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Les Martyrs/Remarques sur le livre premier

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Garnier frères (Œuvres complètes de Chateaubriand, tome 4p. 335-354).

REMARQUES.


LIVRE Ier.


1re Remarquepage 15.

Muse céleste.

O Musa, tu che di caduchi allori
Non circondi la fronte in Elicona, etc.
Non circondi la fronte(Gerus. liber., canto i, strof. ii.)


2e. — page 16.

L’Éternel, qui voyoit les vertus des chrétiens s’affoiblir dans la prospérité, permit aux démons de susciter une persécution nouvelle.

Eusèbe a donné la même raison de la persécution sous Dioclétien. On peut remarquer, au reste, que cette exposition, fort courte et fort simple, contient absolument tout le sujet.


3e. — page 16.

Démodocus étoit le dernier descendant d’une de ces familles Homérides.

J’ai adopté la tradition qui convenoit le mieux à mon sujet : on sait d’ailleurs que les Homérides étoient des Rapsodes qui récitoient en public des morceaux de l’Iliade et de l’Odyssée. Le nom de Démodocus est emprunté de l’Odyssée. Démodocus étoit un poëte aveugle qui chantoit aux festins d’Alcinoüs : on croit qu’Homère s’est peint sous la figure de ce favori des Muses. Par la fiction de cette famille d’Homère, j’ai pu faire remonter les mœurs jusqu’aux siècles héroïques sans trop choquer la vraisemblance. Il est assez simple qu’un vieux prêtre d’Homère, dernier descendant de ce poëte, poëte lui-même, et l’esprit tout rempli de l’Iliade et de l’Odyssée, ait gardé, pour ainsi dire, les mœurs de sa famille. On voit dans les montagnes d’Écosse des clans ou tribus qui depuis des siècles conservent la langue, le vêtement et les usages de leurs pères. Sans le secours de cette fiction, peut-être assez heureuse en elle-même, j’aurois perdu le charme et les grands traits de la mythologie d’Homère. On m’auroit alors reproché, très-justement, d’avoir opposé les mœurs chrétiennes dans toute leur jeunesse et toute leur beauté aux mœurs païennes dans leur décadence. On voit donc ici une preuve frappante de ma bonne foi et de la conscience que je mets toujours dans mon travail. Certainement les petits dieux d’Ovide et les usages de la Grèce idolâtre au ive siècle n’auroient pu se soutenir un seul moment auprès de la grandeur du christianisme naissant et du tableau des vertus évangéliques. Il ne faut pas d’ailleurs oublier que Cymodocée, représentant les beaux-arts de la Grèce, doit sortir de cette famille Homéride, et qu’elle va devenir chrétienne pour remettre à la Muse sainte la lyre d’Homère.


4e. — page 16.

Du mont Talée, chéri de Mercure.

Montagne de Crète, où Mercure étoit honoré. Peut-être avoit-elle pris son nom de Talus, compagnon des travaux de Rhadamanthe, et dont les poëtes ont fait un géant d’airain, qui combattit les Argonautes et fut tué par les enchantements de Médée. (Voyez Platon et Apollonius.)


5e. — page 16.

Il avoit suivi son épouse à Gortynes, ville bâtie par le fils de Rhadamanthe, au bord du Léthé, non loin du platane qui couvrit les amours d’Europe et de Jupiter.

Gortynes, une des cent villes de la Crète. Rhadamanthe est devenu, par l’enchantement des poètes, un des juges des enfers. Le Léthé, petite rivière de Crète, ainsi nommée parce que ce fut sur ses bords qu’Hermione oublia Cadmus. Les Grecs, ayant remarqué le long du Léthé une espèce de platane toujours vert, publièrent que Jupiter avoit fait naître ce platane pour cacher ses amours avec Europe. (Voyez les mythologues, les géographes et les voyageurs, entre autres Tournefort.)


6e. — page 16.

Les antres des Dactyles.

Les Dactyles idéens étoient selon les uns des prêtres de Cybèle, et selon les autres, une espèce d’hommes religieux, premiers habitants de la Crète. Ils demeuroient dans les cavernes du mont Ida. (Voyez Sophocle, Strabon, Diodore de Sicile, etc.)


7e. — page 17.

Épicharis alla visiter ses troupeaux sur le mont Ida. Saisie tout à coup des douleurs maternelles, elle mit au jour Cymodocée.

Σιμοείσιον, ὅν ποτε μήτηρ
Ἴδηθεν κατιοῦσα παρ’ ὄχθῃσιν Σιμόεντος
Γείνατ’, ἐπεί ῥα τοκεῦσιν ἅμ’ ἕσπετο μῆλα ἰδέσθαι.

(Iliad., liv. iv, v. 474.)


8e. — page 17.

Dans le bois sacré où les trois vieillards de Platon s’étoient assis pour discourir sur les lois.

Allusion à la belle scène qui commence le dialogue sur les lois. « Clinias : En avançant, nous trouverons dans les bois consacrés à Jupiter des cyprès d’une hauteur et d’une beauté admirables, et des prairies où nous pourrons nous asseoir et nous délasser. » (Lois de Platon, liv. Ier, trad. de M. Grou.)


9e. — page 17.

De regarder avec un sourire mêlé de larmes cet astre charmant, etc.

Sourire mêlé de larmes. Andromaque regarde ainsi Astyanax :

Δακρυόεν γελάσασα.
(Iliad., liv. vi, v. 484.)

C’est encore Homère qui compare Astyanax à un bel astre :

ἀλίγκιον ἀστέρι καλῷ.
(Iliad., liv. vi, v. 401.)


10e. — page 17.

Or, dans ce temps-là, les habitants de la Messénie faisoient élever un temple à Homère.

Presque toutes les villes qui se disputoient la gloire d’avoir donné naissance à Homère lui élevèrent des temples. Ptolémée Philopator lui en bâtit un magnifique ; Chio célébroit des jeux en l’honneur du plus grand des poëtes, Argos invoquoit Apollon et Homère, etc.


11e. — page 17.

Poussé par un vent favorable, son vaisseau découvre bientôt le promontoire du Ténare, et suivant les côtes d’Œtylos, de Thalames et de Leuctres, il vient jeter l’ancre à l’ombre du bois Chœrius.

Le Ténare, aujourd’hui le cap Matapan, dernier promontoire de la Laconie. On y voyoit un temple de Neptune et un soupirail qui conduisoit aux enfers. Œtylos, Thalames, Leuctres, etc., villes situées le long des côtes de la Laconie, au revers du mont Taygète, dans le golfe de Messénie. (Voyez Pausanias, in Messen.) Ces villes n’ont rien de remarquable. D’Anville veut trouver Œtylos dans Betylo : peut-être Thalames est-il Calamate, quoiqu’il soit plus probable que la Calamate moderne est la Calamé des anciens. Il ne faut pas confondre la Leuctres du golfe de Messénie avec la Leuctres de l’Arcadie, et surtout avec la Leuctres célèbre par la victoire d’Épaminondas.


12e. — page 17.

On y voyoit le poëte représenté sous la figure d’un grand fleuve où d’autres fleuves venoient remplir leurs urnes.

Cet ingénieux emblème fut trouvé par l’antiquité, et c’est ce qui a fait dire à Longin, en parlant des imitations de Platon : « Il a puisé dans Homère comme dans une vive source dont il a détourné une infinité de ruisseaux. » (Traité du Sublime, ch. xi, traduct. de Boileau.) Que je serois heureux si j’avois puisé à mon tour quelques gouttes d’eau dans cette vive source !


13e. — page 17.

Le temple dominoit la ville d’Épaminondas.

C’est Messène. Elle fut bâtie par le général thébain après qu’il eut battu les Spartiates et rappelé les Messéniens dans leur patrie. Pellegrin ne parle point de Messène. L’abbé Fourmont la visita vers l’an 1754, et compta trente-huit tours encore debout.

Je voyois ces ruines à ma gauche en traversant la Messénie pour me rendre à Tripolizza, au pied du Ménale, dans le vallon de Tégée. M. de Pouqueville, venant de Navarin (l’ancienne Pylos), et faisant à peu près la même route que moi, dut laisser ces mêmes ruines à sa droite. (Voyez Pausanias, in Messen. ; Voyage du jeune Anacharsis ; Pellegrin, Voyage au royaume de Morée ; Couqueville, Voyage en Morée.)


14e. — page 17.

L’oracle avoit ordonné de creuser les fondements de l’édifice au même lieu qu’Aristomène avoit choisi pour enterrer l’urne d’airain à laquelle le sort de sa patrie étoit attaché.

Tout le monde connoît les fameuses guerres des Spartiates et des Messéniens. Ceux-ci, au moment d’être subjugués, eurent recours à la religion.

« On gardoit, dit Pausanias, un monument auquel étoit attaché le salut des Messéniens. Si les Messéniens perdoient ce monument sacré, ils seroient entièrement détruits ; si, au contraire, ils le conservoient, ils se relèveroient un jour de leur ruine… Aristomène enleva pendant la nuit ce monument, et l’enterra dans l’endroit le plus désert du mont Ithome. »

Ce monument étoit une urne de bronze qui renfermoit des lames de plomb sur lesquelles étoit gravé tout ce qui avoit rapport au culte des grandes déesses. Épaminondas retrouva cette urne, rappela les Messéniens fugitifs, et bâtit Messène.


15e. — page 17.

Les flots de l’Amphise, du Pamysus et du Balyra, où l’aveugle Thamyris laissa tomber sa lyre.

Le Pamysus passoit pour le plus grand fleuve du Péloponèse. J’ai échoué dans son embouchure avec une barque qui ne tiroit que quelques pouces d’eau. L’Amphise, selon Pausanias, se jette dans le Balyra. Le poëte Thamyris ayant osé défier les Muses dans l’art des chants, fut vaincu. Les Muses le privèrent de la vue, et il jeta de dépit, ou laissa tomber (selon d’autres auteurs) sa lyre dans le Balyra. Platon veut que l’âme de Thamyris soit passée dans le corps du rossignol. (Voyez aussi Homère, dans l’Iliade.)


16e. — page 17.

Le laurier-rose et l’arbuste aimé de Junon.

C’est le gatilier ou l’agnus-castus. À Samos, cet arbrisseau étoit consacré, et l’on prétendoit que Junon étoit née sous son ombrage. J’ai nommé surtout ces deux arbrisseaux, parce que je les ai trouvés à chaque pas dans la Grèce.


17e. — page 18.

Andanies, témoin des pleurs de Mérope, Tricca qui vit naître Esculape, Générie qui conserve le tombeau de Machaon, Phères, où le prudent Ulysse reçut d’Iphitus l’arc fatal aux amants de Pénélope, et Stényclare retentissant des chants de Tyrtée.

« Cresphonte, dit Pausanias, épousa Mérope… Les anciens rois de Messénie faisoient leur résidence à Andanies. » La belle tragédie de Voltaire a fait connoître Mérope à tous les lecteurs.

« Selon les Messéniens, dit encore Pausanias, Esculape étoit né à Tricca, village de Messénie. » Il y a d’autres traditions sur Esculape : j’ai suivi celle qui convenoit à mon sujet.

« On voit à Générie, dit toujours Pausanias, le tombeau de Machaon. »

Phères, où le prudent Ulysse reçut d’Iphitus l’arc fatal.

Voici le passage d’Homère :

« Cet arc étoit un don d’Iphitus, fils d’Euryte, semblable aux immortels. Iphite étoit venu dans la Messénie ; il rencontra Ulysse dans la maison du généreux Orsiloque. » (Odyss., liv. xxi.)

D’après cela j’ai cru pouvoir placer la circonstance du don de l’arc à Phères, puisque Orsiloque demeuroit à Phères, d’après le témoignage de Pausanias et d’Homère lui-même.

Et Stényclare retentissant des chants de Tyrtée.

J’ai lu Stényclare, au lieu de Stényclère, pour l’oreille. On sait que dans les guerres de Messénie les Lacédémoniens demandèrent un général aux Athéniens, et que ceux-ci leur envoyèrent Tyrtée, maître d’école, laid et boiteux. Les ennemis se rencontrèrent dans la plaine de Stényclare, à un endroit appelé le monument du Sanglier. Tyrtée étoit présent à l’action, et encourageoit les Lacédémoniens par des espèces d’élégies guerrières que toute l’antiquité a louées comme sublimes. Il nous reste quelques fragments des poésies de Tyrtée, dans la collection des petits poëtes grecs. (Poet. græc. min., page 334.)


18e. — page 18.

Ce beau pays, jadis soumis au sceptre de l’antique Nélée, présentoit une corbeille de verdure de plus de huit cents stades de tour

Nélée, chassé d’Iolchos, ville de Thessalie, se retira chez Apharéus, son cousin germain, qui régnoit en Messénie. Celui-ci lui donna Pylos et toute la côte maritime. Apharéus eut deux fils, Lyncée et Idas, qui firent la guorre aux Dioscures, et qui périrent dans cette guerre. La Messénie passa, par leur mort, sous la domination de Nestor, fils de Nélée. Quant à l’étendue de la Messénie, j’ai suivi le calcul de l’abbé Barthélemy, qui s’appuie de l’autorité de Strabon, liv. viii.


19e. — page 18.

Cet horizon, unique sur la terre, rappeloit le triple souvenir de la vie guerrière, etc.

Toute cette description de la Messénie est de la dernière exactitude. Elle est faite sur les lieux mêmes, et je n’ai rien retranché, rien ajouté au tableau. Un critique, qui m’a traité d’ailleurs avec politesse, trouve cette phrase singulière : « Dessinent dans les vallons comme des ruisseaux de fleurs ; » mais l’expression paroîtra, je crois, très-juste à tous ceux qui auront visité les lieux. Je n’ai pu rendre autrement ce que je voyois ; presque tous les fleuves, ou plutôt les ruisseaux de la Grèce, sont à sec pendant l’été. Leurs lits se remplissent alors de lauriers-roses, de gatiliers, de genêts odorants. Ces arbustes, plantés dans le fond du ravin, ne montrent que leurs têtes au-dessus du sol ; et comme ils suivent les sinuosités du torrent desséché où ils croissent, leurs cimes fleuries, qui serpentent ainsi au milieu d’une terre brûlée, dessinent réellement à l’œil des ruisseaux de fleurs. Le passage suivant de mon Itinéraire servira de commentaire à ma description de la Messénie :

« Il faisoit encore nuit quand nous quittâmes Modon, autrefois Méthone, en Messénie. (Le vaisseau qui m’avoit pris à Trieste m’avoit débarqué à Modon.) Je croyois encore errer dans les déserts de l’Amérique : même solitude, même silence. Nous traversâmes des bois d’oliviers, en nous dirigeant au midi. Au lever de l’aurore, nous nous trouvâmes sur les sommets aplatis de quelques montagnes arides, où nous marchâmes pendant deux heures. Ces sommets, labourés par des torrents, avoient l’air de guérets abandonnés. Le jonc marin et une espèce de bruyère épineuse et fleurie y croissoient par touffes ou par bouquets. De gros caïeux de lis de montagnes, déchaussés par les pluies, paroissoient çà et là à la surface de la terre. Nous découvrîmes la mer au travers d’un bois d’oliviers clair-semés. Nous descendîmes dans un vallon où l’on voyoit quelques champs de doura, d’orge et de coton. Nous traversâmes le lit desséché d’un torrent où croissoient le laurier-rose et l’agnus-castus, joli arbrisseau à feuilles longues, pâles et menues, et dont la fleur lilas, un peu cotonneuse, s’allonge en forme de quenouille. Junon étoit née sous cet arbrisseau, célèbre à Samos. Je cite ces deux arbustes, parce qu’on les retrouve dans toute la Grèce, qu’ils décorent presque seuls ces solitudes, jadis si riantes et si parées, aujourd’hui si nues et si tristes. À propos de torrents desséchés, je dois dire que je n’ai vu dans la patrie de l’Ilissus, de l’Alphée et de l’Érymanthe, que trois fleuves dont l’urne ne fût pas tarie : le Pamysus, le Céphise et l’Eurotas. Il faut qu’on me pardonne encore l’espèce d’indifférence et presque d’impiété avec laquelle j’écrirai souvent les noms les plus célèbres ou les plus harmonieux. On se familiarise malgré soi, en Grèce, avec Thémistocle, Épaminondas, Sophocle. Platon, Thucydide ; et il faut une grande religion pour ne pas franchir le Cythéron, le Ménale ou le Lycée, comme on passe des monts vulgaires.

« Au sortir des vallons dont je viens de parler, nous commençâmes à gravir de nouvelles montagnes. Mon guide me répéta plusieurs fois des noms inconnus ; mais, à en juger par leur position, ces montagnes devoient faire une partie de la chaîne du mont Thémathia. Nous ne tardâmes pas à entrer dans un bois charmant de vieux oliviers, de lauriers-roses, d’esquines, d’agnus-castus et de cornouillers. Ce bois étoit dominé par des sommets rocailleux. Parvenus à cette dernière cime, nous découvrîmes le beau golfe de Messénie, bordé de toutes parts de hautes montagnes, entre lesquelles le mont Ithome se distinguoit par son isolement, et le Taygète par ses deujs flèches aiguës. Je saluai aussitôt ces monts fameux par tout ce que je savois de beaux vers à leur louange.

« Un peu au-dessous du sommet du Thémathia, en descendant vers Coron, nous aperçûmes une misérable ferme grecque, dont les habitants s’enfuirent à notre approche. À mesure que nous descendions, nous découvrions de plus en plus la rade et le port de Coron, où l’on voyoit quelques bâtiments à l’ancre : la flotte du capitan-pacha étoit mouillée de l’autre côté du golfe, vers Calamate. En arrivant à la plaine qui est au pied des montagnes et qui s’étend jusqu’à la mer, nous aperçûmes un village au centre duquel étoit une espèce de château fort ; le tout étoit environné d’un cimetière turc, couvert de cyprès de tous les âges. Mon guide, en me montrant ces arbres, me les nommoit paryssa. Le Messénien d’autrefois m’auroit conté l’histoire du jeune homme dont le Messénien d’aujourd’hui n’a retenu que la moitié du nom. Mais ce nom, tout défiguré qu’il est, prononcé sur les lieux, à la vue d’un cyprès et des sommets du Taygète, me fit un plaisir que les poëtes comprendront. Je me disois pourtant, en regardant ces tombeaux turcs : Que sont venus faire ici les barbares conquérants du Péloponèse ? Ils sont venus y mourir comme les Messéniens. Au reste, ces tombeaux étoient fort agréables : le laurier-rose croissoit au pied des cyprès, qui ressembloient à de grands obélisques ; des milliers de tourterelles voltigeoient parmi ces ombrages ; l’herbe flottoit autour de la petite colonne funèbre, surmontée du turban ; une fontaine, bâtie par un pieux chérif, et qui sortoit de son tombeau, répandoit son eau dans le chemin pour le voyageur. On se seroit volontiers arrêté dans le cimetière où ce laurier de la Grèce, dominé par le cyprès de l’Orient, sembloit rappeler la mémoire de deux peuples dont la poussière reposoit dans ce lieu.

« Nous mîmes une heure pour arriver de ce cimetière à Coron. Nous marchâmes à travers un bois continu d’oliviers, planté de froment à demi moissonné. Le terrain, qui de loin paroît une plaine unie, est coupé par des ravines inégales et profondes. M. Vial, alors consul de France à Coron, me reçut avec cette hospitalité par laquelle les consuls du Levant sont si remarquables. Il voulut bien me loger chez lui. Il renvoya mon janissaire de Modon, et me donna un de ses propres janissaires, pour traverser avec moi la Morée et me conduire à Athènes. Ma marche fut ainsi réglée. Je ne pouvois me rendre à Sparte par Calamate, que l’on prendra si l’on veut pour Calathion, Cardamylo ou Thalames, sur la côte de la Laconie, presque en face de Coron. Le capitan-pacha étoit en guerre avec les Maniottes : ainsi la route par Calamate m’étoit fermée. Il fut donc arrêté que je prendrois un long détour ; que je passerois le défilé des Portes, l’un des Hermæum de la Messénie : que je me rendrois à Tripolizza, afin d’obtenir du pacha de Morée le firman nécessaire pour passer l’isthme ; que je reviendrois de Tripolizza à Sparte, et que de Sparte je prendrois par la montagne le chemin d’Argos, de Alycènes et de Corinthe.

.............................

« La maison du consul dominoit le golfe de Coron ; je voyois de ma fenêtre la mer de Messénie, peinte du plus bel azur ; devant moi, de l’autre côté de cette mer, s’élevoit la haute chaîne du Taygète, couverte de neige, et justement comparée aux Alpes par Strabon, mais aux Alpes sous un plus beau ciel. À ma droite s’étendoit la pleine mer, et à ma gauche, au fond du golfe, je découvrois le mont Ithome, isolé comme le Vésuve et tronqué comme lui à son sommet. Je ne pouvois m’arracher à ce spectacle. Quelles pensées ne m’inspiroit point la vue de ces côtes silencieuses et désertes de la Grèce, où l’on n’entend que l’éternel sifflement du mistral et le gémissement des flots ! Quelques coups de canon que le capitan-pacha faisoit tirer de loin à loin contre les rochers des Maniottes interrompoient seuls ces tristes bruits par un bruit plus triste encore. On ne voyoit sur toute l’étendue de la mer que la flotte de ce chef des barbares ; elle me rappeloit les pirates américains, qui plantoient leur drapeau sanglant sur une terre inconnue, et prenoient possession d’un pays enchanté au nom de la servitude et de la mort ; ou plutôt je croyois voir les vaisseaux d’Alaric s’éloigner de la Grèce en cendres, emportant la dépouille des temples, les trophées d’Olympie et les statues brisées de la Liberté et des Arts.

« Je quittai Coron le 14 août, à deux heures du matin, pour continuer mon voyage, etc., etc. »


20e. — page 18.

Comme un jeune olivier qu’un jardinier élève avec soin.

Οἷον δὲ τρέφει ἔρνος ἀνὴρ ἐριθηλὲς ἐλαίης
Χώρῳ ἐν οἰοπόλῳ, ὅθ’ ἅλις ἀναβέβροχεν ὕδωρ
Καλὸν τηλεθάον· τὸ δέ τε πνοιαὶ δονέουσι
Παντοίων ἀνέμων, καί τε βρύει ἄνθεϊ λευκῷ.

(Iliad., liv. xvii, v. 53.)

Je n’ai pas tout imité dans cette belle comparaison. Pythagore avoit une telle admiration pour ces vers, qu’il les avoit mis en musique, et qu’il les chantoit en s’accompagnant de sa lyre.


21e. — page 18.

Hiéroclès avoit demandé Cymodocée pour épouse.

Voilà la première pierre de l’édifice. Le motif du refus de Démodocus et du dégoût de Cymodocée est justifié par le caractère et la personne d’Hiéroclès.


22e. — page 18.

Ils disoient les maux qui sont le partage des enfants de la terre.

Tout ce qui suit fait allusion à divers passages de l’Iliade et de l’Odyssée. C’est Ulysse qui regrette de mourir avant d’avoir revu la fumée qui s’élève de ses foyers ; ce sont les frères d’Andromaque qui furent tués par Achille lorsqu’ils gardoient les troupeaux, etc.


23e. — page 19.

Lorsque, adossée contre une colonne, elle tournoit ses fuseaux à la lueur d’une flamme éclatante.

Ἡ δ' ἧσται ἐπ' ἐσχάρῃ ἐν πυρὸς αὐγῇ,
Ἠλάκατα στρωφῶσ' ἁλιπόρφυρα, θαῦμα ἰδέσθαι,
Κίονι κεκλιμένη· δμῳαὶ δέ οἱ εἵατ' ὄπισθεν.

(Odyss., liv. vi, v. 305.)


24e. — page 19.

Cette modération, sœur de la vérité, sans laquelle tout est mensonge.

En supprimant ici les deux virgules, on a fait une phrase ridicule, par laquelle je dirois que tout est mensonge sans la vérité. Voilà la bonne foi de la critique.


25e. — page 19.

Un jour elle étoit allée au loin cueillir la dictame avec son père.

Le dictame, renommé en Crète, croît aussi sur plusieurs montagnes de la Grèce, où je l’ai remarqué.


26e. — page 19.

Ils avoient suivi une biche blessée par un archer d’Œchalie.

Non illa feris incognita capris
Gramina, cum tergo volucres hæsere sagittæ.

(Æneid., xii, 414.)


27e. — page 19.

Le bruit se répandit aussitôt que Nestor et la plus jeune de ses filles, la belle Polycaste, étoient apparus à des chasseurs dans les bois de l’Ira.

Polycaste conduisit, Télémaque au bain, lorsqu’il vint demander à Nestor des nouvelles de son père. (Odyss., liv. iii.)

Il y avoit en Messénie une ville, une montagne et une rivière du nom d’Ira. Le siège d’Ira, par les Lacédémoniens, dura onze ans, et finit par la captivité et la dispersion des Messéniens. (Pausanias.)


28e. — page 19.

La fête de Diane Limnatide approchoit… Cette pompe, cause funeste des guerres antiques de Lacédémone et de Messène…

« Diane Limnatide avoit un temple sur les frontières de la Messénie et de la Laconie. De jeunes filles de Sparte étant venues à la fête de la déesse, furent violées par les Messéniens. » (Pausanias.) De là les guerres de Messénie.


29e. — page 20.

La statue de Diane, placée sur un autel…

C’est la Diane antique du Muséum.


30e. — page 20.

Cymodocée, à la tête de ses compagnes, égales en nombre aux nymphes Océanies, entonna l’hymne à la Vierge Blanche.

Les nymphes Océanies étoient au nombre de soixante, et formoient le cortège de Diane. Diane partageoit avec Minerve le surnom de Vierge Blanche, à cause de sa virginité.


31e. — page 20.

Diane, souveraine des forêts, etc.

Phæbe, sylvarumque potens Diana,
............
......date quæ precamur
Tempore sacro
Quo sibyllini monuere versus
Virgines lectas puerosque castos
Dis quibus septem placuere colles
Dicere carmen.
............
Di probos mores docili juventæ,
Di senectuti placidæ quietem,
Romulæ genti date remque prolemque
Et decus omne.

(Hor., Carm. sec.)

Les lecteurs qui compareront mon hymne à celui d’Horace verront bien que je diffère de mon modèle sur une foule de points.


32e. — page 21.

Un cerf blanc fut immolé à la reine du silence.

On offroit à Diane des fruits, des bœufs, des béliers, des cerfs blancs. J’ai cru pouvoir hasarder l’expression de reine du silence, d’après une expression d’Horace.


33e. — page 21.

C’étoit une de ces nuits dont les ombres transparentes.

Je n’ai rien imité dans cette description, hors le dernier trait, qui est d’Homère : « Assis dans la vallée, le berger, etc. »


34e. — page 21.

Ces retraites enchantées, où les anciens avoient placé le berceau de Lycurgue et celui de Jupiter.

On sait que Jupiter fut élevé en Crète, sur le mont Ida ; mais une autre tradition vouloit qu’il eût été nourri sur le mont Ithome. (Voyez Pausanias, in Messen.) J’ai suivi cette tradition.


35e. — page 21.

De Cybèle descendue dans les bois d’Œchalie.

Œchalie, en Messénie, étoit consacrée par les mystères des grandes déesses.


36e. — page 21.

Les hauteurs de Thuria.

À six stades de la mer, vous trouverez Phères ; ensuite, quatre-vingts stades plus haut, dans les terres, est la ville de Thuria. Homère la nomme Anthée. (Pausanias, in Messen., cap. xxi.) « Æpeia nunc Thuria vocatur, » dit Strabon : « vox Celsam significat, quod nomen inde habet quod in sublimi colle est sita. » (Lib. viii.)


37e. — page 21.

Le labyrinthe, dont la danse des jeunes Cretoises imitoit encore les détours.

On croit que la danse crétoise connue sous le nom d’Ariadne étoit une imitation des circuits du labyrinthe. Homère la place sur le bouclier d’Achille.


38e. — page 21.

Une source d’eau vive, environnée de hauts peupliers.

Ἀμφὶ δ' ἄρ' αἰγείρων ὑδατοτρεφέων ἦν ἄλσος,
Πάντοσε κυκλοτερές, κατὰ δὲ ψυχρὸν ῥέεν ὕδωρ
Ὑψόθεν ἐκ πέτρης· βωμὸς δ' ἐφύπερθε τέτυκτο
Νυμφάων, ὅθι πάντες ἐπιῤῥέζεσκον ὁδῖται.

(Odyss., liv. xvii, v. 208.)


39e. — page 22.

Tel un successeur d’Apelles a représenté le sommeil d’Endymion.

Il étoit bien juste que je rendisse ce foible hommage à l’admirable tableau d’Atala au tombeau. Malheureusement je n’ai pas l’art de M. Girodet, et tandis qu’il embellit mes peintures, j’ai bien peur de gâter les siennes. Au reste, ce tableau du sommeil d’Eudore n’est pas tout à fait semblable au tableau du sommeil d’Endymion, par M. Girodet. J’ai pris quelques détails du bas-relief qu’on voit au Capitole, et qui représente le même sujet.


40e. — page 22.

Et jamais ma mère, déjà tombée sous vos coups, ne fut orgueilleuse de ma naissance !

Allusion à l’aventure de Niobé.


41e. — page 22.

Comment ! dit Cymodocée… est-ce que tu n’es pas le chasseur Endymion ?

Cette rencontre d’Eudore et de Cymodocée a paru généralement faire plaisir. Ceux qui l’ont critiquée ont trouvé que Cymodocée parloit trop pour une jeune Grecque, et ils ont prétendu que cela péchoit contre la vérité des mœurs. J’ai une réponse bien simple à faire : c’est Homère qui est le coupable. Nausicaa parle bien plus longuement à Ulysse que Cymodocée à Eudore. Les discours de Nausicaa sont même si longs, qu’ils occuperoient trop de place ici, et je suis obligé de renvoyer le lecteur à l’original. (Voyez l’Odyssée, liv. vi.) Ces longs bavardages, si j’ose proférer ce blasphème, ces répétitions, ces circonlocutions hors du sujet, sont un des caractères du style homérique. Je devois les imiter, surtout au moment de la rencontre de mes deux principaux personnages, pour faire contraster la prolixité païenne avec le laconisme du langage chrétien. Quant à l’anachronisme de mœurs, je me suis expliqué dans la remarque iiie. Si j’avois besoin de quelque autre autorité après celle d’Homère, je la trouverois dans les tragiques grecs. Iphigénie, dans l’Iphigénie en Aulide, confie ses douleurs au chœur, composé des femmes de Chalcis, qu’elle n’a jamais vues ; elle veut avoir l’éloquence d’Orphée, pour toucher Agamemnon ; elle s’adresse aux forêts de la Phrygie, aux montagnes d’Ida ; elle parle des eaux limpides, des prés fleuris où croissent la rose et l’hyacinthe ; elle entasse cent autres lieux communs de poésie étrangers au sujet. Électre, dans Les Choéphores d’Eschyle, reconnoît promptement Oreste ; mais quels interminables discours ne tient-elle point à son frère, étranger, inconnu d’elle, dans Sophocle et Euripide ! Nos grands poëtes ont si peu songé à cette prétendue invraisemblance de mœurs, qu’en imitant les anciens ils ont toujours fait parler très-longuement les jeunes princesses. J’ai tort de réfuter sérieusement ce qu’on n’a pu donner pour une critique sérieuse.


42e. — page 23.

Je suis fille d’Homère aux chants immortels.

Cela n’est pas plus extraordinaire que d’entendre Nausicaa conter sa généalogie et l’histoire de son père et de sa mère à Ulysse, qu’elle a trouvé tout nu dans un buisson. Quand on veut chicaner un auteur, il faut au moins savoir de quoi l’on parle.


43e. — page 23.

La Nuit sacrée, épouse de l’Érèbe et mère des Hespérides et de l’Amour.

Lorsqu’il y a plusieurs traditions sur un sujet, je prends la moins connue ou la plus agréable, pour rajeunir les tableaux mythologiques : c’est pousser loin l’impartialité. Ainsi l’Amour, qu’on fait fils de Vénus, est ici enfant de la Nuit, allégorie presque aussi agréable et beaucoup plus ignorée que la première.


44e. — page 23.

Je ne vois que des astres qui racontent la gloire du Très-Haut.

« Cœli enarrant gloriam Dei. » (Psalm. xviii, 1.)


45e. — page 24.

Ils me vendirent à un port de Crète, éloigné de Gortynes, etc… Lébène… Théodosie… Milet.

Lébène étoit le port, ou, comme on parle dans le Levant, l’échelle de Gortynes. Il étoit éloigné de cette ville de quatre-vingt-dix stades, selon Strabon : « Distat ab Africo mari ei Lebene navali suo ad stadia xc. » (Strab., lib. x.)

Théodosie étoit une ville de la Chersonèse Taurique, abondante en blé, qui se vendoit dans tout le Levant : « Post montana ista urbs sequitur Theodosia, campo prædita fertili, et portu vel centum navibus recipiendis apto… Tota regio frumenti ferax est. » (Strab., lib. vii, p. 309.)


46e. — page 24.

Les cruelles Ilithyes.

Déesses, filles de Junon. Elles présidoient aux accouchements. Euryméduse les appelle cruelles, parce qu’Épicharis mourut en donnant le jour à Cymodocée. Diane est invoquée dans Horace sous le nom d’Ilithye :

Rite maturos aperire partus
Lenis Ilithya, tuere matres.

(Hor., Carm. sec..)


47e. — page 24.

Je te balançois sur mes genoux ; tu ne voulois prendre de nourriture que de ma main.

Phœnix dit à peu près la même chose à Achille, et avec encore plus de naïveté :

Οὔτ’ ἐς δαῖτ’ ἰέναι οὔτ’ ἐν μεγάροισι πάσασθαι,
Πρίν γ’ ὅτε δή σ’ ἐπ’ ἐμοῖσιν ἐγὼ γούνεσσι καθίσσας
Ὄψου τ’ ἄσαιμι προταμὼν καὶ οἶνον ἐπισχών.
Πολλάκι μοι κατέδευσας ἐπὶ στήθεσσι χιτῶνα
Οἴνου ἀποβλύζων ἐν νηπιέῃ ἀλεγεινῇ.

(Iliad., liv. ix, v. 487.)


48e. — page 24.

Il part comme un aigle.

Ὥς ἄρα φωνήσασ' ἀπέβη γλαυκῶπις Ἀθήνη
Φήνῃ εἰδομένη.

(Odyss., liv. iii, v. 371.)


49e. — page 24.

Elle détourna la tête, dans la crainte de voir le dieu et de mourir.

On croyoit que la manifestation subite de la divinité donnoit la mort. (Voyez une note de Mme Dacier Sur un passage du xvie livre de l’Odyssée.)


50e. — page 24.

Et passant les fontaines d’Arsinoé et de Clepsydra.

« On y voit (sur le mont Ithome) une fontaine nommée Arsinoé : elle reçoit l’eau d’une fontaine appelée Clepsydra. » (Pausanias, in Messen., cap. xxxi.)


51e. — page 25.

Le père malheureux étoit assis à terre, près du foyer ; la tête couverte d’un pan de sa robe, il arrosoit les cendres de ses pleurs.

Tout le monde sait que les suppliants et les malheureux s’asseyoient au foyer parmi les cendres. (Voyez l’Odyssée, liv. XVI, et Plutarque, dans la Vie de Thémistocle.)


52e. — page 25.

Tels sont les cris dont retentit le nid des oiseaux lorsque la mère apporte la nourriture à ses petits.

On a critiqué cette comparaison : on a dit que la douleur ou la joie morale ne pouvoit jamais être comparée au mouvement de la douleur ou des besoins physiques. S’il en étoit ainsi, il faudroit renoncer à toute comparaison et même à toute poésie ; car les comparaisons et la poésie consistent surtout à transporter, pour ainsi dire, le physique dans le moral et le moral dans le physique. C’est ce qui est reconnu par tous les critiques dignes de porter ce nom.

Au reste, cette comparaison se trouve dans Homère, et presque dans les mêmes circonstances où elle est placée ici. (Odyssée, liv. xvi.)


53e. — page 25.

On auroit vu ton père racontant sa douleur au soleil.

Usage antique qu’on retrouve dans les tragiques grecs. Jocaste, dans Les Phéniciennes, ouvre la scène par un monologue où elle apostrophe l’astre du jour. De là le beau vers de Virgile et l’un des plus beaux vers de son illustre traducteur :

Solem quis dicere falsum
Audeat ?


Qui pourroit, ô soleil ! t’accuser d’imposture ?


54e. — page 25.

La destinée d’un vieillard qui meurt sans enfants est digne de pitié, etc.

Imitation de Solon. Ce grand législateur étoit poëte. Il nous reste de lui quelques fragments d’une espèce d’élégie politique. (In min. Poet. græc.)


55e. — page 25.

Ah ! je ne sentirois pas un chagrin plus mortel quand on cesseroit de m’appeler le père de Cymodocée !

Formule touchante empruntée des Grecs. Ulysse s’en sert dans l’Iliade en parlant de Télémaque.


56e. — page 26.

Et nous avons craint les soupçons qui s’élèvent trop souvent dans le cœur des enfants de la terre.

Δύσζηλοι γάρ τ' εἰμὲν ἐπὶ χθονὶ φῦλ' ἀνθρώπων.
(Odyss., liv. vi, v. 307.)


57e. — page 26.

Euryméduse, repartit Démodocus, quelles paroles sont échappées à tes lèvres ! Jusqu’à présent tu n’avois pas paru manquer de sagesse, etc.

Οὐ μὲν νήπιος ἦσθα, Βοηθοΐδη Ἐτεωνεῦ,
Τὸ πρίν· ἀτὰρ μὲν νῦν γε πάϊς ὣς νήπια βάζεις.

(Odyss., liv. iv, v. 31.)


58e. — page 26.

La colère, comme la faim, est mère des mauvais conseils.

Et malesuada fames. (Virg., vi, 276.)


59e. — page 26.

Qui pourroit égaler les Grâces, surtout la plus jeune, la divine Pasithée ?

Les noms ordinaires des Grâces sont Aglaé, Thalie et Euphrosine. Homère nomme la plus jeune Pasithée, et il a été suivi par Stace.


60e. — page 26.

Orphée, Linus, Homère, ou le vieillard d’Ascrée.

Poëtes connus de tout le monde. Hésiode est le vieillard d’Ascrée.

Ascræumque cano romana per oppida carmen.
(Virg., Georg., ii, 176.)


61e. — page 26.

Philopœmen, et Polybe aimé de Calliope, fille de Saturne et d’Astrée.

Philopœmen, le dernier des Grecs, et Polybe l’historien, étoient de Mégalopolis en Arcadie. Calliope, prise ici pour l’Histoire, étoit fille de Saturne et d’Astrée, c’est-à-dire du Temps et de la Justice. Voici le commencement de la généalogie du principal personnage qui doit représenter les héros de la Grèce. Le nom d’Eudore est tiré d’Homère. Eudore étoit un des compagnons d’Achille.


62e. — page 26.

Dicé, Irène et Eunomie.

Noms des Heures, d’après Hésiode, qui n’en compte que trois. Elles étoient filles de Jupiter et de Thémis.


63e. — page 26.

Un esclave, tenant une aiguière d’or et un bassin d’argent, verse une eau pure sur les mains du prêtre d’Homère.

Χέρνιβα δ' ἀμφίπολος προχόῳ ἐπέχευε φέρουσα
Καλῇ χρυσείῃ, ὑπὲρ ἀργυρέοιο λέβητος.

(Odyss., liv. vii, v. 172.)


64e. — page 27.

Ce fut en vain qu’elle pria la Nuit de lui verser la douceur de ses ombres.

Il y avoit dans les éditions précédentes l’ambroisie de ses ombres, expression grecque que j’avois essayé de faire passer dans notre langue ; mais, outre qu’on ne peut pas dire verser de l’ambroisie, j’ai trouvé ce tour un peu recherché.


65e. — page 27.

Il emboîte l’essieu dans les roues bruyantes, etc.

Ἥβη δ’ ἀμφ’ ὀχέεσσι θοῶς βάλε καμπύλα κύκλα
Χάλκεα ὀκτάκνημα σιδηρέῳ ἄξονι ἀμφίς.
Τῶν ἤτοι χρυσέη ἴτυς ἄφθιτος, αὐτὰρ ὕπερθε
Χάλκε’ ἐπίσσωτρα προσαρηρότα, θαῦμα ἰδέσθαι·
Πλῆμναι δ’ ἀργύρου εἰσὶ περίδρομοι ἀμφοτέρωθεν·
Δίφρος δὲ χρυσέοισι καὶ ἀργυρέοισιν ἱμᾶσιν
Ἐντέταται, δοιαὶ δὲ περίδρομοι ἄντυγές εἰσι.
Τοῦ δ’ ἐξ ἀργύρεος ῥυμὸς πέλεν· αὐτὰρ ἐπ’ ἄκρῳ
Δῆσε χρύσειον καλὸν ζυγόν, ἐν δὲ λέπαδνα
Κάλ’ ἔβαλε χρύσει’· ὑπὸ δὲ ζυγὸν ἤγαγεν Ἥρη
Ἵππους ὠκύποδας, μεμαυῖ’ ἔριδος καὶ ἀϋτῆς.

(Iliad., liv. v, v. 722.)


66e. — page 27.

C’étoit une coupe de bronze à double fond, etc.

Toute cette histoire de la coupe est faite d’après l’Iliade et la Vie d’Homère attribuée à Hérodote. Le bouclier d’Ajax étoit l’ouvrage de Tychus, armurier de la ville d’Hylé. Homère eut pour hôte Créophyle de Samos, et l’on sait que Lycurgue apporta le premier dans la Grèce les poëmes d’Homère, qu’il avoit trouvés chez les descendants de Créophyle. (Voyez la Vie d’Homère, traduct. de M. Larcher.)


67e. — page 27.

Les Grâces décentes.

Gratiæ decentes. (Hor., lib. i, od. iv.)


68e. — page 27.

Le voile blanc des Muses qui brilloit comme le soleil, et qui étoit placé sous tous les autres dans une cassette odorante.

Τῶν ἕν’ ἀειραμένη Ἑκάβη φέρε δῶρον Ἀθήνῃ,
Ὃς κάλλιστος ἔην ποικίλμασιν ἠδὲ μέγιστος,
Ἀστὴρ δ’ ὣς ἀπέλαμπεν· ἔκειτο δὲ νείατος ἄλλων.

(Iliad., liv. vi, v. 293.)


69e. — page 28.

Il portoit sur sa tête une couronne de papyrus.

C’étoit la couronne des poëtes.


70e. — page 27.

Les dieux voulurent naître parmi les Égyptiens, parce qu’ils sont les plus reconnoissants des hommes.

C’est Platon qui le dit. Les Égyptiens avoient une loi contre l’ingratitude. Cette loi s’est perdue.