Les Poètes du terroir T I/Édouard Siebecker

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Les Poètes du terroir du XVe au XXe siècleLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 15-16).

ÉDOUARD SIEBECKER

(1829-1901)


De famille alsacienne, Édouard Siebecker naquit à Saint-Pétersbourg en 1829. Successivement secrétaire d’Alexandre Dumas et employé au chemin de fer de l’Est, il occupa les loisirs que lui laissa l’administration en collaborant à de nombrreuses fouilles parisiennes et en publiant des ouvrages d’imagination. Parmi ces productions, aujourd’hui bien oubliées, il faut citer : Physionomies parisiennes, Cocottes et petits crevés ; Paris, Le Chevalier, 1867, in-12 ; Pamphlet d’un franc parleur, ibid., 1868, in-12 ; Les Enfants malheureux ; Paris, Dupont, 1869, in-8o ; À travers la vie, Histoires du dimanche ; Paris, aux bureaux de l’Eclipse, 1872, in-32 ; L’Alsace, récits d’un patriote ; Paris, Polo, 1873, gr. in-8o ; Les Fédérés blancs ; Paris, Librairie illustrée, 1875, in-12 ; Mœurs du jour, Paris, A. Lacroix, 1875, in-12 ; Récits héroïques ; Paris, Flammarion, 1887, in-12 ; Le Baiser d’Odile, ibid., 1889, in-12, etc. On lui doit encore une Physiologie des chemins de fer ; Paris, Hetzel, 1867, in-12, et des poèmes patriotiques : Metz ; Paris, Le Chevalier, 1874, in-8o, et Poésies d’un vaincu, Paris, Borger-Levrault, 1882, in-18, où, à défaut d’originalité, ou trouve une réelle puissance verbale.

Édouard Siebecker fut un témoin actif de nos désastres. Capitaine d’état-major pendant le siège de Paris, il vit des jours d’épreuve. Son style est virulent, non seulement quant il peint les misères de la défaite, mais quand il dénonce les auteurs responsables de nos maux. En ce sens, sa pièce sur Metz, que l’exiguïté de notre cadre nous empêche seule de citer, est mieux qu’une page d’expression poétique ; c’est un chaleureux appel à l’indignation et comme le cri d’angoisse d’une nation trahie et désarmée.

Édouard Siebecker fut un des intimes amis de ces deux grands écrivains de nos provinces de l’Est : Erckmann-Chatrian. Il mourut à Paris à la fin de 1901.


À L’ARBRE DE NOËL[1]


Salut, noble envoyé des forêts éternelles,
Toi qui viens nous porter les parfums du pays,
Baisers discrets et purs, caresses maternelles
De l’Alsace enchaînée à ses enfants bannis !

Nous savons quelle main pieuse et vénérée
A voulu t’arracher, là-bas, de tes hauts lieux,
Pour nous montrer un peu de la terre sacrée
Où loin de nous, hélas ! dorment tous nos aïeux !

D’où viens-tu ? Dis-le-nous ! Sur quelque roc sauvage,
Au bord des noirs ravins, étendant tes longs bras,
Vivais-tu près des burgs du sombre moyen âge,
Qu’en un jour de courroux le peuple mit à bas ?

As-tu vu Géroldseck, l’évêque, avec ses reîtres,
Sur Strasbourg révolté marcher pressant les rangs ?
Ah ! dis-nous donc alors comment nos fiers ancêtres
Ont fait, à Hausbergen, pour broyer les tyrans !

Viendrais-tu du Donon, dont la tête si fière
S’élève dénudée au-dessus des grands bois ?
Etais-tu le voisin des vieux témoins de pierre
Qui disent en passant que nous sommes Gaulois ?

Quand la France sortit de la grande fournaise,
Rayonnante, nouveau phénix ressuscité,
As-tu senti passer la jeune Marseillaise,
Prenant son premier vol vers l’immortalité ?

N’as-tu pas admiré, dans ces temps héroïques,
Rués vers la Lauter que menaçaient les rois,
Terribles, demi-nus, nos paysans épiques
Qui rendirent la Force esclave de leurs Droits ?

Mais non ! reste muet… Notre moderne Histoire
Rougirait au récit de ces faits inouïs…
Laissons, laissons dormir, dans leur linceul de gloire.
Les héros blancs et purs des jours évanouis !…

(Poésies d’un vaincu.)
  1. Stances dits à la fête nationale de l’Arbre de Noël, donnée par l’Association générale d’Alsace-Lorraine, le 23 déc. 1872.