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Les Médailles d’argile/Adieux

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Les Médailles d’argileSociété du Mercure de France (p. 196-198).
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ADIEUX


Il est de doux adieux au seuil des portes,
Lèvres à lèvres pour une heure
Ou pour un jour ;
Le vent emporte
Le bruit des pas qui s’éloignent de la demeure
Le vent rapporte
Le bruit des pas du bon retour ;
Les voici qui montent les marches
De l’escalier de pierre blanche ;
Les voici qui s’approchent. Tu marches
Le long du corridor où frôle
Au mur de chaux le coude de ta manche
Ou ton épaule ;
Et tu t’arrêtes, je te sens
Derrière la porte fermée ;
Ton cœur bat vite et tu respires
Et je t’entends,

Et j’ouvre vite à ton sourire
La porte prompte, ô bien-aimée !

Il est de longs adieux au bord des mers
Par de lourds soirs où l’on étouffe ;
Les phares tournent déjà dans le crépuscule ;
Les feux sont clairs.
On souffre…
La vague vient, déferle, écume et se recule
Et bat la coque de bois et de fer ;
Et les mains sont lentes dans l’ombre
À se quitter et se reprennent.
Le reflet rouge des lanternes
Farde un présage en sang aux faces incertaines
De ceux qui se disent adieu aux quais des mers
Comme à la croix de carrefours,
Comme au tournant des routes qui fuient
Sous le soleil ou sous la pluie,
Comme à l’angle des murs où l’on s’appuie,
Ivre de tristesse ou d’amour,
En regardant ses mains pour longtemps désunies
Ou pour toujours…

Il est d’autres adieux encor
Que l’on échange à voix plus basse
Où, face à face,

Anxieusement, Vie et Mort,
Vous vous baisez, debout dans l’ombre, bouche à bouche,
Comme pour mieux sceller encor
Dans le temps et l’éternité
Lèvre à lèvre et de souffle à souffle
Votre double fraternité.