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Les fleurs poétiques, simples bluettes/Mes Fleurs poétiques

La bibliothèque libre.
C. O. Beauchemin & fils, libraires-imprimeurs (p. vii-xi).

MES

FLEURS POÉTIQUES

Le riant soleil printanier
Sur mon parterre humble, sans faste,
Versa cette lumière chaste 
Qui réjouit le jardinier.


Dès que les lueurs cristallines
De l’aurore au ciel s’allumaient,
D’invisibles mains y semaient
Rubis, saphirs et cornalines.

Brillantes comme ces bijoux
S’éveillaient mes plantes fleuries, —
Roses, marguerites chéries, —
Au chant du rossignol si doux.

Ô fleurs ! objets de ma tendresse,
Je vous cultivai de mon mieux ;
Je vous donnai des soins pieux
Dans les heures de ma jeunesse !


Je vous vis croître avec amour ;
Je pris soin de votre jeune âge,
Vous défendis contre l’orage
Et contre les ardeurs du jour.

Je fus bien payé de mes peines ;
Fuyant les soucis importuns,
Je trouvai dans vos frais parfums
L’oubli des tristesses humaines.

À mon cœur souvent affligé,
Frêles fleurs rouges, blanches, roses,
Vous disiez d’ineffables choses
Dans votre langage imagé.


Avant que le temps vous effeuille,
Avant la morose saison,
Il me faut faire ma moisson,
C’est à regret que je vous cueille ;

Il me semble qu’en vous fauchant
Mes rêves les plus beaux s’effacent,
Tombent avec vous et se glacent
Sous le fil d’un glaive tranchant…

Mais je veux garder votre arôme
Si pur, dont j’enivrais mes sens ;
À notre âme, il faut de l’encens,
À notre cœur, il faut du baume !


Et je désire, en un bouquet,
Vous voir à vous-mêmes survivre.
Ce bouquet, c’est mon humble livre,
Que je tressai sous le bosquet.