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Les jours et les nuits/III/II

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Société du Mercure de France (p. 112-114).

ii
pythagore

Sengle quitta son uniforme d’infirmerie, qui n’était qu’un uniforme de soldat chevronné de jaune, et sécha le ridicule de ses couleurs sanglantes sous la sandaraque grise.

Et personne ne fit plus attention à lui qu’à un entrant quelconque, jusqu’à ce qu’il se coucha.

L’infirmier civil lui remit un thermomètre, un beau thermomètre d’hôpital, à maxima, fait d’un tube très gros avec une cuvette très mince, et d’où le mercure ne pouvait redescendre. Et Sengle se souvint d’un essai de Nosocome. Couché sur le dos, il renversa le thermomètre sous son aisselle gauche, le tube chauffé se dilata et non, comme il est d’usage, le mercure de la cuvette, lequel se précipita dans son puits capillaire presque jusqu’au fond. Sengle, sachant qu’il est dangereux de présenter des paradoxes au peuple, redressa le thermomètre, et l’infirmier vint au bout de huit minutes.

« Quarante-trois, » dit-il. Et Sengle épouvanté d’avoir divulgué en le réussissant jusqu’à l’invraisemblable, son truc, ne put ne pas crier qu’il se trompait. L’autre regarda au jour de la fenêtre :

« C’est bien cela, quarante degrés et trois dixièmes. »

Sengle se répéta le chiffre et observa les sœurs vite groupées autour de lui, parlant de prières ; et l’infirmier interrogeant si des ventouses scarifiées ne seraient pas nécessaires, afin qu’en cas de décès le major fût content. Il avala jusqu’à s’en évanouir de la caféine qu’il avait apportée ; son pouls devint réellement rapide ; et Nosocome qui vint le voir nota que ses yeux étaient vitrés.

Il semblait à Sengle que la fenêtre en face de lui fût beaucoup plus près…