elle a rencontré dès le début et où, par un trop juste retour, elle a été entraînée à porter elle-même plus de haine que n’en avaient montré des rivalités de plusieurs siècles. C’est là un fait sans précédens qui appelle toute notre attention et dont nous devons, autant que possible, sans passion comme sans faiblesse, calculer toute la portée. Rien de plus clair que cette haine couvée par nos ennemis depuis plus d’un siècle et telle qu’elle n’a jamais été certainement partagée par nous avec une égale intensité, même dans ces derniers mois. Essayons de nous rendre compte de ses origines et de ses conséquences futures en recherchant quels peuvent être les griefs respectifs des deux nations.


I.[modifier]

Les Allemands nous appellent « l’ennemi héréditaire (Erbfeind). » Leur haine érudite trouve des prétextes jusque dans les temps les plus reculés. Un homme d’état positif comme M. de Bismarck veut bien ne nous demander raison que des conquêtes de Louis XIV ; mais près de lui des professeurs se font écouter en nous reprochant la victoire de Tolbiac ou le meurtre du dernier des Hohenstaufen. Que les érudits de Berlin réveillent aujourd’hui contre nous de tels souvenirs, qu’ils les fassent entrer dans l’éducation aussi vindicative que pédante qu’ils donnent à leurs compatriotes, cela n’est pas douteux ; mais ils faussent singulièrement l’histoire. Jusqu’au XVIIIe siècle, il n’y a point de haine entre l’Allemagne et la France. Des querelles, des guerres, ont pu se produire entre des Français et des Allemands, elles n’ont jamais armé l’un contre l’autre les deux peuples pris dans leur ensemble, et presque toujours quand ils comptaient des soldats dans des camps opposés, ils en comptaient dans les mêmes camps. Notre ennemi constant dans les trois derniers siècles, ce n’était pas l’Allemagne, c’était l’empire, que l’Allemagne prétend rétablir aujourd’hui, mais contre lequel elle ne cessait pas alors d’invoquer notre appui, bien loin d’épouser sa cause et de se confondre avec lui. « Le plus brillant et le plus vain ornement de l’Allemagne, disait encore Herder à la fin du XVIIIe siècle, fut la couronne impériale. Seule, elle a fait plus de mal à ce pays que toutes les expéditions des Tartares, des Hongrois et des Turcs[1]. » L’ancienne Allemagne n’a connu que des guerres civiles, et si son territoire a sans cesse été dévasté par les armées étrangères, dont aucun parti ne se faisait alors scrupule d’invoquer le concours, elle ne pouvait leur imputer aucun excès dont ses propres enfans, dans les mêmes guerres, n’eussent donné l’exemple. Si Heidelberg maudit notre Turenne, Magdebourg ne se souvient qu’avec horreur du Bavarois Tilly. Des provinces allemandes ont plus d’une fois été le prix des services rendus par l’étranger ; mais de telles conquêtes n’avaient rien d’odieux pour des populations qui n’avaient pas encore l’idée d’une nationalité allemande, qui ne connaissaient que le droit féodal, l’assimilation d’un pays, avec tous ses habitans, à une propriété qui se transmet des pères aux enfans, que les filles en se mariant portent dans d’autres familles, et qui se prête indifféremment à toute espèce de cession à titre gratuit ou onéreux. L’incendie du Palatinat même n’éloigna pas de l’alliance française les peuples allemands ; ils n’ont pas cessé jusqu’à notre siècle de la considérer comme la plus sûre garantie de leurs libertés, et ceux qu’en détachait momentanément une fausse politique ne laissaient voir à l’égard de la France elle-même aucune trace d’inimitié.

C’est seulement vers le milieu du XVIIIe siècle que se sont produits les premiers germes de la haine dont nous ressentons aujourd’hui les effets. Cette haine, à son origine, a été toute littéraire ; elle est née avec la littérature allemande, dont elle n’a fait d’abord que préparer l’émancipation. Le goût français régnait sans partage en Allemagne. Il n’y avait de lecteurs ou de spectateurs que pour les œuvres traduites ou imitées de nos classiques. Les princes et leurs courtisans dédaignaient la langue allemande ; ils affectaient de s’exprimer en français, de s’entourer de Français, de ne lire que des livres français, Frédéric II se faisait l’imitateur et le flatteur de Voltaire ; il n’était pas moins ambitieux de prendre rang parmi nos poètes que de vaincre nos généraux. Cette invasion de l’Allemagne tout entière par notre littérature eut plus d’efficacité pour provoquer un mouvement national que ne l’avait fait la politique de Louis XIV. La réaction commença en Suisse, sans grand éclat, avec l’honnête Bodmer ; deux hommes de génie, Klopstock et Lessing, s’en emparèrent bientôt, et en peu d’années lui gagnèrent toute la jeunesse lettrée dans tous les pays de langue allemande. Le premier a donné à l’Allemagne une poésie nationale ; le second a créé de toutes pièces la critique allemande, avec toutes les qualités qui l’ont honorée, et aussi, il faut bien le dire, avec la passion qui n’a pas cessé de l’animer : la haine de l’esprit français.

Cette haine se montre partout dans Lessing. Compose-t-il ses fables, il en fait une critique en action de celles de La Fontaine, et, pour que ses coups portent plus sûrement, il y joint une théorie de la fable qui n’est d’un bout à l’autre qu’une polémique acerbe et dédaigneuse contre notre grand fabuliste. Écrit-il ce beau livre de Laocoon, où il a marqué si profondément les limites propres des différens arts, il s’arrête à comparer une mauvaise pièce de Châteaubrun avec un des chefs-d’œuvre de Sophocle pour se donner le plaisir de s’écrier : « O le Français, à qui ont manqué absolument et l’intelligence pour comprendre et le cœur pour sentir de telles beautés ! » C’est surtout dans la Dramaturgie de Hambourg que Lessing fait au goût français une guerre à outrance. On sait l’origine de cet ouvrage. Les promoteurs de l’émancipation littéraire de l’Allemagne avaient compris de bonne heure que cette émancipation ne pouvait être assurée que par un théâtre national. Différentes tentatives avaient échoué, quand une entreprise qui semblait offrir des chances plus sérieuses de succès s’annonça en 1767 à Hambourg. Lessing fut appelé pour rendre compte des représentations et appeler sur elles l’attention sympathique de l’Allemagne tout entière. La réunion de ses feuilletons dramatiques, comme nous dirions aujourd’hui, a formé la Dramaturgie. Le théâtre de Hambourg, dans la pensée des fondateurs, faisait appel aux pièces allemandes : elles ne vinrent pas, ou furent médiocrement goûtées du public. Il fallut se rabattre sur les seuls ouvrages qui, en Allemagne comme dans le reste de l’Europe, fussent en possession de plaire : au lieu de signaler à ses compatriotes des chefs-d’œuvre nationaux, Lessing fut réduit presque toujours à critiquer des pièces françaises. Il n’y perdait rien pour le but qu’il poursuivait. La Dramaturgie lui fut une occasion pour attaquer le goût français sur le terrain où sa domination était le plus incontestée, dans l’art dramatique. Toujours partiales, ses critiques sont souvent très pénétrantes. Nous en avons profité comme les Allemands eux-mêmes. Lessing a été, depuis les dernières années du XVIIIe siècle, un de nos maîtres, nous l’avons reconnu sans mauvaise grâce et même avec une sorte d’empressement ; mais nous pouvons lui appliquer l’épithète du pédagogue d’Horace : plagosus Orbilius. Ses coups tombent sans ménagement sur tout notre théâtre classique ; ils n’épargnent pas plus un chef-d’œuvre de Corneille qu’une comédie de Sainte-Foix ou de Legrand. Si même son ton s’adoucit quelquefois, c’est à l’égard des écrivains de troisième ordre ; il n’en veut qu’à ceux qui règnent sur les théâtres de l’Allemagne comme sur ceux de la France, et avant tout au plus puissant, sinon au plus grand, à Voltaire. Ce n’est pas contre l’ambition de Louis XIV au XVIIe siècle, c’est contre la royauté de Voltaire au XVIIIe qu’un véritable cri d’indépendance a été poussé pour la première fois en Allemagne. Il semblait que le génie allemand ne pût se déployer en liberté qu’après avoir détrôné cet arbitre du goût, qui souhaitait aux Allemands plus d’esprit et moins de consonnes. Lessing revient sans cesse à la charge contre Voltaire ; quand il ne le critique pas comme poète, il prend à tâche de réfuter ses théories littéraires, et il le poursuit jusque dans ses idées philosophiques. Il était pourtant en philosophie assez près de Voltaire : il détestait l’intolérance, et son Dieu n’était celui d’aucune église exclusive ; mais l’irréligion dans les sentimens et surtout dans le langage lui était antipathique, et il éprouvait d’ailleurs le besoin de protester contre l’envahissement du scepticisme français par le même esprit d’indépendance qui lui faisait repousser en littérature la domination du goût français.

Tel est en effet le point de vue constant de Lessing. Il n’a rien du patriotisme étroit et jaloux qui s’est produit plus tard dans son pays. C’est un cosmopolite, comme tous les grands esprits du XVIIIe siècle ; c’est l’indépendance de la pensée humaine, non de la pensée allemande, qu’il prétend défendre contre la suprématie intellectuelle de l’esprit français. Il se console aisément de ne pouvoir opposer à cette suprématie des chefs-d’œuvre allemands en l’abaissant devant la perfection du génie grec ou la puissance créatrice du génie anglais, en exaltant un Sophocle ou un Shakspeare aux dépens d’un Corneille ou d’un Voltaire. Tel est aussi le point de vue de la jeune génération qui marcha bientôt sur ses traces avec un jugement moins sûr. Ce qu’elle hait surtout dans l’esprit français, c’est le culte de la règle et la passion des idées générales. L’indépendance qu’elle réclame est celle de la fantaisie individuelle, du génie sans frein comme sans loi. La fièvre de Werther commence avec sa double antipathie pour le philistin (bourgeois) allemand et pour l’homme de goût français. La première s’affirme avec éclat au dedans ; la-seconde saisit toutes les occasions de rompre des lances avec l’ennemi du dehors. De tout temps, les étudians allemands ont recherché l’hospitalité des universités françaises. Avec ce mélange d’esprit pratique et de sentimens systématiques dont leur race a le secret, ils savent tirer profit de nos écoles en gardant un profond dédain pour la science qu’on y enseigne. Ce dédain se montrait déjà sans réserve dans la petite colonie allemande que possédait, il y a une centaine d’années, l’université de Strasbourg. Les idées et les sentimens que se plaisaient à étaler ces étudians en face de leurs condisciples français nous ont été exposés par l’un d’eux qui allait devenir la personnification la plus brillante et la plus complète du génie allemand. Goethe n’avait pas à vingt ans cette sérénité olympienne qui se refusait, quarante ans plus tard, aux entraînemens d’un patriotisme haineux. Il partageait toute l’effervescence de cette période des tempêtes et des efforts (Sturm-und-Drang-Period). Il reconnaît que nulle université d’Allemagne ne lui eût permis de se préparer aussi sûrement et aussi vite à ses examens de droit qu’il ne le fit dans une université française ; mais cet avantage tout pratique ne le rendait pas plus indulgent pour le peuple dont il était l’hôte. Ses compagnons et lui se faisaient un point d’honneur de ne parler qu’allemand, et, s’ils lisaient beaucoup de livres français, ils en faisaient dans leurs entretiens le perpétuel sujet de leurs critiques et de leurs railleries. « Sur la frontière même de la France, dit l’illustre étudiant de 1769, nous nous étions dégagés de toute influence française. Le genre de vie des Français nous semblait trop réglé et trop poli, leur poésie froide, leur critique destructive leur philosophie abstruse et cependant superficielle[2]. » Ils mettaient volontiers en parallèle les défauts qu’ils reprochaient aux Français et les qualités dont les Allemands aiment à se faire honneur ; mais leur patriotisme, comme celui de Lessing, n’avait rien d’exclusif Shakspeare était leur Dieu. Ils en célébraient la fête, et Goethe lui-même prononçait en son honneur un discours enthousiaste qui nous a été conservé. Rien ne peint mieux les dispositions de la jeunesse allemande en 1770.

Plus d’un Français d’ailleurs trouvait grâce devant ces ennemis de l’esprit français. Ils n’en voulaient qu’à la tyrannie de quelques idées et ceux qui en France même faisaient preuve d’indépendance à l’égard de ces idées étaient leurs favoris. Ils mettaient l’acteur Aufresne au-dessus de Lekain. Ils n’avaient qu’enthousiasme pour Rousseau et pour Diderot. Le besoin de liberté dictait seul leurs antipathies et leurs sympathies, et ce besoin même sous sa forme révolutionnaire était, à leur insu, un lien entre ces jeunes Allemands, qu’il soulevait contre certaines traditions littéraires et la nation qu’il poussait à transformer de fond en comble les institutions séculaires des sociétés modernes.

La révolution française excita en Allemagne, parmi les philosophes, les lettrés, et dans le peuple lui-même, de très vives sympathies, dont beaucoup ne se sont jamais démenties. Elle a préparé toutefois chez les Allemands la transformation d’une haine littéraire en une haine nationale contre la France. Elle ajouta d’abord aux ennemis des idées françaises tous ceux dont elle blessait les préjugés ou menaçait les intérêts ; elle s’aliéna bientôt une partie des populations, quand, pour répondre à la provocation des monarchies européennes, elle se fit à son tour guerrière et conquérante. Les peuples de la rive gauche du Rhin n’avaient encore, à la fin du XVIIIe siècle, aucune répugnance à devenir français ; ils donnèrent à la France des départemens qui ne se distinguèrent en rien de ses anciennes provinces dans la pratique de leurs nouveaux devoirs, et lorsqu’ils en furent détachés sans leur aveu, ils ne se laissèrent pas arracher ses institutions civiles. L’invasion et la conquête ont toujours néanmoins quelque chose d’odieux, même quand elles ne brisent aucun lien national, quand elles peuvent s’annoncer comme des bienfaits. Le séjour des soldats ne va jamais sans ravages, même dans leur propre pays, à plus forte raison sur une terre jusqu’alors étrangère. Les armées de la république, outre les maux habituels de la guerre, apportaient avec elles les excès de la révolution elle-même, le déchaînement des passions populaires, la proscription des nobles et des prêtres, le pillage des châteaux et la spoliation des églises. De là dans les provinces rhénanes, à l’égard des envahisseurs, ce soudain passage de la sympathie à l’hostilité que Goethe a décrit admirablement dans Hermann et Dorothée : « Qui pourrait nier que les cœurs ne se soient élevés, qu’ils n’aient battu d’un pouls plus pur dans de plus libres poitrines, quand se leva dans son premier éclat le nouveau soleil, quand on entendit parler des droits de l’homme, qui sont les droits de tous, de la liberté qui enflamme les âmes et de la précieuse égalité ? Alors chacun espéra vivre de sa propre vie : il semblait qu’on allait voir se rompre les chaînes qui enveloppaient les nations sous l’empire de la paresse et de l’égoïsme. Tous les peuples, dans ces jours de nobles efforts, n’avaient-ils pas les yeux tournés vers cette ville qui depuis longtemps déjà était la capitale du monde, et qui méritait plus que jamais ce beau nom ? Les hommes qui les premiers nous apportèrent la bonne nouvelle n’étaient-ils pas les pareils de ces héros dont la gloire monte jusqu’aux astres ? Chacun ne sentait-il pas croître son courage, se développer son esprit, se transformer son langage ? Nous, leurs voisins, nous fûmes les premiers à partager leur enthousiasme. La guerre commença. Les Français armés s’approchèrent ; ils ne semblaient apporter que l’amitié, et ils l’apportaient en effet. Ils avaient tous l’âme élevée ; ils plantaient avec joie les arbres pleins de sève de la liberté, promettant à chacun le respect de son bien, le respect de son gouvernement. Tout joyeux étaient les jeunes gens, tout joyeux les vieillards, et l’on dansait avec ardeur autour des nouveaux drapeaux. Ainsi ils gagnèrent bientôt, ces Français triomphans, par leur abord plein de vivacité et de feu l’esprit des hommes, par leur grâce irrésistible le cœur des femmes. Léger nous parut le fardeau même d’une guerre ruineuse, car l’espérance planait devant nos yeux dans un lointain horizon, et nos regards se portaient avec ardeur vers les routes nouvellement frayées… Mais bientôt le ciel se troubla. Pour s’emparer du pouvoir s’avança une race perverse, indigne de réaliser le bien. Ils s’égorgèrent entre eux, ils opprimèrent leurs voisins, leurs nouveaux frères, leur envoyant une foule avide ; les chefs se jettent sur nous et nous pillent en grand, les inférieurs nous ravagent et nous pillent en détail : chacun semble n’avoir qu’un souci, celui de ne rien laisser pour le lendemain. La misère était à son comble, et l’oppression croissait de jour en jour. Personne n’entendait nos cris, ils étaient les maîtres du jour. Alors la douleur et la colère remplirent les âmes les plus calmes ; chacun n’eut qu’une pensée, tous jurèrent de venger l’injure commune et la perte amère de nos espérances doublement trompées. »

Cette réaction se produisit surtout dans les pays qui ne connurent que l’invasion française et à sa suite les troubles révolutionnaires, sans être appelés d’une façon durable au bénéfice des institutions françaises. Elle s’étendit bientôt à toute l’Allemagne, où le récit, grossi par la passion et par l’intérêt, des crimes commis en France et dans les pays envahis par la France remplit d’horreur les masses ignorantes, et détourna les sympathies des esprits cultivés. Ceux même dont les idées se rapprochaient le plus dans l’origine de celles des républicains français furent souvent les plus extrêmes dans l’expression de leur hostilité. Il y a toujours très loin de la pensée à l’action. On l’avait vu en France, où la révolution trouva de bonne heure des adversaires parmi ses plus enthousiastes promoteurs. On le vit plus naturellement encore dans un pays moins amoureux de logique et moins prompt à l’action. Le besoin d’indépendance qui s’était manifesté avec tant d’effervescence dans la jeunesse allemande vers 1770 était surtout littéraire. Il réclamait les droits du génie, non les droits de l’homme, et il ne semblait pas soupçonner les droits du citoyen. Il s’était d’ailleurs assagi quand commença la révolution. Les esprits les plus éminens n’aspiraient plus qu’à s’élever librement au plus haut degré de culture intellectuelle, et ils ne voyaient dans les agitations du dehors qu’un obstacle à leurs progrès intérieurs. Tel était dès 1789 le point de vue de Goethe. « La France, disait-il, nous tourmente dans ces jours de trouble, comme autrefois le luthéranisme ; elle retarde le développement calme de l’esprit[3]. » Tel fut bientôt le point de vue de Schiller lui-même, dont la république avait récompensé les Brigands en conférant à l’auteur le titre de citoyen français. Moins purement spéculatif que Goethe, il embrassait plus volontiers l’espoir des réformes sociales ; mais il en ajournait la réalisation lorsque serait achevée l’éducation esthétique de l’homme[4]. Ceux qu’embrasait encore la fièvre de Werther ne voulaient que s’affranchir du joug des conventions sociales, non affranchir la société avec eux. En un mot, on n’avait souci que des individualités, ou, comme le disaient les raffinés, de « belles individualités[5], » et l’on ne voulait avoir rien de commun avec un pays où une révolution se faisait par les masses et au profit des masses.

Un nouveau mouvement littéraire, enfant du premier, mais entraîné dans des voies opposées, contribuait encore à éloigner de la France l’Allemagne intelligente. Les disciples immodérés de Lessing repoussaient tout principe de goût, toute chaîne imposée au génie. Leurs modèles étaient les poètes primitifs, qu’ils croyaient honorer en leur refusant toute espèce d’art, Homère et Shakspeare, à côté desquels ils plaçaient Ossian. L’école dite romantique obéit à la même tendance en cherchant ses modèles dans le moyen âge, qu’elle entreprit de réhabiliter tout entier, dans ses institutions et dans ses croyances, aussi bien que dans sa poésie et ses arts. Nous devions voir en France, quelques années plus tard, l’école qui prit le même nom offrir à ses débuts le même mélange de passions révolutionnaires en littérature et du culte de l’ancien régime en religion et en politique. Les romantiques allemands ne se contentèrent pas de vanter la féodalité et la théocratie ; ils firent tout pour y ramener leurs contemporains. On vit les plus ardens passer avec éclat du protestantisme au catholicisme pour ne rien garder de l’esprit moderne. Une école animée de telles dispositions ne pouvait éprouver que répulsion pour la France nouvelle. Elle entretint la défiance des peuples, et se fit la complice de la réaction des gouvernemens contre la révolution française. Quand l’empire, en substituant l’esprit de conquête à l’esprit de propagande, ébranla les dernières sympathies qui nous étaient restées, elle eut une influence considérable sur le soulèvement national de l’Allemagne contre l’oppresseur ; mais elle contribua plus encore aux déceptions qui suivirent. « Dans la période où se livrait cette lutte, dit Henri Heine, une école disposée hostilement contre la manière française, et qui vantait tous les vieux goûts populaires de l’Allemagne dans l’art et dans la vie réelle, devait trouver un vigoureux appui. Les principes de l’école romantique se passèrent alors de main en main avec las excitations des gouvernemens et le mot d’ordre des sociétés secrètes, — et M. A. G. Schlegel conspira contre Racine comme le ministre Stein conspirait contre Napoléon. Lorsqu’enfin le patriotisme allemand et la nationalité allemande eurent remporté la victoire, l’école romantique, gothique, germanique, chrétienne, triompha définitivement, ainsi que « l’art patriotique, religieux, allemand. » Napoléon le grand classique, classique comme Alexandre et César, tomba terrassé sur le sol, et MM. Auguste-Guillaume et Frédéric Schlegel, les petits romantiques, romantiques comme le Petit Poucet et le Chat botté, relevèrent la tête en vainqueurs[6]. »

Les romantiques, par leur fureur aveugle contre toutes les idées françaises, ne servirent que la cause de l’ancien régime. Il ne faut pas confondre avec eux les héros et les poètes de la délivrance, qui, en partageant leurs haines et leurs colères, avaient au moins l’excuse d’un véritable patriotisme et d’un sincère amour de la liberté. L’Allemagne devenait enfin une nation. Ce que n’avaient pu faire ni l’unité de la race et du langage, ni l’union fédérative sous la couronne impériale, la philosophie et les lettres l’avaient préparé en réunissant tous les pays allemands dans le sentiment d’une gloire commune ; l’insolence d’un conquérant allait compléter l’œuvre en ajoutant à ce lien celui d’une commune oppression et d’un même désir de vengeance. Nous n’avons plus à raconter ici ce réveil ou plutôt cet éveil d’une nation. Les Allemands doivent nous rendre cette justice, que nous avons toujours applaudi sans arrière-pensée à tous les efforts de leur patriotisme naissant. Nous n’avons pas même protesté contre le caractère agressif et violent à notre égard qu’ils ont donné à ces efforts. Nous avons pardonné à Lessing et à Schlegel lui-même la guerre sans mesure et trop souvent sans justice qu’ils ont faite à toute notre littérature. Nous ne nous sommes pas scandalisés davantage de l’emportement injurieux avec lequel un Kœrner ou un Arndt soulevaient contre nous tant de colères, affectant de confondre la France tout entière avec le chef dont elle-même portait le joug, et d’oublier l’esprit généreux et bienveillant qu’elle apportait dans ses conquêtes, ainsi que les bienfaits de tout ordre qui en rachetaient en partie l’odieux. Ces violences et ces injustices étaient peut-être nécessaires pour échauffer un patriotisme encore incertain. Elles ne nous suggéreront qu’une remarque : elles attestent ce qu’il y a eu de lent et d’imparfait dans le mouvement national de l’Allemagne. Des provocations incessantes à la haine de l’esprit français avaient pu seules produire ce mouvement sous sa forme littéraire ; il fallut plusieurs années de provocations semblables à la haine de la France elle-même pour qu’il prît définitivement sa forme patriotique. La Prusse, écrasée à Iéna, ne compte que sur la Russie pour se relever, et quand son alliée est vaincue à son tour, elle se laisse mutiler et presque détruire sans oser faire appel à ses peuples ni aux autres peuples allemands. L’Allemagne, dépouillée de ses institutions communes et bouleversée dans les démarcations de ses divers états, voit ses princes et ses personnages les plus illustres grossir la cour du conquérant à Erfurt, et parmi eux son plus grand poète se retirer tout fier du compliment impérial : Monsieur Goethe, vous êtes un homme ! Napoléon dans les guerres suivantes a pour alliées la plupart des puissances allemandes ; il dispose des armées allemandes comme de ses propres armées. La défection ne commence qu’après les désastres de la campagne de Russie ; elle se couronne par la trahison des Saxons sur le champ de bataille de Leipzig ; la délivrance elle-même n’est assurée qu’à la faveur d’une coalition de toute l’Europe, et les peuples allemands ne s’affranchissent d’un joug étranger qu’en subissant à l’intérieur les délimitations arbitraires du congrès de Vienne et la réaction de l’ancien régime. Que l’on compare ce mouvement à demi avorté avec cet autre réveil d’une nation dont la France donne le spectacle depuis cinq mois. Toutes ses armées régulières sont anéanties ; mais elle reste debout, comptant encore sur le patriotisme de ses citoyens pour sauver sinon son intégrité, au moins son honneur. Sa population tout entière est prête à tous les sacrifices, ne se plaignant que de la timidité avec laquelle ils lui sont demandés. Elle peut succomber ; mais l’orgueil du roi Guillaume ne va pas jusqu’à supposer qu’elle puisse subir son alliance, lui prêter des armées, lui envoyer à Versailles d’illustres courtisans, et se tenir pour honorée d’un compliment ou d’un sourire tombé de ses lèvres victorieuses sur M. Thiers ou M. Victor Hugo. Elle garde sa fierté intacte dans ses revers ; elle ne l’eût pas abdiquée pour prix de sa délivrance. Elle n’a pas mendié l’appui d’une coalition européenne, et il ne saurait venir à la pensée de personne qu’elle eût pu l’acheter en laissant ses alliés mettre la main sur ses destinées intérieures.


II.[modifier]

Les Allemands, affranchis de la domination française, n’avaient plus aucun prétexte de haine contre la France. Ils ne trouvaient parmi nous, malgré leur participation active et passionnée à nos revers, que bienveillance et désir de rapprochement. L’Allemagne de MMe de Staël donnait l’impulsion à un mouvement intellectuel qui mettait en honneur parmi nous les systèmes métaphysiques, les théories littéraires et les créations poétiques d’outre-Rhin, et qui contribuait, en les revêtant de notre esprit et de notre langue, à les faire goûter du reste du monde. Dans l’ordre politique, un intérêt commun unissait les deux peuples ; ils avaient également à se dégager de l’ancien régime, et la tâche était plus ardue pour l’Allemagne que pour la France. La première était réduite aux conspirations, quand la seconde avait une tribune et une presse à peu près libres. Aussi toutes les espérances des libéraux allemands étaient-elles tournées de notre côté, et Paris était de nouveau, comme en 1789, cette « capitale du monde » dont l’auteur de Hermann et Dorothée avait proclamé la légitime prééminence. Les deux révolutions que la France a faites dans notre siècle, en 1830 et en 1848, ont donné le branle à des tentatives du même genre en Allemagne. Il n’est que trop vrai que nous avons cessé, à partir de 1848, de marcher à la tête du libéralisme européen. Le parti libéral, dont les conquêtes depuis 1815 avaient rétabli notre influence morale dans le monde, s’est effondré en un jour sous l’empire d’une soudaine terreur, et, quand il a cherché à se reconstituer, il n’a plus guère été pendant longtemps qu’un état-major sans soldats. Il semblait que la France n’eût plus le choix qu’entre deux extrêmes, la démagogie et le césarisme, et ni l’un ni l’autre n’étaient faits pour lui conserver les sérieuses sympathies des peuples ; mais rien du moins dans cette défaillance, qu’elle expie si cruellement, n’autorisait leur haine. En se jetant de nouveau dans les bras d’un Napoléon, elle n’obéissait qu’à une pensée de réaction, non à l’ambition des conquêtes. Le second empire n’obtenait sa confiance qu’en lui promettant l’ordre et la paix ; il ne l’entraînait dans des guerres qu’en leur donnant un but libéral. Elle se consolait de la perte de sa liberté en se passionnant pour la liberté des autres, et, parmi les principes de sa révolution, il en était un auquel elle restait fermement attachée, — le droit des nations à disposer d’elles-mêmes. Elle devait dès lors se croire à l’abri de toute inimitié nationale : l’Allemagne seule portera devant l’histoire la responsabilité de la haine continue et croissante qu’elle nous a gardée depuis la chute de Napoléon Ier.

La littérature a encore été l’instrument de cette haine. L’esprit allemand ne connaissait plus de limites dans son ambition. Il n’aspirait qu’à l’indépendance quand il nous injuriait au xviiie siècle ; il prétendait à la domination quand il reproduisait et aggravait ses injures au xixe. Par réaction contre les théories cosmopolites de l’âge précédent, une philosophie de l’histoire s’était produite, qui opposait les races aux races, les nations aux nations, les époques aux époques. C’est la doctrine hégélienne ; mais elle n’appartient en propre ni à Hegel ni même à l’Allemagne. Le premier n’a fait que donner une forme systématique à une tendance qui se montre partout chez les historiens et chez les penseurs de la première moitié de ce siècle, et la seconde l’a poussée à son profit aux conséquences les plus extrêmes. Trois axiomes ont cours en Allemagne ; le premier affirme la supériorité de la race germanique sur toutes les races européennes, — le second, la supériorité de la nation allemande sur toutes les nations d’origine germanique, — le troisième, la consécration, dans l’époque actuelle, de cette double supériorité ! Qu’il s’agisse de philosophie ou de science, de critique historique ou philologique, ces trois axiomes manquent rarement de se produire. Or l’esprit allemand a beau s’attribuer la primauté dans tous les genres, il n’a pas cessé d’être jaloux de l’esprit français. Il hait en lui des qualités qu’il n’a jamais su s’approprier et une influence encore sans égale sur la civilisation universelle. Il lui en veut des services mêmes qu’il en reçoit. Il souffre de voir ses propres productions faire plus aisément leur chemin quand elles portent une empreinte française. Il n’est pas loin de croire que nous lui faisons tort quand nous travaillons à les faire connaître. Il nous accuse d’étroitesse quand nous ne les comprenons pas, de platitude quand nous les comprenons trop bien. Il répugne d’autant plus à notre clarté qu’il a souvent besoin du demi-jour pour s’abuser lui-même et pour abuser les autres sur sa profondeur. Il affecte de nous mépriser ; mais sous le mépris se cachent l’envie et la rancune mal dissimulée de l’orgueil blessé.

C’est en effet l’orgueil blessé qui a fait depuis cinquante ans le fond de toute la haine des Allemands contre nous. Leurs politiques étaient jaloux de notre gloire militaire et du rôle considérable que nous jouions encore dans le monde, comme leurs lettrés de notre gloire littéraire et de l’influence universelle de notre esprit. Ces deux jalousies se sont venues sans cesse en aide, tout politique allemand étant doublé d’un lettré et tout lettré aspirant à être un politique. Elles se confondent dans l’irritation que leur cause toujours ce nom de grande nation que nos revers de 1813, de 1814 et de 1815 n’ont pu nous faire perdre, et que nous garderons encore, je l’espère, après nos revers de 1870 et de 1871. L’Allemagne ne prend ombrage ni de la grandeur de la Russie ni de celle de l’Angleterre ; l’intelligence a trop peu de part à la première, et la seconde repose sur des bases qui ne sont pas l’objet immédiat de l’ambition germanique. La France seule offre la réunion de toutes les gloires auxquelles prétend cette ambition. Elle est la seule rivale que l’Allemagne ait en vue dans ses rêves de domination, et une rivale d’autant plus odieuse qu’elle-même, il n’y a pas longtemps encore, bien loin de s’alarmer de cette rivalité, lui faisait à peine l’honneur de la soupçonner.

Les Allemands considèrent comme un fait accompli leur suprématie dans le champ de la pensée ; ils s’accusent eux-mêmes de leur lenteur à l’établir dans le champ de l’action. Ils se reprochaient, avant de s’être mis sous la conduite de M. de Bismarck de n’avoir réalisé jusqu’à présent que le type du héros de Shakspeare, Hamlet, un étudiant de Wittemberg, l’honneur de sa famille et de son pays pour l’intelligence et pour la culture, mais qui ne sait que méditer sur l’être et le non-être, tandis que d’autres font des révoltions et des conquêtes[7]. Pour secouer leur torpeur, ils continuaient à évoquer, comme en 1813 mais sans les mêmes motifs et pour un but moins légitime, le fantôme de l’ambition française. Ils se disaient et ils s’efforçaient de se croire menacés par nous pour s’exciter à fonder leur grandeur sur la ruine de la nôtre. Quel prétexte avons-nous donné à ces alarmes factices ? Un seul est spécieux : c’est le regret que nous a laissé la perte de nos anciennes frontières. Je ne veux point nier ce regret. Ç’a été pout nous une blessure toujours saignante que cet amoindrissement de notre territoire qui nous était imposé par une double invasion, et qui nous laissait sans cesse exposés, avec des défenses insuffisantes, à des invasions nouvelles. Nous supportions avec peine notre affaiblissement ; nous ne souffrions pas moins de nous voir enlever non de pures conquêtes, comme la Westphalie ou le Piémont, mais des provinces qui s’étaient librement associées à toutes nos destinées, et que nous avions le droit de considérer comme devenues tout à fait nôtres. Nous attendions un retour de fortune qui nous les rendît ou plutôt qui leur permît de nous revenir, car nous ne voulions pas faire violence à leurs vœux, et toutes nos revendications partaient de l’hypothèse que ces vœux nous étaient acquis. Cette hypothèse n’était-elle qu’une illusion ? Elle l’est devenue sans aucun doute depuis que les provinces rhénanes se sont consolées d’être prussiennes en se berçant des espérances du patriotisme allemand ; mais tous ceux qui les ont parcourues de 1815 à 1848 savent quelles sympathies pour la France entretenait encore l’antipathie pour la Prusse. Le tort de beaucoup de Français a été d’ignorer les dispositions nouvelles qui se sont produites depuis une vingtaine d’années sur les bords du Rhin. L’Allemagne a trop prouvé dans ces derniers temps qu’elle ne se doutait pas du véritable état moral de la France pour avoir le droit de nous reprocher cette ignorance. Elle ne pouvait d’ailleurs nous faire un crime d’illusions inoffensives qui excluaient toute pensée d’annexion forcée. Notre respect de l’indépendance des peuples suffisait pour la rassurer contre notre ambition prétendue, si elle n’avait vu, sur d’autres points, dans ce respect même, une menace pour sa propre ambition. Elle s’est indignée quand nous avons pris en main, avec une générosité imprudente peut-être, mais honorable, l’affranchissement de l’Italie : l’Italie libre, c’était l’Italie soustraite à une influence allemande, c’était un empiétement sur le droit de la race germanique à dominer, comme race supérieure, les races inférieures du midi ; un tel droit ne primait-il pas celui des Lombards et des Vénitiens ? Même indignation quand nous avons protesté contre le démembrement du Danemark : le Slesvig ne s’appartenait plus du moment que sa population s’était grossie d’Allemands, à qui seuls appartenait la souveraineté au nom de la philosophie de l’histoire. Même indignation encore avec plus de colère quand nous nous sommes émus de Sadowa, qui ne nous regardait pas, suivant M. de Bismarck : à quoi en effet songeait-on en France en prenant parti pour ces petit états, autrefois nos alliés et nos protégés, qui disparaissaient sans être consultés, en vertu du seul droit de la force ? En reprochant à notre gouvernement d’avoir coopéré par l’indécision ou plutôt par la duplicité de sa politique à cette œuvre d’iniquité, on se contentait cependant de la flétrir ; on l’acceptait dans ses effets présens, et, contre ses effets futurs, la France réclamait seulement des mesures de précaution que nous n’avons pas su prendre. Avions-nous tort de nous alarmer ? L’événement a prouvé de quel côté étaient les dangers et d’où partaient les menaces. La conduite de la Prusse depuis 1866 a provoqué de notre part une attitude hostile, et nous a menés par surprise à une déclaration de guerre ; mais nous n’en voulions pas à l’Allemagne elle-même, et nous comptions dans cette guerre, sinon sur sa neutralité, du moins sur sa modération. Nous la connaissions mal : elle n’attendait qu’une occasion pour abaisser et, s’il était possible, pour écraser la France.

Dès 1835, Henri Heine, cet enfant terrible de l’Allemagne, nous mettait en éveil contre le déchaînement des ambitions allemandes. « Prenez garde ! s’écriait-il, je n’ai que de bonnes intentions, et je vous dis d’amères vérités, vous avez plus à craindre de l’Allemagne délivrée que de la sainte-alliance tout entière avec tous les Croates et les Cosaques[8]. »

Depuis ces paroles presque prophétiques, sous leur ironie même, combien d’autres avertissemens nous sont venus, qui n’ont pas été mieux entendus ! La haine des Allemands contre nous n’a jamais manqué de faire explosion dans toutes les complications européennes, en 1840 avec le Rhin allemand de Becker, en 1859 avec la célébration bruyante dans les principales villes d’Allemagne de l’anniversaire de la bataille de Leipzig. Il m’a été donné d’assister à une de ces fêtes à Munich en 1860. Elle avait lieu dans un jardin public, au fond duquel, sur une estrade, un orchestre jouait des airs nationaux et des chœurs répétaient les chants de guerre de 1813, entremêlés de poésies de circonstance où nous n’étions pas plus ménagés. Derrière l’estrade, une pièce d’artifice avec accompagnement de feux de Bengale termina la fête par le tableau de la bataille. Dans toute l’étendue du jardin, d’honnêtes bourgeois avec leurs femmes et leurs enfans, groupés autour de petites tables, fumant leurs pipes, mangeant du jambon et buvant de la bière, n’interrompaient leurs paisibles causeries que pour chanter à pleins poumons les refrains des chœurs. Nulle émotion à la présence d’un Français qui avait mis très ostensiblement dans sa poche le ruban aux couleurs nationales allemandes qu’on lui avait donné à l’entrée, comme aux autres assistans, et qui ne répondait qu’en français, soit aux organisateurs, soit à ses voisins. Je me représentais la présence d’un Anglais dans une fête du même genre à Paris, lors d’un de nos accès de fureur contre l’Angleterre : quelles clameurs, quelles menaces n’auraient pas été préférées ! Les violences n’eussent été chez nous que la fièvre d’un jour ; le calme enthousiasme de ces bourgeois de Munich attestait la conviction lentement formée, mais inébranlable, d’un devoir rempli, et comme l’observation d’une consigne dans la façon de le remplir.

Une extrême ténacité dans les idées, une discipline uniforme et sévère dans l’exécution, se cachent en effet sous la fausse bonhomie des Allemands. De là cette facilité avec laquelle ils se sont prêtés à deux institutions auxquelles résiste ailleurs l’indépendance, ou, si l’on veut, l’égoïsme de l’esprit de famille : la double et universelle obligation de l’instruction et du service militaire. La combinaison de ces deux institutions appartient en propre et depuis longtemps à la Prusse ; elle s’est étendue, à partir de 1866, au reste de l’Allemagne. Les pays qui l’ont adoptée y ont puisé une grande force, ils y ont trouvé aussi, nous l’avons appris à nos dépens, le plus formidable instrument de guerre contre la France. Il n’y a qu’à lire les rapports adressés sans relâche de 1866 à 1870 par un observateur aussi exact que compétent, M. le baron Stoffel, au gouvernement impérial français ; ils font peser sur ceux qui les ont reçus et qui n’en ont pas tenu compte une terrible responsabilité. Nous ne les oublierons plus, ces propositions dans lesquelles notre attaché militaire à Berlin résumait, il n’y a pas un an, l’opinion courante en Prusse, et dont un incroyable aveuglement devait si tôt nous condamner à voir sur notre sol le commentaire en action : « L’armée est une école qui achève et confirme, pour l’usage de la vie pratique, les principes puisés dans les autres écoles. — Les institutions militaires prussiennes mettent à la disposition du roi toutes les forces intellectuelles du pays. — La Prusse n’est pas un pays qui a une armée, c’est une armée qui possède un pays[9] ! »

M. Stoffel exagère sans doute, avec les préjugés de sa profession, les mérites d’une éducation militaire qui n’a produit, suivant la forte expression de M. Jules Favre, qu’une sorte de « barbarie scientifique ; » mais il n’en exagère pas l’effet, sinon pour former à toutes les vertus, du moins pour plier à l’obéissance et à la règle le caractère d’une nation. L’armée prussienne a discipliné la nation qu’elle possède au lieu d’être possédée par elle, et il faut ajouter qu’elle l’a disciplinée dans la haine de la France. Quelque docile que fût un tel peuple, la charge universelle du service militaire ne pouvait lui être imposée sans qu’il eût ou qu’il crût avoir un intérêt à la subir. Après Iéna et Tilsitt, l’ardeur de la délivrance parlait assez haut pour dispenser de tout autre motif ; mais, une fois l’oppresseur chassé et sa puissance brisée, qu’allait devenir cette organisation, sans laquelle la Prusse ne pouvait maintenir son rang et étendre son influence en Allemagne et en Europe ? Elle s’était fondée au cri de guerre à la France ; il fallait pour la conserver que le même cri trouvât toujours de l’écho dans les cœurs prussiens, et pour cela que l’ambition française leur fût toujours présentée comme un épouvantail et un objet d’aversion. L’instruction obligatoire nourrit dans ces sentimens les jeunes générations ; elle leur fait accepter sans se plaindre toutes les exigences du métier de soldat ; elle trouve enfin dans ce métier lui-même son complément et sa consécration. Dès lors la nation est faite ; elle façonnera sans peine à son image les autres peuples allemands, déjà préparés à suivre son exemple par une instruction qu’anime le même esprit. Et quand la confédération du nord et ses alliés du sud auront puisé dans une commune discipline l’oubli de leurs divisions, ils pourront se ruer sur la proie détestée qui s’offre imprudemment à eux ; ils sont organisés pour la victoire et sans scrupule pour tous les abus de la victoire.


III.[modifier]

Nous portons la peine d’une agression impolitique et le poids d’une haine imméritée. L’agression, d’ailleurs plus apparente que réelle, a été l’erreur d’un moment, et cette erreur même a été le fait d’un homme, non d’un peuple ; mais la haine est le sentiment invétéré d’une nation entière. Nous ne voulons pas invoquer ici la série d’actes odieux par lesquels cette haine s’est manifestée depuis six mois. Beaucoup sont contestés, ceux même qui ne semblent pas douteux peuvent être l’effet de malentendus ou de ces excès individuels qui se produisent dans toutes les guerres, et que la discipline la plus rigoureuse est trop souvent impuissante à empêcher ou à punir. Nous instruisons le procès non des soldats allemands, mais de la nation elle-même. Ce qu’ont voulu nos ennemis dès le début de cette guerre, ils nous l’ont dit assez haut par la voix de leurs savans les plus éminens. Les plus modérés ne se contentaient qu’au prix du démembrement et surtout de l’humiliation de la France, les plus ardens appelaient sur elle la ruine et l’extermination. Vaincue et acceptant sa défaite, elle était résignée à tous les sacrifices compatibles avec ses principes pour expier une faute dont elle-même avait puni le premier auteur : le vainqueur lui a fait comprendre qu’il en voulait à elle seule et qu’il serait implacable. Forcée à la résistance, ses plus légitimes efforts n’ont rencontré que le mépris et l’outrage chez ceux dont les ancêtres, dans une lutte semblable soutenue contre nous-mêmes, n’avaient reçu de nous que des témoignages d’estime. Et quand un tiers de notre territoire offrait partout le spectacle de la dévastation systématique, de l’incendie et du carnage, quand Paris, étroitement investi, ne pouvait communiquer à travers les airs avec le reste du monde qu’en exposant ses messagers au sort des malfaiteurs, l’opinion publique en Allemagne, par une cruelle ironie, taxait de modération le pieux roi Guillaume, ses conseillers et ses généraux ; elle réclamait avec insistance, comme une satisfaction qui lui était due, le bombardement aussi inutile qu’odieux de nos monumens, de nos hôpitaux et de nos maisons ; elle indiquait comme but au tir des artilleurs allemands les tours de Notre-Dame, et elle se préparait à elle-même, dans les émotions diverses qui devaient agiter les riches bourgeois et les pauvres ouvriers, à la vue de leurs meubles en feu ou de leurs enfans écrasés, un curieux sujet d’études « psychologiques » Ce duel à outrance de deux nations reçoit d’un enchaînement de causes — dont nous ne pouvons encore percer le mystère une conclusion imprévue qui trompe à la fois les espérances des deux adversaires : il serait vain dépenser que ce dénoûment, quelle qu’en soit la nature, mettra fin à la haine qui s’est appesantie sur nous en un jour de malheur, après s’être préparée et fortifiée pendant un siècle ; nos ennemis ne nous croiraient pas, si nous affirmions qu’il mettra fin à la nôtre.

Notre région de l’est avait gardé le souvenir de la dureté des Prussiens en 1814 et en 1815, et leurs envahissemens depuis quelques années avaient révolté tout ce qui a en France l’intelligence politique et le sentiment de la justice, mais nous avions contre eux du ressentiment plutôt que de la haine, et quant à l’Allemagne elle-même, elle n’avait pas cessé de nous être sympathique. Lorsque la guerre est devenue imminente et dans sa première période, quelques publicistes tapageurs et quelques serviteurs à gages de l’empire se sont donné la tâche, plus ridicule qu’efficace, de surexciter parmi nous les passions par des injures et des rodomontades à l’adresse de l’ennemi, qui n’était encore pour eux que le Prussien, non l’Allemand. Nul publiciste sérieux, nul de nos hommes d’état et de nos savans ne s’est associé à ces violences, qui n’ont eu aucune prise sur la masse de la nation. L’irritation n’est entrée dans nos cœurs qu’après nos premières défaites ; elle n’est devenue de la haine que lorsque la guerre après le désastre de Sedan et l’entrevue de Ferrières a changé de nature en devenant une agression directe, sans excuse, contre l’intégrité de notre territoire et les derniers restes de notre puissance. Et à ce moment encore la plupart des Français s’efforçaient de distinguer entre la Prusse et l’Allemagne ; il a fallu que tous les peuples allemands nous donnassent sous nos yeux des preuves multipliées de leur mauvais vouloir pour nous forcer à les comprendre dans nos justes sentimens d’indignation. Aujourd’hui l’œuvre est faite. Allemands du nord ou du midi, tous ont mérité notre inimitié.

Les uns pour être malfaisans
Et les autres pour être aux méchans complaisans.

Par malheur, cette haine subsistera, car elle est légitime. Ses causes nous seront longtemps présentes dans toutes les ruines que la guerre a faites, et, quand ces ruines seront réparées, nos souvenirs de deuil et d’humiliation, les récits que nous demanderont nos enfans, la place que tiendra dans l’histoire cette chute soudaine d’une grande nation dont l’honneur seul a été sauf, ne nous laisseront jamais oublier ce que nous avons souffert et à qui nous le devons. Notre patriotisme s’est réveillé avec nos premiers ressentimens ; il fera de toutes nos amertumes son constant aliment dans ses efforts pour nous relever, et il n’aura pas à en rougir. La haine, disent les philosophes, est fille de l’amour, et lorsqu’elle prend naissance dans l’amour de la patrie, elle est ennoblie par son origine. Le patriotisme serait plus pur sans doute, s’il n’était qu’amour, s’il se conciliait, sans s’énerver, avec cette charité du genre humain, caritas generis humani, que glorifiait déjà Cicéron. Quand il est fortement enraciné dans l’âme d’une nation, il n’y a rien à craindre d’un tel mélange. Les nobles sentimens se prêtent un mutuel concours. Nos pères de 1789 n’aimaient pas moins la France, et ils n’ont pas lutté avec moins de zèle pour sa liberté et pour sa grandeur, parce qu’ils avaient sans cesse à la bouche les mots d’humanité et de fraternité des peuples. Ce qui nous a perdus dans ces dernières années, ce n’est pas d’avoir pris trop de souci des autres, c’est d’avoir pris trop peu de souci de nous-mêmes. Réveillés par un coup, de tonnerre, nous n’abdiquerons aucun de nos devoirs ; mais nous les accepterons tels qu’une affreuse réalité nous les a faits, sans viser à un idéal qui n’est plus de saison : ce n’est pas notre faute s’il s’y mêle autre chose que des pensées d’union et de bienveillance universelle.

Notre haine est juste dans ses causes ; elle le sera dans ses effets, elle ne prendra point la forme du dénigrement. Nous continuerons à honorer chez nos ennemis tout ce qui sera vraiment digne d’estime. Pendant ce siège même, des concerts donnés pour en soulager les misères ou pour venir en aide à la défense nous ont fait applaudir, sans offenser notre patriotisme, des œuvres allemandes ; nous apporterons la même impartialité dans nos jugemens futurs sur la littérature, sur les sciences, sur les institutions mêmes de l’Allemagne. Nous ferons mieux : nous puiserons plus largement que nous n’avons fait jusqu’ici dans tout ce qu’elle offrira à notre imitation ; notre première vengeance sera de lui demander des armes contre elle-même. Elle nous a vaincus par ses écoles, par son organisation militaire, par son esprit de discipline : sur aucun de ces points, sans abdiquer nos qualités propres, nous ne voudrons lui rester inférieurs, et nous ne désespérerons pas de la surpasser. Nous ne chercherons pas d’autre part une mesquine et funeste satisfaction dans le rejet systématique de tous les produits de son industrie. Nous userons seulement de prudence dans des relations commerciales ou industrielles qui auraient tout à craindre d’une rupture toujours imminente, et il suffira de nous abstenir d’une cordialité qui répugnerait à notre patriotisme. Il faudra nous dispenser avec plus de soin encore, sous la seule pression du sentiment public, de cette coûteuse hospitalité qui a entretenu dans nos murs, dans nos ateliers et jusque dans nos foyers un peuple d’espions. Nous garderons la même réserve dans nos relations politiques. Nous ne nous abaisserons pas aux tracasseries ; nous ne chercherons pas des prétextes de guerre, mais nous nous tiendrons toujours préparés à faire servir à notre revanche la défense d’une juste cause. Nous ne persisterons pas dans ce système ruineux qui nous imposait dans la paix les charges de la guerre sans nous servir efficacement pour la guerre elle-même : quand il ne serait pas jugé par ses fruits, nous ne pourrions plus de longtemps le supporter. Nous saurons, en évitant l’excès du militarisme, armer et discipliner la nation entière. Nous ne serons plus simplement « un pays qui a une armée, » et nous ne voudrons pas davantage être « une armée qui possède un pays ; » nous serons tout ensemble un peuple de citoyens et de soldats, réunissant sans les confondre et sans en sacrifier une seule toutes les mâles vertus qu’impliquent ces deux noms. En attendant l’heure propice, nous ferons à nos rivaux la seule guerre honorable que comporte l’état de paix ou de trêve, la guerre d’émulation. Ils ont voulu devenir une grande nation, et la fortune a souri à leurs efforts : nous mettrons toute notre intelligence et toute notre ardeur à nous élever de notre infortune présente, par le progrès continu de nos institutions, de nos mœurs, de notre industrie, de tous nos arts, de notre influence dans tous les genres, à un point de grandeur que nous n’avions pas encore atteint, auquel ils ne sauraient prétendre, et, puisque la lutte entre eux et nous a été surtout une lutte d’orgueil, si jamais nous devons nous sentir suffisamment vengés, ce sera quand nous leur aurons arraché l’aveu de notre supériorité reconquise. Nous avons encore assez de ressources matérielles et morales pour que cette suprême espérance ne soit pas la dernière chimère d’un joueur ruiné. Nous n’avons qu’à continuer ce que nous avons su faire depuis cinq mois et ce qui nous eût peut-être sauvés dès à présent, si nos chefs avaient moins douté de notre sagesse et de notre fermeté : ne pas nous abandonner nous-mêmes.

Émile Beausire.
  1. Idées sur la philosophie de l’histoire, traduction de M. Edgar Quinet, t. III, p. 336.
  2. Wahrheit und Dichtung, Dritter Theil, Eilfter Buch.
  3. Die Vier Jahreszeiten. Herbst. Épigramme 68.
  4. Ueber die œsthetische Erziehung des Menschen, in eine Reihe von Briefen (Schiller’s Werke, XII).
  5. Voyez, dans la Revue des 15 mars, Ier mai et 1er novembre 1870, les études de M. Karl Hillebrand sur la Société de Berlin.
  6. De l’Allemagne, t. Ier, IVe partie.
  7. Gervinus, Shakspeare, III.
  8. De l’Allemagne, IVe partie.
  9. 37e rapport, 28 février 1870.