Aller au contenu

Les fleurs poétiques, simples bluettes/02/04

La bibliothèque libre.
C. O. Beauchemin & fils, libraires-imprimeurs (p. 75-78).

L’AURORE

Comme une lampe suspendue 
L’astre des nuits, au front vermeil,
Rayonne à travers l’étendue
Et garde encore le sommeil
De la terre qui se repose
Entre les bras du Créateur.
Seul, le matinal virtuose,
Ivre du parfum de la fleur,

Chante sa douce mandoline
Qui berce les songes dorés.
Dans la plaine, sur la colline,
Dans les bois, les champs et les prés
Règne encore un profond silence.

Un jet d’idéale clarté
À l’horizon soudain s’élance,
Sur l’aile d’un ange apporté
Du haut des sphères éternelles :
C’est la blanche aurore qui luit !
Devant ses splendeurs solennelles
Vers l’occident l’ombre s’enfuit !

Perdu dans les sentiers de Flore,
Que j’aime à contempler l’aurore,

Quand, du seuil de son palais d’or,
Aux cieux elle prend son essor !
De la nuit déchirant les voiles,
Elle fait pâlir les étoiles
De son regard majestueux !
Bientôt son char impétueux
De ses ardents rayons embrase
Les portiques de l’orient
Que l’ombre couvrait d’une gaze.
La nature, alors, souriant
À l’immarcescible lumière,
Entr’ouvre sa chaste paupière,
Et, d’un cœur pur et virginal,
Entonne son chant matinal.
Et le poète s’extasie
À ses majestueux accords,
Car c’est l’heure des saints transports,
C’est l’heure de la poésie !

Pour bénir Dieu dans son amour,
Son humble muse, prosternée.
Chante d’une voix inspirée
Les premiers rayons d’un beau jour !