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Les Minutes de sable mémorial/TroisMeublesMage

La bibliothèque libre.
Fasquelle éditeurs (p. 21-23).

LES TROIS MEUBLES DU MAGE
SURANNÉS

i

MINÉRAL


Vase olivâtre et vain d’où l’âme est envolée,
Crâne, tu tournes un bon visage indulgent
Vers nous, et souris de ta bouche crénelée.

Mais tu regrettes ton corps, tes cheveux d’argent,


Tes lèvres qui s’ouvraient à la parole ailée.
Et l’orbite creuse où mon regard va plongeant,
Bâille à l’ombre et soupire et s’ennuie esseulée,
Très nette, vide box d’un cheval voyageant.

Tu n’es plus qu’argile et mort. Tes blanches molaires

Sur les tons mats de l’os brillent de flammes claires,

Tels les cuivres fourbis par un larbin soigneux.

Et, presse-papier lourd, sur le haut d’une armoire

Serrant de l’occiput les feuillets du grimoire,
Contre le vent rôdeur tu rechignes, hargneux.


ii

VÉGÉTAL


Le vélin écrit rit et grimace, livide.

Les signes sont dansants et fous. Les uns, flambeaux,

Pétillent radieux dans une page vide.
D’autres en range pressés, acrobates corbeaux,

Dans la neige épandue ouvrent leur bec avide.

Le livre est un grand arbre émergé des tombeaux.

Et ses feuilles, ainsi que d’un sac qui se vide,
Volent au vent vorace et partent par lambeaux.

Et son tronc est humain comme la mandragore ;

Ses fruits vivants sont les fèves de Pythagore ;
Des feuillets verdoyants lui poussent en avril.

Et les prédictions d’or qu’il emmagasine,
Seul le nécromant peut les lire sans péril,
La nuit, à la lueur des torches de résine.


iii

ANIMAL


Tout vêtu de drap d’or frisé, contemplatif,
Besicles d’or armant son nez bourbon, il trône.
À l’entour se presse un cortège admiratif

Que fait trembler le feu soudain de son œil jaune.


Il est très sage, et rend justice sous un aulne
(Jadis Pallas en fit son conseil privatif) ;
Il a pour méditer l’arrêt, esprit actif,
Et pour l’exécuter griffes longues d’une aune.

Doux, poli, le hibou viendra vous prévenir

Quand l’heure sonnera que la Mort vous emporte ;

Et criera trois fois son nom à travers la porte.

Car il déchiffre sur les tombes l’avenir,
Rêvant la nuit devant les X philosophales

Des longs fémurs croisés en siestes triomphales.