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Les réformes de l’agrégation de médecine

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Revue internationale de l’enseignement, volume 37, juin 1899, Texte établi par François PicavetSociété de l’enseignement supérieur37 (p. 233-246).

UNIVERSITÉ DE LYON
FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE

Les Réformes de l’Agrégation de Médecine

Rapport présenté à M. le Ministre de l’Instruction publique au nom de la Faculté de Médecine de Lyon par une Commission composée de MM. Ollier, Renaut, Mayer, Lortet, Lacassagne, Crolas, Hugounenq et Bondet, rapporteur.

 Messieurs,

Depuis 1874, époque à laquelle, pour la seconde fois, les concours d’agrégation furent centralisés à Paris ; il ne s’est guère passé d’années sans que les Facultés de province aient fait entendre leurs doléances et présenté contre ce mode de recrutement des réclamations plus ou moins pressantes.

La Faculté de Paris elle-même, dans une délibération encore récente, vient de déclarer qu’elle ne voyait aucun avantage sérieux au maintien des concours dans la capitale.

À Lyon notamment, nous nous sommes constamment prononcés contre l’état actuel des choses. Dans toute occasion, par tous les moyens en notre pouvoir, nous n’avons pas cessé, chaque fois qu’il a été question de réformes à apporter dans nos concours d’agrégation, de réclamer énergiquement comme la plus légitime en même temps que la plus essentielle de nos revendications, au point de vue de l’avenir de notre Faculté, le droit de choisir seuls et sur place nos agrégés.

Déjà en 1880, votre rapporteur actuel, que vous aviez officieusement chargé de cette mission à l’époque où il avait été délégué pour faire partie du jury de l’agrégation, avait demandé et obtenu du Jury de la section de médecine, après y avoir été autorisé par M. le Ministre de l’Instruction publique d’alors, M. Jules Ferry, un vote unanime demandant que dorénavant les concours de l’agrégation ne soient plus centralisés à Paris.

Depuis cette époque, à diverses reprises, notamment le 24 janvier 1882, le 2 février 1882, le 20 janvier 1897, votre Conseil a voté différents vœux, réclamant pour Lyon le siège de ses futurs concours d’agrégation.

Cette persistance à poursuivre une réforme que le développement rapidement progressif de notre Faculté semblait rendre de jour en jour plus légitime et plus urgente, l’appui que de tout temps et presque partout, elle a toujours rencontré dans l’opinion publique, ont vivement frappé votre Commission. Elle a pensé qu’elle n’avait pas de meilleur argument à faire valoir, pour motiver à vos yeux la thèse à laquelle elle s’est tout d’abord rattachée, la nécessité de la décentralisation des concours.

Ce qui l’a frappée également, c’est que pendant les vingt-trois ans qui se sont écoulés depuis le début de l’organisation actuelle, les Facultés n’ont pas été les seules à protester. MM. les Inspecteurs généraux n’ont jamais cessé de formuler dans leurs rapports des critiques plus ou moins vives contre l’ordre de choses actuel.

M. le Directeur de l’Enseignement supérieur lui-même, frappé de la périodicité de ces plaintes, autant que de la généralité de ces critiques, préoccupé des lacunes, des imperfections, peut-être même, pourrait-on dire, des vices du système actuel, demandait aux Facultés rapports sur rapports, et insuffisamment éclairé sans doute, ou peu satisfait des solutions qui lui étaient proposées, en 1894 il s’adressait directement à notre Doyen et le chargeait d’entrer en communication officieuse avec l’Administration des hôpitaux de Lyon, pour savoir si cette Administration consentirait à laisser choisir les agrégés par le Conseil de la Faculté parmi ses chefs de service.

Ce projet passablement révolutionnaire, difficilement réalisable puisqu’il constituait en faveur du personnel hospitalier un véritable monopole de l’enseignement, ne put aboutir.

Quatre ans après cette tentative, M. le Directeur de l’Enseignement supérieur, reprenant cette question et désireux plus que jamais de lui donner une solution, informait notre Doyen qu’il était disposé, à titre d’essai, à prendre en faveur de la Faculté de Lyon, au point de vue de la décentralisation des concours, les mesures les plus radicales. C’est alors que notre Conseil, dans sa séance du 18 juin 1897, décida, à une majorité de 19 voix contre 3, qu’il y avait lieu de demander que dorénavant les futurs concours de l’agrégation se fassent à Lyon.

Malheureusement, la date du prochain concours était déjà fixée, et M. le Ministre, dans sa réponse qui nous fut transmise par M. le Recteur à la date du 6 octobre 1897, nous faisait remarquer que Paris avant été désigné par un arrêté du 29 mai 1897, pour être le siège de ce concours, il lui était impossible d’examiner notre proposition en temps opportun.

Dans cette même lettre, il ajoutait qu’un simple changement de siège dans le concours lui paraissait insuffisant, et que, s’il y avait lieu de modifier les statuts de l’agrégation de médecine, ce ne pouvait être qu’une réforme complète. « Il n’est pas nécessaire, d’ailleurs, ajoutait-il, que cette mesure soit générale. Les conditions de recrutement des agrégés peuvent très bien varier d’une Université à l’autre ; si la Faculté de Médecine de Lyon a à ce sujet des idées personnelles, je serais heureux d’en recevoir communication » (Lettre communiquée à M. le Doyen par A. le Recteur le 6 octobre 1897).

Messieurs, c’est en nous inspirant de l’esprit de cette lettre et à la demande de M. le Ministre que notre Faculté a décidé, dans sa séance du 8 juillet 1898, de reprendre à nouveau cette grave question de l’agrégation, question capitale entre toutes, puisqu’il s’agit du recrutement de son personnel enseignant. Elle a nommé pour l’étudier une Commission composée de MM. Ollier, Renaut, Mayet, Lortet, Lacassagne, Crolas, Hugounenq et Bondet rapporteur.

Cette Commission, Messieurs, son rapporteur en particulier, ne se sont pas dissimulé les difficultés de la tâche qui leur était confiée.

En présence de l’agitation qui, depuis quelques années, et de haut en bas se fait autour de cette question et va sans cesse en augmentant, frappée des réclamations incessantes des autres Facultés, y compris celle de Paris qui ne voit dans la centralisation des concours à Paris qu’une charge sans aucun avantage pour ses professeurs, elle a pensé qu’il était de son devoir, en se conformant au désir de M. le Ministre, de rechercher par quels moyens on pourrait assurer des réformes pratiques aussi bien pour le recrutement que pour l’organisation d’un corps appelé à rendre de si grands services à l’Enseignement, si toutes ses forces vives étaient utilisées.

L’opinion qu’elle vous apporte n’engage en rien les autres Facultés. C’est une réponse à la lettre de M. le Ministre qui a demandé à la Faculté de Médecine de Lyon de vouloir bien lui faire connaître les idées personnelles qu’elle pourrait avoir à ce sujet.

C’est en restant strictement fidèle au programme de décentralisation universitaire, que vous avez toujours défendu, forte de cet appui cet guidée avant tout par l’intérêt supérieur de l’Enseignement, que votre Commission a cherché à résoudre cette grosse et si délicate question des réformes de l’agrégation.

Où et comment doivent se faire nos futurs concours d’agrégation ? Quelle doit être dans l’avenir l’organisation de cette agrégation ? Tels sont les trois points que nous avons successivement examinés.

Au point de vue du siège du concours, votre Commission a été unanime à demander que dorénavant ces concours se fassent à Lyon. Cette solution réclamée au début de la centralisation des concours à Paris, poursuivie depuis lors avec tant d’insistance.s’impose, on peut le dire aujourd’hui, du fait de la création des Universités provinciales.

Que deviendraient en effet ces Universités, si après leur avoir donné une existence légale, on tarissait, dés leur origine, les sources essentielles à leur vie, c’est-A-dire, le travail sous toutes ses formes, et, parmi ses formes, l’une des plus fécondes, la plus puissante peut-être, le concours.

On a prétendu qu’avec le concours à Paris, l’agrégé revenait en province avec plus de prestige, parce qu’il avait été nommé après avoir figuré dan un concours général.

Si, ce qui est incontestable, ce prestige existe pour l’agrégation retour de la capitale, il est plus que probable qu’avec les concours locaux, tels qu’ils fonctionnent depuis longtemps parmi nous, ce prestige ne sera ni moins grand ni moins justifié, peut-être même sera-t-il moins souvent discuté.

Pourquoi du reste, priver la jeunesse de nos écoles de ce spectacle si fortifiant, si passionnant parfois, toujours si instructif, et si bien fait pour développer chez elle, avec un réel sentiment d’admiration et de respect pour ceux qui nous le donnent l’espoir et le désir de marcher un jour sur leurs traces ? Quand cette jeunesse aura été le témoin de ces luttes difficiles entre toutes, dans lesquelles il ne s’agit pas seulement de savoir, mais surtout de savoir mieux que les autres, quand elle se sera rendu compte de la somme d’intelligence et d’efforts qu’il faut déployer pour en sortir vainqueur, son amour pour le travail sera certainement accru, de légitimes ambitions s’éveilleront, et le prestige de l’heureux triomphateur qu’elle aura vu à l’œuvre, qu’elle aura suivi dans ses épreuves, jugé elle aussi, grandira peut-être ; à coup sûr il ne sera pas amoindri, et ajoutons bien vite qu’il l’aura payé moins cher.

On oublie trop aujourd’hui le reproche si grave et si juste, quoi qu’on en ait dit, adressé de tout temps à la centralisation du concours, à propos des sacrifices et des dépenses qu’entraînent, pour les professeurs et pour les candidats, ces séjours prolongés à Paris ; — avec le nombre toujours croissant des candidats, il acquiert un regain de force et d’actualité.

Votre Commission a cru devoir vous rappeler ces lourdes charges qui ne sont pas toujours à la portée de tous. Pour les uns, c’est une question de fortune, pour les autres une question de famille ou de situation qu’on redoute de compromettre, et c’est ainsi que souvent l’obligation de s’y soumettre, si l’on veut concourir, ou faire partie d’un jury, peut arrêter les plus dignes et les plus méritants.

Ce qu’on ne sait pas assez également, c’est le préjudice considérable que ces longues absences causent aux différents services de la Faculté. Ce préjudice, on n’en parle pas assez, ou tout au moins on feint de l’ignorer, et cependant il n’est peut-être pas un chef de service qui n’ait été obligé de se priver pendant des mois, parfois pendant un semestre, de ses auxiliaires les plus indispensables, chefs de laboratoire, chefs de clinique et autres, quand ce n’est pas de tous à la fois. C’est là, ne l’oublions pas, une des objections les plus sérieuses à adresser à la centralisation des concours.

Il suffit d’en avoir subi les conséquences une fois, pour comprendre l’influence désorganisatrice qu’elles peuvent avoir sur le fonctionnement régulier de notre enseignement.

Ce qui ajoute encore à la portée de cette objection, c’est qu’avant ce séjour obligatoire à Paris, les candidats qui ne peuvent avoir d’autre objectif que le concours se désintéressent volontiers des services auxquels ils sont attachés. Ce qu’ils recherchent avant tout, c’est de se faire, par des travaux personnels et hâtifs, un bagage scientifique suffisant pour impressionner un jury qui, sans tenir aucun compte des services qu’ils ont pu rendre, ne peut les juger en dehors des épreuves de concours que sur un exposé de titres et de travaux.

Votre commission, Messieurs, a pensé qu’il était important d’appeler tout particulièrement votre attention et celle de M. le Ministre sur cet ordre d’idées.

Ces absences qui se multiplieront forcément avec le nombre croissant des candidats, avant et pendant la durée du concours, cette obligation de tout sacrifier aux exigences d’un jury insuffisamment renseigné, finiront, nous en sommes convaincus, par faire à l’enseignement en général, et plus particulièrement à certains services, un tort considérable.

Parallèlement à ces absences des candidats, il importe de signaler aussi celles des professeurs désignés pour faire partie des jurys ; plus peut-être que les premières, celles-ci apporteraient au fonctionnement régulier. de certaines chaires des préjudices tout aussi importants. On a dit et répété bien souvent, en faveur de la centralisation des concours, que les choses se passaient ainsi pour les Facultés de Droit, et qu’il n’y avait pas de raisons pour qu’il n’en soit pas de même pour Îles Facultés de Médecine. Mais ainsi que le faisait remarquer, en 1881, dans son rapport à la Faculté de Médecine de Montpellier, M. le professeur Grasset, cette communauté « d’origine et de titre peut s’entendre quand, comme dans les Facultés de Droit les agrégés peuvent aller d’une ville à l’autre, finir même par être nommés à Paris. Rien de semblable ne se passe et ne peut se passer en médecine. On peut être appelé sur le papier agrégés des Facultés de Médecine, mais en fait on est toujours agrégé de telle ou telle Faculté.

« Un arrêté de décentralisation ne peut pas modifier un pareil état de choses ; nous ajouterons même qu’il serait regrettable qu’on y parvint. Le nombre des candidats augmenterait-il, le niveau du concours s’élèverait-il, qu’encore la centralisation des concours aurait un inconvénient fondamental.

« Lille tendrait à supprimer les Écoles, c’est-à-dire ces faisceaux de traditions, de principes, de travaux qui font la vie d’une Faculté. Elle créerait une science officielle, pas plus définitive qu’une autre, mais fixée au goût du jour par une seule Faculté qui ferait la loi sans contrôle. »

Il nous paraît inutile de rien ajouter aux éloquentes paroles de l’éminent professeur de Montpellier.

Vrai il y a dix-huit ans, ce langage emprunte une portée plus considérable, encore, depuis la création des Universités provinciales. Si l’on ne veut pas que ces centres intellectuels languissent et meurent avant d’avoir vécu, qu’on redoute cette centralisation excessive qui tend à tout uniformiser.

Qu’on cherche, au contraire, par tous les moyens possibles, à développer leur individualité, qu’on leur laisse pour cela l’initiative et l’indépendance suffisantes. Ce qu’il leur faut avant tout et dés le début, pour aider à leur développement, à leur vie morale aussi bien que scientifique, c’est la liberté !

Avec les concours à Paris, a-t-on dit, les candidats, sans rien perdre de leur originalité, peuvent profiter de ce qu’ils voient dans la capitale, ils peuvent s’y créer des relations utiles, arriver plus tard, grâce à ces relations, aux sociétés savantes ou trouver dans la presse médicale parisienne un accueil plus favorable, À ces objections on a cru devoir ajouter la crainte de retrouver plus tard, dans nos concours locaux, les mêmes inconvénients qui existent aujourd’hui pour les concours à Paris ; c’est-à-dire la partialité et l’influence prépondérante de certains juges en faveur de leurs élèves.

Nous ne savons, Messieurs, si ces habitudes sont appelées à s’établir un jour parmi nous ; ce que nous savons, c’est que jusqu’à présent elles y sont inconnues, qu’elles ne sont pas dans nos mœurs. Le long passé de justice et d’impartialité, dont s’honorent nos concours lyonnais, est la plus solide garantie que nous puissions offrir à M. le Ministre et aux futurs candidats.

Une autre objection sur laquelle, dans ces derniers temps surtout, on a tout particulièrement insisté pour défendre la centralisation des concours de médecine à Paris, c’est la difficulté que rencontreront les agrégés avec le concours local, quand il y aura pléthore chez nous, à pouvoir être déversés dans les autres Facultés.

Nous pensons qu’avec les projets d’organisation de l’agrégation que nous allons vous proposer, la plupart de ces objections tomberont, cette dernière surtout, celle que dans un langage un peu fin de siècle, plus industriel peut-être que scientifique, on a qualifiée du nom d’exportation. Avant de vous parler de cette organisation, il nous a paru nécessaire d’envisager d’abord les conditions dans lesquelles se feront nos concours locaux.

Convient-il de conserver dans son intégrité la série des épreuves actuellement exigées avec les concours à Paris ?

Pour répondre à cette question, il importe d’examiner les deux ordres d’épreuves qu’il est, croyons-nous, indispensable de maintenir, étant donné le nombre toujours croissant des candidats ; les épreuves d’admissibilité et celles qui font l’admission définitive.

Pour les premières, il nous a paru nécessaire de conserver pour tous les candidats, quelle que soit la section à laquelle ils appartiennent :

1o La composition écrite sur un sujet d’anatomie et de physiologie, avec une série d’épreuves pratiques, autopsies, examens histologique ou bactériologique, travaux pratiques divers pour les sciences accessoires ;

2o Une leçon de trois quarts d’heure, après trois heures de préparation, sans livres, sans notes, seul moyen de juger de l’instruction générale du candidat. Le sujet de cette leçon variera bien entendu avec les diverses sections.

Pour l’admission définitive, elle se ferait pour les sciences médicales proprement dites :

1o À la suite d’une épreuve clinique, comprenant l’examen de deux malades, avec leçon clinique sur un de ces deux malades, choisi par le candidat si l’on veut, ou désigné par le jury, avec libre disposition d’utiliser pour cet examen toutes les ressources des laboratoires.

Cette épreuve variera également comme celle de l’admissibilité, pour les sections dans lesquelles la clinique n’a pas sa raison d’être ; elle sera remplacée, après avis et entente avec les professeurs intéressés, par des épreuves pratiques et une leçon, toujours sans livres et sans notes, afin de permettre aux candidats de faire ressortir une fois encore l’étendue et la solidité de leurs connaissances.

2o Enfin, toujours pour l’admission définitive, une leçon théorique de trois quarts d’heure, après vingt-quatre heures de préparation, avec libre disposition de tous les documents désirables.

Si nous avons placé cette épreuve, qui serait la dernière, après les épreuves cliniques, c’est afin de maintenir jusqu’au bout l’intérêt du concours ; si nous lui avons donné un dispositif analogue à celui qu’utilisera un jour le futur professeur pour la préparation de ses leçons, c’est afin de lui permettre de donner, dans cette épreuve, qui serait la dernière, toute la mesure de ses qualités professorales, et de se montrer, devant l’auditoire et devant ses juges, tel qu’il sera un jour dans son enseignement.

Si, enfin, nous n’avons demandé pour la préparation de cette leçon que vingt-quatre heures au lieu de quarante-huit, c’est qu’il nous a semblé que, dans bien des cas, le plus grand nombre des candidats étaient plutôt desservis que favorisés par le trop long temps actuellement accordé ; beaucoup d’entre eux, après ces deux jours de travail excessif, arrivent à l’heure de la leçon surmenés et privés souvent de la plus grande partie de leurs moyens.

Telle est, dans son ensemble, la série des épreuves destinées à faire l’admissibilité et l’admission définitive. Elles différent peu de celles d’aujourd’hui et pourront subir dans une réglementation ultérieure, alors surtout qu’il s’agira de sections différentes de celles de la médecine proprement dite, toutes modifications jugées convenables.

Ce sont là des points de détail. très importants sans doute, à régler avec les professeurs intéressés.

Jusqu’à présent, et l’on n’a pas été sans le remarquer, il n’a été question, ni pour les épreuves d’admissibilité, ni pour les épreuves d’admission définitive, de l’exposé des titres et de la thèse. Ce n’est pas, Messieurs, que votre Commission soit d’avis de les supprimer, mais il lui a paru préférable de réunir dans une même publication cet exposé de titres et le travail original de la thèse, et de les ajourner à plus tard.

Si vous acceptez les modifications qu’il nous reste à vous proposer, à propos de l’organisation de l’agrégation, il est bien certain que cette notice de travaux, jointe à la thèse, donnera au moment où l’agrégé sera appelé à faire partie du personnel enseignant, d’une façon beaucoup plus concrète, le bilan scientifique de ses travaux, de son savoir, et de la portée de son esprit, c’est-à-dire de tout ce qui peut affirmer la valeur de sa véritable personnalité.

Dans les épreuves précédentes, nous n’avons demandé au candidat que de faire preuve de connaissances générales qui lui ouvrent les portes de l’Université ; avec notre système, au contraire, pour faire réellement partie du personnel enseignant, l’agrégé, pour ajouter à son titre celui de professeur agrégé, devra compléter cette instruction générale par des connaissances spéciales, destinées à garantir son éducation professionnelle.

Il est nécessaire pour cela de revenir au stage de l’agrégation, stage qui a existé déjà et qu’on a supprimé, on ne sait trop pourquoi.

Actuellement, l’agrégé nommé à la suite du concours, a un titre, mais il n’a pas de fonction. Il est impossible, en effet, de considérer comme une fonction, le droit qu’il vient de conquérir, et il n’en a pas d’autres, de siéger dans les examens ou dans le jury des thèses et de remplacer les professeurs titulaires absents ou malades.

Interroger sur des matières qu’on n’enseigne pas, remplacer des professeurs qui ne s’absentent pas ou qui ne sont pas malades, c’est là, on l’avouera, une bien faible compensation à la somme de connaissances et de travail dont on vient de donner la preuve.

Ce droit dérisoire, acheté par tant d’efforts, acquis par des intelligences d’élite, qui pourraient tant donner si on leur demandait davantage, a quelque chose qui surprend, et l’on se demande comment, jusqu’à présent, on a pu si peu demander à ceux qui pourraient tant donner.

Malheureusement, à ce désir de demander à ces nouveaux venus dans l’Université une part active dans l’enseignement, il y avait une difficulté. On peut avoir été un très brillant concurrent, mais sans connaissances spéciales suffisantes pour faire un professionnel.

Comment s’en tirera l’agrégé qui, aussitôt après sa nomination, devra remplacer un professeur d’anatomie générale ou descriptive : faire des leçons de chimie générale ou biologique, de physiologie, d’histoire naturelle, de médecine légale ou comparée, voire même d’hygiène ou d’anatomie pathologique.

De quelle autorité auprès des élèves jouira cet agrégé qui souvent sort à peine de l’internat lorsqu’il sera appelé à faire des suppléances dans les diverses chaires de cliniques générales ou spéciales, obstétrique, aliénation, maladies syphilitiques ou cutanées. Pareil état de choses ne peut durer.

Pour le faire cesser, votre Commission a pensé qu’il n’y avait qu’un moyen : revenir au stage.

Pourquoi, du reste, cette période d’instruction professionnelle, exigée partout ailleurs, parce qu’elle a été reconnue indispensable, n’existerait-elle pas à la suite de nos concours, aussi bien qu’à la suite des épreuves destinées à ouvrir les portes des écoles spéciales.

En médecine, comme dans ces écoles, quelles que soient les connaissances générales dont on aura donné la preuve, quel que soit le talent qu’on aura montré dans leur exposition, rien ne remplacera les connaissances techniques indispensables pour la plupart de nos enseignements.

Ces connaissances ne peuvent s’acquérir qu’après le concours. C’est donc forcément qu’elles entraînent une période intérimaire qui, selon que vous le déciderez, sera de deux ou trois ans, et qui durera avec le titre d’agrégé, depuis le moment précis de la nomination jusqu’à la période d’activité universitaire. Pendant la durée de ce stage, l’agrégé recevra le montant intégral du traitement habituel des agrégés, c’est-à-dire la somme de trois mille francs.

Si l’on n’acceptait pas cette façon de comprendre la période de stage, il y aurait encore un autre moyen — auquel, si nous ne nous trompons, de bons esprits contemporains ont, dit-on, songé — d’apporter à l’agrégation une réforme à peu près équivalente, et en même temps d’ouvrir à un plus grand nombre de jeunes hommes la carrière d’agrégé : le concours d’entrée deviendrait dès lors tout simplement un concours d’aptitude à l’agrégation.

Naturellement, c’est parmi les candidats pourvus de ce certificat d’aptitude, que pourraient être choisis tout d’abord les assistants de divers ordres, puis, au bout d’un temps à déterminer, les agrégés proprement dits.

Ce choix définitif se ferait sur une épreuve de titres et la soutenance d’une thèse, comme dans le cas précédent.

En pareille hypothèse, il serait facile d’ouvrir largement la porte de la carrière, en ne limitant pas le nombre des places d’aptes à l’agrégation, au nombre strict d’agrégés définitifs.

Pendant leur stage d’aptitude, les jeunes médecins se destinant à l’enseignement sans plus de souci du savoir encyclopédique, puisqu’ils en auraient donné la preuve, se seraient spécialisés, ou par des travaux personnels ou par des fonctions universitaires, chefs des travaux, chefs de laboratoire, chefs de clinique et autres, qui pourraient leur être confiées.

Ce second système, dans le cas où l’on serait arrêté pour l’application du premier par une question d’économie budgétaire, pourrait sans difficultés $e fusionner avec lui.

Au lieu de conserver, comme nous le demandions dans l’exposé du premier projet, cette période intérimaire payée et libre de toutes fonctions, il serait facile, en réservant comme dans le second projet, à ceux des agrégés qui tiendraient à faire sous la direction des maîtres lyonnais leur éducation professionnelle, toutes les places dont nous venons de parler, de trouver les ressources pécuniaires suffisantes à la réforme que nous nous proposons.

Ces places actuellement confiées à de jeunes médecins, dont l’avenir universitaire est toujours incertain, constitueraient pour les agrégés stagiaires une série de situations rétribuées, qui atténueraient dans de larges proportions les charges budgétaires.

Grâce à cette combinaison, avec une unité plus grande de son corps enseignant, la Faculté trouverait, toutes ces places appartenant désormais aux agrégés nommés au concours, des garanties de savoir que le mode de recrutement actuel ne saurait donner.

Quant aux agrégés qui désireraient voyager ou séjourner dans d’autres Universités, il serait toujours facile, à l’aide de congés renouvelables, de leur permettre d’aller soit en France, soit à l’étranger, chercher ce complément d’éducation professionnelle que votre Commission a considéré comme indispensable.

C’est à ce système mixte qui assure à l’agrégation un concours sérieux et limité comme nombre de places, en même temps qu’une organisation tout à la fois pratique et économique du stage, que la majorité de votre Commission a cru devoir se rallier.

Quel que soit, du reste, le projet auquel on s’arrête, c’est à l’expiration de cette période de stage, c’est-à-dire trois ans après sa nomination, que l’agrégé devra fournir, avec un exposé de titres, le travail original de la thèse.

Cette nouvelle épreuve, obligatoire toujours, mais non éliminatoire, ne changera pas les résultats du concours ; elle a surtout pour but, ainsi que nous l’avons déjà dit, de donner à la fin du stage le bilan exact des travaux de l’agrégé en même temps qu’une nouvelle preuve de la valeur et de la portée de sa véritable personnalité.

On pourra l’utiliser un jour pour des questions de classement et d’avancement.

C’est devant un jury spécial fourni par les professeurs et les agrégés qu’aura lieu, en séance publique, la soutenance de cette thèse, dont le sujet sera pris dans un certain nombre de questions proposées par la Faculté ou choisi, si on le préfère, par le candidat lui-même. Avec cette liberté laissée pour le choix du sujet, avec le temps donné pour le traiter d’une façon convenable, il n’est pas douteux que, au lieu du travail hâtif sans originalité et presque toujours impersonnel des thèses d’autrefois, nous aurons des travaux sérieux, réfléchis, dont la valeur et le retentissement jetteront un double lustre, et sur leur auteur, et sur la Faculté où ils se seront produits.

Cette thèse une fois passée, l’agrégé stagiaire prendra le titre de professeur agrégé ; comme tel il devra participer à l’enseignement. La durée de cette fonction sera de neuf ou dix années.

Pendant cette période, ou suivant une partie de cette période, il devra être attaché comme assistant à une des chaires magistrales qui relèvent de sa section ;  : une même chaire, au besoin, ainsi que cela se passe en Allemagne, pourra recevoir plusieurs assistants.

Ce rattachement ne pourra se faire qu’après entente préalable de l’agrégé et du professeur ; il aura une durée de trois ans, renouvelable à volonté, au gré des intéressés, le titulaire de la chaire restant toujours maître de la direction de l’enseignement dont il a, seul, la responsabilité.

Avec ce système, la régularité des services et l’instruction complémentaire de ceux qui, à un moment donné, peuvent en être chargés, seront assurées.

C’est pendant cette période de l’agrégation que le professeur agrégé pourra donner la véritable valeur de ses qualités professorales.

À ceux qui s’y seront particulièrement distingués, la Faculté, pour récompenser Îles services rendus ou à rendre, sera toujours maîtresse, à la fin de cette seconde période de l’agrégation, d’assurer, dans le cas où celle n’aurait pas autre chose à leur offrir, un certain nombre de places de chargés de conférences ou de cours, voire même de professeurs adjoints.

Alors aussi ou plus tôt, pour les professeurs agrégés qui ne verraient pas un avenir suffisamment assuré dans notre Faculté, il y aurait lieu de penser à cette fameuse exportation dont on a fait dans ces derniers temps un des principaux arguments contre la décentralisation des concours.

Un professeur agrégé qui, pendant tout ou partie de cette période de neuf ans, aura fait de l’anatomie descriptive avec Testut, de l’anatomie générale et de l’histologie avec Renaut, de la physiologie avec Morat, de la chimie biologique avec Hugounenq, de la parasitologic avec Lortet, de la médecine légale avec Lacassagne, de la médecine expérimentale et comparée avec Arloing, de l’hygiène et de l’anatomie pathologique avec Bard et Tripier, de la clinique dans nos services hospitaliers si richement dotés, sous la direction de maîtres tels que Ollier, Poncet, Lépine, Fochier, Gailleton, Pierret, Teissicer et tant d’autres, il nous faudrait ici les nommer tous, ne sera certainement pas discrédité, et l’on peut assurer à l’avance qu’il ne sera pas moins recherché que celui qui, après un concours à Paris, quelque brillant qu’il ait été, aura employé son temps, ainsi que le veut l’organisation actuelle, à faire passer des examens ou à faire de loin en loin des suppléances toujours incertaines.

On dira peut-être, et nous sommes les premiers à en convenir, que l’agrégé peut, par des travaux originaux, mettre en évidence sa personnalité et devenir ainsi le point de mire de certaines Universités : cela sera toujours l’exception, par la raison bien simple que, s’il est connu par ses travaux de cabinet ou de laboratoire, on ne sait rien encore — et c’est surtout cela que l’on doit rechercher — de ses qualités professorales.

On peut citer à l’appui de cette observation un certain nombre de nos anciens élèves qui ont été appelés comme professeurs sans avoir passé par l’agrégation.

Pour en finir avec cette question des concours locaux, il importe de répondre à une objection qu’on leur a adressée bien souvent. Elle a trait aux difficultés qu’on rencontrera, a-t-on dit, pour constituer les jurys de ces concours.

Au premier abord, cette objection, pour des étrangers surtout, se présente avec une apparence de raison ; elle perd vite de sa valeur, si l’on veut bien réfléchir et remarquer que, dans une ville comme la nôtre, où pour les concours hospitaliers on trouve facilement, et chaque année, douze jurés tirés au sort, la Faculté, au moins pour la plupart de ses sections, pourra facilement constituer un jury de neuf ou sept membres, ce dernier chiffre nous paraissant largement suffisant pour assurer une juste appréciation des épreuves.

En choisissant, par exemple, ces sept membres de la façon suivante, quatre ou cinq dans la Faculté de Médecine, un agrégé, un ou deux membres des Sociétés savantes, ou des hôpitaux, il sera toujours facile de réunir un ensemble d’hommes dont la compétence sera non seulement garantie, mais au-dessus de toute suspicion. Avec cette composition mixte des jurys — et les choses ne se passent pas autrement dans les concours actuels à Paris — non seulement tomberont ces reproches de népotisme et de parti pris universitaire dont on parle quelquefois, mais il est plus que probable, il est même certain, que cette fusion d’éléments de juridiction, empruntés à des corps différents, apportera, dans les rapports de ces corps entre eux, non pas plus d’estime et de considération, ce qui est impossible, mais certainement plus de confiance réciproque et de sympathique intérêt.

L’objection qui a été faite, à propos des difficultés de recrutement des jurys, s’adressait surtout, nous le savons, au concours de l’agrégation des Sciences accessoires. Là encore il ne nous paraît pas impossible, en faisant appel aux Facultés des Sciences, à l’École vétérinaire, aux Sociétés savantes de trouver un jury compétent. On appelait bien à Paris des juges de province ; pourquoi donc ne pourrions-nous pas faire appel à des juges régionaux ? Saint-Étienne, Dijon, Besançon, Clermont, Grenoble sont là pour nous les fournir.

Pourquoi aussi, si la chose était nécessaire, ne demanderions-nous pas le concours des professeurs des autres Facultés ? Il est plus que probable, étant donné la durée relativement courte de nos concours, et le relief qui en résulterait, que bon nombre d’entre eux consentiraient à nous le donner. Ce serait une occasion pour nous de les voir de près, de les mieux connaître, et nous tâcherions de les bien recevoir.

Tout cela est important, très important sans doute, mais tout cela est à étudier, à régler dans les détails d’application, avec les professeurs intéressés, et dans des commissions spéciales. Si nous n’y insistons pas davantage, c’est afin de ne pas compromettre dans son ensemble le projet de décentralisation universitaire que nous vous proposons.

Ce projet, que nous avons si souvent caressé, qu’à tant de reprises différentes nous avons appuyé de nos vœux et de nos votes se présente aujourd’hui sous des auspices tout puissants, et dans des conditions exceptionnelles de réussite.

C’est M. le Directeur de l’Enseignement supérieur lui-même qui est venu à nous, et nous a dit : voulez-vous le concours à Lyon ? nous sommes disposés à vous le donner.

C’est M. le Ministre de l’instruction publique qui nous écrit : Donnez-moi vos idées personnelles sur une réforme complète des statuts de l’agrégation, nous pouvons les appliquer à Lyon, sans être obligés de les étendre aux autres Facultés.

L’instant, comme vous le voyez, est solennel ; c’est sinon l’indépendance absolue qu’on nous offre, la nomination des professeurs, appartenant toujours au Grand Maître de l’Université, mais c’est une indépendance relative, c’est la possibilité de développer l’esprit scientifique de notre jeune Université, de vivre de nos traditions, de notre passé, de notre présent, et surtout, nous pouvons l’assurer, de notre avenir. M. le Directeur de l’Enseignement supérieur. M. le Ministre ont eu confiance en nous, nous pouvons leur répondre, avec l’assurance que donne une juste et saine appréciation de notre force, avec une connaissance approfondie de nos ressources, qu’ils ont eu raison et que leur confiance est bien placée.

C’est par l’extension, et non par la concentration, que l’on voit se développer le véritable essor scientifique ; c’est par l’extension aussi que l’on peut assurer la mise en valeur de toutes les capacités intellectuelles. Vouloir centraliser à outrance les études, les concours, ce n’est point maintenir l’élévation intellectuelle générale, c’est plutôt l’abaisser.

Étouffer comme à plaisir les aspirations, les tendances, le génie spécial à chaque région, n’est-ce pas se priver volontairement de cette sève bienfaisante qui, à un moment donné, viendra peut être, dans des rameaux jeunes et vigoureux, rajeunir le vieux tronc universitaire ?

On parle beaucoup depuis quelque temps de l’affaiblissement de l’enseignement secondaire ; serait ce donc de l’imprévoyance de penser qu’un jour peut-être pareille critique pourra être formulée contre l’enseignement supérieur ?

Demander aujourd’hui à un esprit aussi libéral et aussi éclairé que celui de M. le Ministre de l’instruction publique, de vouloir bien utiliser dès à présent, pour le développement des Universités provinciales, toutes les intelligences, toutes les bonnes volontés, ne serait pas faire acte de prudence et de patriotisme éclairé. Qu’il consente donc à assurer à notre Université, à titre d’essai dans le grand mouvement intellectuel de notre pays, la part légitime à laquelle elle aspire, et, nous pouvons le dire en toute assurance, il aura fait acte de sage prévoyance, et aura bien mérité de la science.

Ajoutons enfin, à un point de vue plus personnel et surtout plus local, qu’en nous permettant d’apporter à notre ville, en échange des sacrifices qu’elle a consentis, et qu’elle s’est imposés pour le développement de l’enseignement supérieur, un certain renom scientifique, il aura droit à toute notre reconnaissance.

Tel est, Messieurs, dans ses grandes lignes, au point de vue des réformes à apporter dans les statuts de l’agrégation, le projet qui a été étudié par votre Commission. Si ce projet, au premier abord, paraît imposer aux futurs agrégés un surcroît de travail, n’oublions pas que cet effort prolongé a surtout pour but de parfaire une instruction technique dont notre Faculté, dans maintes circonstances, a pu constater l’insuffisance.

N’oublions pas non plus ce que cet appoint apportera un jour de facilités au futur professeur pour la préparation, aussi bien que pour l’autorité de son enseignement.

À elles seules-déjà, ces deux raisons, s’il le fallait, seraient une excuse au rétablissement du stage ; il en est d’autres qui donnent à ce rétablissement sa véritable raison d’être et en font ressortir les plus sérieux avantages.

N’est-ce donc rien pour l’agrégé qui, en général, entre jeune encore dans la vie universitaire, que de pouvoir disposer à son gré de ces deux ou trois années d’attente ; rester à Lyon, s’il lui plaît, attaché à certains services, aux maîtres qui les dirigent, voyager s’il le désire, voir ce qui se fait ailleurs, visiter soit en France, soit à l’étranger les autres Universités. y séjourner suivant ses aspirations ou ses besoins, et revenir ensuite avec un bagage scientifique dont il ne sera plus seul à profiter, et que, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, il sera sûr de pouvoir utiliser un jour, soit comme assistant, comme chargé de cours, professeur adjoint ou professeur titulaire ?

À cette certitude d’enseigner, il convient d’ajouter aussi comme compensation à la plus longue durée de l’effort, l’augmentation de la durée des fonctions que notre projet assure à l’agrégation, douze ans au lieu de neuf. Et enfin, comme dernier argument qui nous semble répondre à une des préoccupations de l’agrégation actuelle, n’est-il pas permis de penser qu’au point de vue de l’exportation, grâce au complément d’instruction professionnelle qu’il aura reçue, grâce aussi aux aptitudes professorales dont il aura pu donner la preuve, l’agrégé, loin de voir diminuer ses chances d’arriver un jour dans une autre Faculté, ne pourra que les voir grandir et s’affirmer davantage.

Enfin, Messieurs, et c’est là un point de vue qui n’est pas à dédaigner, n’oublions pas que, si Lyon est une ville laborieuse, elle est avant tout une ville pratique, fortement attachée à ses institutions, justement fière de tout ce qui se rattache à son activité scientifique aussi bien qu’industrielle, plutôt séparatiste et indépendante que centralisatrice, tout particulièrement généreuse quand elle a foi dans ses œuvres et dans les hommes qui les dirigent.

Si jusqu’à présent cette générosité ne s’est traduite vis-à-vis de nous, à part quelques nobles exceptions, que d’une façon malheureusement trop discrète, c’est qu’on ne nous connaît pas assez comme institution lyonnaise. Pour le plus grand nombre de nos concitoyens, nous ne sommes toujours qu’une institution de l’État sans caractère local, et l’on croit volontiers que seul l’État a le droit et le devoir d’assurer notre budget.

Actuellement encore pour bon nombre d’entre eux, nos lettres de naturalisation, comme Université provinciale, sont restées lettres mortes ou n’ont pas été comprises.

L’opinion publique n’est pas encore faite à cette idée qu’Université provinciale signifie pour nous, et doit signifier pour elle, Université lyonnaise, c’est-à-dire institution qui, en dehors des liens généraux qui la rattachent à la grande Université nationale, est et doit rester avant tout une institution locale étroitement liée au développement et à la prospérité de notre ville et apte comme telle à participer à sa fortune et à ses libéralités.

« Dans ce temps de concurrence acharnée entre les industries des diverses nations, disait dernièrement à la séance d’ouverture de l’Université de Lille, M. le Dr Roux, de l’Institut Pasteur, la victoire restera aux plus savants, et on a bien raison de dire que la puissance industrielle d’un pays dépend de son organisation scientifique. »

Industrie et science sont actuellement deux termes inséparables ; on ne le sait pas assez dans notre pays, et c’est pour cela que nous ne sommes pas assez connus, ou que nous ne le sommes qu’imparfaitement, par la plus grande partie de notre population.

C’est en multipliant les concours universitaires, c’est en demandant à nos candidats des connaissances plus complètes, des travaux plus originaux et de plus longue haleine ; c’est en perfectionnant l’instruction de notre personnel enseignant, en développant parmi nous et autour de nous la vie, l’activité scientifique sous toutes ses formes, que nous arriverons à affirmer l’existence de notre Université, à faire comprendre dans le milieu lyonnais ce qu’elle est, ce qu’elle doit être réellement et, à un point de vue plus local et plus pratique, à faire connaître les services qu’elle est appelée à rendre dans le développement et le progrès de notre grande cité industrielle.

Dans la mise en train de ce grand mouvement universitaire, que nous appelons de tous nos vœux, la Faculté de Médecine, par ses attaches plus profondes dans le pays, par ses rapports plus fréquents et plus faciles avec la population, nous paraît devoir jouer un rôle important.

En vous proposant, aujourd’hui, un projet de réforme de l’agrégation en harmonie avec ces idées, votre Commission a conscience de servir tout à la fois les intérêts de notre Université et, plus spécialement, ceux de la Faculté de Médecine. Elle vous demande donc de vous réunir à elle pour recommander ce projet à l’attention de M. le Ministre de l’Instruction publique et vous prie pour cela de vouloir bien, sans trop vous arrêter à des détails d’application qui feront l’objet d’une étude et d’une réglementation ultérieure, voter les deux points fondamentaux développés dans ce rapport :

1o Installation à Lyon des concours d’agrégation de notre Faculté de Médecine ;

2o Rétablissement du stage.

A. Bondet,
Professeur de clinique médicale.