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Les sports de la neige/24

La bibliothèque libre.
Traduction par René Auscher.
Hachette & Cie (p. 119-121).


HYGIÈNE ET ACCIDENTS


Celui qui avant de commencer à faire du ski consulte son médecin est pour le moins un hypocondriaque. Mais les personnes faibles ou maladives, ou celles qui désirent s’entrainer pour des courses doivent se faire examiner le cœur et les nerfs par un médecin pratiquant lui-même le sport du ski.

Il n’y a pas d’hygiène spéciale ; un peu d’empire sur soi-même et un solide bon sens sont les choses essentielles. À table, il ne faut pas céder aux exigences d’un trop bon appétit, car un « plenus venter » ne travaille pas volontiers et surtout ne trouve pas grand charme aux exercices du corps.

L’alcool et l’alimentation trop carnée ont une action identique. Les farineux, les fruits sucrés, les légumes et les graisses réparent bien plus rapidement les forces du corps, après un effort considérable, que la viande. Si l’on se sent épuisé, un verre d’eau fortement sucrée fait souvent merveille. En excursions, le chocolat, les oranges, les gâteaux légers sont ce qu’il y a de meilleur. S’il fait très froid, ne pas oublier le beurre. En effet, il y a des situations où on le mange à pleines mains pour se réchauffer rapidement.

Si on est forcé pendant une course, soit comme spectateur, soit comme participant, de rester longtemps inactif, exposé au froid, il est précieux de pouvoir, de temps en temps, déposer son sac et prendre dans une bouteille thermique une gorgée de cacao chaud. Avec ce réconfortant, on reste dispos et une douce chaleur se répand dans les membres.

Contre le refroidissement, de bons vêtements secs et le mouvement sont seuls à recommander. Quant au nez et aux joues, qu’on ne peut pas couvrir, il faut, par les grands froids, les enduire de vaseline et se rendre compte souvent par le toucher de leur sensibilité. Le manque de sensibilité est le premier symptôme qui avertit qu’un membre ou une partie du corps risque d’être gelé, et ce début augmente avec une rapidité extraordinaire : une ou deux minutes sont parfois suffisantes.

Un membre gelé au premier degré, c’est-à-dire blanc, exsangue et insensible, doit être massé avec de la neige jusqu’à ce que la circulation soit rétablie, ce qui normalement s’accompagne de douleurs. Il faut prendre bien garde de soigner par la chaleur, ce qui aurait de dangereuses conséquences. Le membre gelé au second degré se reconnaît à une couleur rouge bleu, au troisième à une couleur bleu noir et à une sensation de brûlure de la peau. Dans les deux derniers cas, le seul remède consiste à poser un pansement gras et à courir sans délai chercher le médecin. Il est bon d’éviter l’alcool qui prédispose à un tel accident. Les chaussures étroites sont aussi très nuisibles aux orteils. Une paire de gants et une paire de chaussettes, en réserve dans le sac, peuvent éviter bien des ennuis.

Par une très basse température le refroidissement n’est pas à craindre si l’on transpire, à condition de rester toujours en mouvement, mais aussitôt qu’on se repose ou qu’on rentre chez soi, il faut se protéger en mettant une veste de cuir, un jersey ou quelque chose d’analogue et, bien entendu, en changeant de linge. Certes, le sac de montagne s’alourdit par suite de la réserve de linge qu’il contient, mais la prudence nous conseille de ne pas négliger cette précaution.

Quant aux accidents, qui consistent généralement en foulures, entorses et fractures, on peut affirmer hardiment qu’ils sont causés plus souvent par la faute du skieur que par celle des skis. S’il tente un exercice au-dessus de ses forces, quoi d’étonnant qu’un accident en résulte ? Dans une telle éventualité il faut, avant tout, rester calme : il y a des choses pires que de se fouler un pied ou de se casser une jambe, et si on ne sait ce qu’il y a à faire, on appelle le plus vivement possible les secours compétents. Contre les douleurs, on peut, tout d’abord, faire des compresses de neige.

Si on est forcé de rester seul avec le blessé, le plus urgent est d’immobiliser le membre foulé ou brisé, car chaque mouvement augmente la souffrance. Pour atteindre ce but, on se servira de bâtons de skis, de branches d’arbres comme attelles, ou de ce qu’on trouvera sous la main, après avoir pour ainsi dire matelassé le membre avec des gants, du linge de réserve ou quelque chose d’analogue. Avec deux paires de skis, ou même avec une seule si c’est nécessaire, des courroies ou des choses analogues, on peut improviser un traîneau de circonstance[1].


UN TRAÎNEAU DE SKIS D’APRÈS PAULKE.

La valeur du ski comme remède contre la nervosité moderne ne tient pas seulement à ce que, grâce à un exercice dans un air pur et frais et à la lumière du soleil, les particules du sang qui fixent l’oxygène et qui vivifient les globules rouges augmentent considérablement, mais surtout et avant tout, à ce que la sensation de bonheur qu’éprouve celui qui pratique ce sport est causée par un mélange de distraction et d’effort physique. Le système nerveux se fortifie de la sorte, se reconstitue presque, et on goûte plus pleinement la joie de la vie.

Ajoutons encore que, si la soif de renommée et la poursuite des records amènent des ennuis, la faute n’en est pas aux skis mais aux skieurs.

  1. Un procédé très ingénieux a été imaginé par un médecin militaire, M. le Dr Morisson. Il fait reposer sur deux skis le brancard réglementaire par l’intermédiaire de quatre cubes de bois fixés à chaque extrémité des skis et portant des logements pour les pieds du brancard.