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Les fleurs poétiques, simples bluettes/04/01

La bibliothèque libre.
C. O. Beauchemin & fils, libraires-imprimeurs (p. 147-150).

L’ŒILLET

à l’honorable m. j.-e. robidoux
Voilà qu’il sort une fleur panachée,
Riche en couleurs, d’une odeur recherchée.
C’était l’œillet…
r. de beaucaron.


Ô splendide œillet ! rival de la rose,
Digne de charmer les loisirs d’un roi,
Ma muse te doit une apothéose :
Que mes humbles vers aillent jusqu’à toi !


Je ne parlerai ni de tes pétales
Ouverts, arrondis, ou bien dentelés,
Entiers, découpés par bandes égales,
Lisses, duvetés, frangés, striolés ;

Ni de ta fleur double et multicolore,
À fond violet, cerise, incarnat.
Rose, cramoisi, chair, flammé d’aurore,
Ponctué de blanc, taché de grenat ;

Ni de ton feuillage étroit, en spatules.
Ou large, ou pointu, vert tendre ou foncé,
Qui boit les rayons des frais crépuscules.
Dont ton limbe pur, soyeux, est tissé !


D’un seul mot bien doux, que chantent les anges
Habitant la terre ou le paradis,
Ma muse pourra dire tes louanges
Mieux qu’en décrivant ton vif coloris :

Amour ! — C’est l’amour que tu symbolises ;
Non pas cet amour vil et sensuel,
Ô corruption ! que tu divinises ;
Mais ce trait de feu qui descend du ciel !

Il faut à l’œillet, afin qu’il résiste,
Des soins attentifs, un sol ameubli
À l’amour il faut, afin qu’il persiste,
De tendres soucis un cœur tout rempli.


Il faut à l’œillet la froide rosée,
Du soleil de juin la grisante ardeur ;
À l’amour il faut la larme irisée,
Le sourire aussi, qui monte du cœur !