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Les fiancés de 1812/017

La bibliothèque libre.
Louis Perrault, imprimeur (p. 300-302).

LETTRE CINQUIÈME

Gonzalve de R… à Adolphus Brandsome.


Mon cher ami,

Après quatre mois de courses dans votre pays, où je vous ai cherché comme une perle, je retourne en toute hâte à ma demeure, sur une lettre d’Alphonse. Louise est chez elle depuis près de trois mois, et je suis à la chercher aux antipodes. Mais je préférerais ressentir encore une fois tous mes tourments passés que de la voir entre les mains de son père. Alphonse connaissait son retour avant même la réception de votre lettre. Mais les communications sont si difficiles que je n’ai pu recevoir son avis que deux mois plus tard. En attendant le départ de la diligence, je m’occupe à vous payer en paroles le tribut de reconnaissance que vous m’avez imposé pour la vie, en vous dévouant si généreusement à mes intérêts. Mes premières courses avaient été sur New-York, pensant vous y trouver, pour avoir de vous une ligne de conduite. Mais vous étiez déjà parti ; et depuis je n’ai fait que promener mes chagrins sans aucun succès. J’ai encombré les postes de lettres à votre adresse ; j’en ai envoyées dans presque toutes les villes de l’Union ; mais je n’ai pu découvrir la retraite où je devais vous rencontrer. Vous vous rappelez que dans votre première lettre vous ne me disiez rien sur le nom de la ville où Louise était retirée, rien non plus sur celui de la famille qui l’avait accueillie. Mais vous aviez évoqué de trop susceptibles sentiments pour me permettre une plus longue inaction. C’est à cet empressement outré que je dois l’inutilité de mes courses.

Alphonse me dit que vous nous visiterez dès la conclusion de la paix. J’en suis charmé et je souhaite que cet événement ne tarde pas trop. Les Canadiens sont lassés de la guerre et les Républicains sont aussi lassés de défaites. Car pour parler franchement, vous devez avouer que vous n’avez pas rencontré souvent votre glorieux 4 Juillet.

Il me faut terminer à l’instant, nous partons.

 Au revoir.

Gonzalve.

Burlington, 4 Janvier 1814.