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Les fleurs poétiques, simples bluettes/02/06

La bibliothèque libre.
C. O. Beauchemin & fils, libraires-imprimeurs (p. 83-89).

PAUL ET PAULINE

I
Au vallon, sur la colline,
Enfants, dès leurs premiers pas,
Ensemble Paul et Pauline
Prenaient leurs joyeux ébats.


Nouveaux Paul et Virginie,
Par les oiseaux attirés,
Désertant la route unie,
Ils s’égaraient dans les prés,

Cueillant les fleurs les plus vives,
S’ébattant dans les roseaux,
Ainsi que de jeunes grives
S’abreuvant aux clairs ruisseaux ;

Mangeant des fraises sauvages
Ou des mûres, à leur choix,
Assis sous les frais ombrages
À la lisière des bois.


C’étaient deux amis d’enfance
Qui, se tenant par la main,
Le cœur rempli d’innocence
Suivaient le même chemin.

II

Or, c’était le temps des roses.
Paul ne comptait pas seize ans ;
Jamais les pensers moroses
N’avaient troublé son printemps ;


Quand, par hasard, au bocage,
Épiant un papillon.
D’une beauté du village
Il vit le blanc cotillon,

La coiffure au ruban pâle
Ombrageant des yeux coquets,
La ceinture et le long châle
Se détachant des bouquets.

N’était-ce pas sa voisine ?
Sous ces champêtres atours,
Oui, c’était bien sa mutine
Compagne de tous les jours.


Paul veut appeler Pauline ;
Mais, pour la première fois,
Il hésite, il se chagrine,
Et ne trouve pas de voix.

Un trouble subit l’agite,
Il ne sait dire pourquoi ;
Son cœur, soudain, bat plus vite.
Saisi d’un étrange émoi.


III

Cette inquiétante flamme,
Ce sentiment inconnu,
Qui vient de naître en ton âme,
C’est l’amour, pauvre ingénu !

Un simple bout de dentelle
A suffi pour rallumer :
Ton cœur couvait l’étincelle
Qu’il ne peut plus renfermer.


Dès lors tu n’es plus le frère
De Pauline au cœur aimant ;
D’autres que toi peuvent plaire,
Car tu n’es plus qu’un amant.

Dès lors le souci t’égare ;
Pauline est ton seul trésor :
Te voilà comme un avare
Qui des yeux couve son or !