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Les Puritains d’Amérique/Chapitre VII

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Les Puritains d’Amérique ou la Vallée de Wish-ton-Wish
Traduction par A. J. B. Defauconpret.
Furne, Gosselin (Œuvres, tome 9p. 82-98).

CHAPITRE VII.


Ne pouvez-vous attendre que tout le monde soit retiré ? ou n’y a-t-il pas quelque lieu solitaire dans lequel vous puissiez épancher vos secrets, au lieu de parler ainsi devant tout le monde ?
ShakspeareLe Conte d’hiver.



Une longue expérience a prouvé que lorsque les blancs se sont trouvés placés dans une position qui les forçait à adopter quelques-unes des habitudes des sauvages, ils possèdent bientôt cette adresse particulière par laquelle les Indiens de l’Amérique du nord sont si remarquables, celle de découvrir les traces imprimées sur le sol des forêts, avec une intelligence qui ressemble presque à de l’instinct. Les craintes de la famille furent donc en partie apaisées par le rapport de ceux qui venaient de visiter les bois ; tous s’accordèrent à dire qu’aucun bande de sauvages assez forte pour être dangereuse n’était cachée dans les environs de la vallée, et quelques-uns, parmi lesquels se trouvait le vigoureux Ében Dudley, offrirent hardiment de répondre sur leur propre vie de ceux dont la sûreté était confiée à leur vigilance.

Ces paroles consolantes calmèrent un peu les craintes de Ruth et celles de ses servantes ; mais elles ne produisirent pas le même effet sur les quatre étrangers qui attristaient toujours Wish-ton-Wish de leur présence. Quoiqu’ils eussent renoncé à tout soupçon relatif au but de leur visite, ils ne parlèrent pas de départ. Au contraire, lorsque la nuit approcha, le chef entra en communication avec le vieux capitaine, et lui fit des propositions auxquelles le Puritain ne vit aucune raison de s’opposer.

Des sentinelles furent donc placées aux palissades jusqu’au lendemain matin, et les différents membres de sa famille se retirèrent dans leurs chambres à coucher, tranquilles en apparence sinon entièrement rassurés. Les étrangers, à leur grande satisfaction, prirent poste dans la plus basse des chambres fortifiés de la citadelle, et les heures de la nuit s’écoulèrent dans la plus grande tranquillité. L’aurore se leva dans la vallée solitaire, et n’éclaira, comme de coutume, que des scènes de calme et de paix.

Le soleil se coucha et se leva trois fois sur l’habitation de Wish-ton-Wish sans amener aucun sujet de danger ou d’alarme. Le temps rendit aux agents du roi Charles leur ancienne tranquillité ; cependant ils ne manquaient jamais de se mettre sous la protection de la forteresse lorsque les ténèbres commençaient à couvrir la terre. Hallam observa plusieurs fois avec gravité que leurs habitudes militaires et leur discipline les rendaient plus propres que d’autres à défendre la citadelle. Bien que le Puritain éprouvât un grand mécontentement du séjour des étrangers dans la vallée, habitude de l’abnégation et l’empire qu’il avait sur lui-même lui donnaient les moyens de cacher son dégoût. Pendant les deux premiers jours la conduite des étrangers fut irréprochable ; toutes leurs facultés semblaient être concentrées dans leur vigilance et la crainte que leur inspirait la forêt, d’où ils croyaient voir sortir à chaque instant une troupe de cruels sauvages. Mais leur légèreté reparut lorsque la paix qui régnait dans la vallée leur eut rendu leur ancienne sécurité.

Le soir du troisième jour après l’arrivée des étrangers dans la plantation, celui qu’on appelait Hallam se hasarda pour la première fois hors de la poterne et se dirigea vers les bâtiments extérieurs. Son visage était moins préoccupé qu’il ne l’avait été jusque-là, et ses pas étaient assurés. Au lieu de porter comme il l’avait fait depuis son arrivée dans la vallée, une paire de lourds pistolets à sa ceinture, il avait mis de côté sa large épée, et offrait plutôt l’apparence d’un homme qui cherche ses aises que celle d’un soldat accablé du poids de tout un attirail guerrier, costume que jusqu’alors Hallam et ses compagnons avaient cru prudent de conserver. Il arrêtait tranquillement ses yeux sur les champs de la famille Heathcote qui réfléchissaient les doux et brillants rayons du soleil couchant ; il permettait même à ses regards de s’étendre jusqu’à cette immense forêt que son imagination peuplait naguère d’êtres si hideux et si féroces.

C’était l’heure à laquelle se terminent tous les travaux champêtres. Parmi ceux qui étaient occupés hors de la maison dans ce moment d’activité, était une servante de Ruth, dont la voix claire se faisait entendre dans une des étables, tantôt chantant d’un ton élevé un chant religieux, tantôt murmurant d’une manière à peine intelligible, tandis qu’elle était occupée à ravir à un animal favori le tribut qu’il donnait chaque soir à la laiterie de sa maîtresse. Les pas de l’étranger se dirigèrent comme par hasard vers le lieu où chantait la jeune fille, et comme s’il eût accordé autant d’admiration au troupeau qu’à tout autre objet.

— De quel oiseau as-tu reçu des leçons, ma jolie fille ? J’ai pris ta voix pour celle du plus doux chantre de tes bois, dit Hallam en s’appuyant avec indolence et d’un air de supériorité sur une des planches de l’enclos. On croirait entendre un rouge-gorge et un roitelet plutôt qu’une voix humaine s’élevant et s’abaissant dans une psalmodie quotidienne.

— Les oiseaux de nos forêts parlent rarement, répliqua la jeune fille, et celui d’entre eux qui a le plus à dire parle comme ceux qu’on appelle hommes, lorsqu’ils mettent leur esprit à la torture pour séduire l’oreille d’une fille de campagne.

— Et que peut dire cet oiseau ?

— Il se moque.

— Ah ! j’ai entendu parler de son talent. On dit que son harmonie est un composé de celle de tous les autres oiseaux de la forêt, et cependant je ne vois pas en quoi il peut ressembler à l’honnête langage d’un soldat dans sa manière franche de s’exprimer.

— Il parle sans qu’il y ait beaucoup de sens dans ses paroles, et plutôt pour plaire à l’oreille que par aucune autre et honnête raison.

— Tu oublies ce que je t’ai dit ce matin, jeune fille ; on serait tenté de croire que ceux qui t’ont donné le nom de Foi n’ont pas lieu de se vanter de leur perspicacité, car celui d’incrédulité conviendrait mieux à ton caractère.

— Ceux qui m’ont nommée savaient peu combien la crédulité doit être grande pour donner crédit à tout ce que vous voulez que je croie.

— Tu peux bien, j’espère, croire facilement que tu es charmante, puisque tes yeux eux-mêmes peuvent t’en convaincre. Celle qui a la repartie si prompte ne devrait pas douter non plus qu’elle est spirituelle. Jusque-là j’admets que le nom de Foi convient à ton caractère.

— Si Ében Dudley entendait des discours aussi mondains, reprit la jeune fille à demi contente, il te croirait moins de droits à l’esprit que tu ne sembles en accorder aux autres. J’entends son pas lourd au milieu des bestiaux, et avant peu nous pouvons être certains de voir une tournure qui ne peut pas se vanter d’être beaucoup plus légère.

— Cet Ében Dudley n’est pas un personnage de peu d’importance, je le vois, murmura Hallam en continuant sa promenade au moment où le valet qu’il venait de nommer faisait son entrée dans le parc aux brebis.

Les regards qu’échangèrent les deux hommes n’eurent rien d’amical ; cependant l’habitant des frontières laissa passer l’étranger sans lui adresser aucune parole de mécontentement.

— Le taureau ombrageux s’apprivoise à la fin, dit l’habitant des frontières en posant la crosse de son fusil à ses pieds avec une violence qui laissa une empreinte profonde sur la pelouse flétrie. Ce bœuf roux, le vieux Loger, ne consent pas plus volontiers à porter son joug que la vache de quatre ans à donner son lait.

— La créature est devenue douce depuis que vous avez enseigné la manière de dompter son humeur, reprit la jeune laitière d’une voix qui, en dépit de tous ses efforts, trahissait une partie de son émotion, et tandis qu’elle redoublait de vivacité pour accomplir sa tâche.

— Hum ! j’espère qu’on se souvient aussi bien de quelques autres de mes leçons. Mais tu es prompte à apprendre, Foi ; il est facile de s’en apercevoir par la rapidité avec laquelle tu as pris l’habitude de discourir avec un homme à la langue légère, comme ce réprouvé d’outre-mer.

— J’espère qu’écouter poliment n’est pas une preuve qu’une jeune fille habituée jusqu’ici à la modestie tienne des discours inconvenants, Ében Dudley. Tu as souvent dit qu’il était du devoir de celle à qui l’on parlait de prêter l’oreille, de crainte qu’on ne croie qu’elle a l’esprit dédaigneux, et qu’elle ne soit renommée plutôt pour son orgueil que pour sa bonté.

— Je vois que tu gardes mes leçons dans ton souvenir plus que je ne pensais. Ainsi, tu n’écoutes si volontiers, Foi, que parce qu’une jeune fille ne doit pas être dédaigneuse ?

— Tu l’as dit ; et quels que soient mes défauts, tu n’as pas le droit de compter le dédain dans le nombre.

— Si je le fais, puissé-je… Ében Dudley se mordit les lèvres et réprima une expression qui eût été une grave offense pour une jeune fille dont les habitudes vertueuses étaient aussi sévères que celles de Foi. — Tu dois avoir entendu bien des choses profitables aujourd’hui, ajouta-t-il, en considérant la facilité avec laquelle tu prêtes l’oreille, et le nombre des occasions.

— Je ne sais ce que tu veux dire par le nombre des occasions, répondit la jeune fille en se penchant davantage encore afin de cacher la rougeur dont sa conscience l’avertissait, et qui couvrait ses joues.

— Je voulais dire que l’histoire devait être longue, lorsqu’on avait besoin de quatre entretiens particuliers pour la terminer.

— Quatre ! aussi vrai que je crois être une fille sincère dans mes paroles et dans mes actions, c’est seulement la troisième fois que l’étranger m’a parlé depuis le lever du soleil.

— Si je connais le nombre des doigts de ma main, c’est la quatrième.

— Mais comment peux-tu, Ében Dudley, toi qui as été aux champs depuis le lever de l’aurore, savoir ce qui s’est passé dans les environs de la maison ? Il est certain que la jalousie ou quelque autre vilaine passion te fait parler avec colère.

— Comment je puis le savoir ? Peut-être tu penses, Foi Ring, que ton frère Reuben a seul le don d’y bien voir.

— Le travail doit avoir été profitable au capitaine, lorsque les yeux étaient tournés vers un autre objet ! mais peut-être il entretient les plus vigoureux pour observer ce qui se passe, et envoie les plus faibles à l’ouvrage.

— Je ne néglige pas assez ta sûreté pour ne pas jeter de temps en temps un regard du côté de l’habitation, jeune éveillée ; peu importe ce que tu penses de ce soin, mais ce serait une belle désolation dans les laiteries et dans les offices, si les Wampanoags arrivaient dans la partie défrichée, et s’il ne se trouvait personne pour donner l’alarme à temps.

— En vérité, Ében, ta terreur de l’enfant qui est dans la forteresse est grande pour un homme de ton âge, ou bien tu ne surveillerais pas d’aussi près la maison, répondit Foi en riant ; car, avec la sagacité de son sexe, elle commençait à s’apercevoir qu’elle obtenait peu à peu la supériorité dans la conversation. Tu ne te rappelles donc pas que nous avons de vaillants soldats de la vieille Angleterre pour empêcher le jeune enfant de faire du mal ? Mais voilà un de ces braves. Il sera prudent de lui recommander la vigilance ; ou peut-être cette nuit, pendant notre sommeil, nous ferons connaissance avec le tomahawk.

— Tu parles de l’arme des sauvages, dit l’Anglais qui s’était approche de nouveau avec un désir visible de prendre part à une conversation qui, pendant qu’il surveillait les interlocuteurs à une certaine distance, semblait être devenue intéressante. J’espère qu’il n’existe plus aucune crainte dans ce quartier.

— Comme vous le dites, dans ce quartier, dit Ében, sifflant à voix basse après avoir prononcé cette phrase, et regardant tranquillement le corps lumineux auquel il venait de faire allusion. Mais le premier quartier qui suivra pourra nous donner un joli échantillon de la manière dont les sauvages font la guerre.

— Et que la lune a-t-elle de commun avec les invasions des sauvages ? y en a-t-il parmi eux qui étudient le secret des astres ?

— Ils étudient les secrets du diable ; et sa méchanceté plus que toute autre chose. Il n’est pas facile à l’esprit de l’homme de se figurer les horreurs auxquelles ils se livrent lorsque la Providence leur a fait obtenir quelque succès.

— Mais tu parlais de la lune. De quelle manière la lune est-elle d’accord avec leurs sanglantes attaques ?

— Elle est maintenant dans son plein, et il y a peu de moments dans la nuit où une sentinelle ne pourrait pas voir une Peau Rouge dans la partie défrichée. Mais il en sera bien autrement lorsqu’une heure ou deux de ténèbres répandront leurs ombres sur les bois. Il y aura dans peu un changement de lune, cela nous avertit d’être sur nos gardes.

— Tu crois donc réellement qu’il y a dans les environs une bande de sauvages qui attendent le moment opportun ? demanda l’officier avec une inquiétude si marquée, que Foi, quoique à peine apaisée, ne put s’empêcher de jeter un regard malin à son compagnon. Cependant on voyait en même temps dans les yeux de la jeune fille une expression qui avertissait Ében Dudley de prendre garde à lui, et qui menaçait de contredire ses sinistres présages.

— Il peut y avoir des sauvages cachés dans les montagnes, à un jour de marche dans la forêt ; mais ils connaissent trop bien la portée des fusils des blancs pour dormir à la distance qu’elle peut atteindre. Il est dans la nature de l’Indien de manger et de dormir lorsqu’il a du temps à consacrer au repos, et de jeûner et d’assassiner lorsque l’heure de l’attaque est venue.

— Et quelle est la distance jusqu’à l’établissement le plus voisin du Connecticut ? demanda l’Anglais avec un air d’indifférence si affectée qu’il laissait deviner l’agitation intérieure de son esprit.

— Vingt heures à peu près conduiraient un habile coureur aux plus proches habitations, en réservant peu de temps pour les repas et le sommeil. Néanmoins celui qui est sage ne se livrera guère au repos avant d’être en sûreté dans quelque bâtiment semblable à cette forteresse, ou du moins avant qu’il y ait entre lui et la forêt une bonne palissade de pieux de chêne.

— N’y a-t-il aucun sentier par lequel les voyageurs puissent éviter la forêt pendant les ténèbres ?

— Je n’en connais aucun. Celui qui quitte Wish-ton-Wish pour les villes qui sont au bas de la montagne, doit faire son lit de la terre, ou bien voyager aussi longtemps que sa monture peut le porter.

— Nous en avons vraiment fait l’expérience en venant ici. Tu penses donc, ami, que les sauvages sont dans leur temps de repos et qu’ils attendent le changement de lune ?

— D’après mon opinion, nous ne les aurons pas avant, reprit Ében Dudley, prenant soin de ne point expliquer cette opinion, si réellement il l’avait conçue, et d’en enfermer le sens dans une réserve mentale.

— À quelle heure montez-vous en selle, lorsque vos affaires vous appellent dans les établissements qui sont au bas de la montagne ?

— Nous ne manquons jamais de partir vers le temps ou le soleil touche le grand pin qui est là-bas sur la montagne. L’expérience nous a prouvé que c’était le temps le plus sûr ; aucune montre ne peut indiquer l’heure d’une manière plus juste que cet arbre.

— Cette nuit me plaît, dit étranger en regardant autour de lui comme une personne subitement frappée de l’apparence du beau temps ; les ténèbres ne couvrent plus la forêt ; il me semble que c’est un moment convenable pour mettre un terme à l’affaire qui nous a amenés jusqu’ici.

En disant ces mots, et supposant probablement qu’il avait suffisamment caché le motif de sa décision, le dragon inquiet s’avança vers la maison avec une tranquillité affectée ; faisant signe à un de ses compagnons qui était à quelque distance de venir lui parler.

— Maintenant crois-tu encore, stupide Dudley, que les quatre doigts de ta lourde main ont compté le véritable nombre de ce que tu appelles mes occasions ? dit Foi lorsqu’elle fut certaine qu’elle n’était entendue que de celui auquel elle s’adressait, et riant en se penchant sous la vache dont elle tirait le lait, quoiqu’elle éprouvât encore un mécontentement qu’elle ne pouvait tout à fait réprimer.

— Ai-je dit autre chose que la vérité ? Ce n’est point à moi d’enseigner la manière de voyager à celui qui fait l’honnête métier de chasseur d’hommes. Je n’ai rien dit que de raisonnable, c’est ce que pourraient attester tous ceux qui habitent dans ces cantons.

— Sûrement, rien qui ne soit vrai. Mais la vérité devient si amère dans ta bouche, qu’elle ressemble à une médecine qu’on ne peut prendre qu’à plusieurs gorgées et en fermant les yeux ; ceux qui la boivent trop vite courent le risque de s’étouffer. Je m’étonne que celui qui est si rempli de sollicitude pour des étrangers prenne si peu d’intérêt à ceux qui sont confiés à sa garde.

— Je ne sais ce que tu veux dire. — Foi, lorsqu’il y a du danger dans la vallée, mon fusil ne fait-il pas son devoir ?

— Ce bon fusil remplit mieux son devoir que son maître. Il est possible que tu aies la permission de dormir à ton poste, car, nous autres filles, nous ne pouvons deviner le bon plaisir du capitaine sur ces matières-là ; mais il serait aussi utile, sinon aussi militaire, de placer ton mousquet à la poterne et toi dans ton lit la première fois que tu seras de garde et que tu auras envie de dormir.

Dudley eut l’air aussi confus qu’un homme de son caractère, rude et inflexible, pouvait l’avoir ; mais il refusa obstinément de comprendre l’allusion de la compagne qu’il avait offensée.

— Tu n’as pas conversé en vain avec le soldat d’outre-mer, dit-il, puisque tu parles si savamment d’armes et de sentinelles.

— En effet, il m’en a beaucoup appris sur ce sujet.

— Hum ! et quel est le résultat de ses leçons ?

— Que celui qui dort à une poterne ne doit pas parler si hardiment de l’ennemi, ni croire que les jeunes filles doivent placer une grande confiance dans…

— Dans quoi, Foi ?

— Eh ! tu sais bien que je veux dire dans sa vigilance. Sur ma vie, si quelqu’un avait passé plus tard qu’à l’ordinaire près du poste de ce soldat aux douces paroles, il ne l’aurait pas trouvé, comme on aurait pu voir une sentinelle de cette maison, dormant et rêvant aux bonnes choses qui se trouvent dans la laiterie de madame.

— En vérité ; es-tu venue, jeune fille ? dit Ében en baissant la voix et manifestant en même temps son plaisir et sa honte ; mais tu sais, Foi, que nous avions laissé de l’ouvrage de côté pour aller faire une battue dans la forêt, et que le travail d’hier surpassait nos fatigues ordinaires. Cependant je garde la poterne cette nuit, de huit heures à minuit, et…

— Et tu feras un bon somme pendant ce temps-là ; je n’en doute pas. Non, celui qui a été si vigilant pendant la journée, ne doit pas se vanter lorsque la nuit approche. Adieu, Dudley l’éveillé ; si tes yeux doivent s’ouvrir le lendemain, remercie les jeunes filles de n’avoir pas cousu tes habits aux palissades.

Malgré les efforts du jeune homme pour la retenir, la fille aux pieds légers lui échappa en portant son fardeau à la laiterie ; et sur son visage, qu’elle détournait à moitié, on voyait en même temps un air de triomphe et de repentir.

Pendant ce temps le chef des étrangers et ses compagnons avaient entre eux une intéressante conférence. Lorsqu’elle fut terminée, le premier se dirigea vers l’appartement où l’on savait que Mark Heathcote passait une partie du temps qu’il ne consacrait pas au secret de ses pratiques de piété ou à surveiller les travailleurs dans les champs. En employant une circonlocution qui devait, selon lui, cacher son véritable motif, l’agent du roi annonça ainsi son intention de partir cette nuit :

— Comme un homme qui a acquis une grande expérience dans le métier des armes, je me suis fait un devoir de rester dans ta demeure tant que les sauvages te menaçaient d’une attaque. Ce serait mal à des soldats de faire parade de leur bravoure ; mais si l’alarme avait eu réellement lien, tu me croiras lorsque je t’assurerai que la forteresse aurait été vaillamment défendue. Je ferai mon rapport à ceux qui m’ont envoyé. Mark Heathcote, Charles a en toi un sujet loyal, et la constitution un ferme appui. Des soupçons, des renseignements qui se trouvent faux nous ont conduits jusqu’ici ; ils seront contredits, et sans doute on trouvera qu’on a été induit en erreur. Si l’occasion se présente de parler de la dernière alarme, je suis sûr que mes compagnons ne la laisseront point échapper sans faire tous leurs efforts pour te rendre service.

— L’esprit humble se fait un devoir de ne jamais parler mal de ses frères et de ne point cacher le bien, répondit le Puritain réservé. Si tu as trouvé ton séjour dans ma demeure suivant tes désirs, tu es le bienvenu ; et si ton devoir et ton désir t’engagent à la quitter, que la paix soit avec toi. Il est utile que tu t’unisses à nous pour demander que ton passage à travers le désert soit sans danger, que celui qui veille sur toutes ses créatures te prenne sous sa garde spéciale, et que le sauvage paient…

— Penses-tu que les sauvages soient hors de leur village ? demanda l’étranger avec une promptitude impolie qui interrompit l’énumération des bénédictions et des dangers que son hôte jugeait à propos d’introduire dans la prière d’adieu.

— Puisque-tu es resté ici pour nous aider à nous défendre, tu ne peux pas douter que tes services auraient pu nous être utiles, répondit Mark sèchement.

— Je voudrais que le prince des ténèbres te tînt dans ses griffes ainsi que les autres diables de ces bois, murmura l’étranger entre ses dents. — Et alors, poussé par un esprit qui ne pouvait se vaincre longtemps, il reprit une partie de sa légèreté naturelle, refusa hardiment de se joindre à la prière, sous prétexte qu’il était pressé et qu’il devait surveiller les préparatifs du départ. — Mais que cela ne t’empêche pas, dit-il, digne capitaine, de prier en notre faveur tandis que nous serons en selle ; car nous avons encore à digérer le pieux aliment dont tu nous as nourris. Nous ne doutons pas cependant que si ta voix s’élevait en notre honneur pendant que nous traverserons les premières lieues de la forêt, le trot de nos chevaux n’en serait pas plus lourd, et nous-mêmes nous ne nous en trouverions pas plus mal.

Alors, adressant un regard de moquerie mal déguisée à un de ses compagnons qui était venu l’avertir que les chevaux étaient prêts, il fit le salut d’adieu avec un air dans lequel se mêlait ce respect involontaire qu’un homme comme le Puritain ne pouvait manquer d’inspirer, et un dédain habituel pour toutes les choses sérieuses.

Tous les membres de la famille de Mark Heathcote, jusqu’au dernier des serviteurs, virent le départ des étrangers avec une grande satisfaction intérieure ; les jeunes filles elles-mêmes, dans lesquelles la nature avait éveillé une légère vanité, furent charmées d’êtres débarrassées de galants dont les éloges flattaient souvent leur oreille, mais plus souvent encore blessaient la sévérité de leurs principes par des allusions frivoles et mondaines à des choses qu’elles étaient habituées à considérer avec autant de crainte que de respect. Ében Dudley put à peine cacher la joie qu’il éprouva lorsqu’il vit la petite troupe entrer dans la forêt ; mais ni lui ni ceux dont l’expérience était plus grande n’avaient l’idée que les Anglais pussent s’exposer à un danger réel par leur brusque départ.

L’opinion de ceux qui avaient fait une battue dans la forêt sembla se confirmer chaque jour ; la nuit et bien d’autres qui la suivirent s’écoulèrent sans alarme. La saison s’avançait, et les serviteurs terminèrent leurs travaux sans qu’un second appel fût fait à leur courage, ou qu’il y eût de nouvelles raisons pour redoubler de surveillance. Whittal Ring suivait les chevaux avec impunité dans les profondeurs les plus sombres de la forêt, et les troupeaux de la famille, aussi longtemps que la saison le permit, allèrent paître tranquillement dans les bois. Le temps du danger et la visite des agents de la couronne fournirent un sujet de traditions, et pendant l’hiver suivant, la visite des Anglais surtout fut un texte qui entretint la gaieté autour de ces feux brillants si nécessaires dans le pays.

Il existait toujours dans la famille un souvenir vivant de la nuit mémorable. Le captif indien resta dans l’habitation longtemps encore après que les événements qui l’avaient placé au pouvoir des colons furent presque oubliés.

Le désir de faire éclore les semences de la régénération spirituelle que le vieux Mark Heathcote supposait germer dans le sein de tous les hommes, et par conséquent dans celui du jeune païen, était devenu une espèce de passion pour le Puritain. L’habitude et la manière de penser de l’époque avaient une grande tendance vers la superstition, et il était facile qu’un homme dont les dispositions étaient ascétiques et les doctrines exaltées, en vînt à croire qu’une Providence spéciale avait placé le jeune garçon entre ses mains dans quelques desseins puissants et mystérieux que le temps révélerait un jour.

Malgré le fanatisme outré dont était empreint le caractère des religionnaires de cette époque, ils ne manquaient ni d’adresse ni de prudence ; les moyens qu’ils jugeaient convenables d’employer pour aider les desseins cachés de la Providence étaient en général utiles et raisonnables. Mais cependant, tandis que Mark n’oubliait jamais de faire appeler le jeune Indien à l’heure de la prière, et d’y introduire une demande spéciale en faveur des païens ignorants, et en particulier de celui que le ciel lui avait envoyé, il hésitait à croire qu’un miracle manifeste aurait lieu en sa faveur. Afin qu’aucun blâme ne s’attachât au devoir qui était confié aux moyens humains, il avait recours à la bonté, à une continuelle et douce sollicitude. Mais toute tentative pour amener le jeune Indien à adopter les habitudes de l’homme civilisé furent vaines. Lorsque le froid augmenta, la compatissante Ruth essaya de lui persuader de prendre des vêtements que des hommes plus forts que lui et plus endurcis au travail jugeaient si nécessaires. Elle fit préparer des habits ornés de manière à flatter le goût d’un Indien ; mais les prières et les menaces furent vaines pour le décider à les porter. Une fois, Ében Dudley l’habilla de force, et le conduisit aussitôt en présence du vieux capitaine ; qui offrit à Dieu une prière particulière pour obtenir que le jeune Indien sentît le mérite de cette concession aux principes de l’homme instruit et civilisé. Mais au bout d’une heure, le vigoureux serviteur qui avait été choisi dans cette occasion pour être l’instrument de la civilisation, apprit à Foi que l’expérience n’avait point eu de succès ; et suivant l’expression d’Ében, qui rapporta d’une manière un peu irrévérencieuse l’essai du Puritain, le païen avait déjà repris ses brodequins de peau et sa ceinture peinte, quoique le capitaine eût tenté d’attacher les vêtements sur son corps par la vertu d’une prière qui aurait pu couvrir la nudité d’une tribu tout entière. Enfin, le résultat de cette expérience fut, comme celui de beaucoup d’autres, la preuve de la difficulté qui existe à plier un homme accoutumé à l’aisance de la liberté sauvage, sous le joug d’une existence qu’on estime bien supérieure à la sienne. Dans toutes les occasions où le jeune Indien avait la liberté du choix, il rejetait avec dédain les coutumes des blancs, et suivait avec une obstination étrange et presque héroïque les usages de sa nation.

Le jeune captif était surveillé avec une grande vigilance. Un jour qu’on lui avait permis de se promener dans les champs, il essaya ouvertement de s’échapper, et on ne parvint à s’emparer de nouveau de sa personne qu’en mettant l’agilité d’Ében Dudley et de Reuben Ring à la plus sévère épreuve qu’elle eût jusqu’alors subie, de l’aveu des vigoureux serviteurs eux-mêmes. Depuis ce moment, il ne fut plus permis au jeune Indien de dépasser les palissades. Lorsque le travail appelait aux champs, l’Indien était ordinairement renfermé dans sa prison, où, comme une compensation de sa captivité, on supposait qu’il jouissait d’une société intime avec le vieux capitaine, qui avait l’habitude de passer plusieurs heures de la journée, et souvent une grande partie de la nuit, dans l’intérieur de la forteresse. Lorsque les portes étaient fermées, ou lorsque quelques serviteurs d’une force et d’une activité suffisantes pour s’opposer à son évasion étaient présents, l’Indien avait la permission d’errer parmi les divers bâtiments de l’habitation. Le jeune captif ne manquait jamais de profiter de cette liberté, mais d’une manière qui excitait péniblement la sensibilité de Ruth.

Au lieu de se joindre aux jeux des autres enfants, le jeune Indien restait seul ; il regardait leurs amusements d’un œil distrait, ou, s’approchant des palissades, il passait quelquefois des heures entières les yeux fixés sur ces forêts immenses où il avait reçu la vie, et qui contenaient probablement tout ce que ses simples pensées estimaient le plus dans le monde. Ruth, touchée de cette douleur expressive et silencieuse, essayait en vain de gagner sa confiance et de lui enseigner des occupations qui auraient pu distraire son chagrin ; mais le jeune obstiné rejetait tout ce qui, à la longue, aurait pu lui faire oublier son origine. Il paraissait comprendre les intentions de sa douce maîtresse, et souvent il souffrait qu’elle le conduisît au milieu de ses joyeux enfants ; mais après avoir regardé un instant leurs jeux d’un air froid, il retournait à sa place chérie près des palissades. Cependant on s’apercevait, à des preuves particulières et mystérieuses, qu’il commençait à comprendre le langage qu’on parlait autour de lui et les opinions des habitants de la vallée, plus que son origine et la solitude complète dans laquelle il vivait ne semblaient le permettre. Ce fait important et inexplicable était prouvé par les regards expressifs de ses grands yeux noirs, lorsqu’on parlait devant lui de quelque chose qui avait rapport, même d’une manière détournée, à sa position, et une ou deux fois par le feu et l’expression de férocité qui animèrent son visage lorsque Ében Dudley vantaient les prouesses des blancs dans leurs rencontres avec les premiers habitants de l’Amérique. Le Puritain ne manquait jamais de prendre note de ces symptômes d’une intelligence naissante, gages de la récompense future de ses pieux travaux, et ils servaient à le consoler d’un scrupule que son zèle ne pouvait pas entièrement vaincre, celui de causer tant de souffrances à un être qui, après tout, ne lui avait fait aucun tort positif.

À l’époque dont nous nous occupons, le climat des États-Unis différait d’une manière sensible de celui qui est aujourd’hui connu de ses habitants. Un hiver dans la province de Connecticut ne se passait pas sans que la neige tombât sur la terre à diverses reprises, et ne la couvrît bientôt des masses compactes de l’élément congelé. Des dégels accidentels, des pluies d’orage, auxquels succédait le retour du froid clair et piquant qu’occasionnent les vents du nord-ouest, étendaient souvent sur la terre une glace brillante ; l’on voyait des hommes, des animaux et quelquefois des traîneaux glisser sur sa surface comme sur un lac uni. Pendant une saison aussi sévère, les infatigables habitants des frontières, ne pouvant se livrer à leurs travaux ordinaires, avaient l’habitude de poursuivre à travers la forêt le gibier, qui, conduit par la faim dans des parties du bois connues des colons, devenait facilement la proie d’hommes aussi intelligents et aussi adroits que Ében Dudley et Reuben Ring.

Lorsque les jeunes serviteurs quittaient l’habitation pour ces chasses, le captif indien prenait le plus vif intérêt à leurs actions. Dans toutes ces occasions, il passait la journée entière à l’ouverture de sa prison, écoutant les coups de fusil éloignés qui résonnaient dans la forêt ; et la seule fois qu’il laissa échapper un sourire pendant une si longue captivité, ce fut en examinant les yeux éteints et les griffes formidables d’une panthère qui était tombée sous les coups d’Ében Dudley pendant une de ces excursions sur les montagnes. Dans ce moment la compassion des habitants des frontières s’éleva fortement en faveur du jeune Indien, qui souffrait avec tant de patience et de dignité son emprisonnement, et ils lui auraient procuré avec joie le plaisir de la chasse, si ce désir n’eût pas présenté de si grands inconvénients ; Dudley l’eût volontiers conduit lui-même comme un chien en laisse, mais c’était une espèce de dégradation contre laquelle un jeune indien, ambitieux et jaloux du caractère et du titre de guerrier, se serait ouvertement révolte.

Ruth, observant le captif avec plus d’intérêt encore, comme on l’a déjà vu, avait découvert que son esprit commençait à s’éclairer. Les moyens par lesquels un enfant qui n’avait aucune part aux occupations, et qui semblait écouter rarement les conversations de famille, avait pu comprendre la signification d’un langage difficile aux écoliers eux-mêmes, lui paraissaient incompréhensibles, ainsi qu’aux autres colons. Cependant, à l’aide de ce tact qui si souvent instruit l’esprit des femmes, elle était certaine de ce fait. Profitant de cette connaissance, elle essaya d’obtenir de son protégé l’assurance qu’il reviendrait à la vallée vers la fin du jour si on lui permettait de se joindre aux chasseurs. Mais, quoique les paroles de Ruth fussent aussi douces que son caractère, et qu’elle mit tout son zèle à obtenir que le captif lui donnât une preuve qu’il la comprenait, elle n’obtint pas, dans cette occasion, le plus léger symptôme d’intelligence de son élève. Chagrine et trompée dans son attente, Ruth avait abandonné son louable dessein, lorsque tout à coup le vieux Puritain, qui avait été spectateur silencieux des inutiles efforts de sa fille, annonça sa confiance dans l’intégrité du jeune Indien et son intention de lui permettre de suivre la première chasse qui aurait lieu.

La cause de ce brusque changement dans la sévère vigilance qu’avait jusqu’alors exercée Mark Heathcote fut, comme la source de la plupart de ses actions, une secret qui resta renfermé dans son sein. On avait remarqué que, pendant la vaine expérience que Ruth avait tentée, le Puritain observait ses efforts avec attention et intérêt. Il parut sympathiser à son chagrin ; mais le bonheur de ces tribus païennes, qui pouvaient être amenées à la lumière de la foi par l’entremise du jeune Indien, était trop important pour perdre légèrement les avantages qu’il avait gagnés sur l’intelligence de son prisonnier, en lui procurant les moyens de s’échapper. Suivant toute apparence, l’intention de permettre au prisonnier de quitter les palissades était entièrement abandonnée, lorsque le vieux capitaine annonça subitement son changement de résolution. Les conjectures que chacun forma sur les causes de cette détermination inattendue varièrent à l’infini ; quelques-uns pensèrent que le Puritain avait été favorisé d’une mystérieuse révélation des desseins de la Providence ; d’autres, au contraire, que, commençant à désespérer du succès de sa pieuse entreprise, il voulait essayer si la Providence manifesterait plus clairement ses projets s’il abandonnait le jeune Indien à ses propres impulsions. Chacun sembla croire que si le captif revenait à la vallée, cette circonstance pourrait être considérée comme un miracle. Cependant lorsque le vieux capitaine eut pris cette résolution, elle demeura inébranlable. Il annonça son intention après une de ces longues et solitaires visites dans la forteresse, où probablement il avait soutenu un grand combat spirituel à cette occasion. Comme le temps était favorable à son projet, Mark Heathcote ordonna à ses serviteurs de se préparer à faire une sortie le matin suivant.

L’expression d’une joie soudaine se montra sur les traits du jeune Indien lorsque Ruth remit entre les mains du captif l’arc de son propre fils, et que par ses signes et ses paroles elle lui fit comprendre qu’il pourrait s’en servir avec liberté dans la forêt. Mais cette expression de plaisir disparut aussi promptement qu’elle était venue. Lorsque le jeune Indien reçut les armes, ce fut plutôt avec l’air d’un chasseur accoutumé à leur usage qu’avec celui d’un prisonnier aux mains duquel elles étaient depuis si longtemps étrangères. Au moment où il quitta les portes de Wish-ton-Wish, les servantes de Ruth se précipitèrent autour de lui avec un curieux intérêt, car il semblait étrange de voir un jeune sauvage, jusqu’alors surveillé avec une aussi grande vigilance, jouir d’une entière liberté. Malgré la confiance ordinaire dans les lumières et la grande sagesse du Puritain, on croyait généralement que l’enfant dont l’arrivée avait été enveloppée de mystère, et dont la présence était d’une si grande importance à la sécurité de la plantation, allait disparaître pour ne plus revenir. Le jeune Indien conserva son calme inébranlable jusqu’au dernier moment. Cependant il s’arrêta un instant lorsque son pied toucha le seuil de la porte ; il parut regarder Ruth et ses enfants avec un intérêt passager ; puis, reprenant la dignité d’un guerrier indien, son regard devint froid et distrait ; et il suivit d’un pas léger les chasseurs, qui avaient déjà quitté les palissades.