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Les principaux monuments funéraires/Dazincourt

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DAZINCOURT.




Dazincourt (Joseph-Jean-Baptiste-Albouy), sociétaire du Théâtre Français, professeur de déclamation au Conservatoire, et, sous l’Empereur, directeur des spectacles de la cour, né à Marseille le 11 décembre 1747. Après avoir parcouru avec succès la carrière épineuse des débuts, et recueilli les encouragemens les plus flatteurs, il fut reçu à la Comédie Française en 1778.

Préville laissait un vaste héritage à conquérir et les souvenirs d’un grand talent, qu’il n’était pas facile de faire oublier ; d’ailleurs, un successeur de ce grand comédien [Dugazon] se conciliait déjà la faveur du parterre : c’était donc deux obstacles presque insurmontables contre lesquels Dazincourt avait à lutter : à force de travail il parvint à partager avec son rival les suffrages du public.

Le répertoire du Théâtre Français était beaucoup plus nombreux et plus varié qu’il ne l’est aujourd’hui. On n’avait pas encore relégué dans la poussière des cartons tant de comédies spirituelles et gaies, auxquelles ne dédaignaient pas d’assister tous les rangs de la société, qui préféraient alors le comique de situation à celui des mots. On éclatait d’un rire franc et naïf aux bouffonneries de Scarron, de Molière, de Thomas Corneille, de Regnard, d’Hauteroche, de Destouches, de Boissy, de Poisson, de Dufresny, de Legrand et de Dancourt ; et l’école de Diderot n’était pas encore venue étaler sur la scène française l’adultère, l’assassinat, la débauche et tant d’autres crimes, dans tout ce qu’ils ont de plus hideux.

Cet acteur avait une taille médiocre, mais bien prise, une physionomie ouverte et spirituelle, un œil fin, un rire naturel ; ennemi de la farce, il était gai sans être trivial, et si dans quelques rôles il se permettait de charger, il s’appuyait sur les traditions qui doivent compter pour quelque chose au théâtre. C’est ainsi que dans une représentation de l’Homme à bonnes fortunes, jouant le rôle de Pasquin, après avoir inondé son mouchoir d’eau de Cologne, il vint le tordre sur la tête du souffleur : un coup de sifflet partit ; Dazincourt s’avança sur le devant de la scène, « Messieurs, dit-il, lorsque Préville jouait ce rôle, il faisait ce que je viens de faire, et il était applaudi par tout ce qu’il y avait de mieux en France. » L’acteur fut couvert d’applaudissemens, et le siffleur fut hué.

Dans les rôles à grandes livrées Dazincourt avait cette haute insolence, cette dignité d’antichambre, type ordinaire des laquais des grands seigneurs : dans ceux de valets fripons, sa physionomie faisait pressentir aux spectateurs qu’il n’y avait pas de ruses auxquelles ils ne dussent s’attendre, son talent flexible se prêtait à tous les tons, et ses traits expressifs donnaient au personnage qu’il représentait le caractère de la plus grande vérité.

Mais ce ne sera pas seulement sous le rapport du talent que Dazincourt laissera de longs souvenirs ; il possédait encore au plus haut degré les qualités du cœur.

Bon camarade, ami sûr et dévoué, d’une obligeance aussi prompte qu’elle était amiable ; ennemi de l’intrigue, il n’eut que des amis dans ceux qui le connurent ; et davantage encore, dans les malheureux qu’il secourut ; aussi les derniers vers de l’épitaphe gravée sur son tombeau sont le plus bel éloge dont on ait pu honorer sa mémoire.

Il est mort à Paris le 28 mars, 1819. Presque tous les artistes des théâtres de Paris, et un grand nombre d’autres personnes l’ont accompagné au cimetière de Montmartre, où son corps a été déposé.

Son monument, d’un style simple mais parfaitement dans le genre sépulcral se compose d’un sarcophage antique, dont la pierre horizontale qui le couvre est surmontée d’une urne cinéraire et d’une couronne de cyprès. De chaque côté sont un pilastre et une colonne accouplés qui soutiennent l’entablement. Sur un fond de marbre noir on lit cette inscription gravée en lettres d’or :

a la MÉMOIRE de
joseph-jean-baptiste-albouy DAZINCOURT,
comédien français de s. m. l’empereur et roi,
professeur au conservatoire,
et directeur des spectacles de la cour.
né a marseille le ii décembre 1747.
mort a paris le 28 mars 1819.
Par Eulalie DESBROSSES, son amie.


Du théâtre français l’honneur et le soutien,
Digne successeur de Préville,
Homme de goût, homme de bien,
Aimable à la cour, à la ville ;
Ami vrai, délicat, sensible, généreux,
Il réunit sur sa cendre chérie
Et les regrets des enfans de Thalie,
Et les larmes des malheureux.