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Les invisibles de Paris (Aimard)/III/XVII

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Roy et Geffroy (p. 581-589).
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XVII

OÙ M. PIQUOISEUX FAIT UN JOLI PLONGEON

Nos six aventureux compagnons partis, descendus dans le puits mitoyen, tout redevint calme et silencieux dans la cour du Lapin courageux.

Mais ce silence et cette tranquillité profonde ne durèrent que le temps nécessaire pour constater la disparition des six audacieux membres de la société des Invisibles.

Cette constatation bien faite, une des futailles, rangées le long de la muraille, dont nous avons parlé précédemment, se détacha de la pile et vint rouler jusqu’à l’extrême bord du puits.

Là, il se passa une chose singulière.

Le fond de la futaille se souleva, les douves tombèrent çà et là, de droite et de gauche, et une tête apparut.

Des épaules suivirent la tête.

Puis, le corps tout entier du gracieux Piquoiseux, le secrétaire particulier de M. Jules, sortit vivement, papillon radieux, de cette coque vineuse.

Jeter autour de lui des regards effarés, se frotter les mains de manière à s’en enlever la peau, tout en battant la semelle pour se réchauffer, vu le froid glacial qui continuait à mordre malgré la continuation de cette pluie fine et brumeuse, fut tout un pour le jeune et brillant plumitif.

Ayant rétabli la circulation du sang dans ses membres glacés par une attente aussi pénible que prolongée, Piquoiseux se dit à part lui :

— Hum ! voilà une faction qui peut compter pour toute une campagne ! Si mon général n’est pas content, il n’aura qu’à le dire.

Il se pencha sur le rebord du puits, écouta, et n’entendit rien.

— Les malins ! murmura-t-il, ils ne font pas plus de bruit que des taupes ! Allons ! allons ! j’ai eu un rude nez de ne pas faire comme les autres, qui n’ont pas eu la patience d’attendre. Voilà une guérite qui m’aura servi à monter en grade, mieux que toute une batterie d’artillerie. Ah ! futaille, ma mie, ce cher M. Jules donnerait pas mal de monacos pour avoir eu l’idée de se servir de toi en guise de paletot. Qui diantre se douterait que tout à l’heure ces beaux messieurs étaient maîtres de la place. Je m’en vais boucher l’ouverture, rompre la chaîne, et… ma foi, non… J’ai bien entendu tout ce qu’ils se disaient. Ils ne reviendront pas sur le Lapin courageux. Ils débarqueront à Belleville… À votre aise, mes bons amis, à votre aise… on se retrouvera.

Et l’homme de confiance de l’ex-agent de la police de sûreté se contenta de démonter la double chaîne, laissant l’orifice du puits ouvert comme devant.

Il travaillait à cette pénible tâche tout en continuant à se tenir le langage suivant :

— Cette fois, les voilà donc pincés et arquepincés, ces conspirateurs fantastiques, ces caméléons insaisissables. S’ils s’en tirent, je leur paye des guignes en plein mois de février. Ouf, c’est dur, mais ça y est. Voilà mes derrières assurés… Rien à craindre de ce trou béant !

Il fit quelques pas, respirant à pleins poumons et se détirant les bras.

— On en dira ce qu’on voudra, pensait-il, c’est une belle chose que d’avoir des oreilles et de savoir s’en servir. Comment vais-je m’y prendre pour tirer tout le parti possible de ce que je viens de découvrir. Descendre dans ce puits et suivre mes excellents amis, les Invisibles, que nenni ! Ils ne feraient de moi qu’une bouchée. D’ailleurs, en leur coupant la retraite, je me suis enlevé le moyen de les suivre à la piste. Et puis, c’est noir là-dedans comme dans un four éteint. Que faire ? que faire ?

Le secrétaire de M. Jules, tout en réfléchissant, furetait dans les coins et recoins de la cour, pour s’assurer que nul ne l’espionnait, comme il venait d’espionner Passe-Partout et ses compagnons.

Rien ne bougeait.

Il était bien seul.

Il revint au puits, s’assit sur la margelle et demeura quelques instants la tête basse.

En somme, le pauvre diable avait surpris un secret de la dernière importance.

Mais ce secret le brûlait.

Mons Piquoiseux ne se sentait pas de taille à le porter longtemps tout seul.

— Que c’est bête les gens d’esprit ! fit-il au bout de ses réflexions. Voilà des hommes, intelligents parmi les plus intelligents, audacieux parmi les plus audacieux, qui se savent traqués comme des bêtes féroces et qui s’amusent à causer de leurs affaires en plein air, en plein…

Il allait dire en plein soleil, mais une rafale de pluie glaciale qu’il reçut en plein visage le rappela à la réalité nocturne au milieu de laquelle il pataugeait.

— Je suis idiot ! s’écria-t-il tout à coup en se donnant une vigoureuse tape sur le front. Je suis stupide, ma parole d’honneur, plus stupide qu’eux. Je reste là à réfléchir, au lieu de me remuer, au lieu d’agir. Allons ! c’est assez me complaire dans mon triomphe… Je me décarcasse là, depuis dix minutes, pour décider comment je travaillerai pour la plus grande gloire de mon doux patron, quand il m’est si facile de garder dans ma poche tout l’honneur et tout le profit de ma découverte.

Il se leva et quitta la margelle du puits.

— Oui ! oui ! reprit-il, je n’ai pas besoin de travailler pour le roi de Prusse ou pour M. Jules, ce qui revient exactement au même. Je vais tout bonnement me rendre chez le quart-d’œil du quartier. Je lui raconte la chose depuis A jusqu’à Z. À moi les bénéfices de l’affaire. À lui les risques. Quant au patron, eh bien !… quant au patron, je lui dirai que je l’ai cherché partout sans pouvoir mettre la main sur lui, et ma foi, s’il n’est pas content, il se brossera le ventre. Eh voilà un qui ne se gêne pas pour tirer à lui toute la couverture. J’en prends mon coin cette fois. Qu’il s’arrange ! C’est ça ! Allons chez le commissaire. C’est à deux pas. En deux temps, l’affaire se réglera chez lui.

Sa résolution prise, le jeune et prudent Piquoiseux se frotta les mains avec une nouvelle vigueur, et se dirigea, l’œil au guet et une chanson grivoise aux lèvres, vers la porte bâtarde qui donnait entrée dans le rez-de-chaussée du Lapin courageux.

Il ouvrit cette porte.

Mais la porte ouverte, M. Piquoiseux, au lieu d’avancer d’un pas, recula de quatre ou cinq sauts.

Une ombre noire se projetait sur le seuil du cabaret.

Derrière l’ombre il y avait un corps.

Ce corps fit en avant les mêmes mouvements que le secrétaire de l’ex-chef de la police de sûreté venait de faire en arrière.

De cette façon, la distance resta absolument la même entre eux deux.

Le mouchard sentit une sueur froide lui monter au front.

Il chercha à voir.

Impossible !

La porte du cabaret venait de se refermer et d’intercepter tout rayon de lumière.

L’ombre avait disparu.

Mais le corps restait immobile, silencieux, menaçant.

Le secrétaire de M. Jules voulut parler, crier ; la voix lui manqua.

Il essaya de reculer pour prendre du terrain, ce fut en vain ; il lui sembla que ses pieds venaient subitement de se souder aux pavés fangeux de la cour.

Cela ne dura pas un quart de minute.

Ce quart de minute lui parut éternel.

Durant ce court espace de temps, le malheureux limier de police tourna et retourna toutes les chances qu’il pouvait avoir de sortir de ce pas dangereux.

Il n’en trouva que deux : la force ou la ruse.

La ruse était impossible à employer avec un adversaire muet comme la tombe, impassible comme le tranchant d’un couperet.

La force !… Piquoiseux était jeune, nerveux, agile, mais la tranquillité écrasante du spectre noir qui se tenait devant lui dénotait un mépris profond de ses moyens de défense.

La situation n’était pas tenable pourtant.

Il fallait en sortir à tout prix.

Piquoiseux étendit les bras et ouvrit la bouche.

Le spectre noir lui saisit le poignet, et tout en le regardant à travers les trous de son masque avec des yeux brillants comme ceux d’un tigre, il lui coupa la parole.

— Où vas-tu ? lui demanda-t-il d’une voix sourde et rauque.

— Je… je… Laissez-moi vous dire…, répondit le secrétaire de M. Jules qui ne put achever sa phrase.

Sa gorge en feu ne lui permit pas d’exprimer sa pensée.

La terreur lui paralysait la langue.

Piquoiseux n’était pas un lâche, puisqu’il s’était lancé à corps perdu sur une piste qu’il savait parfaitement pouvoir devenir mortelle ; mais la surprise, l’isolement, les ténèbres, jusqu’à cette pluie fine et continue qui lui fouettait le visage, tout contribuait à lui enlever son énergie à le courber jusqu’à terre.

— Aussi lâche que traître ! murmura l’inconnu avec une expression de mépris et de dégoût indicible.

Et serrant à le briser le poignet qu’il tenait enchâssé dans sa main droite, il ajouta :

— Réponds, misérable, où vas-tu ?

— Je… je m’en vais.

— Où cela ?

— Je rentre chez moi, fit M. Piquoiseux, qui battait les champs.

— Tu mens !

— Je vous jure…

Et tout en répondant, le pauvre diable cherchait à se dégager de l’étau qui le retenait prisonnier.

— Tu mens ! répéta l’homme masqué. Tu es venu ici, comme un espion avide de nouvelles et de trahisons.

Piquoiseux claquait des dents en se voyant percé à jour de la sorte.

— Tu voulais savoir, continua inexorablement l’inconnu, qui s’érigeait en juge ; tu sais.

— Moi… rien du tout… je ne sais rien du tout.

Et il se tordait de terreur et de douleur.

— Tu as voulu voir les Invisibles, tu les as vus.

— Vous vous trompez !

— Tu les as vus, et tu sortais pour les dénoncer, pour les faire poursuivre et saisir.

— Non ! non ! râla le malheureux, terrifié par tant de lucidité, et qui en vint à croire un moment que l’inconnu faisait partie de la contre-police de M. Jules.

Son adversaire ne donna aucune attention à ses réponses et à ses haut-le-corps, il lui dit de la même voix lente et sourde :


Puis le corps tout entier du gracieux Picquoiseux sortit vivement.

— Quand on exerce le métier qui est le tien, On sait à quoi l’on s’expose en cas de défaite.

— À quoi donc ? Je n’ai fait de mal à personne… pas plus qu’à vous.

— Non, mais tu voulais en faire.

Et, maîtrisant facilement Piquoiseux, qui se démenait comme un diable dans un bénitier :

— Tu as joué. Tu as perdu. Sois bon joueur. Paye.

— Payer quoi ?

— L’enjeu de la partie.

— Il va me faire chanter, pensa le secrétaire de M. Jules, qui se mit à respirer plus librement. C’est un confrère ! un finaud ! Faudra voir. Et quel est cet enjeu ? demanda-t-il d’un ton insouciant,

— Ta peau ! fit l’inconnu tranquillement.

— Hein ? quoi ? s’écria l’autre en bondissant sur place, retenu qu’il était par une main de fer.

— Ta vie ! si tu le préfères.

— Je ne préfère ni l’un ni l’autre, répliqua le malheureux, qui, suivant sa première idée, se disait qu’on l’effrayait d’autant plus qu’on voulait lui vendre plus cher sa liberté et son salut. Voyons, soyez bon garçon, l’ami ! que diantre, nous ne sommes pas des Turcs ! nous nous entendrons à demi-mot.

— Que dit-il ? murmura l’inconnu.

— Part à deux, hein ? ça va-t-il ? fit Piquoiseux.

L’autre comprit.

Il ne lui répondit rien, mais ses yeux ardents, qui fouillaient les ténèbres, lancèrent un éclair, que le secrétaire de M. Jules crut être de convoitise, quand ce n’était qu’un éclair de colère.

— Vous verrez ! On n’est pas chiche par là-bas. L’affaire est grasse. Il y aura de quoi boire et de quoi manger pour deux.

L’inconnu lui lâcha le bras.

Piquoiseux se crut victorieux et libre.

— Misérable humanité ! pensa tout haut l’inconnu. Voici un gueux qui nous juge tous sur son patron, qui nous rabaisse tous à sa taille.

Le limier de M. Jules vit qu’il avait fait fausse route.

Son premier soin fut d’essayer de se mettre hors de la portée de la rude poigne qui venait de le laisser aller.

Soin inutile.

L’inconnu ne se donna pas la peine de le poursuivre, cette fois.

Il se contenta de lui crier : Arrête ?

Piquoiseux s’arrêta, voyant la gueule béante d’un canon de pistolet braquée à hauteur de ses deux yeux.

Il se retourna, mais ce ne fut plus en suppliant.

Lui aussi, il était armé.

Lui aussi, il portait un arsenal complet.

D’une main, M. Piquoiseux tenait un casse-tête, sorte de courte baleine entrelacée avec un nerf de bœuf et se terminant par une lourde boule de plomb.

Dans l’autre se trouvait un revolver à quatre coups.

L’inconnu, qui voyait dans les ténèbres aussi bien qu’en pleine lumière, laissa échapper un éclat de rire sardonique.

Cet éclat de rire alla droit au cœur du jeune et beau Piquoiseux, qui, tout en conservant ses distances et en se tenant sur ses gardes, essaya de capituler honorablement, ce qui, pour lui, signifiait à bon marché.

— Voyons, l’ami, fit-il d’une voix à moitié résolue, en définitive et plaisanterie à part, qu’est-ce que vous demandez ?

— Je te l’ai dit : ta vie.

— Sérieusement ?

— Oui.

— C’est trop cher. Il faut changer votre prix.

— Si tu sais une prière, fais-la.

— Une prière ? ricana Piquoiseux, qui, à tout prendre, mis en demeure de défendre ses jours, avait retrouvé le courage instinctif de la brute. Je la chercherai. Laissez-moi le temps d’en apprendre une, mon brave homme.

— Tu as cinq minutes, riposta l’impassible inconnu.

— Je demande cinq ans.

— Tu as cinq minutes, répéta l’autre, qui tira une montre de sa poche et y regarda l’heure, sans se préoccuper de l’arme qui lui menaçait la poitrine.

Ce sang-froid imposa à Piquoiseux, et l’exaspéra en même temps.

Il perdit l’accentuation à peu près bourgeoise, convenable, dont il se servait ordinairement, pour prendre de ces voix éraillées et communes qui ne se rencontrent que dans les bouges les plus infects ou aux heures de révolutions souterraines.

— Ah çà ! hurla-t-il, moitié rage, moitié peur ; ah çà ! vous n’allez pas me la faire. J’en ai assez. Laissez-moi passer, ou, nom de nom, je vous campe une prune dans la cervelle.

— Plus que quatre minutes, répondit l’inconnu. Priez.

— Ôtez-vous de devant la porte ! fit Piquoiseux en s’avançant vers son adversaire, qui ne broncha pas.

Les deux hommes ne se trouvaient qu’à peu de distance l’un de l’autre.

Tout coup de feu pouvait être mortel.

Mais la main de l’inconnu était aussi ferme que sa résolution paraissait immuable.

L’arme qui se trouvait au bout du poignet de M. Piquoiseux dansait une sarabande indigne d’un homme d’action.

Mais, nous l’avons déjà dit, le secrétaire de l’ex-chef de la police de sûreté était un homme de plume, bon tout au plus à trôner dans son bureau grillé entouré de serge verte.

La quantité de balles qu’il avait à tirer ne valait probablement pas la qualité de la seule qui se trouvait au fond du canon du pistolet braqué sur lui par le spectre au loup noir.

Le mouchard sentit sa faiblesse.

Il essaya encore de la douceur.

— Voyons, une dernière fois, laissez-moi passer. Je m’engage sur l’honneur à ne souffler mot à âme qui vive de ce que j’ai découvert cette nuit.

— Plus que trois minutes ! Priez !

En entendant les accents impitoyables de cette voix qui retentissait à son oreille comme le glas de ses funérailles, le misérable sentit toutes mauvaises passions lui monter au cerveau. À la terreur succéda une rage folle.

Cet homme, qui sur un mot de l’autre se fût roulé à ses pieds en le remerciant de lui donner la vie, et qui lui eût fait les protestations les plus viles, après avoir adressé les prières les plus basses, cet homme se changea en bête fauve.

Il vit rouge.

Il comprit que nulle chance ne lui restait d’attendrir ce spectre terrible qui le fascinait.

Sa dernière heure était bien sonnée, à moins d’un prodige de bravoure.

Ce prodige, la peur le poussa à l’accomplir.

— Plus que deux minutes ! Priez ! répétait la voix sombre.

Piquoiseux prit son courage ou plutôt sa terreur à deux mains, et, grommelant entre ses dents :

— Mieux vaut tuer le diable que se laisser tuer par lui !

De nouveau il se précipita vers son adversaire, son casse-tête levé.

Un coup de feu retentit.

La main qui tenait le casse-tête retomba inerte le long du corps du secrétaire de M. Jules.

— Démon ! rugit-il ; je t’échapperai quand même.

Et il fit feu ; successivement, les quatre canons de son revolver vomirent leur projectile de plomb contre l’inconnu.

Il ne bougea pas plus que si M. Piquoiseux se fût amusé à tirer sa poudre aux moineaux.

— Plus qu’une minute ! Priez.

Le malheureux espion, blessé, désarmé, se vit perdu.

Son arme, inutile désormais, lui échappa.

Il tomba à genoux.

Ce fut un singulier et terrible spectacle que celui de ces deux hommes, dont l’un, juge et bourreau, vidait le sablier de l’existence de l’autre, qui se sentait irrémissiblement condamné.

Il le sentait si bien, qu’il n’essaya même pas une dernière fois d’apitoyer son adversaire.

Ses yeux hagards regardaient autour de lui, sans voir.

Deux ou trois râles d’angoisse se firent jour à travers ses lèvres convulsivement serrées.

On eût dit que cet impie, qui venait de railler la prière, cherchait à prier.

Le misérable ne priait pas, et pourtant ce mot seul s’échappait de sa bouche :

— Mon Dieu !

Mais ce mot, ce n’était ni le repentir ni la foi qui le lui inspiraient.

C’était la peur, la hideuse et ignoble peur, mère de la lâcheté.

Piquoiseux venait d’user toute son énergie dans le dernier effort de sa résistance.

Il attendait que l’inconnu parlât une dernière fois, sans savoir ce qu’il attendait.

— C’est l’heure ! dit le spectre noir.

Alors s’avançant à pas lents vers le malheureux qui n’avait plus conscience de ce qu’il voyait, le juge, l’exécuteur saisit le coupable, le condamné, par les hanches, le souleva d’un effort puissant, le traîna jusqu’au puits, et disant :

— Meurs, traître !

Et il le précipita la tête première au fond du gouffre.

Le bruit mat d’un corps tombant sur la pierre humide se fit entendre.

Puis, plus rien.

Alors, le juge, l’exécuteur, l’inconnu, qui jusque-là n’avait donné aucun signe de souffrance, ni de faiblesse, chancela, fut obligé de s’accrocher des deux mains à la margelle du puits.

Puis, il roula évanoui sur le sol.

Son sang coulait abondamment de quatre blessures.

Ces quatre blessures lui avaient été faites par les coups de feu de M. Piquoiseux.

Mais le juge, l’exécuteur, l’inconnu, le membre de l’association des Invisibles n’était tombé, que sa tâche accomplie, que ses ordres exécutés.


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