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Lettres à Sophie Volland/113

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Lettres à Sophie Volland
Lettres à Sophie Volland, Texte établi par J. Assézat et M. TourneuxGarnierXIX (p. 272-280).


CXII


Paris, le 10 septembre 1768.


Je ne fais rien, mais rien du tout, pas même ce Salon dont j’espère que ni Grimm ni moi ne verrons la fin. Ce n’est pas que le soir, quand je me couche, je n’aie la tête remplie des plus beaux projets pour le lendemain. Mais le matin, quand je me lève, c’est un dégoût, un engourdissement, une aversion pour l’encre, les plumes et les livres, qui marque ou bien de la paresse, ou bien de la caducité. J’aime mieux me tenir les jambes et les bras croisés dans l’appartement de madame et de mademoiselle, et perdre gaiement deux ou trois heures à les plaisanter sur tout ce qu’elles disent et qu’elles font. Quand je les ai bien impatientées, je trouve qu’il est tard pour se mettre à l’ouvrage ; je m’habille et je m’en vais. Où ? ma foi, je n’en sais rien : quelquefois chez Naigeon, ou chez Damilaville ; un autre jour chez Mlle Bayon, qui se met à son clavecin pour moi, et qui me joue tout ce que je veux. Le quai des bouquins est ma dernière ressource. Ce qui me fâche de ce temps-là, c’est ce que nous n’aurons ni raisin ni vin. Du reste, je le trouve très-bien employé. J’avais deux Anglais à promener ; ils s’en sont allés après avoir tout vu. Je trouve qu’ils me manquent beaucoup. Ceux-là n’étaient pas enthousiastes de leur pays, ils remarquaient que notre langue avait atteint le dernier point de perfection, tandis que la leur était restée presque barbare. « C’est, leur dis-je, que personne ne se mêle de la vôtre, et que nous avons quarante oies qui gardent le Capitole », comparaison qui leur parut d’autant plus juste, qu’ainsi que les oies romaines, les nôtres gardent le Capitole et ne le défendent pas.

Les quarante oies viennent de couronner une mauvaise pièce[1] ; pièce plus jeune encore que l’auteur ; pièce dont on fait honneur à Marmontel ; pièce que celui-ci a lue à l’assemblée publique, sans que sa déclamation séduisante en ait pu dérober la pauvreté ; pièce qui a ôté le prix à un certain M. de Rulhières, qui avait envoyé au concours une satire excellente sur l’inutilité des disputes, excellente pour le ton et pour les choses, et qu’on a cru devoir exclure sous prétexte de personnalités. Ce jugement des oies a donné lieu à une scène assez vive entre Marmontel et un jeune poëte appelé Chamfort, d’une figure très-aimable, avec assez de talent, les plus belles apparences de la modestie, et la suffisance la mieux conditionnée. C’est un petit ballon dont une piqûre d’épingle fait sortir un vent violent. Voici le début du petit ballon. « Il faut, messieurs, que la pièce que vous avez préférée soit excellente. — Et pourquoi cela ? — C’est qu’elle vaut mieux que celle de La Harpe. — Elle pourrait valoir mieux que celle de La Harpe et n’être pas excellente. — Mais j’ai vu celle-ci. — Et vous l’avez trouvée bonne ? — Très-bonne. — Cela prouve que vous ne vous y connaissez pas. — Si celle de La Harpe est mauvaise, et si pourtant elle est meilleure que celle de M. de Langeac, celle-ci est donc détestable ? — Cela se peut. — Et pourquoi récompenser une pièce détestable ? — Et pourquoi n’avoir pas fait cette question-là quand elle a couronné la vôtre ?… » etc., etc. Quoi qu’il en soit, tandis que Marmontel donnait les étrivières à Chamfort, le public, de son côté, n’épargnait pas l’Académie.

L’homme de Genève continue de persécuter le pauvre La Bletterie. Voici un nouveau trait qu’il vient de lui décocher :


Un mendiant poussait des cris perçants ;
Choiseul le plaint, et quelque argent lui donne.
Le drôle alors insulte les passants,
Choiseul est juste : aux coups il l’abandonne.
Cher La Bletterie, apaise ton courroux ;
Reçois l’aumône et souffre en paix les coups.


Le cher La Bletterie a sollicité une délibération de l’Académie, par laquelle tout encyclopédiste et tout adhérent à l’Encyclopédie fût exclu à perpétuité de ce corps.

Voilà l’histoire du déshonneur de l’Académie française ; et voici l’histoire du déshonneur de l’Académie de peinture, que je vous avais promise. Vous savez que nous avons ici une école de peinture, de sculpture et d’architecture, dont les places sont au concours. On demeure trois ans dans cette école ; on y est nourri, chauffé, éclairé, instruit, et gratifié de trois cents livres tous les ans. Quand on a fait son triennat, on est envoyé à Rome, où nous avons une autre école. Les élèves y jouissent des mêmes avantages qu’à Paris, et ils y ont cent francs de plus par an. Il sort de l’école de Paris, tous les ans, trois élèves qui vont à l’école de Rome, et qui font place ici à trois nouveaux entrants. Songez de quelle importance sont ces places pour des enfants dont communément les parents sont pauvres ; qui ont coûté beaucoup d’argent à ces pauvres parents ; qui ont travaillé pendant de longues années, et à qui on fait une injustice très-criminelle lorsque c’est la partialité des juges et non le mérite des concurrents qui dispose de ces places.

Tout élève, fort ou faible, peut mettre au prix. L’Académie donne un sujet. Cette année, c’était le triomphe de David, après la défaite du Philistin Goliath. Chaque élève fait son esquisse au bas de laquelle il écrit son nom. Le premier jugement de l’Académie consiste à choisir entre ces esquisses celles qui sont dignes de concourir ; elles se réduisent ordinairement à sept ou huit. Les jeunes auteurs de ces esquisses, peintres ou sculpteurs, sont obligés de conformer leurs tableaux ou bas-reliefs aux esquisses sur lesquelles ils ont été admis. Alors on les enferme chacun séparément, et ils travaillent à leurs morceaux. Ces morceaux faits, sont exposés au public pendant plusieurs jours ; et l’Académie adjuge le prix ou l’entrée à la pension le samedi qui suit le jour de la Saint-Louis.

Ce jour, la place du Louvre est couverte d’artistes, d’élèves et de citoyens de tous les ordres. On y attend en silence la nomination de l’Académie.

Le prix de peinture fut accordé à un jeune homme appelé Vincent. Aussitôt il se fit un bruit d’acclamations et d’applaudissements. Le mérite, en effet, avait été récompensé. Le vainqueur, élevé sur les épaules de ses camarades, fut promené tout autour de la place ; et après avoir joui des honneurs de cette espèce d’ovation, il fut déposé à la pension. C’est une cérémonie d’usage qui me plaît et qui vous fera plaisir.

Cela fait, on attendit en silence la nomination du prix de sculpture. Il y avait trois bas-reliefs de la première force. Les jeunes élèves qui les avaient faits, et qui espéraient que le prix appartiendrait à l’un d’eux, se disaient amicalement : « J’ai fait une assez bonne chose, mais tu en as fait une belle ; et si tu as le prix, je m’en consolerai. » Eh bien, mesdames, ils en ont été frustrés tous les trois. La cabale l’a adjugé à un nommé Moitte, élève de Pigalle… Revenons à nos assistants sur la place du Louvre.

C’était une consternation muette. L’élève appelé Millot, à qui le public, la partie saine de l’Académie, et ses camarades, avaient adjugé le prix, se trouva mal. Alors il s’éleva un murmure, puis des cris, des injures, des huées, de la fureur. Ce fut un tumulte effroyable. Le premier qui se présenta pour sortir fut l’abbé Pommyer, membre honoraire. La porte était obsédée ; il demanda qu’on lui fît passage. La foule s’ouvrit, et tandis qu’il traversait, on lui criait : Passe… L’élève injustement couronné parut ensuite ; les plus jeunes de ses camarades s’attachèrent à ses vêtements et lui crièrent : Croûte, croûte abominable, tu n’entreras pas ; nous t’assommerons plutôt. Et puis, c’était un redoublement de cris, de huées à ne pas s’entendre. Ce Moitte, tout tremblant, tout déconcerté, leur disait : « Messieurs ! ce n’est pas moi, c’est l’Académie » ; et on lui répondait : « Si tu n’es pas un infâme, remonte et va leur dire que tu ne veux pas entrer. » Il s’éleva, dans ces entrefaites, une voix qui disait : Mettons-le à quatre pattes, et promenons-le autour de la place, avec Millet sur son dos. Peu s’en fallut que cela ne s’exécutât. Cependant les académiciens, qui s’attendaient à être sifflés, honnis, bafoués, n’osaient se montrer. Ils ne se trompaient pas : ils le furent avec le plus grand éclat possible. Cochin avait beau leur crier : Que les mécontents viennent s’inscrire chez moi, on ne l’écoutait pas ; on bafouait, on sifflait, on honnissait. Pigalle, le chapeau sur la tête, et du ton que vous lui connaissez, s’adressa à un particulier qu’il prit pour un artiste et qui ne l’était pas ; il lui demanda s’il était en état de juger mieux que lui. Ce particulier, enfonçant son chapeau sur sa tête, lui répondit qu’il ne s’entendait pas en bas-reliefs, mais qu’il se connaissait en insolents. Vous croyez peut-être que la nuit survint, et que tout s’apaisa. Pas tout à fait : les élèves indignés s’ameutèrent, et concertèrent pour la première assemblée de l’Académie une nouvelle avanie. Ils s’informèrent exactement qui est-ce qui avait été pour Millot, et qui est-ce qui avait été pour Moitte. Ils s’assemblèrent tous le samedi suivant sur la place du Louvre, avec tous les instruments d’un charivari, et bonne résolution de les employer ; mais cette résolution ne tint pas contre la crainte de la garde et de la prison. Ils se contentèrent de former une haie au milieu de laquelle tous leurs maîtres seraient forcés de passer. Boucher, Dumont, Van Loo et quelques autres défenseurs du mérite, se présentèrent les premiers, et les voilà entourés, accueillis, embrassés et applaudis. Arrive Pigalle. À peine est-il engagé dans la file qu’on s’écrie : du dos ! qu’il se fait un demi-tour, et qu’on le salue du derrière. Mêmes honneurs à Cochin, mêmes honneurs à M. et à Mme Vien, mêmes honneurs aux autres.

Les académiciens ont fait casser tous les bas-reliefs, afin qu’il ne restât aucune trace de leur injustice. Vous ne serez peut-être pas fâchée de connaître celui de Millot ; je l’ai vu et je vais vous le décrire.

À droite, trois grands Philistins, bien contrits, bien humiliés ; l’un les bras liés sur le dos ; un Israélite, occupé à lier les bras des deux autres. Ensuite, le jeune David, porté sur son char par des femmes dont une, prosternée, embrasse ses jambes ; d’autres l’élèvent ; une dernière le couronne. Puis son char attelé de deux chevaux fougueux ; à la tête de ces chevaux, un écuyer qui les tient par la bride, et se dispose à remettre les rênes au triomphateur. Sur le devant, un vigoureux Israélite qui enfonce une pique dans la tête de Goliath, qu’on voit énorme, renversé, effroyable, les cheveux épars sur la terre. Plus loin, à gauche, des femmes qui dansent, qui chantent, qui accordent leurs instruments. Parmi celles qui dansent, une espèce de bacchante, frappant du tambour, déploie, avec une grâce infinie, jambes et bras en l’air. Sur le devant, une autre danseuse qui tient son enfant par la main ; l’enfant danse aussi ; mais il a le regard attaché sur l’horrible tête, et son expression est mêlée de terreur et de joie. Sur le fond, des hommes, des femmes, la bouche ouverte, les bras élevés, en acclamation.

Ils ont dit que ce n’était pas là le sujet, et on leur a répondu qu’ils reprochaient à l’élève d’avoir du génie. Ils ont repris le char, qui n’est pas même une licence. Cochin, plus adroit, m’a écrit que chacun jugeait par ses yeux, et que celui qu’il avait couronné lui avait montré plus de talent ; discours d’un homme sans goût et sans bonne foi. D’autres ont avoué que le bas-relief de Millot était excellent, à la vérité ; mais que Moitte était plus habile, et on leur a demandé à quoi bon les prix si l’on jugeait la personne et non pas l’ouvrage ?

Mais écoutez une singulière rencontre de circonstances. C’est qu’au moment où Millot était dépouillé par l’Académie, mais au même moment, je lisais une lettre de Falconet où il me disait : « J’ai vu chez Le Moyne un élève appelé Millot, qui m’a paru avoir du talent et de l’honnêteté ; tâchez de me l’envoyer ; je vous laisse le maître des conditions. » Je cours chez Le Moyne ; je lui fais part de ma commission. Le Moyne lève les mains au ciel, et s’écrie : « La Providence ! la Providence ! » Et moi, d’un ton bourru, je réponds : « La Providence ! la Providence ! Est-ce que tu crois que la Providence a été faite pour réparer vos sottises ! » Millot survient ; je l’invite à me venir voir. Le lendemain, il est chez moi. Ce jeune homme était défait comme après une longue maladie ; il avait les yeux gonflés et rouges ; il me disait d’un ton à me déchirer : « Après avoir été à charge à mes pauvres parents pendant dix-sept ans, au moment où j’espérais ! Après avoir travaillé dix-sept ans, depuis la pointe du jour jusqu’à la nuit ! Ah ! monsieur ! je suis perdu. Encore, si j’avais l’espérance de gagner le prix l’an qui vient ; mais rien n’est plus incertain ; il y a là un Stouf, un Foucou ! » Ce sont les noms de ses deux concurrents de cette année. Je lui proposai le voyage de Russie ; il me demanda le reste de la journée pour en délibérer avec lui-même et ses amis. Il revint, il y a quelques jours, et voici sa réponse : « Monsieur, je suis on ne saurait plus sensible à vos offres ; j’en sens tout l’avantage ; mais on ne suit pas notre talent par intérêt. Il faut présenter aux académiciens une occasion de réparer leur injustice ; il faut aller à Rome ou mourir ! » Et voilà, bonnes amies, comme on décourage, on désole le mérite ; comme on se déshonore soi-même et son corps ; comme on fait le malheur d’un élève et le malheur d’un autre, à qui ses camarades jetteront au nez, sept ans de suite, la honte de sa réception, et comme il y a quelquefois du sang répandu.

L’Académie inclinait à décimer les élèves. Boucher, doyen de l’Académie, refusa d’assister à cette délibération. Van Loo représenta qu’ils étaient tous également innocents ou coupables ; que leur code n’était pas militaire ; et qu’il ne répondait pas des suites. En effet, si ce projet avait passé, les décimés étaient bien résolus à cribler Cochin de coups d’épée. Cochin, plus en faveur et plus envié, a supporté la plus forte partie de la haine des élèves et du blâme public.

Je lui écrivais, il y a quelques jours : « Eh bien ! vous avez donc été hués, honnis, bafoués par vos élèves. Ils pourraient bien avoir tort ; mais il y a cent à parier contre un qu’ils ont raison. Ces enfants-là ont des yeux, et ce serait pour la première fois qu’ils se seraient trompés. »

En effet, à peine les prix sont-ils exposés qu’ils sont jugés par les élèves, et qu’ils ont dit : Voilà le meilleur. J’ai appris, à cette occasion, un trait singulier de Falconet. Son fils avait concouru. Les prix étaient exposés, et celui du jeune Falconet n’était pas bon. Son père le prit par la main, et, le conduisant dans le salon, il lui dit : « Tiens, juge toi-même. » L’enfant avait la tête baissée, et ne répondait rien. Alors le père, se tournant vers les académiciens, ses confrères, leur dit : « Il a fait un sot prix, et il n’a pas le courage de le retirer. Ce n’est pas lui, messieurs, qui l’emporte, c’est moi. » Puis il mit le tableau de son fils sous son bras, et s’en alla. Ah ! si ce bourru-là, qui est juste et qui déteste Pigalle, avait été à Paris, et à la séance de l’Académie !…

Depuis que les pièces de poésie qui ont concouru ont été imprimées, on a fait ces deux vers à propos de celle de M. de Langeac :


Ordre à nos grands esprits de trouver ces vers beaux.
Signé Louis, et plus bas Phelippeaux.


Eh bien ! mademoiselle, voilà ma question ; et, si une de mes lignes vaut une page des vôtres, où en êtes-vous ? Quand serez-vous quitte ? Mais dormez sur cette dette ; j’ai de la conscience, et je sais qu’un grain d’or vaut une masse de billon.

Il y a quatre jours que Damilaville demeure rue Saint-Honoré ; il y en a trois que Mme Duclos est partie. Elle n’espère plus revoir son ami, et elle s’en est séparée désolée. C’est une belle et bonne âme. Elle a bien souffert. Mme de Meaux y était-elle, son malade la traitait précisément comme une garde. N’y était-elle pas, le ton honnête reprenait. J’allai le voir avant-hier. Il y avait la dame en question, sa fille, le joli doyen, Grimm, d’Alembert, Mme d’Épinay, je ne sais qui encore, et moi.

Chacun de ces oiseaux avait son ramage, et je vous jure que le voisinage de cette volière ne vous aurait pas déplu. On remarqua que la galanterie était en nature ; que les animaux étaient galants ; que l’homme devait avoir sa manière propre de l’être : et puis voilà les mœurs des différents peuples en jeu. Le sauvage, qui se grille avec des allumettes ; le Musulman, qui se taillade avec son couteau ; l’Espagnol, qui se transit sous une gouttière, la guitare à la main ; le Français, qui pirouette, siffle, persifle, montre sa jambe et ses dents. M. le doyen en est pour le physique bien pur, bien dégagé de toute la mauvaise morale de cette passion. C’est une affaire de la part des femmes : témoin ces rustres à larges épaules qui les traitent mal, et dont elles raffolent. Je croyais, moi, que les femmes ne leur restaient que parce qu’elles n’étaient jamais sûres d’en être aimées ; affaire de vanité. Ce texte mène loin, je les y laissai.

Je m’en revenais ; ce vent, à écorner les chèvres, ne soufflait plus ; il faisait doux, le ciel était étoilé, et je m’en réjouissais pour les promenades douces qu’il promettait à mes amies.

Je ne vous ai pas dit un mot de la santé du malade. Il est plus faible et plus maigre que jamais ; la fièvre est continue, les douleurs sans rémission, les glandes plus enflées ; il y en a même sous le menton de nouvelles ; les maxillaires si grosses qu’il ne peut baisser le bras. Bordeu dit tant pis ; Tronchin dit tant mieux. J’ai bien peur que Bordeu ne soit un grand médecin. Mme Duclos m’a dit que les symptômes et les souffrances étaient précisément comme il les avait prédites. Au reste, il a le plus gai des appartements : les bocages du président Hénault et d’autres sont sous fenêtres ; le massif des arbres des Tuileries au delà.

Eh bien ! la lettre sublime à M. de Saint-Florentin n’a pas été inutile. Il a envoyé, par une croix, quelques louis qu’on a laissés honnêtement sur la cheminée, et promis des secours et une visite en personne. Il n’est donc pas tout à fait inutile de savoir écrire ; et l’éloquence peut briser les pierres.

Je bois du lait le matin, de la limonade le soir ; je me porte bien ; j’en suis surpris ; et le Baron me prouve, par Stahl et Beccher, que j’ai tort d’être surpris.

J’aurais bien encore une autre belle lettre à vous faire voir, un placet de Poinsinet à vous envoyer, votre dernière à répondre ; mais la marge me manque. Rappelez-moi tout cela, avec une fable et un ou même deux contes de ma façon.

Continuez toutes trois de vous bien porter : c’est une des conditions de notre traité. Je reçois une carte dans ce moment ; c’est d’une des demoiselles Artault, qui me charge de vous apprendre la mort de M. Dupérier, arrivée la veille de la fête de la Vierge. Il était mort à deux heures après midi ; à trois, le scellé était apposé.

Mes respects à toutes. Il n’y a pas de place pour davantage.



  1. Tout ce paragraphe se retrouve presque textuellement t. XI, p. 374. L’épisode du prix de sculpture y figure aussi ; on peut le lire en outre, avec quelques variantes, t. XVIII, p. 297.